Notre Dame du Bon Conseil

Fête le 26 avril


Pourquoi Marie est appelée Notre-Dame de Bon Conseil

Il est rapporté au second livre des Rois que Joab, général des armées de David, étant venu assiéger la ville d’Abéla, commençait déjà à en saper les murailles, quand une femme sage et prudente cria aux assiégeants : « Ecoutez, écoutez ; dites à Joab : Approche-toi, car je veux te parler. » Joab s’approcha et elle lui dit : « Es-tu Joab ? – Oui », répondit-il. Et elle lui parla ainsi : Ecoute les paroles de ta servante. On disait dans un ancien proverbe : Que ceux qui demandent conseil le demandent dans Abéla, et ils terminaient ainsi leurs questions. N’est-ce point moi, ajouta-t-elle en parlant au nom de la cité, qui dis la vérité dans Israël à tous ceux qui me le demandent ? Et cependant tu veux ruiner cette cité, renverser une ville qui est dans Israël la mère des bons conseils. »

Saluons dans la très sainte Vierge Marie la véritable Abéla de l’Eglise, la cité du Bon Conseil où tous les chrétiens peuvent recourir avec assurance dans leurs doutes et leurs angoisses.

Le conseil est une réflexion qui fait la raison sur la conduite à tenir pour la direction de la vie et des actions. Il est un acte de la vertu de prudence ; car l’homme prudent n’agit qu’avec conseil, et l’on appelle imprudent celui qui marche sans réflexion et sans dessein. Dans l’ordre surnaturel la prudence de l’homme, trop courte par elle-même, est éclairée et retenue par le don du conseil, troisième don du Saint-Esprit.

Le conseil, qui sert à l’homme pour se diriger soi-même, lui sert aussi pour diriger les autres ; car celui qui porte la lumière devant ses pas éclaire par le fait même ses compagnons de voyage.

Marie est de toutes les pures créatures la plus éclairée pour elle-même, et elle est, à cause de cela, la lumière la plus sûre pour ceux qui marchent à sa suite avec dévotion ; la mieux conseillée et la meilleure conseillère de toute la famille humaine.

Elle est la mieux conseillée. La prudence et le conseil s’éclairent aux rayons du soleil sans tache et sans ombre de la sagesse divine. Jésus-Christ, Verbe de Dieu fait homme, est la sagesse essentielle de Dieu. Cette sagesse répand ses rayons avec d’autant plus d’intensité sur les âmes, qu’elles sont plus rapprochées de lui. Marie étant donc la plus proche de Jésus, puisqu’elle est sa mère, participe à tous ses biens plus parfaitement qu’aucune autre créature. Il est même vrai de dire qu’elle a comme Jésus la plénitude de la sagesse et de toutes les perfections ; car la mère a reçu par grâce tous les biens que le Fils avait par nature, comme le canal reçoit toute la plénitude de l’eau qui jaillit de la source avant de la distribuer en ruisseaux.

C’est pourquoi l’Eglise appelle souvent Marie la sagesse, et lui applique les textes des livres saints sur la sagesse divine, qui est par nature Jésus et par grâce Marie.

Dans l’office consacré à honorer Marie sous le titre de Notre-Dame de Bon Conseil, on lit ces paroles du livre des Proverbes : « Moi, qui suis la sagesse, j’habite dans le conseil de Dieu, et j’assiste aux pensées judicieuses des hommes. La crainte du Seigneur hait le mal : je déteste l’insolence et l’orgueil, la voie corrompue et la langue double. C’est de moi que vient le conseil et l’équité ; c’est de moi que vient la prudence et la force. »

Qu’elle fut bien conseillée la Vierge très prudente, dont la raison s’éclaira toujours de si près aux rayons de la divine sagesse ! Bien conseillée, quand elle résolut de garder l’humilité et la virginité qui l’ont rendue digne d’être Mère de notre Sauveur ; quand elle conversa si sagement avec l’ange, et qu’après avoir connu les desseins de la miséricorde et de la puissance divines, elle prononça son Fiat qui devait ôter la malédiction entrée dans le monde par l’imprudence d’Eve ; quand elle recueillait et conservait dans son cœur toutes les paroles qui tombaient de la bouche du Fils de Dieu ; quand enfin elle sut connaître la sagesse et le pouvoir des humiliations et des douleurs de l’Homme-Dieu, scandale pour les Juifs, folie pour la raison des Gentils, et qu’elle offrit elle-même généreusement son Fils en holocauste à Dieu pour la rédemption de tous ses frères.

