Sainte Rose de Lima

Fête le 30 août


Légende de la gravure

Sainte Rose de Lima jouissait de la vue continuelle du divin enfant qui brillait pour elle et dans les fleurs qu’elle portait et sur les livres qu’elle lisait.


I

Sa naissance. – Son nom.

Rose, née à Lima le 20 avril 1586, avait reçu au baptême le nom d’Isabelle, nom de sa grand’mère. Mais un jour sa mère penchée sur son berceau ayant aperçu une rose rouge épanouie sur son visage, fit admirer le prodige aux assistants et prenant la petite dans ses bras : « Désormais tu seras ma rose, dit-elle. »

Elle reçut le sacrement de confirmation des mains de saint Turibe, l’illustre apôtre du Pérou, et l’archevêque ne sachant pas quel était son nom, lui donna celui de Rose. L’enfant devenue adolescente et entendant sans cesse louer sa beauté, craignit de lui devoir son nom. Alarmée dans sa chaste humilité, elle se prosterna aux pieds de la Très-Sainte Vierge, et lui raconta naïvement sa peine. Aussitôt celle qu’on appelle la rose mystique lui apparut tenant l’enfant Jésus dans ses bras et lui dit : « Mon fils approuve le nom que tu portes ; mais il désire que tu y ajoutes le mien. Tu te nommeras désormais Rose de Sainte-Marie. »

Et sans parler de cette vision, Rose obtint qu’on l’appellerait ainsi.

II

Premières épreuves de Rose.

Sa patience.

Rose n’avait que trois ans quand elle laissa violemment retomber sur ses petits doigts le couvercle d’un coffre. Elle dissimula si bien ce qu’elle souffrait que ce fut seulement plusieurs jours après que sa mère appela le chirurgien. Celui-ci appliqua sur l’ongle un onguent corrosif qui le dévora en grande partie, puis il arracha le reste avec des tenailles sans que l’enfant poussât le moindre signe d’effroi.

Quelques mois après Rose eut un mal d’oreille. Il fallut couper la partie malade. Elle se laissa faire sans rien dire.

A peine cette épreuve était-elle passée que la mère de Rose eut l’imprudence pour la guérir de la gourme de saupoudrer sa tête de mercure. La croûte disparut, le mercure entra dans les chairs et les dévora ; la pauvre petite en avait des tremblements convulsifs. Elle ne chercha néanmoins aucun allégement et sa mère confiante en la parole de l’enfant disant qu’elle ne souffrait que modérément, laissa le cataplasme jusqu’au matin. Quel ne fut pas alors son effroi en voyant une blessure large et profonde creusée par le caustique dévorant ! Il fallut quarante-deux jours de souffrance pour guérir cette plaie béante.

Presque aussitôt après, Rose eut un polype aux narines. On l’arracha avec des pinces. Tous les assistants pleuraient de compassion. Rose seule était calme et sereine.

III

Obéissance de Rose envers ses parents.

Une telle constance fut récompensée par des faveurs spirituelles en face desquelles les douleurs de la terre sont peu de chose.

Eclairée d’une lumière surnaturelle dans les voies d’une perfection extraordinaire, Rose comprit dès le bas âge que les lumières exceptionnelles doivent servir avant tout à faire accomplir parfaitement les devoirs d’état. Sa fidélité absolue à la grâce fut pour elle la source de grandes souffrances et de grands mérites, car voulant également obéir à ses parents et suivre les lumières intérieures dont ils étaient loin de comprendre la puissance, il en résultait pour la vaillante enfant des difficultés de tous genres.

Ayant dès l’âge de cinq ans voué sa virginité à Dieu, Rose ne voulait plaire qu’à Lui seul. Les vains ajustements du monde lui étaient un supplice, mais Rose était ingénieuse à trouver les moyens de souffrir tout en obéissant à Dieu et à sa mère.

Contrainte un jour de mettre une couronne de fleurs, elle eut l’art d’y placer une aiguille qui pénétra dans la tête, de sorte que cet ornement de vanité devint un instrument de supplice atroce.

Trop préoccupée de la beauté de sa fille, sa mère la reprenait avec vivacité du peu de soin qu’elle apportait à parfumer ses mains. Elle les lui fit tremper dans des eaux odoriférantes, puis elle-même les enveloppa soigneusement, ordonnant à Rose de rester ainsi jusqu’au lendemain.

L’humble enfant obéit, mais s’étant endormie, elle se réveilla en proie à une vive douleur ; de ses mains s’échappaient des flammes qui brûlaient sa chair. Sa mère eut peine à croire à son récit ; mais quand elle eut vu les brûlures, elle frémit, et ne parla plus désormais à Rose du soin exagéré de ses mains. Toutefois elle la tourmenta encore pour la forcer à se vêtir d’habits précieux ; et quand la pauvre Rose y manquait, non par l’insubordination mais par indifférence des choses de ce monde, elle était cruellement frappée.

