Sainte Mathilde

Fête le 14 mars

Impératrice d’Allemagne


Légende de la gravure

Sainte Mathilde distribuant l’aumône.


Naissance

Le chemin du trône par le deuil et le couvent

Le valeureux comte Thierry descendait en droite ligne de ce fameux Vitikind, chef des Saxons dont les fréquentes incursions en France, inquiétèrent si longtemps Charlemagne. Sa femme, la noble comtesse Reinhilde était fille d’un puissant prince Danois : la religion du Christ avait fait de cette fille des barbares, une des femmes les plus accomplies de son temps.

Elle faisait en secret de grands actes de vertu ; et c’est sans doute pour l’en récompenser que Dieu lui accorda cet ange de douceur qu’on appela Mathilde ou Mahault, dont la vie devait ajouter une page si glorieuse à l’histoire des saints.

Elle se livrait tout entière aux joies de cette naissance lorsque la Providence, qui frappe ceux qu’elle aime, lui enleva le comte Thierry. Reinhilde pleura longtemps son époux bien-aimé ; puis, quand ses yeux n’eurent plus de larmes, elle dit adieu au monde, et alla dans le monastère d’Erfort consacrer pour toujours à Dieu sa chasteté. Elle emmenait sa jeune Mathilde, pour l’élever dans le silence du cloître jusqu’au moment où Dieu manifesterait sa volonté sur elle.

Reinhilde devint abbesse, mais ses nombreuses occupations ne l’empêchèrent point de veiller toujours avec la plus grande sollicitude à l’instruction religieuse et à la formation de son enfant.

Mathilde, docile aux conseils maternels, devint une jeune fille parfaite : ses traits d’une beauté angélique, reflétaient le calme et la paix dont son âme jouissait déjà malgré le feu de la jeunesse. Son intelligence était très vive, et sa mémoire bien cultivée ; elle excellait dans tous les travaux propres aux personnes de son sexe. Tant de qualités, que sa grande humilité faisait ressortir davantage, la firent connaître et estimer d’une grande partie de l’Allemagne.

Mathilde est mariée au duc de Saxe

Or il advint que le puissant duc de Saxe, Othon, entendant louer partout la jeune vierge d’Erfort, pensa à la donner pour femme à son fils Henri, qui devait être son successeur. « Le fils d’Othon, dit un historien, était un prince doué de toutes les perfections de l’esprit et du corps. » Il se rendit lui-même sur l’ordre de son père, au monastère de l’abbesse Reinhilde pour connaître celle qu’on lui destinait. La vertu de Mathilde le charma, et il fit des propositions de mariage que les deux familles adoptèrent après avoir fait des accords mutuels.

La nouvelle fiancée dit adieu en pleurant à sa sainte mère qui ne devait pas survivre longtemps à cette séparation, et quitta pour le palais d’Othon, la paisible retraite où elle avait grandi. Henri, à la tête des troupes qu’il commandait alors, la conduisit en Saxe et on célébra les noces en la ville de Waldhausen, avec toute la pompe que l’on pouvait souhaiter et l’applaudissement des peuples, qui conçurent une joie extrême de voir une si belle alliance.

Le duc Othon aima Mathilde comme sa fille et l’honora comme une sainte. Mais il ne jouit pas longtemps du spectacle consolant de ses vertus, et mourut bientôt en remerciant Dieu d’avoir donné à son fils une telle épouse.

Mathilde impératrice – Ses enfants - Fondations

Henri, devenu duc de Saxe, se fit chérir de ses sujets par la sagesse et la bonté de son caractère, tandis que notre Sainte profitait de sa nouvelle position pour faire aux pauvres de plus abondantes aumônes. Tous les cœurs leur étaient déjà gagnés lorsque mourut l’empereur d’Allemagne Conrad, aussi le peuple et les seigneurs s’écrièrent-ils d’une seule voix, « que le duc Henri soit empereur. » Dès lors, Mathilde était impératrice.

Elle ne continua pas moins à servir les pauvres, et son affabilité envers eux, ne diminua jamais le respect que les peuples avaient pour sa dignité.