Elle est aussi la meilleure conseillère. Car Dieu n’a point créer le soleil sans resplendissement et sans rayons. Les saints non plus ne brillent pas pour eux seuls. Ce qu’ils ont reçu de biens, c’était pour les répandre par charité sur leurs frères et sur tout le corps mystique de l’Eglise. Leurs mérites comme ceux de Jésus-Christ, sont un trésor ouvert où nous pouvons tous puiser, et ils nous aident davantage par les perfections où ils ont le plus excellé. Mais cela est bien plus vrai de Marie qui nous a été donnée pour mère. Une mère est en particulier la plus sûre et la plus douce conseillère de ses enfants ; car pour qui serait sa sagesse, sinon pour ceux qu’elle a portés si tendrement dans ses entrailles ?

Cette mission très spéciale de Marie dans l’Eglise a été proclamée par les saints. Saint Bernard l’appelle : la Conseillère universelle ; saint Anselme : notre Conseil dans nos nécessités ; l’abbé Godefroi : la Conseillère qui amène les pécheurs à la pénitence, et saint Bonaventure : le Conseil de ceux qui manquent de sagesse.

C’est donc avec raison que les chrétiens honorent Marie sous le titre glorieux de Notre-Dame de Bon Conseil, et que l’Eglise lui a consacré une fête sous ce vocable. – Mais essayons maintenant de raconter l’histoire de cette dévotion.

La madone de Génésano

Le culte de Notre-Dame de Bon Conseil prit naissance dans la petite ville de Génésano. Cette ville située à peu de distance de Rome, sur le penchant d’une belle colline, offre un des sites les plus agréables de l’antique Latium. Elle était célèbre sous le paganisme comme lieu de plaisir. On y faisait, le 25 avril, la fête de la Rubigale, en l’honneur de la déesse Rubigo, c’est-à-dire Nielle, qu’on suppliait d’éloigner des blés la maladie de ce nom. On y avait aussi établi des fêtes infâmes en l’honneur de Vénus.

Peu après le triomphe de la foi sous Constantin, le pape saint Marc conçut le dessein de purifier Génésano des superstitions idolâtriques et d’en ôter les scandales qui mettaient en danger la foi encore mal affermie de plusieurs. Il y établit des colons chrétiens et remplaça la Rubigale par une fête solennelle en souvenir de l’évangéliste saint Marc, son patron (336).

Un siècle plus tard environ, les chrétiens construisirent au lieu même où se célébraient les fêtes de Vénus un sanctuaire à la Sainte Vierge. Le rendez-vous de la débauche fut ainsi sanctifié par le culte de la Virginité. Ce sanctuaire porte le nom de Chapelle de Sainte-Marie. Il est probable que dès lors on y vénéra Marie sous le titre du Bon Conseil. Dans cette chapelle on plaça une petite statue de marbre, conservée encore aujourd’hui dans le couvent des Augustins. Ce fut la première madone de Génésano.

Dans la suite, Génésano devint un fief de la famille princière des Colona. Un seigneur de cette famille, Pierre Giordano, fit don du sanctuaire, devenu église paroissiale, aux ermites de Saint-Augustin qui possédaient un couvent dans le voisinage. C’était l’époque où ces religieux venaient d’être réunis en un seul institut par le pape Alexandre IV, et ils s’étaient gagnés tous les cœurs par leur régularité et leurs bonnes œuvres. – L’ordre de Saint-Augustin devint donc dès lors le gardien et le propagateur de la dévotion de Notre-Dame de Bon Conseil et c’est encore aujourd’hui l’une de ses gloires et de ses protections les plus précieuses.

