Saint Waast

Fête le 6 avril

Evêque d’Arras


Légende de la gravure

Saint Waast, catéchiste de Clovis, tient la couronne pendant le baptême.


Noms de saint Waast

Le nom de saint Waast a subi, dans la suite des temps, quelques transformations qu’il convient d’indiquer au début de ce récit. Le nom primitif de Védastus ou Védaste fut d’abord abrégé et devint Véast, puis Waast. Plus tard on en fit aussi Gaston, nom encore usité de nos jours.

Dans le cours de cette vie nous l’appellerons Waast, car c’est plutôt sous ce nom qu’on l’honore dans le diocèse d’Arras.

Le catéchiste de Clovis

La famille et la patrie de saint Waast nous sont inconnues. Le catéchiste de Clovis, célèbre pour avoir béni le premier de nos rois chrétiens, ressemble en cela au prêtre Melchisédech, dont l’Ecriture ne nous dit rien, sinon qu’il bénit le Père des croyants.

Voici comment Dieu le tira de l’obscurité de ses premières années. Clovis revenait des champs de Tolbiac où, reconnaissant le pouvoir suprême de Notre-Seigneur, il avait imploré son secours et promis de se faire baptiser s’il remportait la victoire. Le Christ qui aimait déjà les Francs avait écouté sa prière et lui avait accordé un triomphe éclatant. En traversant la cité de Toul, Clovis entendit célébrer à l’envi par tous les habitants les vertus angéliques d’un prêtre qui s’était consacré à la vie contemplative et vivait dans un ermitage sur les bords de la Meuse : c’était saint Waast. Il le manda aussitôt, le pria de venir jusqu’à Reims avec lui pour l’instruire et le préparer en chemin à l’acte religieux qu’il méditait.

Waast se rendit aux désirs du roi et lui enseigna principalement la doctrine de l’Eglise catholique sur le mystère de l’adorable Trinité, car à cette époque les Ariens qui professaient des erreurs monstrueuses touchant la génération divine du Verbe, étaient nombreux dans les Gaules, et la sœur même de Clovis, la princesse Landilde, était infectée du poison de l’hérésie.

Miracle de saint Waast – Baptême de Clovis

Une foule immense se pressait partout sur le chemin du roi. Au passage d’un pont sur la rivière de l’Aisne, au bourg de Rilly, un aveugle apprenant que Waast se trouvait dans le cortège, s’écria : « Elu de Dieu, bienheureux Waast, ayez pitié de moi. Ce n’est pas de l’or ni de l’argent que je vous demande, mais suppliez le Seigneur de me rendre l’usage de mes yeux. » Le solitaire sent en lui une force toute surnaturelle : il comprend que Dieu lui donnera cette grâce, non seulement pour récompenser la foi de l’aveugle, mais aussi pour ouvrir les yeux de la multitude qui l’entoure aux clartés de la foi. Il se met en prières, puis, traçant le signe de la Croix sur les yeux de l’infirme, il dit : « Seigneur Jésus, Lumière véritable, qui avez guéri l’aveugle-né, rendez la vue à ce malheureux, et que tout le peuple présent reconnaisse que vous êtes le seul Dieu, que seul vous pouvez accomplir des merveilles dans le ciel et sur la terre. » A cet instant, l’aveugle recouvra la vue : Clovis affermi dans sa foi nouvelle et la foule ébranlée par ce miracle unirent leurs voix à la sienne pour bénir le Seigneur et remercier saint Waast.

Waast accompagna Clovis jusqu’à Reims, et saint Remy, évêque de cette ville, reconnaissant son mérite, l’attacha à son Eglise. Le vénérable évêque acheva l’œuvre commencée par saint Waast. Toutefois celui-ci ne resta pas inactif : il consacra son temps et ses soins à l’évangélisation des Francs.

Enfin le jour du baptême arriva. Clovis et trois mille de ses guerriers sont réunis dans l’église Sainte-Marie de Reims. Remy verse d’abord l’eau salutaire de la régénération sur le front du monarque, en lui disant : « Courbe la tête, fier Sicambre, adore ce que tu as brûlé et brûle ce que tu as adoré. » Et Clovis selon les instructions de saint Waast, son catéchiste, répond d’une voix distincte : « J’adore le vrai Dieu qui est le Père, le Fils et le Saint-Esprit. – Oui ! s’écrient les trois mille guerriers qui doivent être baptisés après leur chef., nous détestons les dieux mortels et nous sommes prêts à servir le Dieu immortel de Remy. » Ainsi la France naissante en la personne de son roi et de l’élite de ses enfants, était conduite au baptistère par la main de Waast.

Charité de saint Waast

De tous côtés on venait trouver notre Saint pour lui demander conseil et chercher des consolations : « La grâce divine qui abondait en son cœur, dit Alcuin, son historien, découlait à flots par sa bouche sur tous ses pieux visiteurs. Il ne rebutait personne, tout le monde était sûr de trouver en lui un père affable et compatissant.

