Saint Macaire d'Egypte

Fête le 2 janvier


Légende de la gravure

Saint Macaire et le voleur.


Innocence de saint Macaire

Saint Macaire naquit dans la Haute-Egypte, au commencement du IVe siècle. Le trait suivant nous prouve qu’il passa son enfance dans une grande pureté de cœur.

Menant paître des bœufs avec d’autres enfants de son âge, ceux-ci volèrent des figues, et il en mangea une qu’ils avaient laissé tomber en fuyant. Il pleurait depuis avec une vive componction toutes les fois que cette pensée se représentait à sa mémoire, ce qui nous montre bien l’innocence de son âme, et qu’il n’avait point de faute plus considérable à se reprocher. Quand Macaire fut un peu plus âgé, il abandonna tout à fait le monde, pour se dérober à sa contagion et servir Jésus-Christ avec plus de sûreté. Il voulut imiter les commencements de saint Antoine dont l’éminente vertu faisait l’admiration de toute l’Egypte, et se retira dans la pratique de la vie ascétique. Sa ferveur ardente le fit avancer en peu de temps dans la perfection monastique, on le considéra dès lors, non pas seulement comme un jeune homme qui donnait de grandes espérances pour l’avenir, mais comme un religieux très expérimenté, et dont les essais dans le combat spirituel étaient presque les efforts des solitaires parfaits.

Détachement admirable de saint Macaire

Deux faits que nous allons rapporter pourront nous permettre de juger quel était son détachement, et combien sa vertu était agréable à Dieu, puisqu’il l’honora dès lors de ses faveurs les plus signalées. Rentrant un jour dans sa cellule, notre Saint trouva un homme qui en enlevait tous les objets et les mettait sur un chameau. Bien loin d’en témoigner le moindre chagrin, Macaire se présenta au voleur comme un étranger, et l’aida même à charger l’animal. Mais, quand ensuite il voulut partir, son chameau refusa d’avancer ; c’est alors que l’anachorète, entra dans sa cellule, trouva une petite bêche que le voleur n’avait point vue, et la lui présenta en disant : « Voilà, mon frère, ce que votre animal attendait ; » puis il donna un coup au chameau qui partit aussitôt. Le Saint, conduisant le voleur, se disait en lui-même avec beaucoup de tranquillité : nous n’avons rien apporté en ce monde et nous n’en saurions rien emporter. Dieu me l’avait donné, Dieu me l’a ôté, que son saint nom soit béni. » Cependant le chameau ne marcha pas longtemps ; soudain il s’arrêta, et il fut impossible de le faire avancer, jusqu’à ce que le voleur l’eût déchargé, et eût rendu au Saint tout ce qu’il lui avait pris.

Une autre fois, une fille du village voisin de sa cellule, l’accusa d’une faute dont elle ne voulait pas désigner le véritable auteur. Les parents de cette malheureuse se saisirent du Saint, lui pendirent au cou des pots de terre, des anses de cruches, et le menèrent dans tout le village, en l’accablant d’injures et en le frappant de la façon la plus inhumaine. Macaire ne disait rien, il consentit même à subir les conditions qu’on lui imposait, comme s’il avait été coupable ; mais bientôt la malheureuse fille dut avouer son mensonge, et tous les habitants accoururent chez le Saint pour lui demander pardon.

Macaire se retire à Scété

A l’âge de trente ans, saint Macaire se retira au désert de Scété, où il en vécut encore soixante dans les travaux de la mortification religieuse. Là, il s’appliqua avec d’autant plus d’ardeur à tous les exercices de la vie monastique, qu’étant dans l’impétuosité de la jeunesse, il ne sentit plus de force pour les soutenir. Sa grande réputation attirait déjà de nombreux solitaires dans son désert, et c’est alors qu’il résolut d’aller voir saint Antoine, pour lui demander de sages et salutaires conseils.

Il visite saint Antoine

Après quinze journées de marche, saint Macaire arriva sur la montagne où vivait le grand serviteur de Dieu. Celui-ci, l’entendant frapper à sa porte, l’ouvrit et lui demanda qui il était. – « Je suis Macaire, répondit-il. » Aussitôt le saint vieillard, qui voulait éprouver sa vertu, referma sa porte et le laissa dehors. Macaire attendit, jusqu’à ce que saint Antoine, admirant sa patience, lui ouvrit de nouveau, l’embrassa avec amitié, et exerça envers lui tous les devoirs de l’hospitalité.