A force de patience Rose finit par vaincre les résistances de sa mère et obtint d’elle la permission de revêtir un manteau d’étoffe grossière.

Elle s’exerçait dans sa famille à toutes les pratiques dignes des plus ferventes religieuses. Ainsi elle s’était fait une loi de ne jamais boire sans une permission expresse de sa mère ; et elle ne la demandait tout au plus qu’une fois en trois jours.

Quand sa mère pour l’éprouver lui refusait la permission, Rose restait trois autres jours sans renouveler sa demande.

IV

Rose entre dans le Tiers-Ordre de Saint-Dominique.

Les parents de Rose qui étaient d’une condition aisée, perdirent instantanément toute leur fortune. Rose se fit leur servante ; et après les avoir soignés elle trouvait encore le temps de gagner l’argent nécessaire à la subsistance de toute la famille.

Du reste, Dieu lui venait miraculeusement en aide, car, malgré sa frêle santé et ses fréquentes extases, elle faisait chaque jour l’ouvrage de quatre personnes.

Cependant, avec l’inconséquence qui caractérise l’esprit humain, sa mère qui lui avait permis de revêtir l’habit des vierges, ne pouvait se résoudre à la voir renoncer définitivement au mariage ; et comme la rare beauté de Rose, que ses austérités ne parvenaient pas à diminuer, lui attirait de nombreuses demandes, la pieuse fille eut de longues et pénibles luttes à soutenir, voire même de la part des siens ; mais confiante dans la protection de sainte Catherine de Sienne qu’elle avait prise pour modèle, elle resta fidèle à son époux céleste. Pour l’en récompenser, Dieu lui fit connaître par plusieurs prodiges qu’elle devait se consacrer à lui et pratiquer toutes les vertus monastiques, sans toutefois quitter sa famille. Elle revêtit donc, à l’exemple de la Vierge de Sienne, l’habit du Tiers-Ordre de Saint-Dominique, et s’adonna comme elle à une vie de contemplation et de pénitence.

V

Austérités de Rose. – Son humilité.

Rose s’étant exercée dès l’enfance au jeûne, put le pratiquer à un degré héroïque, tant il est vrai que les exigences de nos corps et de nos santés croissent ou diminuent en proportion de ce que nous leur accordons.

Toute petite, Rose ne mangeait jamais de fruits. A six ans, elle jeûnait le vendredi et le samedi au pain et à l’eau. A quinze ans, Elle fit vœu de ne jamais manger de viande, sauf le cas où elle y serait forcée au nom de l’obéissance. Plus tard, elle ne mangea plus qu’une soupe faite de pain et d’eau sans sel ni aucun autre assaisonnement, et ne trouvant pas cette mortification suffisante, elle y joignit un breuvage si amer qu’elle ne pouvait l’avaler sans pleurer.

En carême elle ne mangeait que des pépins d’oranges, se bornant à cinq le vendredi en l’honneur des cinq plaies du Sauveur. Souvent elle restait plusieurs jours sans manger, et ces jeûnes extraordinaires étaient vraiment chez elle l’effet d’une grâce spéciale à laquelle elle répondait généreusement, car si ses parents la forçaient à prendre une nourriture substantielle, ils étaient bientôt obligés de reconnaître que loin de la soulager, ils augmentaient au contraire ses douleurs.

Toutes les nuits, elle se frappait cruellement avec des chaînes de fer, s’offrant à Dieu comme une victime sanglante pour l’Eglise, pour l’Etat, pour les âmes du Purgatoire et les pécheurs, en un mot pour tous les grands intérêts de la foi et des âmes. Elle avait soin de ne déchirer ses membres que les uns après les autres ; mais ses blessures n’avaient pas le temps de guérir, et son corps n’était que plaies.

L’humble Rose se croyait redevable à Dieu de tous les péchés du monde, s’imaginant que ses fautes attiraient sur la terre tous les châtiments dont le monde est accablé.

Fidèlement unie à la Passion du Sauveur, elle était ingénieuse à trouver les pénitences qui la rapprochaient davantage de son divin modèle. Toute petite encore elle supplia quelqu’un de charger sur ses épaules un monceau de briques afin, dit-elle, de mieux comprendre ce que Jésus avait souffert sous le poids de la croix. Chargée ainsi, elle se mettait en oraison, suant, gémissant sous son lourd fardeau et cependant tenant ferme jusqu’à ce que son faible corps tombât épuisé.

