Saint Sylvestre

Fête le 31 décembre


Légende de la gravure

Le baptême de Constantin par saint Sylvestre. (D’après le tableau de Raphaël, gravé par Grenier)


Un martyr et un pape

Saint Sylvestre, le grand pape qui devait baptiser le premier empereur chrétien, et planter la croix au Capitole, naquit à Rome vers l’an 280 de notre salut.

Il eut pour maître un saint prêtre qui forma son âme à la vertu, en même temps qu’il initiait son esprit à la science. Le jeune enfant apprit à cette école, avec l’amour de Dieu, une ardente charité pour le prochain que nous verrons éclater dans toute sa vie.

Quand il fut en âge de disposer de ses biens, il se plaisait à donner l’hospitalité aux chrétiens étrangers qui passaient à Rome. Il allait les chercher aux portes de la ville, il les amenait dans sa demeure, il leur lavait les pieds et leur servait à manger, enfin, il leur donnait, au nom de Jésus-Christ, tous les soins de la plus sincère charité.

Or un jour il vint à Rome, un illustre confesseur de la foi : Timothée d’Antioche.

Malgré leur amour pour lui, les fidèles de la ville n’osèrent le recevoir chez eux, craignant de s’exposer au martyre et d’être compromis par le zèle de l’intrépide apôtre. Loin d’effrayer Sylvestre, ce glorieux péril ne fit qu’exciter son envie, il offrit sa demeure au serviteur de Dieu, et dès lors il participa à ses mérites, car il est écrit : Celui qui reçoit un prophète, parce qu’il est prophète, a droit à la même récompense que lui.

Pendant un an Timothée parcourut librement Rome, arrachant les païens à l’erreur et confirmant les chrétiens dans la voie du salut. Le soir après ces longues journées d’apostolat, il payait son hôte en lui expliquant les mystères de la foi, et en le guidant dans la perfection ; mais un jour il fut pris et conduit aux bourreaux. Sa foi ne put être vaincue, mais son corps succomba, et il conquit la palme du martyre au milieu des plus cruels tourments.

Non contents d’avoir arraché la vie à leur victime, les persécuteurs voulaient encore priver ses restes de la sépulture ; mais il comptait sans l’hôte généreux de Timothée ; à la faveur de la nuit, Sylvestre trompa les gardes qui veillaient près du corps du martyr, et il déroba ses précieuses reliques pour les déposer dans un riche monument que les aumônes d’une sainte femme lui avaient permis d’élever.

Dès lors Tarquinius, préfet de Rome, soupçonna Timothée d’avoir laissé d’immenses richesses ; il résolut de s’en emparer. Il fit venir Sylvestre à son tribunal, et couvrant sa cupidité du voile de la religion, il lui dit : Adore à l’instant nos dieux, et remets-nous les trésors que t’a laissés Timothée, si tu veux sauver ta vie.

L’illustre martyr n’avait laissé qu’un seul héritage à son hôte , celui de sa foi et de son courage apostolique.

- Insensé, lui répondit Sylvestre éclairé d’une lumière divine, tu n’exécuteras pas tes menaces, car cette nuit même on t’arrachera ton âme et tu reconnaîtras malgré toi que le seul vrai Dieu est celui que les chrétiens adorent.

Troublé par ces paroles, Tarquinius ordonna de jeter le courageux confesseur en prison, et pour chasser les funestes appréhensions qui envahissaient son âme, il alla se plonger dans la folle joie d’un festin. C’était là que Dieu l’attendait.

Au milieu de l’orgie une arête de poisson demeura dans sa gorge, et il expira malgré tous les soins qu’on lui prodigua.

Les officiers, qui avaient entendu la prédiction de Sylvestre, vinrent aussitôt le délivrer de ses chaînes, de peur qu’un pareil châtiment ne les frappât à leur tour, et c’est ainsi que les païens le rendirent à l’Eglise.

La charité et la constance du jeune chrétien avaient frappé le saint pape Melchiade, qui le fit ordonner diacre dès qu’il le vit en liberté. Sylvestre fut alors comme la lumière placée sur le chandelier, il devint le guide de tous ceux qui l’entouraient, et l’Eglise s’édifia de ses vertus. Il avait, dit un historien, la modestie des anges, il parlait comme un sage, ses conseils étaient toujours sûrs, sa foi était pure de toute erreur, et sa charité allait jusqu’à l’excès.

