Saint Médard
Fête le 8 juin
Evêque de Noyon (459 – 545)
Légende de la gravure
Un aigle étend ses ailes sur Médard enfant pendant un orage, et ce prodige manifeste à un serviteur et à ses parents sa sainteté. C’était la récompense d’un acte de charité généreux.
Vers le milieu du cinquième siècle, dans un petit village de Picardie, à Salency, naissaient deux enfants qui devaient être la gloire de leur patrie. Médard et Godard, nés le même jour, consacrés évêques le même jour, devaient, nous dit le martyrologe Romain, s’envoler au ciel ensemble. Quoique leur vie ait été très étroitement liée, nous parlerons surtout de saint Médard dont le nom est resté si populaire dans notre France.
Famille de saint Médard
Nectardus, père de notre saint, était un noble leude franc de la cour de Chilpéric. Il était né dans les ténèbres du paganisme mais les exemples et les prières de son épouse Protagia lui firent demander le baptême.
Devenu chrétien, Nectardus bannissant tout respect humain, résolut de mener une vie conforme au caractère qu’il venait de recevoir. Aussi, toute superstition fut chassée de cette maison chrétienne, et les deux époux brillèrent autant par leur piété, leur miséricorde envers les pauvres que par la noblesse de leur rang et l’éclat de leur fortune. Dieu qui régnait dans cette famille y répandit ses plus abondantes bénédictions. Les heureux parents ne laissèrent pas une longue suite de descendants sur la terre, mais ils eurent l’incomparable honneur de donner aux églises de Noyon et de Rouen deux évêques qui ont conquis la gloire éternelle des saints.
Premières études de Médard
Le jeune Médard fut placé sous la direction des moines.
Le fils du leude franc devint bientôt un savant et un saint. Jeune encore, il eut l’esprit de prophétie comme le prouve un trait de son adolescence. Il dit un jour à un de ses condisciples nommé Eleuthère, qu’il aimait tout particulièrement à cause de sa vertu : « Vous serez d’abord comte franc, puis à trente ans vous serez évêque. » Nous verrons plus loin comment se réalisa cette prophétie.
Dieu récompense par des miracles la charité de Médard
Ecole chrétienne dit école de sacrifices ; aussi les leçons de ses maîtres, les exemples de ses pieux parents inspiraient à l’enfant des traits de générosité qui faisaient prévoir ses grandeurs futures.
Un jour son père le chargea de veiller à la garde des chevaux. Pendant qu’il s’acquittait de cette fonction, Médard voit passer un guerrier franc portant sur ses épaules une selle et une bride : « Pourquoi voyagez-vous ainsi, demanda l’enfant ? – Hélas ! répond le guerrier, mon cheval vient de tomber mort, et j’ai dû me charger des harnais, ne sachant comment je pourrai me procurer une autre monture. – Au nom du Seigneur, répond le jeune gardien, prenez un de ces chevaux. » Le guerrier hésite, mais pressé par Médard il se décide à obéir. Il s’était à peine éloigné qu’un serviteur vint remplacer l’enfant. Un violent orage venait d’éclater. Médard était au milieu de la prairie et un aigle aux ailes étendues se tenait au-dessus de sa tête le protégeant contre la pluie. Le serviteur étonné de la merveille dont il venait d’être témoin retourne en faire part à son maître qui se hâte d’accourir avec tous ses gens. Le prodige les comble d’admiration ; mais on s’aperçoit aussi que le nombre des chevaux n’est pas complet. On interroge l’enfant qui raconte naïvement ce qui lui est arrivé, et aussitôt, après avoir compté de nouveau, on constate que pas un cheval ne manque. « Mon fils, lui dit alors Nectardus, tout ce que j’ai est à vous. Disposez de tous mes biens selon votre volonté et priez Dieu que votre mère et moi ayons part à la grâce et à la bénédiction du ciel. »
Un autre jour, Médard avait reçu de sa mère un manteau de grand prix, afin qu’il parût avec honneur parmi les jeunes gens de son rang. Mais l’enfant rencontre un pauvre presque nu, aussitôt le manteau quitte les épaules du jeune seigneur pour aller revêtir le membre souffrant de Jésus-Christ.
