Saint Philippe de Néri

Fête le 26 mai


Le patron de la ville de Rome, saint Philippe de Néri, dont le culte est si populaire en Italie, naquit à Florence, le 15 juillet 1515, d’un avocat renommé, François de Néri, et de Lucrèce Soldi. Dès sa plus tendre jeunesse, ses vertus brillèrent avec un tel éclat qu’elles formèrent comme une auréole céleste autour de l’enfant prédestiné. Il gagnait tous les cœurs par la franchise et la douceur de son caractère, et sa piété précoce édifiait déjà sa famille. La vivacité de sa dévotion se manifestait jusque dans ses impatiences d’enfant, un jour même elle lui fit verser bien des larmes.

Il n’avait que cinq ans, et comme de coutume, il récitait les psaumes avec sa petite sœur Elisabeth, quand leur aînée, Catherine, vint sans aucun respect les troubler dans leur prière. Indigné, Philippe, emporté par l’ardeur de son zèle, repoussa l’importune avec quelque rudesse ; mais bientôt saisi d’un profond repentir, il se mit à pleurer, et l’on raconte qu’il pleura longtemps cette faute de jeunesse. Ce fut la seule que son père eut à lui reprocher.

Malgré cette impatience enfantine, Notre-Seigneur n’abandonna pas le saint qui lui portait tant d’amour, et il lui témoigna bientôt sa protection par un éclatant miracle. L’enfant (il avait alors huit ans), monté sur un âne chargé de pommes, revenait joyeusement à la maison paternelle, quand l’animal effrayé fit un brusque mouvement et tomba du haut du chemin au fond d’une cave. Philippe disparut sous cette lourde masse. On le crut écrasé et on accourut en poussant des cris de désespoir ; mais il se releva bientôt plein de vie. Le saint se souvint toujours du bienfait dont il avait été l’objet, et il ne cessa d’en remercier Dieu jusqu’à sa mort.

Cependant Philippe grandissait en âge et en vertu ; il aimait à entendre les sermons, à visiter les églises, et il fréquentait avec une dévotion toute particulière celle des Dominicains. Après ses premières études, il fut envoyé à l’âge de dix-huit ans auprès de son oncle, riche marchand qui le demandait pour en faire son successeur et son héritier. Mais l’adolescent n’avait aucun attrait pour les richesses de la terre, et, se sentant appeler à une vie plus parfaite, il abandonna l’héritage et partit pour Rome.

A peine était-il arrivé dans cette ville qu’un gentilhomme le prit dans sa maison et le chargea de l’éducation de ses deux fils. Professeur de grammaire et de rhétorique, Philippe se mit à étudier avec ardeur la philosophie, la théologie et les saintes Ecritures, et au milieu de tant de travaux, il s’appliqua surtout à la science des saints.

Il ne l’acquit pas sans combat. Le démon l’assaillit à cette époque par de violentes tentations d’impureté, et pour mieux frapper son imagination il lui apparut plusieurs fois sous des formes horribles. Mais le Saint dédaigna ces vaines menaces qui, loin d’abattre son courage, ne firent qu’augmenter son ardeur.

On le vit au milieu d’une grande ville pratiquer tous les exercices de la vie érémitique, joindre la mortification à la prière, et, pour son amour de la pauvreté, se dépouiller même de ses livres pour revêtir les pauvres de Jésus-Christ.

Il se donnait à la contemplation des choses divines ; souvent il y persévérait quarante heures de suite. Dans ces moments, l’amour divin enflammait tellement son cœur qu’il était contraint de se jeter par terre, d’entr’ouvrir ses vêtements et de découvrir sa poitrine pour tempérer les ardeurs qui le consumaient. Dormant peu, couché sur la dure, il prenait presque chaque jour la discipline avec des chaînes de fer. Il visitait chaque nuit les sept principales églises de Rome et il se retirait dans le cimetière de saint Calixte. On dit que pendant dix ans il passa ses nuits dans les catacombes. Quand il trouvait les églises fermées, il faisait sa station sous les portiques, et on le rencontra plus d’une fois y lisant à la lueur de la lune. Son amour de la pauvreté lui faisait renoncer à l’emploi d’une lampe. Dans ces pèlerinages nocturnes, il s’unissait à Dieu par l’oraison et Dieu l’inondait de tant de délices qu’il s’écriait souvent : « C’est assez, Seigneur, c’est assez ! Arrêter, Seigneur, arrêter, je vous en prie, les flots de votre grâce ! »

