Purification de la Sainte Vierge

Fête le 2 février


Légende de la gravure

Le vieillard Siméon et la prophétesse sainte Anne reçoivent Jésus au Temple.


Objet de cette fête

Benoît XIV pense que la fête de la Purification de la Sainte Vierge a une origine apostolique. Il est certain du moins qu’elle était déjà ancienne au cinquième siècle.

L’Eglise grecque et l’Eglise de Milan rangent la solennité du 2 février parmi les fêtes de Notre-Seigneur. Mais l’Eglise romaine l’a toujours comptée entre les fêtes de la Sainte Vierge. « Sans doute, dit D. Guéranger, l’enfant Jésus est offert aujourd’hui dans le temple et racheté ; mais c’est à l’occasion de la Purification de Marie dont cette offrande et ce rachat sont comme la conséquence. »

Notre-Seigneur, comme le remarque saint Paul, en se faisant homme, a voulut naître sous la loi ; c’est-à-dire que, sans y être obligé, puisqu’il était le Législateur suprême, il a daigné se soumettre à toutes les observances que cette loi imposait aux Juifs. Il y a soumis également sa mère.

Or il y avait deux préceptes concernant les mères à qui Dieu accordait un nouveau-né.

Le premier était général et s’adressait à toutes. Il ordonne aux femmes d’Israël, après leur enfantement, de rester quarante jours, si elles ont mis au monde un fils, et quatre-vingt, si c’est une fille, sans approcher du tabernacle. Ce temps expiré, elles devaient pour être purifiées, offrir un sacrifice. Ce sacrifice consistait en un agneau qui devait être consumé en holocauste. On y ajoutait une tourterelle et une colombe, destinées à être offertes, selon le rite du sacrifice, pour le péché. Les mères trop pauvres pour présenter un agneau, pouvaient le remplacer par une autre tourterelle et une autre colombe. Le sacrifice pour le péché avait pour objet l’expiation du péché dans lequel l’enfant était né. L’holocauste signifiait la consécration de l’enfant à Dieu. C’est pourquoi on le présentait en même temps au Seigneur.

Si Marie avait été une femme ordinaire et Jésus un enfant comme les autres, ils tombaient sous l’obligation de la loi. Mais outre que la loi est soumise au législateur, elle était ici sans objet. Car la Vierge très pure n’avait contracté aucune souillure par son enfantement virginal, et la vie du Fils de Dieu incarné n’avait pas besoin d’être rachetée à prix d’argent, puisqu’elle devait être sacrifiée pour le rachat de tous. Mais le Verbe fait homme voulut être en tout semblable à ses frères adoptifs, sauf par le péché. Il se courba et courba sa mère sous le joug humiliant de la loi.

Les quarante jours marqués par la loi étant écoulés, Marie vint donc au Temple, portant son Fils dans ses bras, et accompagné de saint Joseph.

Accomplissement des prophéties sur le nouveau temple. – Siméon et Anne

L’entrée de Jésus au Temple de Jérusalem réalisait une prophétie du prophète Aggée.

Au retour de la captivité de Babylone, quand Zorobabel eut relevé le Temple de ses ruines, les vieillards qui avaient vu le Temple de Salomon dans sa gloire s’attristaient en lui comparant la nouvelle construction, et le Temple de Zorobabel était à leurs yeux comme s’il n’était pas, dit le prophète. Aggée les consola, en leur disant :

« Prends courage, Zorobabel ; prends courage Jésus fils de Josédec, pontife suprême ; prends courage, peuple de cette terre. Car voici ce que dit le Seigneur, Dieu des armées : Encore un peu de temps, j’ébranlerai le ciel et la terre, la mer et les continents ; j’ébranlerai les peuples ; et le Désiré de toutes les nations viendra ; et je remplirai de gloire cette maison. La gloire de cette seconde maison sera plus grande que celle de la première, et dans ce lieu je donnerai la paix, dit le Seigneur, Dieu des armées. »

Malachie, le dernier des prophètes d’Israël, confirmait la parole d’Aggée : « Le Dominateur que vous cherchez, et l’Ange du testament que vous désirez, viendra aussitôt dans son temple. Le voici qui vient, dit le Seigneur des armées. Et qui pourra connaître le jour de sa venue, et qui sera là pour le voir à son arrivée ? »

Le prophète veut dire qu’Israël, comme nation, ne reconnaîtra pas et ne recevra pas son Messie désiré. Plusieurs cependant, le recevront et seront sauvés.

Ces heureux fidèles, enfants de la paix et du salut, sont représentés au Temple par le vieillard Siméon et Anne la prophétesse. « Qui sera là pour le voir, demandait Malachie ? » Voici ces deux saints personnages en éveil pour répondre au désir du prophète.