Un jour le Saint s’entretenait avec un homme du voisinage sur les choses de la piété et de la religion. Ils parlaient depuis longtemps, les heures s’écoulaient à leur insu, et le soleil qui était au milieu de sa course au commencement de leur entretien, allait disparaître à l’horizon. Waast, ne voulant point quitter son hôte sans lui offrir un viatique pour le chemin, donne l’ordre à son serviteur d’aller chercher du vin. Mais il oublie qu’il a épuisé toute la provision en la distribuant aux autres visiteurs. En effet, le serviteur trouve le vase complètement vide : il revient aussitôt le dire à Waast. Le Saint rougit, mais se rappelant que Moïse a fait jaillir par un coup de sa baguette l’eau du rocher, il se met en prière et dit au serviteur : « Confiance en la bonté divine ! Va et rapporte-nous au plutôt ce que tu trouveras dans le vase. » Le serviteur obéit et au bout de quelques instants, revient avec un vin délicieux. Waast qui avait mis toutes ses vertus sous la garde de l’humilité lui défendit de parler de ce miracle, tant qu’il vivrait.

Guérisons des corps et des âmes

Saint Remy qui avait d’abord attaché Waast à son Eglise, le sacra dans la suite évêque d’Arras. Cette ville avait été évangélisée du temps de la domination romaine, mais depuis elle était retombée dans les ténèbres de l’idolâtrie.

Quand notre Saint se présenta aux portes de la cité dont il allait devenir le pasteur, il y trouva un aveugle et un boiteux qui lui demandèrent l’aumône. Il était embarrassé pour savoir ce qu’il leur donnerait, car il n’avait rien dans sa bourse. Après avoir réfléchi quelques instants : « Je ne porte sur moi, leur dit-il, ni or ni argent, mais tout ce que j’ai en mon pouvoir, c’est-à-dire les services de la charité et la ferveur de la prière, je vous le donne de grand cœur. » Puis, implorant la puissance divine, il la supplia avec larmes de se manifester au milieu de ce peuple idolâtre. En ce moment l’aveugle recouvra la vue et le boiteux l’usage de ses jambes. Alors la foule des Atrébates, témoins de ce miracle, firent un accueil triomphal à l’homme de Dieu.

Un ours obéissant

Avant de prendre quelque repos, saint Waast parcourut la cité, cherchant parmi les ruines des vieux édifices celles de l’ancienne église, car Arras avait jadis été une chrétienté florissante. Mais les iniquités de cette ville avaient excité la colère de Dieu qui l’avait livrée aux dévastations du farouche Attila : « Son état, dit Alcuin, ressemblait à celui de Jérusalem abandonnée pour ses crimes à la fureur du roi de Babylone. »

Ce douloureux spectacle toucha vivement le cœur de Waast qui ne put retenir ses larmes. « Les Gentils, dit-il avec le Prophète, sont entrés dans l’héritage du Seigneur, leurs mains impures ont profané ses divins sanctuaires et versé le sang des serviteurs du Christ autour des autels du Roi des rois. » Or il découvrit sous les ronces et les épines les fondements de l’église primitive. » L’endroit où les ministres sacrés avaient chanté les louanges de Dieu était devenu le repaire des bêtes sauvages, il restait à peine quelques vestiges des anciens murs.

A cette vue, Waast tombe à genoux : « Seigneur, s’écrie-t-il en poussant de profonds soupirs, tant de calamités sont venues fondre sur nous, parce que nous avons péché avec nos pères, commis l’injustice et fait l’iniquité. Mais, Dieu bon, souvenez-vous de votre miséricorde, accordez-nous le pardon de nos crimes, n’oubliez pas sans rémission vos pauvres enfants. »

Tout à coup de l’enceinte dévastée, s’élance un ours à l’aspect féroce. La foule est saisie de crainte, mais Waast n’est pas troublé. D’une voix calme et forte il commande à l’animal de se retirer dans les bois sans faire aucun mal et de ne plus repasser la Scarpe dorénavant. L’ours obéit docilement et ne reparut jamais dans la ville. « O puissance admirable des saints, qui subjugue les bêtes les plus féroces ! s’écrie Alcuin. O déplorable audace des hommes qui méprise la parole salutaire des prédicateurs, tandis que les animaux sans raisons sont dociles à leurs ordres ! » Le fait miraculeux que nous venons de raconter a donné naissance à ce proverbe « saint Waast et son ours » pour désigner l’obéissance servile d’une personne aux volontés d’une autre.

Le diable dans une coupe de bière

Waast se mit sans retard à l’œuvre d’évangélisation que saint Remy lui avait confiée. L’église fut relevée de ses ruines et reprit son antique splendeur, les erreurs de l’idolâtrie disparurent du cœur des Atrébates comme les ronces de leur cité dévastée.

Un jour, un noble franc, nommé Hozin, invita le vénérable Waast à un banquet magnifique où était convié le roi Clotaire, qui régnait à Soissons depuis la mort de Clovis. Le saint évêque accepta l’invitation dans le seul but d’annoncer plus facilement, au milieu d’une causerie familière, la parole divine. Etant donc entré dans la maison d’Hozin, il se mit à bénir, selon son habitude, tout ce qu’il y trouva en faisant des signes de croix. Or, il y avait quelques vases remplis de bière qui avaient été consacrés, suivant les rites des gentils, à l’usage des invités qui professaient le culte des idoles. Dès que Waast eut tracé sur ces coupes le signe de la croix, elles se brisèrent d’elles-mêmes, et le liquide inonda le sol.