Le jour de la Pentecôte 1545, comme il suppliait le Saint-Esprit de vouloir bien lui accorder ses dons, il sentit son cœur s’embraser, et, ne pouvant supporter l’excès de cet embrasement, il se jeta par terre. Quand il se releva, il porta sa main à sa poitrine, elle s’était soulevée d’un poing au-dessus du cœur. A sa mort (1595), les médecins ouvrirent son côté et découvrirent que les deux fausses côtes au-dessus du cœur étaient rompues au milieu, et n’avaient pu se rejoindre.

Depuis cette bienheureuse Pentecôte, le saint éprouva une continuelle palpitation de cœur toutes les fois qu’il s’occupa des choses divines.

Après cette effusion du Saint-Esprit, Philippe devint un véritable apôtre. Il parcourait les écoles, les boutiques, les places les plus fréquentées pour gagner des âmes à Dieu. Ses prédications ne furent pas stériles, et beaucoup de nobles personnages stimulés par ce simple laïque, entrèrent dans les ordres religieux. Aussi, saint Ignace, qui le connaissait, lui reprochait-il familièrement de demeurer dans le siècle, et il le comparait à la cloche, qui appelle le peuple à l’église et demeure elle-même sur la tour.

Au milieu de toutes ces prédications, le saint ne négligea point les œuvres de charité, qu’il pratiqua toujours avec une indicible bonté. Il subvenait discrètement à toutes les misères et surtout prenait un grand soin des pauvres honteux.

Une nuit, comme il allait, selon sa coutume, à la maison d’une personne noble mais ruinée porter quelque provision de vivres, il rencontra un carrosse sur son chemin, et, voulant lui faire place, il tomba dans une fosse assez profonde. Mais l’ange du pauvre qu’il allait secourir veillait sur lui ; il retint le saint miraculeusement en l’air et le retira de la fosse sans aucun mal.

Cette charité pour le prochain porta Philippe, avec un saint prêtre son confesseur, Persian Rosa, à fonder un asile pour les pèlerins convalescents. Le jour de saint Roch, 16 août 1548, Philippe réunit quelques laïques dévoués à l’église San Sauvel del Campo. La petite confrérie, sous l’impulsion de notre saint, entreprit, à l’occasion du Jubilé de 1550, de servir les pauvres pèlerins. L’œuvre prit de rapides développements. On acheta d’abord une petite maison, puis une plus grande ; on ne se borna pas à donner l’hospitalité aux pauvres étrangers, mais on accueillit les convalescents qui, sortant des hôpitaux, n’avaient ni retraite ni nourriture convenable pour se rétablir tout à fait. Enfin on construisit le magnifique hôpital de la Sainte-Trinité, qui, au Jubilé 1600, nourrit pendant trois jours plus de quatre cent mille pèlerins.

Le simple laïque qui opérait tant de merveilles dut enfin céder aux instances de ses amis. Il entra dans le clergé, et au mois de juin 1551, sur ordre de son confesseur, il recevait la prêtrise. Il se retira dans la communauté des prêtres de Saint-Jérôme, qui jouissait d’une grande réputation de vertu, et à laquelle appartenait Persian Rosa, son confesseur. Les statuts de cette petite communauté laissaient une grande liberté d’action à chacun de ses membres. Chaque prêtre mangeait en son particulier et pratiquait les jeûnes proportionnés à sa dévotion et à ses forces. Saint Philippe de Néri fut spécialement chargé des confessions, et il continua, avec des grâces nouvelles l’apostolat, qu’il avait entrepris alors qu’il était encore dans le siècle.