Rien n’affligeait tant le cœur du saint enfant que les disputes entre chrétiens. Pendant qu’il était chez ses parents, il arriva que plusieurs habitants de son village se querellèrent au sujet des bornes d’un champ. Comme les esprits s’échauffaient, Médard vint trouver les laboureurs. Apercevant une pierre au milieu du champ : « C’est ici, dit-il, que se trouve la véritable borne ; cessez donc vos disputes, » et en même temps il la touche légèrement du pied. O miracle ! la trace du pied de l’enfant reste empreinte sur la pierre dure et les laboureurs émerveillés se rendent à la vérité.
Assidu à l’oraison, aux veilles, aux jeûnes, Médard avançait tous les jours dans les voies de la sainteté. Il était, nous disent les auteurs de sa vie, un pèlerin sur la terre ; mais sa vie pure et obéissante le faisait passer pour un habitant du ciel.
Médard consacré au service de Dieu
A mesure qu’il avançait en âge, l’enfant ne se sentait plus d’attrait que pour la piété. Nectardus et Protagia comprirent que Dieu appelait leur fils au service de ses saints autels.
Médard et son frère furent placés sous la conduite d’Alomer, évêque du Vermand. Ensemble, les deux saints reçurent la tonsure cléricale et ensemble ils furent consacrés prêtres pour l’éternité. Leur sœur consacra sa virginité au Seigneur. Bientôt une grande douleur vint affliger le cœur de Médard ; Nectardus et Protagia allèrent recevoir la récompense destinée aux parents chrétiens, ils laissaient sur la terre une postérité immortelle, ils avaient donné à la Sainte-Eglise, une vierge et deux saints pontifes.
Saint Médard institue la fête de la Rosière
Médard vint exercer à Salency les premières années de son ministère, et ce fut vers cette époque qu’il institua cette fête si populaire, connue sous le nom de fête de la Rosière. A cet effet, il détacha de ses terres patrimoniales un petit domaine qui porta jusqu’à la Révolution le titre de fief de la Rose et dont les revenus évalués à vingt-cinq livres servaient à doter chaque année la fille la plus vertueuse du pays. La sœur de saint Médard fut, dit-on, la première qui, à l’élection des habitants, reçut des mains de son frère « le chapel de roses ». Cette fête populaire, sanctifiée par les bénédictions de l’Eglise produisit pendant de longs siècles les plus heureux résultats, et les troubles qui ont bouleversé la France n’ont pu détruire entièrement une institution si salutaire. Il est vrai que le démon, ce singe de Dieu comme l’appelle Tertulien, a essayé de tourner à son profit une si louable coutume en supprimant dans cette cérémonie la bénédiction des prêtres. En vérité c’est tenir bien peu compte des intentions du pieux fondateur que de faire profiter le diable de la générosité d’un saint.
Saint Médard et les voleurs
Le prêtre de Salency édifiait tout le Vermandois par l’exemple de ses héroïques vertus. Ses nombreux miracles lui donnèrent bientôt une grande réputation de sainteté. Tout entier aux affaires de son Père, il abandonna le soin des choses terrestres pour retirer les âmes des mains du grand voleur, le démon.
Dieu cependant veillait sur les biens de son serviteur. Pendant une nuit d’automne, un voleur s’introduisit dans une des vignes appartenant à Médard. Il coupe autant de raisins qu’il peut et dès qu’il est assez chargé il se dispose à partir avec le fruit de son vol. Mais pendant ce temps, nous rapportent les actes de saint Médard, le gardien vigilant d’Israël ne dormait pas, il priait pour ses amis et pour ses ennemis ainsi qu’il convient à un homme de Dieu. Le voleur voulait fuir avant l’aube, mais ses efforts furent inutiles. Toute la nuit il erra dans la vigne ne pouvant en trouver l’issue, ni se débarrasser de son fardeau accusateur. Arrêté dès le matin par les habitants, il avoua sa faute, et il allait subir la peine due à son larcin lorsque Médard apparut ; rempli de l’esprit de mansuétude et de miséricorde, le saint réprimanda le larron ; lorsqu’il le vit repentant, il lui donna avec l’absolution de son vol, une abondante provision de raisins.
Un autre voleur lui avait dérobé ses ruches, mais par une permission de Dieu, il fut tellement tourmenté par les abeilles que, poussé autant par l’aiguillon du remords que par celui des petites bêtes volées, il fut contraint de venir se jeter aux pieds de l’homme de Dieu pour demander son pardon et sa délivrance.