Ses occupations ne l’empêchèrent pas de rester de longues heures prosternées devant le tabernacle dans la chapelle du palais ; la nuit elle quittait secrètement le lit nuptial pour aller écouter les suaves conversations de l’époux de son âme.

Cet amour de Dieu causait en elle l’amour du prochain. Souvent des prisonniers lui durent la liberté et même la vie ; et jamais l’empereur Henri ne s’impatienta malgré les nombreuses grâces qu’elle lui demandait, car Mathilde savait faire miséricorde sans blesser la justice.

Dieu se plut à bénir cette sainte union ; trois enfants en naquirent, c’étaient : Othon plus tard empereur et surnommé le Grand ; puis Henri qui devint duc de Bavière et que sa mère chérissait le plus ; enfin Brunon qui fut archevêque de Cologne, et que l’Eglise a mis au rang des saints. Ajoutons deux filles dont l’une, Gerberga fut reine de France. Tels étaient les précieux joyaux de Mathilde ; et certes, elle et son époux les avaient bien mérités. « Ils n’avaient en effet tous deux, dit un historien, qu’une volonté, et tous les désirs de l’un étaient les désirs de l’autre. L’amour de Dieu était le lien principal qui les unissait ; ils tendaient à une même fin, qui était de conquérir le ciel et de vaincre leurs passions, plutôt que de soumettre des villes et des provinces. Dieu néanmoins leur en fit subjuguer un grand nombre pour leur donner lieu d’y faire régner l’Evangile. »

Sous leur action bienfaisante, une foule de monastères et d’hôpitaux surgissaient comme par enchantement sur tous les points de l’empire. Les moines et les clercs, doucement enchaînés par la reconnaissance, prièrent sans interruption pour la famille impériale, et par leurs prières, écartaient de l’Etat tous les périls qui le menaçaient, en même temps qu’ils préparaient le règne glorieux qui allait commencer : celui d’Othon le Grand.

Sainte Mathilde perd son mari – Dernière main aux affaires du siècle – Vie cachée

C’est au milieu des plus belles espérances que la mort vint frapper à la porte de ce palais royal où le bonheur semblait être entré avec la sainteté. Atteint d’une maladie mortelle, le pieux souverain de la Germanie, s’éteignait peu à peu malgré les soins dévoués de ses plus fidèles serviteurs.

Mathilde était continuellement au chevet de son cher malade ; elle se faisait grande violence pour ne point pleurer en sa présence, de peur de l’attrister ; souvent ils eurent ensemble de longs entretiens sur la vie éternelle, les joies du paradis et la vanité des choses terrestres. L’auguste mourant remerciait son épouse des conseils qu’elle lui avait donnés, surtout dans les affaires de haute justice, où il était exposé à jouer avec la vie de ses semblables ; puis se tournant vers les assistants, lorsqu’elle s’était retirée, il leur parlait d’elle avec admiration et leur racontait beaucoup d’actes de vertu dont il avait été le seul témoin.

C’est aux pieds du Christ expirant, que Mathilde déjà épuisée par sa douleur intérieure, trop longtemps contenue, apprit la mort de son époux bien-aimé. Elle se prosterna par terre et par un effort héroïque qui la brisa, fit un acte de soumission parfaite à la volonté de Dieu. Ses sanglots éclatèrent alors avec une telle violence qu'à chaque moment elle était près d’étouffer. Elle resta longtemps prosternée sur le pavé, comme privée de sentiment. Quand elle eut la force de se relever, elle alla prendre ses trois fils par la main, et les conduisant auprès du lit de leur père, leur parla vivement de la vanité des grandeurs de la terre. « Mon fils, dit-elle en regardant Othon l’aîné, si vous montez sur le trône de votre père, souvenez-vous que vous descendrez un jour dans son tombeau. »

Quand les restes du roi Henri eurent été portés en terre, l’Allemagne s’assembla pour lui donner un successeur. Tous les regards se portèrent sur Othon. Le jeune prince fut élu. Puis on donna à son frère Henri le duché de Bavière. Quant à Brunon, il choisit la meilleure part : après avoir quitté le monde, il se fit clerc et devint archevêque de Cologne.