A cette époque on parlait beaucoup des merveilles qu’accomplissait la compagnie de Jésus dans les Indes, pour la conversion des infidèles. Philippe ressentit un grand désir de se consacrer avec quelques uns de ses compagnons, à la même œuvre, mais avant d’entreprendre une mission aussi lointaine, il consulta un saint religieux de l’ordre de Cîteaux, Augustin Chettono, fort versé dans les choses spirituelles. Celui-ci, après avoir prié, rendit cette réponse : « Philippe ne doit chercher les indes qu’à Rome, et c’est là que Dieu le destine, lui et ses fils, à sauver les âmes. »

Philippe renonça donc à son premier dessein ; il se donna tout entier à la mission spéciale qui lui était confiée, et il devint l’ange de Rome avant de devenir son patron.

La seule vue des juifs lui faisaient verser des torrents de larmes, et il s’appliquait de toutes ses forces à obtenir leur conversion. Un jour il était entré dans l’église de Saint-Jean-de-Latran avec un patricien milanais. Arrivés devant le saint sacrement ils s’agenouillèrent. Cependant un homme de la suite du patricien demeurait debout et couvert au milieu de ses compagnons qui priaient ; c’était un juif. A cette vue le saint alla vers lui et lui dit : « Brave homme, adore-le et dis-lui : Si tu es le Christ, vrai fils de Dieu éclaire mon âme afin que je devienne chrétien. - Je ne puis pas faire cela , répondit le juif, parce qu’il ne m’est pas permis de douter de ma religion. » Mais Philippe se tournant vers le patricien et ses serviteurs : « Allons, mes frères, reprit-il, aidons cet homme par nos prières, car certainement il se fera chrétien. » Le juif ne put résister à ces prières, et, quelques jours après, il recevait le baptême.

Mais saint Philippe de Néri ne se bornait pas à prier pour la conversion des infidèles, il s’occupait avec un zèle infatigable de celle des pécheurs, et c’est dans ce but qu’il entreprit les Conférences Spirituelles. Il fit les premières dans sa chambre, devant six ou sept personnes ; l’auditoire grandissant, il fut obligé de demander un local plus vaste. On lui donna au-dessus de l’église Saint-Jérôme, une salle assez vaste qui fut transformé en oratoire, et c’est de là que sortit bientôt la Congrégation des prêtres de Saint-Philippe de Néri. Comme le nombre des assistants augmentait tous les jours, il s’associa quelques-uns de ses enfants spirituels pour l’aider dans ses conférences. Un de ses premiers coopérateurs fut César de Baron, né l’an 1538 à Sora, dans la Terre de Labour, et plus connu sous le nom latin de Baronius.

L’oratoire restait ouvert tous les soirs, jusqu’à cinq ou six heures, et les fidèles qui venaient y prier, faisaient une demi-heure d’oraison mentale, puis récitaient les Litanies de la Sainte Vierge. Mais on changea bientôt de méthode et l’on remplaça la méditation par une lecture spirituelle, que le président était chargé de reprendre et d’expliquer.

Après ces exercices, le Saint, avec un grand nombre de ses disciples, allaient visiter les églises ou assister les malades dans les hôpitaux. Mais c’était surtout à l’époque du carnaval qu’il redoublait de prières. A ces moments où le démon faisait tomber tant d’âmes dans ses pièges, le serviteur de Dieu réunissait autour de lui tous ceux qu’il pouvait rencontrer, et avec une masse imposante de fidèles, il allait en pèlerinage aux sept basiliques de Rome pour protester contre la licence de ses concitoyens.

Ces manifestations pieuses, entreprises pour le salut des âmes, lui suscitèrent bien des difficultés. Le Cardinal-Vicaire, circonvenu par des envieux, fit appelé le Saint, et, après lui avoir fort reproché ses pèlerinages, il lui interdit le confessionnal pendant quinze jours. « C’est pour la gloire de Dieu que j’ai commencé ces exercices, répondit humblement le Saint ; pour la gloire de Dieu, je les cesserai. » Mais Dieu, jaloux de sa gloire, manifesta sa volonté d’une manière terrible. Le Vicaire mourut subitement avant qu’il eût levé l’interdit, et le Pape Paul IV appelé à juger de la cause, donna l’ordre au Saint de reprendre ses exercices en lui demandant de prier pour lui.