Ses austérités

Sa règle ordinaire était de ne manger qu’une fois la semaine, et il voulait que ses disciples s’accoutumassent à une grande mortification. Un de ses frères, du nom d’Evagre, nous raconte que se trouvant en sa compagnie, à l’heure de midi, il se sentit brûlé de la soif, et lui demanda la permission de boire de l’eau.

- « Contentez-vous, mon fils, lui répondit-il, d’être à l’ombre, car à l’heure où nous sommes, il y a beaucoup de personnes qui voyagent, privées de votre soulagement. »

Ils s’entretinrent alors de la mortification, et le Saint, pour encourager son disciple, lui rapporta qu’il avait passé vingt ans sans manger, ni boire, ni dormir autant qu’il aurait voulu.

Notre Saint chérissait tellement la pénitence que deux solitaires, venus pour le visiter, ne trouvèrent dans sa cellule que de l’eau puante. Ils en furent si touchés, qu’ils s’offrirent à le mener à un village pour rétablir ses forces usées. « Je vous remercie, leur dit-il, de vos offres obligeantes, je vais pourvoir à mes besoins. »

Sa mortification

Quand arrivait le temps de la moisson, saint Macaire se louait comme les solitaires de Nitrie, et portait de Scété aux lieux habités, les corbeilles qu’il avait faites. Il se trouva un jour si abattu sous son fardeau que, ne pouvant plus faire un pas, et se trouvant encore éloigné du fleuve, il s’assit et s’adressa à Dieu, en lui disant avec une confiance filiale, comme un enfant à son père : « Seigneur, vous savez que je n’en puis plus. » Et aussitôt il se trouva sur les bords du Nil.

Quand on l’obligeait à prendre quelque soulagement, il cherchait à s’en dédommager par quelque autre genre de pénitence. Lorsqu’il mangeait avec les solitaires, et qu’on servait du vin, il buvait ce qui lui était présenté, mais passait ensuite autant de jours sans boire d’eau qu’il avait pris de gorgées de vin. D’ailleurs, son visage amaigri et exténué montrait assez quelle était la rigueur de son abstinence.

Saint Macaire est élevé au sacerdoce

Plus ce grand Saint affaiblissait son corps par ses austérités, plus aussi son esprit avait de vigueur et de force pour s’élever vers les choses d’en haut. Sans cesse ravi hors de lui-même, il s’entretenait plus souvent avec Dieu qu’il ne pensait à ce qui se passe sous le ciel.

Il avait quarante ans quand les pressantes instances de l’évêque le forcèrent à recevoir la dignité du sacerdoce ; ce prélat ne voulait pas qu’une lampe si brillante demeurât cachée sous le boisseau, et il espérait se sanctifier lui-même en imposant les mains à un Saint. Pour mieux répondre à la sainteté de ce nouveau caractère, dont son cœur était si pénétré, Macaire se dévoua à des austérités toutes nouvelles. C’est alors que Dieu lui donna l’esprit de prophétie, la grâce de guérir les malades, et le pouvoir de commander aux démons.

Sa conduite envers les religieux

Il recommandait le silence aux solitaires, comme une des vertus les plus essentielles à leur état. En renvoyant un jour l’assemblée des frères, après la célébration du saint sacrifice, il leur dit : « Fuyez mes frères. »

- « Mais où pouvons-nous fuir ? lui demanda l’un d’entre eux. Y a-t-il quelque lieu plus reculé que ce désert ? »

Alors, mettant le doigt sur sa bouche : « C’est là, dit-il, qu’il faut s’enfuir. » En même temps, il se retira dans sa cellule, ferma la porte, et demeura seul.

Pour les prémunir contre les ennemis de la solitude, et les porter à l’aimer tous les jours davantage, il leur citait un exemple qui tendait à leur montrer que le démon la redoutait extrêmement.

- Une mère, disait-il, amena à ma cellule son enfant, possédé du démon. Quand cet enfant fut arrivé, il ne voulut pas rester. « Levez-vous, dit-il à sa mère, et partons d’ici. »

- Mais je ne puis pas marcher, lui dit-elle.

- Et bien, je vous porterai moi-même.

C’est alors, ajouta le Saint, que j’admirai l’adresse malicieuse du démon, cherchant à chasser l’enfant d’un lieu qu’il abhorrait souverainement.