Désormais rassurée sur le sort de ses enfants, la Sainte ne s’occupa plus que d’atteindre Dieu. L’oraison, le jeûne, l’aumône, la mortification des sens, devinrent ses occupations ordinaires ; et comme les jours n’étaient point assez longs au gré de son ardeur, elle passait les nuits en colloques amoureux avec l’époux de son âme. Elle avait coutume de réciter tout le Psautier avant le premier chant du coq. Les pauvres avaient ses premières et dernières visites. Son cœur tressaillait de joie à leur vue, car elle les considérait comme ses enfants ; aussi la plus douce intimité existait-elle entre eux ; sa seule présence faisait disparaître toutes les tristesses et gagnait tous les cœurs.

A quoi aboutit sa générosité envers les pauvres – Persécutions et exil – Dieu la venge

Mais tous les saints ont eu leurs ennemis. Sainte Mathilde, elle aussi, eut les siens.

On persuada à Othon le Grand que sa mère cachait de grands trésors et confisquait les revenus de la couronne pour les distribuer indiscrètement à une foule de vagabonds et d’inconnus. C’en fut assez pour que l’empereur la fit appeler pour rendre compte des deniers royaux qu’elle avait maniés. Il la priva de ses propres revenus, s’informa des dons qu’on lui faisait, et la fit indignement espionner et plaça même des gardes dans les quartiers qu’elle fréquentait. Henri duc de Bavière, celui de ses enfants qu’elle chérissait le plus, se joignit à son frère pour la chasser de la cour. A tout cela, elle n’opposa pas la moindre résistance, et comme quelqu’un commençait un jour à lui mal parler de ses deux chers persécuteurs, elle l’arrêta et lui dit : « C’est pour moi un grand sujet de consolation de voir que mes fils, auparavant en désaccord perpétuel, commencent à bien s’entendre en me persécutant. Oui, disait-elle : plût à Dieu qu’ils pussent, sans pécher continuer à le faire, j’aurais du moins la joie de les voir unis. » En quittant la cour pour s’exiler à Engern, elle donna à Othon, même les biens que le feu roi son mari lui avait laissés.

Dieu cependant prit en main sa cause : Henri fut frappé d’une maladie très dangereuse, où chacun vit une punition de son ingratitude ; en même temps ses états et ceux de son frère étaient déchirés par des guerres intestines et ravagés par divers fléaux. Le doigt de Dieu était là ; tout le monde le comprit. Les grands alors s’adressèrent à l’impératrice Edith pour qu’elle obtint d’Othon la réparation de sa faute et le rappel de sainte Mathilde. Elle le fit : l’empereur reconnut ses torts et envoya à sa mère les premiers seigneurs de sa cour, pour exprimer son repentir et la supplier de revenir auprès de lui. Il lui écrivait en même temps une lettre fort respectueuse, où il lui demandait plus humblement encore le pardon de sa faute.

La Sainte était certes bien incapable du moindre ressentiment. Elle se rendit aussitôt au désir de son fils et reparut à la cour. Elle pardonna avec la même facilité au duc Henri qui lui aussi se repentit. Ce prince étant mort, elle le pleura longtemps et depuis ce temps on ne la vit plus jouer à quelque jeu que ce fût. Elle se contenta aussi, dès lors, de lire simplement les psaumes au lieu d’aller les entendre chanter magnifiquement dans les églises.

A son retour de l’exil, elle avait retrouvé ses chers pauvres de Cologne qui l’attendaient depuis longtemps et la reçurent en pleurant de joie. Elle les servit avec encore plus de tendresse qu’auparavant. Une religieuse la suivait partout pour distribuer ses aumônes. Elle faisait, pendant l’hiver, allumer de grands feux sur les places publiques, pour que ceux qui souffraient du froid vinssent s’y chauffer, et cela, dans toutes les villes et villages où elle le pouvait.

Le couvent de Nordhausen – Mathilde se fait religieuse

Othon fit un voyage à Rome où le Souverain-Pontife l’appelait pour le couronner empereur. Pendant son absence, sa sainte mère redoubla ses prières et ses aumônes. De plus, elle faisait dire tous les jours des messes pour l’heureux retour de son fils. Enfin, elle fit, avec l’aide de son petit-fils Othon, bâtir à Nordhausen un immense monastère, l’un des plus beaux qui soient au monde. Trois mille vierges vinrent y habiter pour y louer Dieu à toutes les heures du jour. Afin qu’elles pussent vivre sans inquiétude du lendemain, elle fit à leur couvent de grandes donations.