Pétruccia. – L’image miraculeuse

Vers le milieu du XVe siècle, l’ancienne chapelle tombait en ruines. Il y avait alors à Génésano une pieuse veuve nommée Pétruccia, du tiers ordre de Saint-Augustin, qui édifiait toute la contrée par ses vertus. Elle avait entendu parler des ravages que les Turcs faisaient en Occident, depuis leur récente conquête de Constantinople. Déjà ils étendaient leurs conquêtes sur les rivages de la mer Adriatique et s’étaient emparés de l’Albanie, en face de la côte italienne. Toute l’Italie tremblait à ces nouvelles.

Pétruccia profondément émue des dangers que courait la foi, priait sans cesse avec une grande abondance de larmes, conjurant le Seigneur d’avoir pitié de son peuple. Une nuit qu’elle avait prolongé sa prière, elle eut une extase pendant laquelle la Sainte Vierge vint la consoler. Il lui fut révélé que l’image célèbre de Notre-Dame de Bon Conseil, honorée à Scutari, dans l’Albanie, allait passer miraculeusement dans un autre pays, et que c’était Génésano qui devait recevoir ce pieux trésor. La Sainte Vierge lui ordonna en même temps de lui construire un sanctuaire, assurant que son secours ne lui manquerait pas.

La bienheureuse Pétruccia crut ne pouvoir rien faire de mieux que d’entreprendre la reconstruction de l’église des Augustins, où Marie était déjà honorée sous le même titre que la Vierge de Scutari. Elle se mit aussitôt à l’œuvre. Elle vendit son petit patrimoine et, avec ce qu’elle en tira, elle commença la construction. Les contradictions et les railleries ne lui manquèrent pas. Les gens de Génésano la traitaient de folle et d’imprudente. Il y avait, en effet, peu d’apparence qu’une pauvre femme menât à bon terme une entreprise aussi considérable ; car elle voulait que l’édifice fût digne de la Reine du ciel. Mais quand on la traitait ainsi, elle répondait avec douceur : « Ne me retardez pas, mes enfants ; avant que je meure, la Sainte Vierge et saint Augustin achèveront cette église. »

Souvent on l’entendait répéter : « Ma foi dans la Sainte Vierge est si grande, que cette année-ci ne se passera pas sans que l’église ne soit achevée. » Et quand on lui demandait pourquoi elle la faisait construire, elle répondait pleine de joie : « Oh ! quelle grande dame viendra habiter cette nouvelle église ! »

Sa confiance ne fut pas trompée. Au mois d’avril 1467, l’édifice fut terminée, et Pétruccia attendit avec confiance le miracle que la Sainte Vierge lui avait promis.

Le 25 avril de cette année ramenait à Génésano la solennité de saint Marc. Par une disposition de la Providence, le concours y fut plus grand qu’à l’ordinaire. La fête n’avait pas alors un caractère purement religieux ; on s’y occupait de trafic et d’affaires, et on y mêlait des divertissements plus ou moins profanes. Tandis que les pèlerins se livraient à cette dissipation, Pétruccia priait avec toute la ferveur de son âme.

Tout à coup, vers le soir, un spectacle inattendu vint jeter dans la stupeur toute cette multitude. Une lumière éclatante apparut dans le ciel, on entendit retentir des concerts angéliques, et bientôt on aperçut, portée dans les airs par des mains invisibles, une image de la Sainte Vierge, qui vint s’arrêter sur la muraille de la nouvelle église des Augustins, du côté de la voie publique. En même temps les cloches s’ébranlèrent d’elles-mêmes et se mirent à sonner à toute volée.

Les jeux et le bruit de la fête furent brusquement interrompue, et le flot de la multitude se porta autour de la sainte image. A la frayeur du premier moment succéda bientôt un sentiment intime de reconnaissance et d’allégresse, quand on vit la Vierge animer peu à peu son visage d’un sourire plein de tendresse, comme pour saluer ce peuple de sa prédilection. Des larmes coulaient de tous les yeux ; il n’y avait plus qu’une voix pour crier au miracle. Cette acclamation vint remplacer les chants profanes.