Il y avait à Jérusalem, dit saint Luc, un vieillard, nommé Siméon, homme juste et craignant Dieu, et attendant la consolation d’Israël ; et l’Esprit-Saint était avec lui. Il avait su par une révélation qu’il ne verrait point la mort avant d’avoir contemplé le Christ du Seigneur. Il savait d’ailleurs, par les prophéties que le temps de sa venue était arrivé. « C’est pourquoi, dit saint Vincent Ferrier, il se rendait chaque jour au temple, et quand il voyait entrer dans son enceinte une mère portant un enfant dans ses bras, il demandait : « Est-ce un fils ou une fille ? » Et le Saint-Esprit ne lui disait rien jusqu’au jour où Marie vint avec son Fils.

Ce jour là l’Esprit-Saint lui dit : « C’est aujourd’hui que tu rencontreras dans le Temple le Messie, ton Roi, et que tu pourras le contempler. »

Siméon se leva donc de grand matin, se purifia et se revêtit de ses plus beaux habits, comme il convient pour recevoir un roi. Puis il se rendit au Temple en toute hâte.

Lorsque Marie entra avec Joseph, l’Esprit-Saint lui dit : « Siméon, voici la Mère de Celui que tu attends, et son Fils est le Roi et le Messie promis dans la loi. » Aussitôt le vieillard l’adora en pleurant de joie. Il prit l’enfant dans ses bras et chanta ce cantique :

« Maintenant, Seigneur, vous laisserez partir en paix votre serviteur, selon votre parole ; car mes yeux ont vu le Sauveur que vous prépariez, la lumière qui doit éclairer les gentils, la gloire de votre peuple d’Israël. »

Ce cantique inspiré est le cri de l’Ancien Testament qui s’efface devant le Nouveau et se prépare à disparaître.

Mais qui dira les transports de Siméon, en qui vivaient tous les désirs des patriarches et des prophètes, lorsqu’il tint dans ses bras celui qui en était l’accomplissement ? Saint François de Sales, méditant ce mystère avec sa naïve tendresse, s’écrie : « Mais, ce Siméon, n’est-il pas bienheureux d’embrasser cet Enfant divin ? Oui, mais je ne puis lui savoir gré du mauvais tour qu’il voulait faire ; car, étant hors de lui-même, il le voulait emporter avec lui dans l’autre monde : Maintenant, dit-il, laissez aller votre serviteur en paix. Hélas ! nous en avions encore besoin, nous autres ! »

Marie et Joseph étaient dans l’admiration à cause de tout ce qu’on disait de Jésus. Siméon les combla de bénédictions, puis voyant que prophétiquement dans cet Enfant la victime qui devait être immolée pour les pécheurs, il dit à Marie, sa Mère : « Cet enfant est établi pour la ruine et la résurrection de beaucoup en Israël, et pour être un signe de contradiction. Et votre âme sera même percée d’un glaive de douleur, afin que les pensées de plusieurs, qui étaient cachées au fond de leurs cœurs, soient révélées. »

Il y avait aussi à Jérusalem une prophétesse, nommée Anne, fille de Phanuel, de la tribu d’Aser. Elle était fort avancée en âge, et n’avait vécu que sept ans avec son mari. Et elle était demeurée veuve jusqu’à l’âge de quatre-vingt-quatre ans, ne sortant point du Temple, servant Dieu jour et nuit dans les jeûnes et dans les prières. Etant donc survenue à la même heure que Siméon, elle se mit aussi à louer le Seigneur, et depuis lors elle parlait de lui à tous ceux qui attendaient la rédemption d’Israël !

Comment Marie s’humilia dans le Temple

L’Evangile, après avoir parlé de la rencontre du vieillard Siméon et d’Anne la prophétesse, ajoute seulement que Marie accomplit tout ce qui était prescrit par la loi, c’est-à-dire la cérémonie de la purification et le rachat de son premier-né. Nous emprunterons encore à saint Vincent Ferrier les pieuses considérations qu’il fait sur ces deux sujets.

« Il y avait dans le Temple, dit-il, et cet usage s’observe encore aujourd’hui parmi les Juifs, un endroit réservé pour les femmes nobles et riches, un autre pour les femmes de conditions médiocres, et un troisième pour les vierges. Marie, en entrant, examina pour voir à quel groupe elle devait se joindre. Elle appartenait à la plus haute noblesse, puisqu’elle était fille de David ; mais elle était pauvre et simplement vêtue, car elle avait donné pour l’amour de Dieu tout l’or que lui avait apporté les rois de l’Orient, et ne voulait vivre que du travail de ses mains. Si donc elle était allée du côté des riches, ces femmes hautaines auraient pu lui dire : « Allez à la place qui vous convient. Quoi ! la femme d’un artisan prétend prendre rang parmi nous ! » Elle avait droit de s’associer aux Vierges. Mais celles-ci lui auraient dit : « Comment pouvez-vous venir avec nous, vous qui avez reçu un époux et un fils ? »

« Elle alla donc se mettre avec les pauvres femmes du peuple. Et ainsi fut réalisée la prophétie du livre des Cantiques : Ma bien-aimée est entre les femmes comme le lis entre les épines. Et ce fut là le premier exemple d’humilité que Marie donna en ce jour.

