Mariage de la Sainte Vierge

Fête le 23 janvier


Pour célébrer avec l’Eglise les fêtes de Marie, il nous a paru utile de les introduire dans la série de nos Vies des Saints. Nous présentons aujourd’hui un chapitre de la vie de la Très Sainte Vierge dû à la plume du savant chanoine de Poitiers, M. U. Maynard, extrait du grand ouvrage publié par lui à la librairie Didot.

Après la mort de ses parents, Marie a dû être confiée à des tuteurs de race sacerdotale ; et comme, par sa mère, elle était de race sacerdotale elle-même, probablement on choisit dans sa famille et on la remit aux soins de Zacharie, époux d’Elisabeth.

Cependant, le temps s’était écoulé. Elle venait d’entrer dans sa quatorzième année, âge nubile pour les jeunes filles juives. Le grand prêtre avertit donc les vierges du temple, parvenues à cet âge, de s’en retourner chez leurs parents et de se choisir un époux.

Toutes obéirent, à l’exception de Marie.

A l’étonnement du grand prêtre, elle répondit, prenant à témoins ses tuteurs, qu’elle avait été vouée au service du temple dès avant sa naissance ; qu’elle avait elle-même ratifié sa consécration, désormais irrévocable ; et, pressée davantage, elle ajouta qu’elle avait fait vœu de virginité, et que rien ne pourrait l’arracher à l’alliance du Seigneur.

Une telle déclaration jeta le grand prêtre dans un trouble extrême. Tout, ici, était inouï, et le vœu de virginité, et la demeure prolongée d’une fille nubile dans le temple. Que choisir entre la violation d’un vœu et la violation d’une coutume sacrée, entre l’aliénation à un mortel de la propriété du Seigneur, et l’inconvenance qui allait jusqu'à une sorte de profanation de son sanctuaire ?

Une occasion favorable vint au secours de son embarras. - On était à la veille de la dédicace, solennité qui attirait les juifs à Jérusalem. - Le grand prêtre convoqua alors les princes du peuple, les vieillards, les docteurs de la loi et aussi les plus proches parents de Marie, et il leur soumit la question ; tous convinrent qu’il fallait, en affaire si délicate, consulter le Seigneur. Ils se mirent donc en prières. Le grand prêtre s’approcha de l’autel pour y recevoir la lumière du Très-Haut. Tout à coup, ou un ange, ou une voix du Propitiatoire proféra ces paroles : « Il est temps que s’accomplisse l’oracle d’Isaïe, disant : Il sortira une tige de la racine de Jessé, et une fleur s’élèvera de cette tige. Que tous les membres de la famille de David, déposent une baguette d’amandier dans le temple : celui dont la baguette sera trouvée fleurie, et sur laquelle l’esprit de Dieu viendra se reposer sous forme d’une colombe, deviendra l’époux de la Vierge. »

La voix mystérieuse circonscrivait le sort dans la famille de David, parce que Marie, comme fille unique, était héritière de tous les biens paternels. Or, d’après la loi de Moyse, ayant pour but d’empêcher l’aliénation ou la dispersion des héritages, toute fille héritière était tenue de se marier avec un homme de sa tribu et de sa famille.

L’ordre du Seigneur fut publié par des hérauts, au son de la trompette sacrée, dans tout le pays de Juda, et tous les jeunes gens de la famille de David accoururent en nombre. Après que chacun eût déposé sa baguette près de l’autel du Propitiatoire, on offrit des sacrifices au Dieu qui fit fleurir la verge d’Aaron, et on le pria de renouveler le prodige.

Le lendemain, aucune baguette n’ayant fleuri, le grand prêtre consulta de nouveau le Seigneur, et il lui fut répondu, comme autrefois à Samuel, qu’il y avait encore un fils de David qui ne s’était pas présenté à la convocation. En effet, il apprit bientôt qu’il existait un membre de la famille de David, nommé Joseph, qui, plus âgé que les autres prétendants, caché d’ailleurs dans une humble condition, et pour quelque autre motif encore, que la seule Marie saura avant le monde chrétien, n’avait pas osé venir disputer l’honneur et l’avantage des noces proposées.