L’empereur lorsqu’il revint d’Italie après son couronnement, retrouva sa sainte mère à Cologne. Il l’embrassa avec de grands sentiments de tendresse et de respect, puis ils remercièrent ensemble Dieu des bienfaits dont il les avait comblés. Othon voulut bientôt voir le monastère de Nordhausen. Il y alla avec la cour, et fut frappé d’admiration à la vue de l’ordre merveilleux qui régnait partout : car la sagesse de Mathilde avait réglé jusqu’aux moindres détails.

La sainte fondatrice sentait cependant que son heure était proche et elle ne voulait point être seule à ne pas profiter de l’œuvre de ses mains. Elle parla donc à l’empereur de son dessein de se retirer au couvent pour s’y préparer à la mort. Celui-ci fit d’abord beaucoup de difficultés, et finit enfin par consentir à cette séparation. Elle se rendit aussitôt à Nordhausen et demanda en grâce qu’on la mît au rang des plus humbles religieuses. Sa régularité et surtout sa charité firent bientôt l’admiration des sœurs qui n’en pouvaient croire leurs yeux en voyant la mère du plus grand des empereurs, remplir avec tant de joie les offices les plus vils.

Retour forcé dans le monde – La Sainte tombée malade,

se confesse à son petit-fils qui meurt avant elle

Elle ne jouit cependant pas longtemps des douceurs de la contemplation et du silence ; d’importantes affaires de famille, la forcèrent de quitter pour un temps Nordhausen et se rendre à Quedlimbourg.

« Déjà atteinte de la maladie qui devait bientôt l’enlever de ce monde dont elle faisait les délices, dit son biographe, elle comptait pour rien les fatigues, tant qu’il lui restait une bonne œuvre à faire. Dans les premiers jours de janviers 968, elle arriva à Quedlimbourg. Ses douleurs redoublèrent et elle comprit qu’elle allait bientôt mourir. Elle distribua bientôt ses richesses aux évêques, aux prêtres et aux monastères. Son petit-fils Wilhelm, archevêque de Mayence, accourut près d’elle. A sa vue, elle sourit d’un air angélique. « C’est la volonté de Dieu qui vous amène près de moi, lui dit-elle. Aucun ministère ne saurait m’être plus agréable que le vôtre, puisqu’il a plu au Seigneur de me faire survivre à mon fils bien-aimé, Brunon, archevêque de Cologne. Vous allez donc d’abord m’entendre en confession, afin de m’absoudre de mes péchés, en vertu du pouvoir que vous tenez de Dieu et de saint Pierre. Ensuite vous irez à l’église célébrer la messe pour obtenir la rémission de mes fautes, pour le repos de l’âme du roi Henri mon défunt époux et seigneur, et pour les fidèles du Christ vivants et morts. » Quand tout fut accompli selon son désir, Wilhelm revint près de sa sainte aïeule, lui donna de nouveau l’absolution, lui administra l’Onction sainte et la Communion.