Au milieu de toutes les difficultés de sa charge, saint Philippe veillait avec une tendre sollicitude sur ces enfants spirituels, et il ne les abandonnait pas même lorsqu’ils étaient loin de lui. Un de ses pénitents étant parti de Rome, contre son avis, pour aller à Naples, avait été arrêté par des corsaires, et il s’était jeté à la mer pour échapper à leurs coups. Comme il était sur le point de se noyer, il se rappela son père spirituel, et invoqua son appui. Aussitôt le Saint lui apparut entouré d’une auréole lumineuse, et, le tirant de l’eau par les cheveux, il le conduisit jusqu’au rivage à travers les flots.

Tant de merveilles attirèrent sur le Saint l’admiration générale, et les Florentins, ses compatriotes, domiciliés à Rome lui demandèrent de vouloir bien desservir l’église de Saint-Jean-Baptiste qu’ils venaient de bâtir. Sur l’ordre du Pape, saint Philippe de Néri se chargea de cette œuvre, et tous les jours il y envoyait quelques-uns de ses compagnons. Mais les Florentins, jaloux d’attirer le Saint auprès d’eux, le prièrent de transférer ses exercices, et à cet effet, lui bâtir un oratoire fort ample. Comme le nombre des fidèles augmentait toujours, le saint fondateur et ses compagnons jugèrent à propos d’avoir une maison qui leur appartînt pour faire leurs exercices avec plus de liberté. Sur le conseil du pape Grégoire XIII, ils prirent l’église de la Vaticelle au milieu de la ville, et c’est là que s’établit définitivement la congrégation des prêtres de l’Oratoire.

Ces prêtres vivaient dans la communion la plus parfaite, se distribuaient entre eux les offices de la maison et les remplissaient tour à tour, joyeux de vaquer aux emplois les plus infimes. Baronius, dont toute l’Europe catholique connaît et étudie les ouvrages, avait pris possession de la cuisine, et il avait écrit sur la cheminée en gros caractères : Baronius, cuisinier perpétuel. quand les grands seigneurs et les savants venaient le consulter sur une difficulté, ils le trouvaient avec un tablier, et ils devaient attendre avant d’obtenir une réponse que leur maître eût récuré les chaudrons et lavé la vaisselle.

Dieu réservait l’institut naissant pour de plus grandes luttes, et Baronius, le cuisinier perpétuel, allait être obligé de quitter ses fourneaux et d’entreprendre, sur l’ordre de son père spirituel, l’œuvre qui a immortalisé son nom.

A ce moment l’hérésie de Luther couvrait de ruines toute une partie de l’Europe. Les docteurs protestants s’appliquaient à dénaturer la tradition immémoriale de l’Eglise qui les condamnait, et, dans ce but, ils avaient entrepris ces ouvrages indigestes dont l’Allemagne à toujours eu le monopole. Les principaux chefs du luthéranisme avaient commencé dans les Centuries de Magdebourg cette campagne contre le dogme que les historiens protestants ou révolutionnaires ont continuée jusqu’à nos jours, et dont le dernier mot a été à la négation historique du Christ.

Saint Philippe de Néri, éclairé par la lumière d’en haut, comprit toute la gravité du mal, il s’y occupa de suite à y porter remède.

Comme on faisait tous les jours des conférences à l’Oratoire, le Saint décida qu’un de ceux qui s’y employaient reprendrait toute l’histoire de l’Eglise, depuis Jésus-Christ jusqu’au temps actuel, résumant les actes des martyrs, les vies des saints, les écrits des Pères, la succession des Pontifes, les ordonnances des conciles, année par année, afin de dissiper les fables de Magdebourg. Il exhorta Baronius à se charger de ce travail, mais le savant oratorien recula devant l’immensité de la tâche. Philippe, n’écoutant ni les excuses ni les prières, pressa vivement son fils spirituel. Baronius hésitait encore. On ne manquait pas, disait-il, d’hommes plus savants et plus capables, et du reste, Onuphre Pavinio l’avait prévenu en commençant une histoire de l’Eglise. Philippe fut inflexible. « Faites ce qui vous est ordonné, répliqua-t-il, laissez le reste. L’ouvrage vous paraît difficile ? Espérez en Dieu, et lui-même le fera. »

Baronius était plongé dans toutes ses inquiétudes quand une nuit, il eut une vision. Il lui semblait qu’il allait trouver Onuphre Pavinio pour le supplier de continuer son histoire ecclésiastique, mais Pavinio refusait. Tout à coup, saint Philippe lui apparut, et l’interpellant d’une voix sévère : « Cessez, Baronius ; ce n’est pas Pavinio, mais vous-même qui devez écrire les annales de l’Eglise. »

Le savant était vaincu, et le lendemain il allait se jeter aux pieds de son père spirituel pour lui annoncer qu’il commençait son histoire.