Une autre fois, c’était une génisse qui avait tenté un homme désireux du bien d’autrui. Pour cacher son larcin le voleur remplit de foin la clochette suspendue au cou de l’animal. Mais, ô merveille, voilà que la clochette sonne, ne cesse de sonner. Ainsi découvert, le larron est conduit vers le bienheureux qui lui montre la grandeur de sa faute et les dangers d’une vie coupable. Après lui avoir fait promettre de changer de conduite, il le renvoie avec une bonne aumône et sa bénédiction.
Si Dieu défendait par des prodiges les propriétés de son serviteur, celui-ci se montrait le vaillant défenseur des droits de la Sainte-Eglise. L’armée des Francs sous la conduite de Clotaire, après avoir pillé la forteresse, les églises et les monastères de Noyon, s’avançait vers Salency avec des chariots remplis de butin. Tout à coup les chevaux s’arrêtèrent, et, pendant trois jours demeurèrent dans une immobilité complète. Les soldats et les chefs vinrent se jeter aux genoux de saint Médard qui leur parla avec tant de force et d’éloquence qu’ils promirent de restituer tous les biens qu’ils s’étaient illicitement appropriés.
A la parole du saint les chevaux purent reprendre leur course interrompue.
Episcopat de saint Médard
Le moment choisi par Dieu pour faire briller cette belle lumière était arrivé. Alomer évêque de Vermand venait de mourir, et d’une voix commune clergé et peuple élurent pour lui succéder le prêtre de Salency. Celui-ci se jugeant incapable de porter un tel fardeau refusa longtemps. La multitude consternée éclata en gémissements ; enfin la volonté de Dieu étant manifeste, Médard consentit à accepter le redoutable honneur que son humilité voulait éloigner et quelques jours plus tard, saint Rémy de Reims consacrait le nouveau pontife. Les temps étaient difficiles et troublés. La Gaule avait été dévastée par les Vandales et les Huns ; la cité de Vermand détruite par eux ne s’était pas relevée de ses ruines. Les Francs, maîtres désormais du pays, commençaient à prêter l’oreille aux doux enseignements de l’Eglise, mais il faudra longtemps aux évêques et aux moines pour faire l’éducation chrétienne de ce peuple, à peine sorti de la barbarie et appelé à de si grandes destinées. En attendant, Médard dut transférer le siège de son évêché à Noyon dont la situation et les remparts offraient plus de sécurité dans cette période de guerres et de ravages continuels.
A peine l’huile sainte avait-elle coulé sur le front de saint Médard que le siège de Tournay vint à vaquer par la mort d’Eleuthère pasteur de cette cité et ami de notre saint. C’était à lui que Médard encore jeune avait prédit qu’il serait élevé à l’épiscopat. L’évêque de Noyon voulut assister aux funérailles de son ancien condisciple, et, dès qu’elles furent terminées, un jeûne de trois jours fut indiqué pour se préparer à l’élection nouvelle. Plusieurs noms avaient déjà été proposés, lorsque par une inspiration subite de l’Esprit-Saint toutes les voies se réunirent dans une acclamation unanime : Médard évêque de Noyon et de Tournay ! Le saint, alléguant que les canons s’opposaient à une telle nomination, se hâta de refuser. Mais le roi, les évêques, saint Rémy, et le pontife suprême de Rome considérant les besoins de ces églises ratifièrent l’élection et Médard dut accepter ce double fardeau.
Pendant que Médard montait sur le siège de Noyon, Godard ou Gildard son frère était sacré comme évêque de Rouen. Avec saint Rémy, saint Médard et saint Vaast, il eut le bonheur de travailler à la conversion des Francs et à leur affermissement dans la foi. Poussé par des signes manifestes de la Providence, il conféra l’onction des pontifes à saint Lô qui n’était âgé seulement que de douze ans, mais qui avait la prudence et la maturité d’un vieillard. Gildard termina son laborieux pontificat en même temps que son bienheureux frère et tous les deux méritèrent par leurs vertus d’être placés sur les autels.
Ses travaux apostoliques
Le nouvel évêque se donna tout entier au salut des âmes et à la ruine de la puissance du démon qui exerçait sa tyrannie sur les deux diocèses. On ne saurait raconter ce que le saint eut à souffrir de la part des infidèles : souvent il se vit menacer de la mort et condamné par des furieux au dernier supplice, mais comme il était inébranlable au milieu de ces persécutions et qu’il souffrait tous ces mauvais traitements avec une constance qui ne se démentit jamais, il dompta enfin la dureté des infidèles et des libertins et en peu de temps il fit tant de conversions et régénéra tant d’idolâtres dans les eaux du baptême que la contrée changea de face et qu’on y vit reluire avec grand éclat la lumière du christianisme.