Aussi quand le Seigneur appela Melchiade à la récompense céleste, le clergé et le peuple élurent d’une seule voix le nouveau diacre pour le remplacer. Longtemps Sylvestre s’en défendit, mais il dut céder aux instances des fidèles qui le proclamaient d’autant plus digne de la chaire de saint Pierre qu’il en ambitionnait moins l’honneur, et malgré lui, l’hôte de Timothée devint l’évêque de Rome et le Père de toute la chrétienté.

Saint Pierre et Lucifer

Le premier soin du nouveau Pontife fut de veiller à la sanctification des prêtres, car ils sont le sel de la terre. Il leur défendit de se livrer au commerce, aux achats et aux ventes, afin de pouvoir s’appliquer uniquement à la prière, selon cette parole de l’Apôtre : « Que ceux qui combattent dans la milice de Dieu laissent les choses du siècle, pour plaire au chef de l’armée. » Puis pour faire perdre aux chrétiens les souvenirs du paganisme, il donna des noms nouveaux aux jours de la semaine que Rome idolâtre consacrait à chacun de ses dieux. Il nomma le premier jour du Seigneur, dies dominica, en mémoire de la glorieuse résurrection du Sauveur ; comme les juifs il appela le samedi sabbat pour rappeler le repos de Dieu après la création et il nomma les autres jours féries, noms que l’Eglise a conservés depuis dans sa liturgie.

Placé à la tête de la chrétienté, Sylvestre ne pouvait plus comme autrefois courir au-devant des pèlerins pour leur offrir le premier une charitable hospitalité ; mais il n’oubliait pas les malheureux. Il avait près de lui la liste de tous les orphelins, de toutes les veuves, et de tous les indigents de Rome, et chaque jour il leur envoyait ce dont ils avaient besoin.

Là ne s’arrêta pas son zèle ; pêcheur comme saint Pierre, à qui Jésus avait dit : « Je te ferai pêcheur d’hommes », il s’efforça aussi de faire entrer de nouvelles âmes dans les filets divins.

Un jour qu’il montrait aux païens combien ils s’égaraient en adorant des idoles de pierre et de bois :

- Donnez-nous, lui dirent-ils, un signe de la puissance de votre Dieu et nous croirons en lui.

- Rien n’est impossible au Dieu que je vous annonce répondit le Pontife. Il vous accordera le signe que vous demandez, mais vous ne croirez pas encore tous en lui.

Il y avait au pied du mont Capitolin une grotte profonde dans laquelle habitait un horrible dragon. La superstition païenne en avait fait un Dieu. Le monstre avait ses prêtres et ses vierges, et chaque mois ces malheureux, après s’être préparés par les actes de la plus honteuse corruption, portaient au reptile le pain, le vin et les viandes délicates que lui apportaient les Romains. Le dieu dévorait les offrandes, et pour récompenser ses adorateurs, il se traînait lourdement jusqu’à l’entrée de son repaire, ouvrait sa large gueule et soufflait sur la campagne un air impur qui répandait partout la mort.

Sylvestre promit de délivrer la contrée de ce fléau par la puissance de Jésus-Christ.

Il réunit toute l’église de Rome, ordonna des prières et un jeûne de trois jours. La rigueur de ses pénitences et l’ardeur de ses supplications lui rendirent le ciel favorable. Pendant la nuit qui précéda le jour fixé pour la mort du dragon, saint Pierre apparut au Pontife, et lui dit : Prends deux prêtres avec toi, descends près du monstre, passe un lien autour de sa gueule que tu scelleras par le signe de la croix et adjure-le ainsi : « Au nom de l’Apôtre Pierre cette bouche restera fermée jusqu’au terrible jour du jugement. »

Le lendemain Sylvestre fit ce qui lui avait été commandé. La foule tremblait en le voyant descendre dans l’antre du dragon, mais lui ne craignait pas ; la parole de Pierre l’assurait de la victoire. A leur approche le monstre fit retentir son repaire de ses sifflements, il lança sur eux sa bave immonde, mais malgré sa rage, un fil, que le signe de la croix, avait rendu plus fort que l’airain, ferma sa gueule terrible, et son souffle impur ne put nuire aux serviteurs de Dieu, que saint Pierre couvrait de sa vertu. Mais deux païens qui s’étaient avancés furtivement dans la grotte, pour examiner si Sylvestre irait véritablement près du dragon, en ressentirent les atteintes funestes, ils allaient mourir, quand le Pontife les guérit et reparut, avec eux sain et sauf, aux yeux de la foule anxieuse. L’Apôtre Pierre avait vaincu l’enfer.

On cria au prodige et dans la suite, voyant le dragon retenu prisonnier dans son antre par la vertu du Christ, la plupart de ceux qui avaient été témoins du miracle embrassèrent la religion chrétienne. Mais comme l’avait prédit Sylvestre tous ne se convertirent pas (1).