Elle en donna un second non moins étonnant en se conformant aux prescriptions de la loi. Car la loi ordonnait que la femme, quarante jours après son enfantement, se présentât au Temple, et que fléchissant les genoux devant le prêtre, elle lui dit : « Voici mon oblation, offrez pour moi le sacrifice, afin que Dieu me remette mes péchés. » Le prêtre offrait le sacrifice, bénissait ensuite la femme, et celle-ci se retirait.

La Vierge Marie voulut passer par toutes ces observances. Elle dit au prêtre : « C’est aujourd’hui le quarantième jour depuis que j’ai enfanté ce fils ; il a été circoncis le huitième jour et a reçu le nom de Jésus. » Et elle lui remit son offrande de deux tourterelles et de deux colombes, en lui demandant de prier pour elle. O comble d’humilité ! La Très Sainte dit au pécheur : « Priez pour moi. » Et le prêtre ne la connaissait pas. Mais Isaïe la connaissait mieux lorsqu’il disait : « Voici que la Vierge concevra et enfantera un Fils, et son nom sera Emmanuel. »

Jésus ne le céda pas en humilité à sa mère lorsqu’il voulut être présenté à Dieu. Il n’en avait certes pas besoin, car il n’avait pas quitté son père pour venir sur la terre, mais il était descendu comme le rayon qui ne se sépare pas du soleil pour venir éclairer la terre. Il voulut cependant, lui, être présenté comme un étranger.

Il était né si pauvre, que sa mère ne put offrir pour lui un agneau au prêtre. Il ne convenait pas du reste qu’elle présentât cet agneau figuratif, quand elle portait dans ses bras le véritable Agneau de Dieu, et qu’elle venait offrir au Père céleste la grande Victime qui devait être immolée pour le salut de tous les hommes. Marie se contenta donc d’offrir comme les pauvres, deux tourterelles et deux colombes.

Le Fils de Dieu est racheté selon la loi

Il restait à accomplir la loi du rachat des premiers-nés.

« L’enfant premier-né, dit saint Vincent Ferrier, appartenait à Dieu et au prêtre. Mais on le rachetait au prix de cinq sicles d’argent. Si ses parents ne pouvaient fournir les cinq sicles d’argent, l’enfant restait au prêtre, et il était élevé pour servir dans le temple.

Marie remit son fils entre les mains du prêtre, qui l’offrit au Seigneur. Insensé ! s’il eût connu, il se fut prosterné devant lui. Voyant la pauvreté de la mère, le prêtre se préparait à le garder. Mais la Vierge lui dit : « Ne le retenez point ; voici cinq sicles que j’ai apportés. »

Elle les avait gagnés par son propre travail, et peut-être avait-elle retranché sur sa nourriture afin de pouvoir racheter son Enfant. Elle ouvrit donc sa bourse, qui n’était pas de soie, ni tissée d’or, et en tira l’argent qu’elle remit au prêtre selon la prescription de la loi. »

La bénédiction des cierges

Ainsi furent accomplis les mystères de ce jour, ainsi la Lumière du monde, destinée à éclairer toutes les nations de la terre, pénétra dans le Temple du Seigneur et brilla devant lui.

Pour figurer cette lumière céleste, l’Eglise à coutume de faire, au 2 février, une solennelle bénédiction des cierges. Cette cérémonie a été instituée par le pape saint Gélase, vers la fin du cinquième siècle, et elle a fait donner à la fête son nom populaire de la Chandeleur.

Les cierges qu’on bénit avant la messe de la Purification signifient donc Notre-Seigneur Jésus-Christ. Selon Yves de Chartres, la cire qui les composent, formée du suc des fleurs par les abeilles, que l’antiquité a toujours considérées comme un type de virginité, signifie la chair virginal du divin Enfant, lequel n’a point altéré, dans sa conception ni dans sa naissance, l’intégrité de Marie. Dans la flamme du cierge, il faut voir le symbole du Christ qui est venu illuminer nos ténèbres.

Saint Anselme, développant le même mystère, nous dit qu’il y a trois choses à considérer dans le cierge : la cire, la mèche et la flamme. La cire, ouvrage de l’abeille virginale, est la chair du Christ ; la mèche, qui est intérieure, est l’âme ; la flamme, qui brille en la partie supérieure, est la divinité.