Cependant Philippe continuait sa vie de charité et de sacrifice. Prêt à secourir tous les malheureux il avait un soin tout particulier pour les malades et allait souvent les visiter. Un jour, il fut appelé auprès d’un de ses pénitents, Jean-Baptiste Modio, qui se mourait. Le Saint, après être resté quelque temps avec le moribond, se retira dans une chambre voisine et il se mit à prier. Au milieu de la nuit comme l’état du malade s’aggravait, un de ses serviteurs qui veillaient à son chevet alla chercher le Saint.

Mais quel ne fut pas son étonnement. Philippe, entouré d’une auréole de lumière, soutenu par une force mystérieuse, était élevé de plusieurs pieds au-dessus du sol ; il regardait le ciel. A cette vue, le serviteur ne pouvant contenir son admiration, se mit à crier : « Venez, venez tous, le Saint est en extase ! » A ces cris, tout le monde accourut et l’on abandonna le malade ; mais déjà l’extase avait cessé et Philippe, honteux de voir sa sainteté dévoilée d’une manière aussi éclatante se rendit, sans répondre aux réclamations, auprès de Modio, et, lui prenant les mains, il lui dit : « Bon courage, vous ne mourrez pas. » A ces mots le moribond releva la tête ; il était guéri.

Le pape Clément VIII, attaqué lui aussi par une maladie mortelle, fit appeler le serviteur de Dieu. A peine le Saint était-il entré dans sa chambre que le mal avait disparu.

Tant de miracles attirèrent sur Philippe la vénération universelle. Plusieurs fois on lui offrit des dignités ecclésiastiques, mais ce fut en vain, et, Clément IV lui-même ne put, malgré tous ses efforts, lui faire accepter le chapeau de cardinal.

Accablé par les fatigues de son ministère, Philippe, arrivé à un âge avancé, apprit par révélation qu’il allait mourir. Aussitôt il donna sa démission de prieur et fit élire Baronius à sa place.

Au mois de mai 1594, la fièvre l’attaqua avec une grande violence et l’on crut que tout était fini. Mais, pendant que tout le monde se désespérait autour de lui, le malade, attiré tout à coup par une force inconnue, était arraché de son lit, et il demeurait quelque temps soulevé entre la terre et le ciel. La Sainte Vierge venait visiter celui qui aimait tant à visiter les infirmes, et elle lui rendait tout à la fois la vie et la santé.

Cependant l’heure fixée pour sa mort approchait. Un an après ce miracle, le 25 mai 1595, jour de la fête du Saint Sacrement, saint Philippe de Néri avait célébré la messe avec une grande dévotion, quand il fut subitement assailli d’un vomissement de sang. En vain s’empressa-t-on auprès de lui, tous les remèdes furent inutiles, et le Saint voyant sa mort approcher, fit venir tous ses religieux et, au moment où Baronius achevait la prière des agonisants, il se souleva sur son chevet et leur donna sa bénédiction. En ce moment plusieurs personnes le virent entouré de gloire monter vers le ciel.

Le corps de saint Philippe de Néri fut déposé dans l’église de la Vaticelle et de nombreux miracles s’accomplirent auprès de son tombeau.

Comme la dévotion populaire augmentait chaque jour, un noble Florentin, lui fit bâtir une riche église en reconnaissance de plusieurs faveurs qu’il avait obtenues par son intercession. Quand on ouvrit la châsse, les draps qui recouvraient le corps, pourris par l’humidité, s’en allèrent en lambeaux, mais le corps lui-même apparut si frais et si beau, que tous en furent étonnés et remplis de consolation.