Le paganisme et la charité

Malgré ce miracle, et bien d’autres encore dont il avait été favorisé, Constantin, qui régnait alors, renouvela contre les chrétiens les édits de persécution déjà portés par ses prédécesseurs.

Le pape Sylvestre, prêt à souffrir le martyre si Dieu le lui demandait, ne s’exposa point de lui-même ; il se retira avec ses prêtres dans une montagne, nommé le mont Socrate, où il pria pour le triomphe de l’Eglise.

Le Seigneur cependant, qui avait choisi Constantin pour amener le triomphe de la vérité, frappa ce prince d’un mal salutaire qui devait sauver son âme ; des ulcères horribles le couvrirent depuis les pieds jusqu’à la tête. Les médecins accoururent des provinces les plus éloignées pour lui prodiguer leurs soins ; l’Egypte et la Perse envoyèrent leurs mages ; mais ni l’art des hommes, ni les puissances de l’enfer ne purent guérir Constantin ; il devait se résigner à mourir.

Au milieu du désespoir général, les prêtres de Jupiter, inspiré par le démon, vinrent suggérer un horrible remède :

- Grand prince, dirent-ils, à Constantin, il nous reste encore une espérance de vous sauver. Ordonnez qu’on rassemble une troupe de jeunes enfants de votre empire, nous les égorgerons, vous vous plongerez dans leur sang encore chaud et peut-être recouvrerez-vous la santé par ce moyen.

Les bains formés avec le sang des nouveau-nés ont été souvent demandés par le démon pour guérir certaines maladies.

Les païens entendirent cette proposition sans frémir. Des bourreaux parcoururent les provinces, et trois mille nouveau-nés furent amenés à Rome pour y être égorgés et former le bain de sang.

Une bonne action et sa récompense

Au jour fixé pour le bain sanguinaire, Constantin, porté sur un char brillant, quitta son palais pour se rendre au Capitole. Une grande troupe de femmes vinrent se jeter à ses pieds ; folle de douleur et de désespoir elles s’arrachaient les cheveux, elles levaient leurs mains vers le ciel et le suppliaient d’avoir pitié d’elles. C’était un spectacle d’inconcevable désolation, ceux-mêmes qui entouraient l’empereur ne pouvaient lui cacher leur tristesse.

- Quelles sont ces femmes ? leur demanda-t-il étonné.

- Ce sont les mères des enfants que l’on doit immoler pour vous, lui répondirent les gens de son escorte.

Sortant alors comme d’une longue ivresse, Constantin s’écria :

- Egorger ces innocents serait un crime, et qui sait si je recouvrerai par leur mort, la santé qu’on m’a promise.

Aussitôt, il contremanda le sacrifice, revint dans son palais, ordonna de remettre une grande somme d’argent à chacun des enfants qu’on avait amenés et les fit rendre à leurs mères qui regagnèrent leurs provinces en bénissant l’Empereur.

Le soir de ce même jour, Constantin au milieu de son sommeil se trouva tout à coup en présence de deux vieillards environnés d’auréoles lumineuses.

- Quels sont vos noms, augustes messagers du ciel ? leur demanda-t-il en tremblant.

- Nous sommes Pierre et Paul les Apôtres du Christ. Vous avez par pitié, laissé une vie mortelle à de pauvres enfants, notre Seigneur et Maître nous envoie pour guérir votre corps, et donner à votre âme une vie qui ne finira point. Appelez près de vous l’évêque Sylvestre que la persécution a forcé de se retirer au mont Socrate, il vous dira dans quel bain salutaire disparaîtront les ulcères qui couvrent votre corps, et les péchés qui souillent votre âme. A ces mots les deux prêtres disparurent. Constantin passa le reste de la nuit à remercier le Seigneur du secours qu’il lui envoyait. Quand le lendemain matin son médecin s’approcha, il lui dit de se retirer, car les soins de la terre lui devenaient désormais inutiles, puisque le ciel lui-même daignait venir à son secours ; et il commanda qu’on allât aussitôt à la recherche de Sylvestre.

Baptême de Constantin

A la vue des soldats romains qui le cherchaient, le saint Pontife crut que l’heure de son martyre était arrivée ; il se remit entre leurs mains, et les suivit joyeusement en exhortant ses compagnons à confesser généreusement leur foi.