Les cierges bénits par l’Eglise sont portés par les ministres et par tout le clergé dans une procession qui a été instituée par le pape Sergius au septième siècle. Cette procession symbolise la sainte Eglise qui se met en marche pour aller à la rencontre de l’Emmanuel, et elle est l’imitation de la merveilleuse procession qui eut lieu en ce moment même dans le temple de Jérusalem.

« Aujourd’hui, dit saint Bernard, la Vierge mère introduit le Seigneur du temple dans le temple du Seigneur ; Joseph présente au Seigneur non un fils qui soit le sien, mais le Fils bien-aimé du Seigneur, dans lequel il a mis ses complaisances. Le juste reconnaît celui qu’il attendait ; la veuve Anne l’exalte par ses louanges. Ces quatre personnes ont célébré, pour la première fois, la procession d’aujourd’hui, qui, dans la suite, devait être solennisée dans l’allégresse de la terre entière, en tous lieux et par toutes les nations. Ne nous étonnons donc pas que cette procession ait été si petite, car celui qu’on y recevait s’était fait si petit. Aucun pécheur n’y parut : tous étaient justes, saints et parfaits. »

C’est la même pensée que l’Eglise exprime dans l’Antienne qu’elle fait chanter à la procession :

« Décore ta chambre nuptiale, Sion, et reçois le Christ-Roi ; accueille avec amour Marie, qui est la porte du ciel ; car elle tient dans ses bras le Roi de gloire, celui qui est la lumière nouvelle. »

La procession de la Chandeleur nous apparaît donc comme la marche du peuple chrétien à la lumière du Christ, figuré par les cierges que porte le clergé, la portion choisie de l’Eglise, comme Jésus même était porté entre les bras de Marie, entre ceux du saint vieillard Siméon et du Pontife qui l’offrit au Seigneur.

Les cierges de la Chandeleur n’ont pas seulement pour but de représenter un jour le mystère du Christ. Ils sont encore un objet bénit pour l’usage des fidèles et l’un des plus précieux à conserver dans une famille chrétienne.

Autrefois, les fidèles apportaient eux-mêmes des cierges à l’Eglise le jour de la Purification, afin qu’ils fussent bénis avec ceux que les prêtres et les ministres portent à la procession. Cette coutume existe encore en beaucoup d’endroits, et il serait bien à désirer qu’elle se rétablît partout. Les chrétiens d’aujourd’hui, à force de laisser de ces anciennes pratiques établies par l’Eglise dans sa sollicitude maternelle, se sont trop privés d’une précieuse sauvegarde contre la malice du démon et d’un soutien puissant de l’esprit surnaturel que beaucoup de dévotions particulières, inconnues des saints, ne remplaceront jamais.

Les cierges ainsi bénits à la Chandeleur, gardés dans les maisons des chrétiens, sont un gage de la protection divine et un symbole de l’illumination spirituelle des âmes par l’Esprit-Saint. C’est ce qui est enseigné par la formule même de la bénédiction que l’Eglise leur consacre :

« Seigneur Jésus-Christ, vraie lumière qui illuminez tout homme venant en ce monde, répandez votre bénédiction sur ces cierges et sanctifiez-les par la lumière de votre grâce, et de même que ces flambeaux, allumés à un feu visible, chassent les ténèbres, daignez faire que nos cœurs, illuminés d’un feu invisible, c’est-à-dire de la splendeur du Saint-Esprit, soient délivrés de l’aveuglement de tous les vices, afin que, l’œil de notre âme étant purifié, nous puissions voir les choses qui vous sont agréables et utiles à notre salut et mériter, après les ombres et les dangers de ce siècle, d’arriver à la lumière qui ne s’éteint jamais. »

Dans une autre oraison, l’Eglise demande à Dieu de bénir et de sanctifier les cierges « pour l’usage des hommes et pour la santé des corps et des âmes, soit sur la terre, soit sur les eaux. »

Il est dans l’esprit de l’Eglise d’allumer les cierges de la Chandeleur toutes les fois qu’il s’agit de repousser les esprits de ténèbres partout répandus dans l’air, comme nous l’enseigne saint Paul, et qui cherchent sans cesse à nous nuire dans notre âme, dans notre corps, dans nos biens. On les allume en particulier dans une tempête, pour l’apaiser ; lorsque le tonnerre gronde, pour obtenir la protection du ciel, dans un lieu où la présence du démon se fait sentir, pour l’en chasser ; mais surtout auprès du lit d’un mourant, pour éloigner de lui l’ennemi des hommes, qui fait alors son suprême effort, et souvent un effort terrible, pour arracher à Dieu l’âme qui se débat dans l’agonie. C’est alors, en effet, que nous devons appeler à notre secours avec le plus d’insistance le Rédempteur, dont la vue illumina de joie les derniers jours de Siméon, et la Vierge secourable, afin qu’ils nous donnent, avant notre départ, le baiser de l’éternelle paix.