Forcé de se mettre enfin sur les rangs, Joseph, à son tour, déposa près de l’autel la baguette du sort. Le lendemain, elle était toute couverte de fleurs, et une blanche colombe descendue du ciel, après l’avoir touchée un instant de son aile, venait se reposer sur la tête de l’élu de Dieu. Symbole charmant et plein de sens, dont personne excepté peut-être la seule Marie, n’eut alors l’intelligence !

Joseph était donc l’époux réservé par le Seigneur à la Vierge. Tous les jeunes prétendants se résignèrent à leur sort défavorable, hormis un nommé Agab, jeune homme qui, à sa haute naissance, à ces alliances avec les plus puissantes familles de Judée, joignait les avantages d’une fortune considérable. Frustré dans ses espérances, froissé dans son orgueil en se comparant à l’homme de condition si chétive que lui avait préféré un sort en apparence aveugle et injuste, il brisa sur ses genoux sa baguette aride, dans un transport de désespoir, et courut s’enfermer dans une des grottes du Carmel avec les disciples d’Elie. Dans ce lieu consacré bientôt à Marie, il prit le culte de la Vierge dont il perdait la main, et se distingua par sa foi et sa sainteté chrétiennes.

Marie, aussitôt appelée, accepta sans hésitation l’époux que lui désignait le ciel. On s’étonna d’une acceptation si prompte et si facile après la déclaration qu’elle avait faite de son vœu de virginité, et le refus absolu qu’elle avait fait à toute offre de mariage. Nul ne pouvait savoir que ces deux âmes, qu’une mutuelle pureté rendait transparentes l’une à l’autre, s’étaient pénétrées d’un seul regard, et qu’il leur avait été à peine besoin d’une parole furtive pour se donner l’assurance réciproque que leurs deux virginités ne couraient aucun risque en se livrant l’une à l’autre et qu’au contraire elles s’accroîtraient et s’embelliraient encore dans ce commerce tout angélique.

Que leur fut-il dévoilé en ce moment de leur glorieuse mission ? S’ils avaient pu la pénétrer et l’embrasser tout entière, ils auraient vu qu’il fallait que le Messie sortit à la fois d’une virginité inviolable et d’un mariage réel.

Adam avait été formé d’une terre encore vierge ; d’une vierge devait naître le nouvel Adam. Seul mode de naissance qui, suivant notre manière de voir, fut convenable au verbe incarné, au régénérateur de l’humanité déchue ! Verbe, fils unique du Père, il ne pouvait avoir d’autre père que ce Père céleste, et un père sur la terre lui semble aussi répugnant qu’une mère au ciel. Verbe Rédempteur, sa génération virginale devait être à l’image de notre régénération spirituelle, où la volonté et l’action de la chair n’entrent pour rien. La virginité, sorte de milieu entre l’esprit et le corps, était le seul instrument du mystère de l’Incarnation, qui est l’union de Dieu et de l’homme, de la divinité et de la chair. Et c’est pourquoi nous avons vu toutes les prophéties, toutes les figures, tous les emblèmes, tous les mythes, unir dans une corrélation comme nécessaire la virginité et l’Incarnation rédemptrice. Virginité, Rédemption, deux idées qui s’appellent et s’enchaînent l’une l’autre ! Vierge-Mère, Homme-Dieu, deux formules en quelque sorte synonymes, termes correspondants de l’équation divine !

Et en même temps, cette maison virginale, devait être cachée sous l’ombre protectrice d’un mariage réel.

Il le fallait pour la mère, il le fallait pour le fils.

Il le fallait pour la mère : pour l’honneur de sa chasteté, ainsi mise à l’abri même d’un soupçon ; pour la sécurité de sa vie, que la loi de Moyse exposée au risque de la lapidation ; pour l’assistance et la protection que réclamait déjà son âge si jeune et si délicat, et qu’exigeraient plus impérieusement certaines phases de son existence ; pour l’éclatante manifestation de sa virginité elle-même et de son enfantement virginale, dont le témoignage de Joseph donnera l’irrécusable certitude ; pour la paix et la jouissance tranquille de son humilité, n’ayant plus à dévoiler le secret glorieux de la maternité divine, ni à le cacher sous quelque explication embarrassante ; dans toutes les conditions de vierge, d’épouse, de veuve ; et, sinon de Vierge-Mère, - privilège incommunicable, - au moins d’épouse vierge, comme il est arrivé plus d’une fois et jusque sur le trône, dans certain mariage désireux de reproduire le virginal mariage de Nazareth.