Fortunat nous fait remarquer en sa vie qu’il fit spirituellement tout ce que Notre-Seigneur promet dans l’Evangile aux prédicateurs apostoliques. Saint Médard, en effet, chassa les démons, parla des langues nouvelles en annonçant la vérité aux infidèles ; extermina les serpents en préparant les chrétiens à lutter contre les embûches du serpent infernal ; il but du poison sans en être offensé, lorsque recevant la confession des pêcheurs, il se remplit du venin de leurs crimes sans que la pureté de son âme en fût altérée, enfin il guérit les malades tant de leurs maladies corporelles que de leurs maladies spirituelles.
Saint Médard et sainte Radegonde
Pendant que Médard occupait le siège de Noyon, une jeune reine de France fuyait les délices et les dangers de la cour. Radegonde, c’était le nom de la fugitive, était venue se jeter aux genoux du saint évêque et le suppliait de la consacrer au Seigneur et de lui donner le voile. Les seigneurs francs qui avaient envahi la basilique, arrachèrent violemment l’évêque de l’autel et lui enjoignirent avec menace, de ne pas accéder aux désirs de l’épouse de leur roi. Médard hésitait. Cependant la très bienheureuse Radegonde s’était retirée dans le Sacrarium (sacristie). Là, elle coupa elle-même ses cheveux, et vint, revêtue d’un habit de religieuse, se prosterner devant le pontife : « Si vous tardez plus longtemps à me consacrer au Seigneur, dit-elle, si vous craignez plus un homme que Dieu, le bon Pasteur vous demandera compte de l’âme de sa brebis. » Ces paroles furent prononcées avec une telle majesté que toute l’assemblée demeura comme interdite. Le bienheureux, voyant ses craintes se dissiper, brava les menaces des seigneurs francs et consacra Radegonde à Dieu. Avant d’aller dans le couvent de Poitiers faire pénitence pour cette France dont elle avait été reine, Radegonde déposa sur l’autel ses riches parurent, son diadème, et distribua son trésor aux pauvres.
Mort de saint Médard
Une grave maladie vint arrêter l’apôtre au milieu de ses travaux et l’avertir que le jour des récompenses approchait. Il était alors à Noyon. A cette nouvelle, des milliers de fidèles vinrent recevoir une dernière fois la bénédiction de leur père. Clotaire vint incliner sa tête couronnée sous la main bénissante de l’évêque, puis, se penchant à son oreille, il lui demanda s’il avait des ordres à donner : « Roi des Francs et vous tous qui m’entourez, dit le mourant, je vous prends à témoin que je veux être enterré ici au milieu de mes enfants. » Le roi lui supplia de permettre que son corps fût enseveli à Soissons. – Médard se rendit à ce pieux désir, puis commença une prière. Elle devait se terminer au ciel.
Ses funérailles
Une foule nombreuse tant du peuple que de la noblesse voulut assister aux obsèques du saint évêque. Les habitants de Noyon auraient bien voulu garder au milieu d’eux les restes de leur Père, mais le roi tint ferme et voulut que le corps fût déposé à Crany près Soissons. Clotaire aidé des plus nobles seigneurs porta le précieux fardeau. – Ce fut un vrai triomphe rehaussé par de nombreux miracles. Les aveugles recouvraient la vue, les sourds entendaient, les captifs voyaient tomber leurs chaînes, en un mot, saint Médard continuait à protéger son peuple.
Quand on fut arrivé à Crany où le roi avait résolu d’élever une église, le cercueil devint immobile et nulle force humaine ne put le remuer. Aussitôt Clotaire fit don à la nouvelle église de la moitié du domaine et le précieux fardeau put être transporté. L’église commencée par Clotaire fut achevée avec magnificence par ses successeurs et on y vit jusqu’à quatre cents religieux y chanter jour et nuit les louanges de Dieu.
Daigne saint Médard dont le nom est cher à tous les Français, protéger les familles chrétiennes, préserver l’enfance des mauvaises doctrines, susciter des saints qui viendront sanctifier notre patrie qui fut aussi la sienne, et revoir un cortège de moines priant Dieu et édifiant les peuples à l’ombre de son tombeau.