Les pèlerins qui avaient déjà repris la route de leurs demeures furent bien surpris d’entendre les cloches retentir de nouveau comme pour l’annonce d’une autre fête. Ils se hâtèrent de revenir sur leurs pas. La nouvelle du miracle se répandit promptement dans toute la contrée, et, comme le lendemain était un dimanche, le peuple put accourir en foule de toutes les campagnes voisines pour saluer la Madone miraculeuse. Les places et les rues de Génésano étaient trop petites pour contenir les pèlerins qui affluaient sans cesse. Les vieillards ne se souvenaient pas d’avoir jamais vu un pareil concours.

Ce concours continua. De toutes les parties de l’Italie on accourait à Génésano. C’était à qui ferait les plus belles et les plus riches offrandes pour orner l’Eglise bâtie par la bienheureuse Pétruccia. La Sainte Vierge récompensa la piété des fidèles par d’éclatants miracles. Le nombre en fut si grand que les Augustins durent bientôt renoncer à les consigner tous.

Nous avons déjà dit que l’image merveilleuse promise à Pétruccia était précédemment honorée à Scutari. Cette ville par sa situation et ses remparts, était le boulevard de toute l’Albanie. Lorsqu’Amurat II s’empara de l’Albanie, ce prince la laissa avec sa principauté à Jean le Castriote et à son fils Scanderbegh. Ces deux guerriers la défendirent plus de vingt ans et rêvaient de conquérir tout le pays. Mais les crimes du peuple méritaient un châtiment et devaient rendre vains leurs efforts.

La protection de Scutari était moins sa forte citadelle, confiée à la garde des Vénitiens, qu’une petite église élevée sur une gracieuse colline à un mille de distance de la ville. Dans cette église on honorait une image de la Sainte Vierge dont l’Albanie avait souvent éprouvé la protection. D’où venait cette image ? Les uns disaient qu’elle avait été peinte par les anges, d’autres qu’elle était venue d’un pays éloigné dont le trouble causé par les guerres des Turcs avait fait perdre le souvenir. On l’appelait Notre-Dame du Bon Conseil. C’est à ses pieds que Scanderbegh venait déposer son épée avant de marcher au combat.

Cependant les Turcs faisaient chaque jour de nouveaux progrès, et les Albanais s’exilaient en grand nombre de leur patrie en ruine, afin de ne pas tomber sous la domination du Coran. La mort de Scanderbegh, en 1467, brisa leurs dernières espérances. Il y avait alors deux pieux amis, Giorgi et Sclavis, qui, considérant le malheur de leur pays et la fuite de tant de leurs concitoyens, venaient souvent répandre des larmes et des prières devant la Vierge de Scutari. Un jour ils eurent révélation que la sainte image allait bientôt quitter cette terre ingrate et être transportée au milieu d’un peuple plus digne de ses bienfaits. La Sainte Vierge leur commandait en même temps de s’exiler de leur pays, et de la suivre où elle irait.

Attristés et consolés tout à la fois par cette vision, les deux amis firent leurs préparatifs pour le départ. Mais, avant de se mettre en route, ils voulurent faire leurs adieux à la Madone. Tandis qu’ils priaient en la regardant avec amour, tout à coup ils virent une blanche nuée qui semblait sortir de la muraille. Elle environna doucement la sainte image, qu’on entrevoyait comme au milieu d’une vapeur transparente. La Madone se détacha du mur de l’église et se dirigea vers l’Occident. Giorgi et Sclavis se mirent en marche à sa suite, les yeux attachés sur la nuée, entraînés comme par un doux aimant.

Ils arrivèrent ainsi sur les bords de l’Adriatique, éloignés de vingt-quatre milles de Scutari. L’image continua sa course aérienne au-dessus des flots. Les deux pèlerins n’hésitèrent pas ; la Sainte Vierge leur avait ordonné de la suivre. Ils s’engagèrent sans trembler sur les flots, comme saint Pierre quand il vint au-devant de la barque qui portait son divin Maître. La mer devint un chemin solide sous leurs pas. Ils allaient sans se fatiguer. La nuée qui enveloppait la Madone, obscure pendant le jour, s’illuminait la nuit et prenait l’éclat du feu, comme la colonne qui guidait les Hébreux dans le désert. Elle servait ainsi tour à tour d’abri contre le soleil et de flambeau dans les ténèbres.