Il le fallait pour le fils : pour son honneur à lui aussi, pour que sa naissance fut garantie de toute apparence, de tout soupçon d’illégitimité ; pour qu’à l’interrogation méprisante : « N’est-ce pas là le fils de l’ouvrier ? » On n’eût pas à ajouter une interrogation plus flétrissante au sujet de sa mère ; pour la protection également, le soutien et l’entretien de son enfance ; pour la mise en relief de sa descendance royale, qui, d’après l’usage des Juifs dans la confection de leurs généalogies, ne pouvait être constatée que par le mariage de sa mère avec un descendant de David : enfin pour cacher aux démons le mystère de sa naissance miraculeuse et messianique jusqu’au temps où il jugeait convenable de subir leurs assauts et de leur déclarer la guerre.

Mariage nécessaire ; mariage réel et valide, quoique virginal et dans l’intention première des deux époux, et dans l’usage qu’ils en firent toujours.

MARIE, SA BEAUTE. - Pendant que les deux époux sont en regard l’un de l’autre et se disposent à leurs saintes fiançailles, contemplons les nous-mêmes et tachons d’en garder une belle et fidèle image.

Marie est belle, d’une beauté qui ne sera dépassée que par la beauté de son fils. Elle est belle pour qu’il soit beau lui-même, ce fils fait à sa seule image, comme de sa seule substance. Elle est belle du reflet resplendissant de beauté, que ce fils, son original avant d’être sa copie, envoie sur elle pour le reprendre ensuite, le réaliser sur sa propre personne en une perfection suprême, et le lui renvoyer avec ce quelque chose d’achevé, qu’il aura pris au foyer de toute beauté visible et invisible. Entre ces deux réflecteurs, Jésus et Marie, c’est le même flux et reflux de splendeur, qu’entre les deux réflecteurs éternels et infinis qu’on appelle le Père, foyer et type de toute beauté, et le Verbe, miroir sans tâche et empreinte fidèle de sa substance ; avec cette différence favorable à Marie, que le Verbe substantiel, en renvoyant tout au Père, ne peut rien ajouter à sa beauté infinie, tandis que le Verbe incarné, en réfléchissant la beauté de sa mère, la lui rend avec un éclat surajouté. Aussi, belle à dépasser toute imagination au jour des fiançailles, Marie sera plus belle encore au jour de l’Incarnation et de la maternité divine.

Telle qu’elle apparut la première fois à Joseph, Marie, - si nous osons décrire avec les traits vulgaires cette beauté unique, - était d’une taille un peu au-dessus de la moyenne. Son port avait de la noblesse, son maintien de la dignité et de l’aisance, sa démarche quelque chose de flexible et de ferme, d’onduleux et de grave. Son visage était d’un bel ovale ; son teint de la couleur du froment qui commence à mûrir, mais pur et nuancé de rose. Elle avait le front ouvert et uni les sourcils bruns et nettement arqués, les yeux d’une teinte où se fondaient le bleu tendre et le vert pâle, le regard d’une vivacité tempérée par une douceur sereine, le nez droit avec des narines légèrement dilatées, la bouche moyenne et gracieuse, les lèvres minces et vermeilles, le menton d’une forme suave et parfaite. Ses cheveux blonds et abondants flottaient librement sur ses épaules, à peine retenus au front et aux tempes par une bandelette. Son pied emplissait à peine une étroite sandale, et sa main délicate montrait, en se déployant, des doigts longs et déliés.

Tout cet ensemble s’accentuait, s’animait et s’exprimait par un doux et habituel sourire, par une harmonieuse et sympathique, par un air affable, candide et modeste, par une parole cadencée, calme et pénétrante. Rien qu’à la voir et à l’entendre, on était sous l’empire d’une admiration simple et d’un charme religieux. Saint Denys l’Aréopagite, qui la vit longtemps après, et toujours belle, assure que, s’il n’eût été éclairé alors des lumières de la foi, il l’eût prise pour une de ces belles divinités qu’adorait Athènes.

S. JOSEPH. - Joseph nous offre un éclat plus voilé, mais il attire et charme par son ombre même.

Il transmettait son origine davidique et son droit royal à Jésus, fils de son épouse Marie, son fils aussi, par une adoption au moins tacite et voulue, sinon solennelle et légale.