A quatorze ans, elle échangea cette pratique contre cette autre : elle sortait la nuit dans le jardin, les épaules meurtries par la discipline comme l’avaient été celles de Jésus-Christ par la flagellation et portant à son exemple une lourde croix. Elle marchait nu pieds et à pas lents, méditant l’ascension de Jésus-Christ au Calvaire et se laissant tomber de temps en temps pour mieux imiter son divin modèle.

Elle ceignait ses reins d’une triple chaîne qu’elle ferma d’un cadenas et jeta la clef dans une rivière pour s’ôter toute possibilité de la retrouver. Ces chaînes usèrent promptement la peau et pénétrèrent dans les chairs. Les douleurs étaient des plus aiguës. Rose les supporta longtemps en silence, mais une nuit elle ne put retenir ses larmes et éclata en sanglots. Forcée d’avouer son secret à la servante qui était auprès d’elle, elles se mirent à l’œuvre pour rompre la chaîne, mais impossible ; craignant que le bruit d’un marteau n’attirât l’attention de ses parents, Rose se mit en prières et la chaîne se rompit. Mais elle ne put être enlevée qu’en arrachant les chairs.

Souvent la sainte mettait ses pieds nus sur la pierre saillante du four, et là, faisait une longue méditation sur les peines de l’enfer.

S’étant procuré une petite lame d’argent, elle en fit un cercle et enfonça des clous, la pointe en dedans. Il y en avait trois rangs composés chacun de trente-trois clous en mémoire des années que Jésus-Christ passa sur la terre. Elle eut soin de couper sa chevelure, afin de ne diminuer en rien ses douleurs ; et chaque vendredi elle enfonçait ces pointes aiguës plus profondément et les faisait pénétrer dans les chairs.

Peut-être aurait-on toujours ignoré cette pénitence héroïque, si un jour Rose n’était tombée devant son père et ne s’était heurtée la tête, d’où trois ruisseau de sang s’échappèrent aussitôt.

Non contente du lit de planches sur lequel elle reposa longtemps, Rose se fit un lit avec des morceaux de bois fortement liés avec des cordes, puis elle remplit les intervalles de fragments de tuiles et de vaisselle observant de tourner en haut leurs parties les plus aiguës. Chaque soir en se couchant sur ce lit de supplice, elle remplissait sa bouche de fiel en mémoire de celui que les bourreaux offrirent à Jésus-Christ sur la croix. Elle avoua que ce breuvage lui rendait la bouche tellement brûlante et desséchée qu’à son réveil elle ne pouvait parler et respirer qu’à grand’peine. Aussi avait-elle une telle horreur de son lit que de le voir ou même d’y penser la faisait trembler ; et le soir, en prévoyant tout ce qu’elle allait souffrir, elle était prise d’une fièvre brûlante.

Un jour même, sa répugnance fut telle qu’elle délibéra longtemps avant de pouvoir se décider à subir son martyre. Jésus alors lui parla sous une forme visible et lui dit :

- Souviens-toi, ma fille, que le lit de la croix fut bien plus dur, plus étroit et plus effrayant que le tien. Il est vrai que je n’avais pas comme toi des pierres sous le dos, mais des clous cruels perçaient tous mes membres. Le fiel ne me fut pas épargné. Les bourreaux me le présentèrent au milieu de ma fièvre brûlante. Médite cela sur ton lit de douleurs, et la charité te dira que ton lit est un lit de fleurs.

Fortifiée par ces paroles, la constance de Rose ne se démentit plus pendant les seize années qu’elle vécut encore. Aussi, dormait-elle fort peu et l’insomnie fut pour elle comme pour Ste Catherine de Sienne une des mortifications les plus difficiles à vaincre.

Sur vingt-quatre heures, elle en donnait douze à l’oraison, dix au travail des mains et deux au sommeil.

Quand elle était à genoux, ses paupières se fermaient malgré elle, et elle ne triompha du sommeil qu’en faisant faire une croix d’une taille un peu plus élevée que la sienne, dont les bras étaient percés de deux clous capables de la porter. Quand elle voulait prier la nuit, elle la dressait contre la muraille, et s’y tenait suspendue tant que durait sa prière.

Nous aurions donné une idée bien imparfaite de la sainteté de Rose, si nous ne parlions que de ses austérités extraordinaires sans dire qu’elle les soumettait à l’obéissance, et qu’elle était toujours prête à tout abandonner, car la vraie sainteté ne réside pas dans la pénitence du corps, mais dans celle du cœur, qui est impossible sans l’humilité et l’obéissance.

Il ne faut d’ailleurs pas s’étonner que des austérités aussi cruelles aient été permises à une enfant si jeune et si frêle. Chaque fois que ses confesseurs voulurent s’y opposer, ils en furent empêchés par une lumière divine, et sa mère qui la maltraitait quand elle découvrait quelque nouvelle pénitence, était mystérieusement arrêtée quand elle voulait l’obliger à prendre quelques ménagements.