Quand il arriva devant l’Empereur, son étonnement fut grand, au lieu d’un persécuteur, ce fut un fils soumis qu’il trouva. Constantin baisa respectueusement la main de Sylvestre et lui dit : «  Au nom du Christ, apprenez-moi si les chrétiens n’adorent point des dieux du nom de Pierre et de Paul. »

- Nous adorons qu’un seul Dieu créateur du ciel et de la terre, dit Sylvestre, ceux que vous venez de nommer sont des serviteurs.

- Montrez-moi leurs images afin que je sache si ce sont eux que j’ai vus pendant mon sommeil.

Un diacre alla chercher les images des saints apôtres, et pendant ce temps Constantin raconta sa vision au bienheureux Sylvestre ; et, quand il eut reconnu ceux qui l’avaient visité dans les images qu’on lui présenta, il s’écria :

- Oui ce sont bien ceux que j’ai vus cette nuit, saint Pontife montrez-moi la piscine où, selon leur promesse, mon corps et mon âme doivent être purifiés.

- Personne n’y peut entrer, s’il ne croit d’abord que le Dieu prêché par Pierre et par Paul est le seul véritable.

- Si j’adorais encore d’autres dieux que le Christ, je ne vous aurais point appelé près de moi, hâtez-vous donc de me conduire au bain salutaire qui m’a été annoncé.

- S’il en est ainsi, grand prince, humiliez-vous dans la cendre et les larmes ; pendant huit jours déposez la pompe impériale et retirez-vous dans votre palais, confessez vos péchés ; faites cessez les sacrifices des idoles, rendez à la liberté les chrétiens qui gémissent dans les cachots et dans les mines, répandez d’abondantes aumônes et alors votre désir sera satisfait.

Constantin promit de se soumettre à tout. De son côté le Pape réunit le clergé et les fidèles de Rome et leur ordonna de jeûner et de prier pour le triomphe de l’Eglise.

Huit jours se passèrent dans la pénitence et dans les supplications. Le Seigneur en fut touché, et il prépara lui-même le cœur du royal néophyte.

Au jour fixé, Sylvestre vint trouver Constantin, acheva de l’initier à ce qu’il ignorait encore dans notre divine religion et lui dit :

- Enfin, il est temps, illustre empereur, d’entrer dans l’eau qui a été sanctifiée par l’invocation de l’adorable Trinité, venez à ce bain salutaire, où selon la parole des saints Apôtres votre âme et votre corps seront purifiés.

Constantin se dépouilla alors de ses vêtements, il entra dans la piscine et le Pontife lui conféra le baptême. A ce moment même, une lumière brillante éclaira l’assemblée ; le Christ se manifesta aux yeux de l’empereur, et la main divine se posa un instant sur sa tête, puis tout disparut. Quand Constantin sortit de la piscine sainte, sa chair était pure et saine comme celle d’un enfant, mais l’eau dans laquelle il avait été plongé était couverte d’écailles affreuses, souvenir de l’horrible lèpre qui couvrait auparavant son âme et son corps.

Le nouveau chrétien ne reprit pas immédiatement la pourpre impériale, mais pendant huit jours il se plut à porter la robe blanche symbole de son innocence. Il ordonna de renverser les temples des idoles, d’élever des Eglises qu’il enrichit de ses dons, et défendit de blasphémer le nom du Christ. Après trois siècles de douleurs et de peines, les chrétiens, comme les anges au ciel, purent enfin chanter et louer librement le roi et le sauveur des âmes.

Saint Sylvestre est donc le Pape qui put établir le règne social de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

L’église Saint-Jean-de-Latran, où pour la première fois un culte public fut rendu au Christ, s’ouvrit dans le palais même de l’Empereur, et le lieu du Baptême devint un baptistère célèbre qui subsiste. (Voir la gravure.)

Saint Sylvestre bâtit encore la première basilique de Saint-Pierre ou Vatican, et celle de Saint-Paul et beaucoup d’autres.

Mensonge et vérité. – L’arianisme

Mais la paix n’est point de ce monde pour l’épouse du Christ, l’erreur vint bientôt troubler ce moment de triomphe.

Un orgueilleux, Arius, osa nier la divinité du Verbe, il cacha le poison de sa doctrine perverse dans des chansons qu’il répandit parmi le peuple, et les chrétiens adoptèrent bientôt l’erreur sans s’en douter. Un saint évêque dénonça le loup dévastateur au souverain Pasteur des âmes, et par les ordres de Sylvestre un concile œcuménique se réunit à Nicée. Trois cents évêques s’y rassemblèrent. Ces vénérables Pères qui, pour la plupart, portaient encore les traces des tourments qu’ils avaient endurés pour la foi, ne pactisèrent pas un instant avec l’hérésie. Inspirés par le Saint-Esprit sous la présidence des légats du pape, et sous les yeux mêmes de Constantin ils rédigèrent le symbole que l’Eglise chante à la messe, où il est déclaré plus explicitement que le Verbe est Dieu comme son Père, et consubstantiel avec lui : Consubstantialem Patri.