Sa mission, sa dignité, sont si hautes et si exceptionnelles qu’il a dû être prédestiné avec toutes sortes de grâces et de prérogatives. Aussi, croît-on qu’il a été purifié et sanctifié dès le sein maternel et qu’il a conservé toute sa vie cette innocence originelle.

Il était « juste » ce qui, dans l’Ecriture, exprime l’assemblage de toutes les vertus.

Mais destiné à tout couvrir, à tout cacher, et la virginité de Marie, et la coopération du Saint-Esprit, et la grandeur du Fils, et le secret du Père, il est obscur et caché lui-même ; c’est un nuage, une ombre ; l’ombre, a-t-on dit, du Père éternel.

Fils de David, il cache son origine royale dans l’obscurité d’une profession manuelle : il est charpentier, ouvrier quelconque en bois. Sans doute il y avait une belle convenance entre cet état et sa fonction de maître de Jésus, qui voulait, en travaillant trente années sur le bois, se préparer au grand ouvrage qui se consommerait sur le bois de la croix ; sans doute, aux yeux de Dieu, l’ouvrier suprême de l’univers, l’architecte de l’arche et du tabernacle, il n’y avait rien de bas dans ce métier ; mais aux yeux du monde, la noblesse et de l’homme et de son ministère ne pouvait percer l’ombre de l’atelier de Nazareth.

Son ministère si haut, que lui-même si élevé, est au-dessous, puisqu’il commandera à ce qui est infiniment et incomparablement au-dessus de lui, il semble ne le remplir que comme agent impersonnel. Sa personnalité ne s’exprime et ne se révèle ni par les paroles, puisqu’on en connaît pas une seule de lui, ni par les actions, puisqu’il n’agit jamais avec initiative ni en pleine possession de sa liberté, qu’il est toujours plus passif qu’actif, qu’il agit moins qu’on ne le fait agir.

Et néanmoins, en vertu de l’antithèse divine, qui est tout le fond du christianisme, sa splendeur sort de son obscurité même ; son élévation de son abaissement ; sa gloire, du mépris où les hommes le tiennent.

Cette virginité de Marie, qu’il doit couvrir, il en est aussi comme époux, le gardien, le possesseur ; et par l’apport qu’il y ajoute de sa virginité personnelle, il acquiert un nouveau droit au fruit qui en sortira.

En ce sens, Jésus, dont il cache encore la conception virginale et divine, n’est pas seulement le fils de Marie ; il est aussi le sien, comme né de son fond, comme produit de la société patrimoniale.

Il est son fils encore, parce que, s’il n’a contribué en rien à la première conception, il l’a alimentée en nourrissant Celle qui nourrissait Jésus de sa substance.

Sa substance à lui-même, il a en quelque sorte contribué, non pas à la première formation , mais au développement successif de la chair de Jésus, qu’il a nourri de son travail et de sa sueur jusqu'à ce qu’elle arrivât au plein accroissement de victime rédemptrice. Oui, on peut dire qu’il y a de la sueur de Joseph dans l’eau vivifiante qui sortit du cœur de Jésus sous la lance du soldat.

Enfin, ombre du Père, il est aussi son lieutenant. Il le remplace avec une pleine autorité, et ni Marie, ni même Jésus, ne font rien que sur son ordre et sous sa conduite. Toutes ces ténèbres, toutes ces clartés font à Joseph une atmosphère indéfinissable, où l’on découvre bien des abîmes de sainteté, mais sans rien voir distinctement. Joseph est comme un milieu, un sommet, où aboutit et s’accumule, toute la sainteté de l’Ancien Testament, dont il fait hommage à Jésus en sa seule personne, et d’où part toute la sainteté du Nouveau, tellement accumulée encore en lui seul, qu’il ne saurait être dépassé que par Jésus et Marie. Qu’on songe, en effet qu’il avait à sa libre disposition la source et le canal de toute grâce en son épouse, et en son fils putatif, qui lui étaient, de plus obligés par justice et par reconnaissance ! Qu’on mette alors en regard les services rendus, et la solvabilité, la générosité de ses débiteurs, et on se trouvera en présence d’un monde de grâce, dont les hauteurs, l’immensité se peuvent bien entrevoir, mais dont les détails presque infinis échappent !