L’humilité de Rose n’était pas moindre que son obéissance. La pâleur de son visage, l’altération de ses traits, ses yeux, qui avaient perdu tout leur éclat à force de pleurer, en un mot, toute sa personne défigurée par la pénitence attira l’attention du public. Rose apprit avec confusion que le monde étonné la vénérait comme une sainte. Dans sa désolation, elle eut recours à Dieu, et lui demanda avec instance que ses jeûnes n’altérassent en rien les traits de son visage. Et, chose admirable ! elle reprit son embonpoint et ses vives couleurs. Ses yeux éteints se ranimèrent, et tous ses membres eurent une vigueur nouvelle. Aussi arriva-t-il qu’après avoir jeûné tout un carême au pain et à l’eau et être restée trente heures sans prendre aucune nourriture, elle rencontra une troupe de jeunes gens qui se moquèrent d’elle en disant :

- Voyez cette religieuse si célèbre par sa pénitence ! Elle revient sans doute d’un festin. C’est édifiant vraiment en ce saint temps !

Rose remercia Dieu.

VI

L’ermitage de Rose.

La pieuse vierge de Lima avait toujours fait ses délices de la solitude, et ne se trouvant dans la maison de ses parents aucun lieu assez caché pour y vivre loin du monde et totalement oubliée de lui, elle se fit construire un petit ermitage au fond du jardin et y transporta son pauvre lit, une chaise et quelques images pieuses. Son temps y était partagé entre la prière et le travail des mains.

Dieu l’y favorisait de grâces extraordinaires.

Ainsi, il ne lui était pas permis d’aller seule à l’église, et sa mère ne pouvait pas toujours l’y conduire. Quelqu’un la plaignait de cette privation ; mais elle répondit que Dieu la faisait assister miraculeusement chaque matin à plusieurs messes, tantôt dans l’église du Saint-Esprit, tantôt dans celle de S. Augustin.

Elle jouissait fréquemment de la vue de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui lui apparaissait sous la forme d’un tout petit enfant. Pendant ses prières, ses méditations, son travail, elle le voyait souvent se montrer ainsi, sur la table où elle travaillait, sur le livre où elle lisait, sur un bouquet de roses qu’elle tenait à la main. Ce petit enfant lui tendait les bras et lui parlait familièrement.

On ne s’étonna pas qu’à une faveur aussi extraordinaire, Dieu en joignit de moindres. Par exemple, les insectes qui fourmillent au Pérou étaient plus nombreux que partout ailleurs dans l’ermitage de Rose, situé dans un lieu humide et couvert de feuillages. Les murs en étaient noirs, mais jamais aucun ne vint la troubler dans ses entretiens avec Dieu :

- Ils ne cherchent point à me nuire, disait Rose, et moi je ne leur fais aucun mal. Ils se mettent à couvert sous mon toit, et ils accompagnent du bruit de leurs ailes les cantiques que je chante à la gloire de mon Dieu.

Rose reçut dans cette retraite la visite de Notre-Seigneur, de la Sainte-Vierge, de Sainte Catherine de Sienne et des Saints Anges : mais le démon jaloux de tant de sainteté et de tant de grâces lui fit subir des tourments dont la vie des saints offre très souvent l’exemple.

Sentant que cette proie précieuse lui échappait de plus en plus, sans cesse l’esprit du mal revenait à la charge. Il faisait subir à la courageuse athlète du Christ les traitements les plus surhumains, la frappant avec violence, la poussant contre la muraille au point de l’étouffer, la traînant par terre. Mais Rose se riait de ses vaines colères et se confiait en celui qui ne permet jamais que nous soyons tentés au-delà de nos forces.

VII

Mort de Rose.

L’illustre vierge de Lima avait reçu à un haut degré le don de prophétie. Elle prédit le jour de sa mort et s’y prépara par un redoublement de prières, de jeûnes et de veilles. Notre-Seigneur lui envoya de cruelles souffrances pour la purifier davantage avant son entrée dans le ciel.

Trois jours avant sa mort, elle reçut le St Viatique et l’Extrême-Onction avec des dispositions toutes célestes. Elle demanda pardon à tous les domestiques quoique jamais elle ne les eût offensés. Elle demanda et obtint la bénédiction de ses parents pour ses ennemis.

Deux heures avant sa mort, revenant d’une longue extase, elle se tourna vers son confesseur et lui dit :

- O mon père, que j’aurais de grandes choses à vous dire de l’abondance des consolations dont Dieu comblera les saints pendant l’éternité ! Je m’en vais, avec une satisfaction d’esprit incroyable, contempler la face de mon Dieu !

- Elle mourut le 24 août, à l’âge de 31 ans. Ce fut le pape Clément X qui l’inscrivit au catalogue des saints.