Ils touchèrent au rivage d’Italie. L’image avançait toujours, et les deux amis la suivaient avec foi et confiance. Mais cette foi fut mise à une cruelle épreuve. Quand ils furent près de Rome, la Madone bien-aimée disparut tout à coup vers le soir et les laissa sans guide et sans lumière au milieu d’un pays inconnu.

Leur douleur fut grande ; pourtant ils ne perdirent pas l’espoir. Les larmes aux yeux, l’inquiétude dans le cœur, ils erraient çà et là, demandant des nouvelles de leur trésor. Enfin des gens qui revenaient de Génésano leur apprirent que l’image était dans cette ville, guérissant les malades, redressant les boiteux, éclairant les aveugles, soulageant toutes les infirmités de l’âme et du corps. A cette heureuse nouvelle, ils eurent bientôt oublié leur tristesse, et, soutenus par leur amour, sans songer à la fatigue, ils coururent plutôt qu’ils ne marchèrent pour revoir leur sainte image.

Guidés par la foule des pèlerins qui couvraient les routes, ils arrivèrent bientôt à Génésano, et, au milieu des transports de joie de toute l’assistance, ils racontèrent tout ce qui leur était arrivé, comment l’image avait quitté Scutari et le peuple albanais en punition de ses crimes, comment elle était venue en Italie et comment ils l’avaient suivie jusqu’auprès de Rome et retrouvée à Génésano. Puis, déplorant le malheur de leur patrie, ils félicitaient les heureux chrétiens que la Vierge avait jugés dignes de la posséder. Leur récit fut encore confirmé par les Albanais réfugiés en Italie, qui accoururent pour revoir leur chère Madone et qui furent unanimes à la reconnaître.

Cette histoire est tirée du livre du P. Ange-Marie de Orgio, religieux augustin, et surtout d’un travail plein d’érudition du P. Raphaël Buonanno, de l’oratoire de Naples (Della immagine di Maria sanctissima del Buon Consiglio, che si venera in Genezzano), où l’auteur accumule les preuves qui démontrent l’authenticité de sa révélation.

Les deux fidèles serviteurs de Marie qui avaient suivi sa sainte image ne voulurent plus se séparer d’elle. Ils se fixèrent à Génésano, où la famille des Giorgi existe encore aujourd’hui.

La Madone du Bon Conseil

Les historiens rapportent que les habitants de Génésano honoraient d’abord la Madone miraculeuse sous le titre de Notre-Dame du Paradis. Mais elle reçut bientôt celui de Notre-Dame du Bon Conseil, sous lequel la Sainte Vierge était honorée chez eux de temps immémorial et que, d’après plusieurs, elle portait à Scutari.

C’est un tableau de deux palmes de hauteur sur une palme et demie de largeur. On y voit représentée la Sainte Vierge inclinant doucement la tête vers l’Enfant Jésus qui, à demi enveloppé dans le manteau de sa mère, la serre tendrement dans ses deux bras et approche d’elle ses lèvres comme pour lui donner un baiser. Les deux figures portent une expression de douceur et de majesté affectueuse qui saisit l’âme d’amour et de respect. En la contemplant, on ressent un vif désir de la vertu de pureté et une tendre affection pour Marie. Tous les pèlerins qui ont pu la voir en rendent témoignage.

Il y a encore plusieurs particularités merveilleuses, relatives à la sainte image. Nous en empruntons la description à un célèbre peintre de Gênes, Louis Tosi, dont les déclarations ont été recueillies par les Pères Augustins.

Louis Tosi avait fait une étude spéciale des images de la Sainte Vierge anciennes et modernes. Le 11 juillet 1747, il vint à Génésano pour prendre une copie exacte de la Madone du Bon Conseil. Afin qu’il pût étudier plus attentivement l’original, on releva la glace et les divers ornements qui l’entourent.