Le roi et les grands étonnés demandèrent au saint Evêque quelle était la cause de ce prodige : « A la suite de maléfices et d’enchantements, répondit-il, la puissance du diable s’était cachée dans ces vases pour induire en erreur les âmes des convives. Mais le signe de la croix a épouvanté le démon et l’a mis en fuite de la même manière que ce liquide s’est répandu sur la terre. » Cet événement fut très utile au salut de ceux qui étaient présents. Ainsi les machinations que Satan ourdissait contre les âmes tournaient à leur bien et à leur conversion.

Mort et funérailles de saint Waast

Pour donner plus d’étendue aux travaux apostoliques de Waast, saint Remy le chargea en 510 du soin de gouverner le diocèse de Cambray qui était alors très étendu. Cette union des sièges d’Arras et de Cambray dura jusqu’à la fin du XIe siècle.

Enfin, après quarante années d’un épiscopat laborieux et fécond, Waast fut saisi d’une fièvre violente. On vit alors dans l’obscurité de la nuit une colombe de feu sur le faîte de la maison qui l’abritait. A ce signe Waast comprit que sa fin était prochaine. Il fit ses dernières recommandations à ses clercs qui entouraient son lit, reçut le viatique du corps et du sang de Notre-Seigneur, et, au milieu des sanglots de tous les assistants, rendit son âme à Dieu. C’était le 6 février de l’an 540. A son arrivée dans la ville d’Arras il n’avait pas trouvé un seul chrétien, il n’y laissa pas un seul païen lors de sa bienheureuse mort.

Une foule nombreuse vint des alentours assister à ses funérailles, les prêtres et les diacres des églises voisines voulurent honorer par un dernier hommage sa dépouille mortelle. On résolut d’abord de la porter dans la vaste église qu’il avait élevée en l’honneur de Notre-Dame, mais le corps était devenu si pesant qu’on ne pût malgré les plus grands efforts le soulever de terre.

Que faire alors ? Dans cette perplexité on demanda à l’archiprêtre Scopilion, qui avait été son secrétaire, si dans son testament il n’avait rien dit au sujet de sa sépulture : « Non, répondit celui-ci, mais je me souviens qu’il répétait fréquemment qu’on ne devait enterrer personne dans les villes, parce qu’elles sont le séjour des vivants et non celui des morts. »

Il était aussi notoire que le saint Evêque avait de son vivant préparé le lieu de sa sépulture dans un pauvre oratoire qu’il avait fait bâtir sur les bords du Crinchon. Mais le peuple enthousiaste ne pouvait se résoudre à ensevelir un homme d’un tel mérite, un saint si éminent, dans un lieu aussi humble, dont l’accès était d’ailleurs rendu très difficile par un marais.

La foule se mit en prière. « O bienheureux Père, s’écria le vénérable Scopilion, que voulez-vous que je fasse. Voici la nuit qui vient, tous ceux qui ont accouru à vos funérailles voudraient retourner dans leurs demeures. Permettez, je vous en prie, que nous portions votre corps à l’endroit que notre amour filial lui destine. »

A peine a-t-il achevé ces mots que les porteurs, animés d’une foi ardente, soulèvent le cercueil, le placent sur leurs épaules et vont sans aucune peine le déposer dans le lieu préparé, c’est-à-dire dans l’église de la sainte Vierge, à droite de l’autel où se trouvait son siège pontifical pendant les cérémonies.

Deux faits miraculeux

Quelques temps après sa mort, le feu prit à la maison où le bienheureux Waast avait rendu le dernier soupir. On vit alors le saint Evêque sortir de son tombeau, venir écarter les flammes et préserver ainsi le lit sur lequel il avait expiré. Devant ce prodige le peuple comprit combien était grande dans le ciel la béatitude de celui dont le feu respectait la couche et la demeure sur la terre.

Plus tard, le septième successeur de saint Waast, le bienheureux Aubert, regardant un jour vers l’Orient, aperçut un homme tout éblouissant de lumière, au delà du Crinchon : il tenait une verge à la main et mesurait le terrain comme un architecte qui se prépare à élever un nouvel édifice.

Dieu révéla à saint Aubert le sens de cette vision et lui fit connaître qu’il devait transférer dans le sanctuaire bâti en cet endroit les restes du bienheureux Waast. Il obéit aussitôt à l’indication céleste, à la grande joie du peuple. Dans cette cérémonie saint Omer recouvra la vue par l’attouchement des reliques du saint évêque d’Arras ; mais préférant ne plus voir les choses de la terre, il le supplia de le rendre aveugle de nouveau et fut exaucé dans son héroïque prière.


Légende de la gravure de la dernière page

Saint Waast ordonne à un ours de se retirer sans faire de mal aux hommes.