La translation des reliques eut lieu, le 24 mai 1603, et depuis lors le peuple de Rome se pressa autour de ce tombeau vénéré, où il vient, imploré la protection du saint qui lui a consacré sa vie.

La dévotion de Rome à saint Philippe de Néri devint telle que les Souverains Pontifes le donnèrent pour patron à la ville.

Lorsque le Pape est libre, le 26 mai, jour de la fête, il se rend en grand gata à l’église de la Vaticella, où repose le corps, et un peuple immense l’acclame, environne la vaste église, trop étroite pour la contenir pendant la messe, et reconduit le Pontif à son palais.

La dévotion à saint Philippe est liée à celle du Mois de Marie ; c’est en effet ce saint qui a organisé à Rome, dit-on, les premiers exercices de ce Mois, quoique plusieurs pensent la dévotion du Mois de Marie plus ancienne. Ce qui n’est pas douteux, c’est le grand zèle de ce saint pour la Sainte Vierge et l’Eglise, où il est honoré, en est un vivant témoignage, puisqu’il voulut que les 24 autels qu’elle contient fussent tous consacrés à la Sainte Vierge.

NOTA. - Pour donner plus d’extension au texte de cette vie, nous n’avons pas employé des illustrations plus complètes, nous réservant de donner, la semaine prochaine, une nouvelle vie de saint Philippe de Néri toute en gravures.


VIE DE SAINT PHILIPPE DE NERI EN GRAVURES


1. - Le démon essaya de troubler S. Philippe de Néri alors que tout jeune encore il passe une grande partie de sa vie à visiter les catacombes et les basiliques de Rome. Tantôt il se présente sous des formes hideuses pour l’effrayer, tantôt sous des formes séduisantes pour lui inspirer des pensées déshonnêtes. Mais le Saint fortifié par la prière déjoue toutes ses ruses.

2. - S. Philippe de Néri, consultant Dieu sur sa vocation, voit apparaître S. Jean-Baptiste : « Dieu veut que vous viviez à Rome pour le bien du prochain, dans un grand détachement de toute chose, » lui dit le Saint.

Au second plan, S. Philippe donne l’aumône à un ange qui se présente sous la forme d’un pèlerin et disparaît tout à coup en disant : « Je voulais voir ce que tu sais faire. »

3. - Le Saint portant des secours un soir à un pauvre honteux tombe dans une fosse, mais un ange le retient miraculeusement et le remet sain et sauf en son chemin.

Les aumônes qui passèrent par ses mains sont incalculables. Jamais un nécessiteux ne fut repoussé par lui. Il secourait de préférence les jeunes étudiants pauvres qui se destinaient au service de l’Eglise.

4. - Entré dans les ordres pour obéir à son confesseur, il s’adonne au ministère auprès des malades. Un de ses pénitents étant à la mort, il demande à se retirer en une chambre voisine pour prier. Vers minuit on va l’appeler pour assister le moribond ; on le trouve en extase, élevé en l’air et entouré de lumière. Toute la famille est témoin du spectacle. Revenu à lui, il se rend auprès du malade, lui met la main sur la tête et celui-ci est aussitôt guéri.

5. - S. Philippe se propose d’aller aux Indes prêcher la foi et consulte un père cistercien, prieur du couvent des Trois-Fontaines. Celui-ci demande à prendre conseil. Quelques jours après le Saint vient chercher la réponse : « Saint Jean évangéliste m’est apparu, dit le saint moine, et m’a dit que vos Indes sont à Rome ; c’est là que Dieu veut que vous le serviez. » Cette réponse, conforme à celle de saint Jean-Baptiste, décide le Saint à rester à Rome.

6. - S. Philippe en prières au milieu de la nuit entend la voix d’un de ses pénitents, Mario Tosini, l’appeler par deux fois : « Philippe ! Philippe ! » Il lève les yeux et aperçoit l’âme de son ami s’élever lumineuse vers le ciel, accompagnée par les anges. Le lendemain matin, il apprend que Mario est mort dans la nuit, à l’heure même où l’apparition a eu lieu.