Dans l’époux désigné par le sort divin, l’œil virginal et surnaturalisé de Marie, découvrait mieux que nous tant de richesses et de beautés, et c’est pourquoi encore elle accepta si aisément et si vite. Mais son œil de chair ne voyait-il en lui que l’artisan brisé par le travail et par l’âge que nous représente une certaine tradition et un certain art ?

Il est incontestable que Joseph était beaucoup plus âgé qu’elle ; mais il n’était pas le vieillard presque caduc qu’on se figure quelquefois. Vieillard, il n’aurait pu couvrir la maternité de Marie, ni par conséquent, sauver son honneur et sa vie ; loin de là, il n’aurait apporté, par son âge disproportionné qu’un ridicule à la jeune et belle Vierge. Vieillard, pas davantage, il n’aurait pu, même dans la vie ordinaire, à plus forte raison dans les voyages et en dangers, remplir auprès de la Mère et de l’Enfant son office de nourricier.

Il est donc à croire qu’il était dans la maturité de l’âge, aux environs de la quarantième année ; et, de plus, qu’il était doué, lui aussi, d’une beauté peu commune ; qui ne le cédait pas en cela à son figuratif et à son homonyme, le fils de Jacob, dont la Genèse a dit : « Il était beau de visage et ravissant à voir ; » que son visage, par conséquent, où Jésus devait si longtemps attacher son regard complaisant et coller ses lèvres aimantes, avait du charme et de l’attrait ; que sa nature était majestueuse, son attitude distinguée ; toute sa personne en un mot, en rapport avec son origine, sa destinée et sa fonction.

C’est à Jérusalem, dans le temple même, le 21 novembre, jour anniversaire de la Présentation de Marie, onze ans auparavant, que fut célébrée la cérémonie des fiançailles. La jeune Vierge, donnant la main à Joseph, se présenta devant le grand prêtre, qui, après avoir reçu leur mutuel consentement, inscrivit leurs noms révérés sur les tables annuaires. Joseph mit alors au doigt de sa fiancée un anneau d’améthyste, symbole d’une fidélité que ne devait être que virginale.

Les deux fiancés revinrent ensemble à Nazareth. Là, ils se séparèrent, en attendant le jour nuptial, et chacun rentra dans sa modeste demeure. Suivant une aimable légende, le grand prêtre avait donné pour compagnes, à Marie, sept jeunes vierges élevées avec elle dans le temple, et leur avait confié à toutes une certaine quantité de lin, de soi, d’hyacinthe, de bysse, et de pourpre, qu’elles devaient filer pour le service des autels. Elles convinrent de tirer au sort, entre ces divers travaux, celui dont chacune aurait la tâche. La pourpre échut à Marie : « La pourpre ne tombe qu’aux souverains », s’écrièrent en riant les jeunes filles, et elles appelèrent aussitôt Marie, la Reine des Vierges. - « Vous ne saviez pas si bien dire, leur répliqua un ange descendu au milieu d’elles, et votre parole sera l’accomplissement de toutes les prophéties. » - A la voix et à l’aspect de l’ange, les vierges tombèrent prosternées de terreur, le visage contre terre ; mais en se relevant, elles ne virent plus que la douce figure de Marie, qui priait avec ferveur.

Deux mois s’écoulèrent. Le 23 janvier, date consacrée à la commémoration de l’Eglise, deux cortèges, précédés d’un chœur de musiciens, sortirent à la fois, l’un de la maison de Joseph, l’autre de celle de Marie. Outre les dix jeunes gens, amis de l’époux, et les dix jeunes filles, tenant à la main des lampes allumées, qui accompagnaient officiellement le fiancé et la fiancée, un grand nombre de parents, entre autres tous ceux nommés dans l’Evangile, et, selon l’usage du pays, beaucoup d’amis et de voisins, grossissaient chaque cortège. Les deux fiancés, richement vêtus et couronnés de fleurs, se réunirent sous le dais nuptial. Là, un rabbin prit la main droite de Marie, la mit dans la main droite de Joseph et dit : « Que le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob, soit avec vous ! Que lui-même vous unisse, et qu’il répande sur vous l’abondance de ses bénédictions ! »

Tous étaient dans l’admiration, mais le ciel seul avait le secret d’un tel mariage. Aussi est-il à croire que les anges se chargèrent de le chanter, et qu’ils répétèrent sur les deux époux les paroles du Cantique, épithalame de toutes les noces divines.