Il resta les quatre jours suivants près d’elle, puis comme le danger n’était pas imminent, bien que les souffrances fussent très vives, il lui demanda en pleurant beaucoup, la permission de s’absenter quelques jours pour les besoins de son ministère épiscopal. Leur entretien se prolongea avec une touchante effusion de part et d’autre. Cependant la pieuse reine fit appeler Richburga, l’abbesse de Quedlimbourg et lui demanda s’il restait encore dans les coffres, quelque présent qu’elle pût offrir à l’Archevêque. « Dame très cher à Dieu, répondit l’abbesse, tout a été selon vos ordres distribué aux pauvres. » - Cherchez alors les palliums que j’ai fait réserver pour ma sépulture. Je veux les offrir à mon petit-fils comme un dernier gage de tendresse. Il en aura besoin pour le difficile voyage qu’il entreprend. Après ma mort il en sera de moi selon le proverbe populaire : « Les parents donnent toujours un habit de noces et un linceul d’enterrement. » - L’abbesse apporta donc les palliums et la reine les présenta à Wilhelm en disant : « Acceptez-les comme ma dernière offrande et comme suprême avertissement. » L’Archevêque lui rendit grâce de cette touchante marque d’affection, lui donna en pleurant sa bénédiction et prit congé d’elle. En s’éloignant, il dit à voix basse aux personnes qui entouraient l’auguste malade : « Je suis forcé de me rendre à Radulveroth, mais je laisse ici un de mes clercs chargé de m’avertir si un danger était plus pressant, afin que je puisse hâter mon retour. » Ces paroles avaient été prononcées de telle façon, qu’il semblait impossible que la reine eût pu les entendre. Celle-ci pourtant releva la tête et dit à l’Archevêque : « Il est inutile de laisser ce clerc, vous en aurez besoin dans votre voyage. Allez dans la paix du Christ, là où sa volonté vous appelle. » - Wilhelm partit donc et se rendit à Radulveroth ; mais, quelques jours après son arrivée, comme il prenait une potion médicinale, il tomba frappé de mort. Des messagers accoururent à Quedlimbourg, porteur de cette funeste nouvelle. On n’osa point l’annoncer à la reine, dans la crainte de lui causer un saisissement mortel. Mais la vénérable servante du Christ, illuminée par l’esprit de prophétie, souriant à travers ses larmes dit : « Pourquoi me dissimuler la triste nouvelle ? – Je sais que l’Archevêque Wilhelm a émigré de ce monde. Faites sonner les cloches de l’église, rassemblez les pauvres et distribuez-leur des aumônes, afin qu’ils prient pour l’âme du défunt. »

Derniers entretiens – Mort sur la cendre

Les palliums de la reine Gerberga

Elle survécut encore douze jours à cette épreuve si cruelle pour son cœur. Le samedi saint (14 mars 968) dès l’aube, la servante de Dieu fit appeler près de son lit de mort, les prêtres et les religieuses. Une grande multitude de peuple se joignit à eux et elle eut encore la force de leur donner de sages conseils. Elle parla aussi confidentiellement à sa petite-fille, l’abbesse Mathilde, et lui remit un nécrologe dans lequel étaient inscrits par ordre de date les noms de ses parents défunts, lui recommandant surtout de prier pour l’âme du feu roi Henri et pour la sienne propre.

En ce moment, l’abbesse Richburga, les yeux pleins de larmes, vint s’agenouiller aux pieds de l’auguste reine et les baisant avec vénération : « Dame très chérie, dit-elle, d’une voix entrecoupée de sanglots, à qui laissez-vous le soin de cette congrégation désolée dont malgré mon indignité, vous m’avez constituée abbesse ? Qu’allons-nous devenir sans vous !… » Sainte Mathilde lui dit tendrement qu’elle lui laissait l’empereur pour protecteur et la consola autant qu’elle put. Puis faisant rentrer les prêtres et les religieuses, elle fit sa confession publique, et ayant reçu l’absolution, entendit une messe à laquelle on la communia. Ensuite, elle resta en silence, les yeux et les mains levés au ciel, jusqu’à trois heures de l’après-midi. Elle se fit alors reposer sur un cilice recouvert de cendres : « C’est ainsi, dit-elle, qu’une chrétienne doit mourir ; » et faisant le signe de la croix, elle expira.

Les religieuses de Quedlimbourg lavèrent pieusement son corps et le déposèrent dans le cercueil. Au moment où on le portait à l’église, des courriers expédiés en toute hâte par la reine de France, Gerberga, fille de la très sainte Mathilde, apportaient un pallium tissu d’or, pour cette auguste sépulture. Ainsi s’accomplissait la prophétie faite par la servante de Dieu, relativement aux palliums donnés à l’archevêque Wilhelm et au linceul dans lequel elle devait être elle-même ensevelie. Son corps fut déposé dans le tombeau du roi Henri son époux, ainsi qu’elle l’avait demandé elle-même, voulant reposer là, jusqu’au jour du jugement et de la résurrection bienheureuse. »