Assis sur l’autel devant la sainte image, après l’avoir longuement examinée et étudiée, il a reconnut et déclaré que toutes les copies, soit sur toile, soit sur cuivre ou sur acier qui en avaient été tirées, il n’en existe pas une seule qui ressemble parfaitement à l’original ; et, selon lui, il sera toujours difficile, sinon impossible, de trouver un peintre qui puisse réussir à en prendre une copie très ressemblante parce qu’il y a dans les traits de la Sainte Vierge et du divin Enfant une expression si élevée de douceur et de tendresse que l’image semble être plutôt l’œuvre d’un ange que d’un homme. – De plus, M. Tosi a déclaré que la Madone de Génésano n’a de rapport avec aucune des images jusqu’ici connues, de style grec, gothique, ancien ou moderne. Il est impossible, ajoute-t-il encore, de discerner si l’image est véritablement peinte ou incrustée dans le mur, et les couleurs en sont plutôt divines que terrestres. Le peintre est convaincu que ce n’est point là une œuvre humaine, mais le travail d’un artiste surnaturel.

Tandis qu’il était assis sur l’autel pour regarder de plus près l’image et en peindre une copie plus exacte, son esprit se troubla tout à coup, ses idées se brouillèrent, il devint incapable de se rendre compte de ce qui se trouvait devant lui. « Cependant, dit-il, obéissant à un mouvement secret de mon cœur, je me jetai à genoux devant l’image de Marie, et, à peine ma prière achevée, le trouble de mes sens disparut ; je pus reprendre mon travail que j’achevai au bout de deux jours, constamment agenouillé devant l’image. »

Tosi a de plus déclaré que l’image ne reste pas constamment semblable à elle-même. Quand elle fut exposée à nos regards, dit le rapport des Augustins, nous la vîmes telle qu’elle était d’habitude ; pâle de figure, et cependant joyeuse et pleine de douceur et d’attraits ; une heure après son aspect changea tout à coup ; elle prit une couleur de rouge ardent, et ses joues ressemblaient à deux roses fraîchement écloses. L’émotion s’empara de tous les spectateurs, une émotion de frayeur et d’amour. Tous fondirent en larmes, remués jusqu’au fond de l’âme. L’artiste fut forcé de suspendre son travail ; le pinceau lui tomba des mains. Mais quand les Pères Augustins l’eurent assuré que cette apparition était un heureux présage, il se remit à l’œuvre et acheva heureusement sa copie qui est de toutes la plus conforme à l’original.

Louis Tosi fait encore remarquer la parfaite conservation de l’image. Malgré son antiquité, elle a gardé toute sa fraîcheur. Et cette circonstance ne lui paraît pas non plus pouvoir s’expliquer naturellement.

Enfin il est une autre merveille très remarquable que constate Louis Tosi, et qui a été de nouveau vérifiée lors de la fête centenaire de 1867 : c’est que l’image est suspendue au mur sans être attachée ou soutenue par quoi que ce soit. En sorte que la Madone du Bon Conseil se tient à la place où elle apparut d’abord par l’effet d’un miracle continuel.

Nous ne pouvons raconter ici l’histoire du culte rendu à la Vierge de Génésano par les saints, par les pontifes et par les peuples, ni les innombrables miracles qu’elle a opérés. Il faut signaler cependant la tendre dévotion que saint Alphonse de Liguori avait pour Notre-Dame du Bon Conseil. La congrégation du Saint-Rédempteur, recueillant ce pieux héritage de son fondateur, rivalise avec les Augustins à qui l’honorera avec plus d’amour. Benoît XIV institua une confrérie en son honneur. Pie VI concéda aux Augustins le privilège d’en faire la fête au 26 avril. Pie IX enfin avait une dévotion très spéciale à Notre-Dame du Bon Conseil. Il fit en 1864 un solennel pèlerinage à Génésano, et il avait toujours devant lui dans son cabinet de travail une copie de la sainte image.