Les Juifs. – Un sorcier et un saint

Avant cette attaque Sylvestre avait déjà soutenu à Rome une première lutte contre le père du Mensonge.

A la nouvelle de la conversion de l’Empereur, les Juifs vinrent trouver sa mère, Hélène, en Bithynie, et lui dirent : « Grande reine, nous nous réjouissons avec vous de voir votre illustre Fils renverser les idoles, le Seigneur l’en récompensera ; mais nous craignons pour l’Empire, en le voyant reconnaître pour Dieu, un homme, un Jésus que ses crimes ont conduit à l’infamie de la croix. Pour venger un tel mépris, Jésus pourrait décharger sur lui le poids de sa colère. »

L’impératrice écrit aussitôt à son fils pour lui rapporter les paroles des Juifs : - « Qu’ils viennent défendre leur cause contre les évêques chrétiens, répondit Constantin, et nous verrons de quel côté est la Vérité. »

Hélène vint donc à Rome avec les rabbins. Le Sénat se réunit sous la présidence de l’Empereur lui-même, et juifs et chrétiens vinrent disputer devant lui.

Douze docteurs de la loi se levèrent contre les chrétiens et douze fois Constantin et le Sénat donnèrent la victoire aux réponses du Pontife. Les Juifs s’attendaient à cette défaite, aussi n’espérant point vaincre par les arguments, avaient-ils amené avec eux un magicien nommé Zambres, dont les prestiges leur inspiraient plus de confiance que les subtilités des scribes.

- Les paroles ne sont rien dit ce suppôt d’enfer, quand il vit ses concitoyens confondus, ce sont les faits qui montreront quel est le plus puissant du Dieu qu’adorent les Hébreux, ou du sacrifié que les chrétiens ont pris pour idole. Notre Dieu est si grand qu’aucune créature ne peut entendre son nom sans mourir.

- Comment donc avez-vous pu l’apprendre, lui demanda Sylvestre.

- Je me suis préparé par un jeûne et une prière de huit jours, et une main divine est venue le tracer à mes yeux dans l’eau pure d’une fontaine.

- Mais comment pouvez-vous le prononcer sans mourir ?

Le menteur ne s’attendait pas à cette question.

- Ne perdons pas le temps en paroles répondit-il, qu’on aille aussitôt me chercher un taureau, qu’on le mette en furie, et je promets de l’étendre mort devant vous en prononçant doucement près de lui le nom de notre grand Dieu. Le terrible animal parut bientôt. Cinquante bras vigoureux avaient peine à le retenir, tant sa force et sa rage étaient grandes. Zambres se pencha près de lui, murmura un nom mystérieux et le taureau tomba sans vie en poussant un mugissement plaintif.

Les juifs triomphants criaient au miracle.

Les fidèles tournaient des regards anxieux vers leur Père. Sylvestre éleva alors la voix et dit : « Il est écrit dans les Saints livres : Le Seigneur donnera la mort, le Seigneur vivifiera ; si c’est par la puissance de Dieu que Zambres a tué le taureau, qu’il le ressuscite maintenant au nom de cette même puissance. »

Le magicien se reconnut impuissant à faire ce miracle. Sylvestre s’avança alors près de l’animal que le démon avait privé de la vie, resta quelques instants en prière, étendit les mains et s’écria :

- Si le Christ que nous prêchons est l’unique Dieu véritable, lève-toi plein de douceur et de mansuétude et retourne à tes pâturages.

A ces mots le taureau se dressa sur ses pieds, ses liens tombèrent d’eux-mêmes, et d’un pas doux et tranquille il regagna le lieu d’où on l’avait tiré.

A cette vue, les juifs et les païens tombèrent aux pieds du Pontife pour adorer le Christ avec lui, et peu de temps après l’Eglise enfantait à Dieu dans les eaux du baptême une légion de nouveaux enfants.

La mort

Le saint Pape Sylvestre ne survécut pas longtemps à ce triomphe ; le Seigneur l’appela à lui, et il alla recevoir dans l’Eglise du ciel la récompense de tous les travaux qu’il avait entrepris pour la gloire de l’Eglise de la terre.

--- Note --------------------------------

(1) Au forum de Rome, au milieu des débris de temples païens, une église bâtie là où le dragon fut vaincu, rappelle la victoire de saint Sylvestre.

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