Conversion d’un prêtre idolâtre

Quand les solitaires allaient deux ou trois ensemble, ils avaient la coutume de s’écarter un peu les uns des autres, pour s’empêcher de discourir vainement, ou pour mieux conserver la présence de Dieu. Un jour qu’il se rendait, du désert de Scété, à la montagne de Nitrie, son disciple qui l’accompagnait le devança d’un assez long espace de chemin, et rencontra un prêtre idolâtre. Son zèle, un peu discret, le porta à lui crier : « Où cours-tu ainsi, démon ? » Le païen, irrité de cette apostrophe, se jeta sur le solitaire, et le battit si rudement qu’il le laissa à demi-mort. Bientôt après il rencontra saint Macaire, qui lui dit avec douceur : « Bonjour, bonjour, je vois que vous prenez beaucoup de peine, et que vous devez être bien fatigué. » L’idolâtre, étonné de sa salutation, lui dit :

- « Qu’avez-vous trouvé de bon en moi pour me saluer ainsi ? »

- Je l’ai fait , répondit le Saint, parce que j’ai vu que vous vous épuisiez de fatigue, sans prendre garde que cela ne vous servait à rien.

- Je comprends maintenant que vous êtes un homme de Dieu, ajouta l’idolâtre ; quant à ce méchant solitaire que je viens de rencontrer, il est loin d’être aussi vertueux que vous. Il s’est avisé de me lancer une injure, mais ce bâton lui a fait payer chèrement son insolence. » En ce moment, le cœur de l’idolâtre fut vivement touché de la grâce, il se jeta au pied du Saint qu’il embrassa en disant : « Je ne vous quitterai pas que vous ne m’ayez fait moine. » Ils allèrent alors au lieu où gisait le disciple tout meurtri de coups, et le portèrent à l’église de la montagne de Nitrie, parce qu’il lui était impossible de marcher. Le prêtre idolâtre y prit bientôt l’habit monastique, et à son exemple, plusieurs païens embrassèrent la foi chrétienne.

Sa simplicité

Macaire agissait envers les frères avec tant de candeur et de simplicité que quelques personnes lui en firent des reproches dans une rencontre ; mais il leur répondit : « J’ai demandé instamment cette grâce à Dieu pendant douze ans ; pourquoi voudriez-vous m’y faire renoncer ? »

Un jour il obligea un jeune solitaire appelé Zacharie de lui dire le devoir d’un moine. Zacharie, étonné, s’écria : « Hélas, mon père vous me demandez cela à moi ?

- Oui, mon fils, répondit-il, Dieu veut que je l’apprenne de vous. »

Alors le jeune solitaire lui dit : « Il paraît, mon père, que celui-là est véritablement moine qui se fait violence en tout. »

Son pouvoir sur les démons

Se trouvant un soir sur le chemin qui conduisait du lieu de sa retraite à la solitude où demeuraient les autres frères, Macaire vit le démon sous la figure d’un homme, couvert d’un habit de lin, mais percé de trous, et dans chaque trou il aperçut une fiole. « Où vas-tu, lui demanda le Saint ? » - « Réveiller les frères, répondit le fantôme, et je leur porte ces potions différentes, afin que si quelqu’un ne veut pas de l’une, je puisse lui en présenter une autre qui lui plaise. »

Quand l’esprit malin fut de retour, Macaire le força à lui dire s’il avait séduit quelque solitaire.

« Tous vos moines sont intraitables, répondit-il, ils ne me témoignent que du mépris, il n’y en a pas un qui veuille m’écouter.

- Quoi ! dit le Saint, tu n’as donc pas un seul ami parmi mes frères ?

- Il y en a pourtant un, ajouta le démon, qui me croît, c’est Théopempte, quand il me voit il tourne comme le vent. »

Saint Macaire se rendit aussitôt chez les solitaires, demanda Théopempte et alla loger dans sa cellule. Il en fut reçu avec de grandes démonstrations de respect et de joie, comme étant le Père commun des solitaires, et quand ils furent seuls, le Saint lui dit : « Eh bien ! mon frère, comment êtes-vous ?

- Fort bien, mon père, grâce à vos prières, dit Théopempte.

- Mais vos pensées, ajouta le Saint, ne vous font-elles pas de peines ? »

Théopempte, n’osant avouer la vérité, dit que non.

« Pour moi, répliqua Macaire, qui ai déjà passé tant d’années dans cette vie austère, je ne vous dissimulerai pas que je suis tourmenté par mes pensées. »

Encouragé par l’humble aveu du Saint, le religieux dit :

« Hélas, mon Père, il faut que je vous confesse que j’en ai aussi qui me cause bien de la peine. »

Quand enfin Théopempte eut manifesté l’état de son âme, Macaire l’instruisit de ce qu’il devait faire et retourna dans sa solitude.

A quelque temps de là , il vit de nouveau le démon, et lui demanda s’il comptait beaucoup d’amis parmi les frères.