7. - Baronius, un des premiers disciples de S. Philippe dans la Congrégation de l’Oratoire, avait reçu de lui la mission d’écrire les Annales de l’Eglise. Effrayé de cette tâche, Baronius hésitait et mettait en avant que Pavinio venait de commencer une histoire de l’Eglise. Saint Philippe, encore vivant, lui apparaît pendant son sommeil et lui dit : « C’est vous, et non un autre, qui écrirez les Annales de l’Eglise. »

8. - Par un privilège surnaturel, S. Philippe voyant la sainteté resplendir sur le visage des saints. Il en fit la remarque en particulier pour S. Charles Borromée et pour S. Ignace, fondateur de la Compagnie de Jésus. Il disait de ce dernier : « La beauté de son âme est si grande qu’elle rejaillit sur sa face : j’ai vu des rayons de lumière sortir de son visage. »

9. - Au milieu des honneurs que lui attirent sa sainteté, S. Philippe cherche les humiliations et veut se faire passer pour insensé. Rencontrant S. Félix de Cantalice, capucin, en train de quêter dans les rues de Rome, il lui demande sa bouteille et se met à boire, non sans exciter l’hilarité des passants. Un autre jour, il sort rasé seulement d’un côté.

10. - Le fils du prince Massimo était malade, S. Philippe le voyait souvent. L’enfant meurt pendant que le Saint disait la messe. Désolé, il prie au pied du lit, puis l’appelle avec force. Le mort ouvre les yeux, reconnaît S. Philippe, demande à se confesser. L’absolution donnée, le Saint lui demande devant son père et ses sœurs s’il serait content de mourir. Sur sa réponse affirmative, il lui donne congé, et l’enfant expire doucement.

11. - La Be Catherine de Ricci, dominicaine, se trouvant à Prato, et S. Philippe de Néri à Rome, Dieu donne à celui-ci le privilège de bilocation et la Be put le voir et l’entretenir. Le fait, attesté par la religieuse, fut rapporté à S. Philippe qui convint que tout ce qu’elle avait dit était vrai. Il raconta lui-même avoir conversé avec elle sans qu’elle fût venue à Rome ni lui à Prato.

12. - Une pénitente de S. Philippe, Hélène de Massimi, étant morte à l’âge de treize ans dans de grands sentiments de piété, le Saint, à l’heure même de sa mort, entendit le concert des anges qui accompagnaient son âme dans le ciel et jouit de la vision de ces esprits bienheureux. Il le raconta lui-même à César Baronius.

13. - Grégoire XIV voulait faire S. Philippe cardinal ; mais le Saint lui dit quelques mots à l’oreille et se retira en riant, comme si le Pape avait voulu plaisanter. Peu après le Pape lui envoya la barrette chez lui, mais il la refusa en disant : « Le Pape sait à quel moment j’accepterai cette dignité. »

Il refusa le même honneur offert par Clément VIII.

14. - Clément VIII était au lit, malade de la chiragra (goutte des mains), et les douleurs étaient si vives qu’il ne pouvait supporter qu’on touchât seulement son lit. S. Philippe le venait visiter : « N’approchez pas, ne me touchez pas, » lui dit le Pape. Mais le Saint sans l’entendre, lui prend la main qui est aussitôt guérie : « Continuez à me toucher, dit alors le Pape, j’en suis extrêmement soulagé. »

15. - S. Camille de Lellis, contemporain de S. Philippe, fonda la Congrégation des prêtres pour l’assistance des mourants. Ces religieux adoptèrent la règle de S. Augustin. Leur ministère fut extrêmement utile au salut d’un grand nombre d’âmes. S. Philippe visitant un malade exhorté par l’un deux vit les anges qui lui inspiraient les paroles pour la recommandation de l’âme.

16. - Le jour de la fête Dieu, 26 mai 1595, S. Philippe, après avoir dit l’office, célébré la messe et confessé une dernière fois un grand nombre de pénitents auxquels il recommanda surtout de lire la Vie des Saints, se mit au lit en disant : « Il faut pourtant mourir. » Le médecin le trouvait mieux portant que jamais. Cependant trois heures plus tard il expira doucement, assisté par le cardinal Baronius.