« Ils sont, répondit le malin esprit, tous plus durs et plus intraitables, mais ce qui est pis, c’est que celui qui m’obéissait auparavant est à présent tout changé. Je ne sais pourquoi, mais loin de m’écouter, il me déteste aujourd’hui plus que les autres. »

Autre preuve de son pouvoir sur les démons

L’intrépidité de saint Macaire contre les esprits malins était admirable. Elle prouve la grandeur de sa foi et de sa confiance en Jésus-Christ, qui a triomphé de l’enfer et a lié par sa passion le prince des ténèbres. Il vint une fois à Térénut et se trouvant surpris par la nuit, il entra dans un sépulcre où reposaient plusieurs cadavres de païens. Le Saint en prit un pour lui servir de chevet pendant son sommeil, mais les démons piqués de son audace, voulurent lui faire peur. L’un deux feignit d’appeler le mort qui servait d’oreiller à Macaire, et un autre répondit de façon à faire croire que le cadavre parlait lui-même. C’est alors que Macaire, bien loin de s’effrayer, donna de grands coups de poing à ce corps en lui disant : « Lève-toi si tu peux ; » Les démons s’enfuirent aussitôt pleins de confusion et en jetant ce cri : « Tu as vaincu. »

Humilité de saint Macaire

Ce grand Saint qui brillait au milieu des solitaires par ses dons surnaturels et son éminente vertu, était loin de rechercher les louanges des hommes. Il avait une idée si basse de lui-même qu’il se dérobait autant qu’il le pouvait aux regards de ses frères. C’est quand la compassion et la charité l’exigeaient ou la gloire de Dieu y était intéressée, qu’il employait le don des miracles. Il se regardait d’ailleurs comme le plus grand pécheur et vivait dans une sainte frayeur des jugements de Dieu.

Exemple de son don de prophétie

Saint Macaire vivait avec deux disciples : l’un demeurait dans une cellule séparée, l’autre, nommé Jean, restait auprès de lui pour le servir dans son grand âge, ou pour rendre les devoirs de l’hospitalité à ceux qui le venaient voir. Le Seigneur éclaira notre Saint sur les sentiments intérieurs de son compagnon et lui découvrit l’état de son âme. Inspiré par celui qui scrute le fond des cœurs, Macaire parla à son frère en ces termes : « Ecoutez-moi, Jean, mon frère, et recevez avec docilité l’avis que je veux vous donner, et qui vous sera d’une grande utilité, si vous en profitez. Vous êtes tenté, et c’est par le démon de l’avarice. Si vous recevez l’avertissement que je vous fais, vous accomplirez avec perfection l’œuvre de Dieu. Vous deviendrez célèbre et les jugements du Seigneur n’approcheront pas de vous ; au contraire, si vous ne vous rendez pas à ma remontrance, vous finirez par tomber dans la maladie de Giezi, dont vous avez déjà contracté le péché. »

Le disciple Jean, au lieu de mettre à profit cet avertissement salutaire, s’enfonça de plus en plus dans le péché, et la prédiction du Saint s’accomplit à la lettre. Quinze ou vingt ans après la mort de Macaire, son disciple se trouvait si couvert de lèpre, que tout son corps tombait en pourriture.

Comment il justifie un innocent

Un homme, accusé injustement d’un meurtre, s’enfuit dans la cellule de Macaire, mais ceux qui le poursuivaient y arrivèrent bientôt après, protestant au Saint que leur propre vie était en danger s’ils n’emmenaient point le coupable. L’accusé protestait de son innocence et la protestation fort vive de part et d’autre ne finissait pas. Alors le Saint leur demanda où le mort était enterré, et s’y rendit avec eux ; là, il mit les genoux en terre, invoqua le nom de Jésus-Christ, et dit ensuite aux assistants : « Le Seigneur fera connaître si cet homme que vous accusez est coupable ou innocent. » Puis s’adressant au mort : « Je te conjure par Jésus-Christ de déclarer si cet accusé est ton meurtrier. » La réponse ne se fit pas attendre, le mort dit aussitôt que cet homme ne lui avait pas ôté la vie.

Qu’on juge à ce récit quelle fut alors l’épouvante de tous ceux qui étaient présents à un si grand miracle.

Persécution et mort de saint Macaire

Tels étaient les effets de sa foi vive. Comme il la confirma par des prodiges ; il eut aussi le bonheur de la défendre en souffrant courageusement la persécution. Il partagea avec Macaire d’Alexandrie, la gloire d’être relégué dans une île déserte, sur l’ordre de Luce que les Ariens avaient placé sur la chaire de saint Marc.

Enfin cet homme si célèbre par ses miracles et qui ne l’était pas moins par ses héroïques vertus, rendit doucement son âme à Dieu pour aller jouir des récompenses éternelles.