Saint Louis de Gonzague

Fête le 21 juin

Patron de la jeunesse


Naissance de saint Louis de Gonzague

L’angélique jeune homme, saint Louis de Gonzague, que le pape Benoît XIII a proposé comme modèle d’innocence et de pureté et comme patron à la jeunesse des écoles, eut pour père Ferdinand de Gonzague, marquis de Castiglione, prince du Saint-Empire, et pour mère, Marthe Tana Santena, fille de Tano Santena, seigneur de Chieri, en Piémont.

Le désir de se voir mère fit faire à la marquise d’ardentes prières pour obtenir du Seigneur qu’il lui donnât un fils, non pour être le soutien de sa famille, mais pour servir Jésus-Christ. Ses vœux furent enfin exaucées. Mais cette joie maternelle fut bientôt traversée par l’appréhension de perdre avant même de le posséder, ce fruit de tant de désirs. La marquise en effet, souffrit de si grandes douleurs dans ses couches, qu’au jugement des médecins la mère ni l’enfant ne pouvaient vivre.

En cet état elle eut recours à la Sainte Vierge et fit vœu, si elle et son fils échappaient au péril, d’aller en pèlerinage à Notre-Dame-de-Lorette et d’y porter l’enfant pour le lui consacrer. Elle n’eut pas plutôt achevé cette promesse, que l’enfant vint au monde, plein de vie, le 9 mars de l’an 1568.

Admirables dispositions de Louis dès ses premières années

Cette pieuse mère, regardant dès lors ce fils comme un dépôt sacré qu’elle devait un jour remettre intact à la Mère de Dieu, prit un soin extrême de lui inspirer de bonne heure les sentiments de la plus tendre piété. L’angélique enfant montra bientôt lui-même, qu’il était vraiment l’objet d’une adoption et d’une protection toute particulière de la part de la Reine du ciel ; et les dispositions merveilleuses qui se développaient en lui de jour en jour, dépassèrent de beaucoup tout ce qu’en aurait pu espérer une mère si vertueuse. Il était encore au berceau, et déjà sa tendresse pour les pauvres, la compassion qu’il témoignait à la vue de leurs misères étonnait tout le monde. S’en présentait-il un devant lui, il se mettait aussitôt à pleurer, et on ne pouvait l’apaiser qu’en faisant l’aumône. Dès qu’il put parler, on lui apprit à prononcer les saints noms de Jésus et de Marie, à faire le signe de la croix, ce qu’il répétait avec une joie et une ferveur admirables. Son visage, empreint d’une angélique douceur, respirait un tel air de piété, que ceux qui le portaient entre leurs bras croyaient tenir un ange, à la seule vue duquel ils se sentaient intérieurement animés à la vertu. Quand il put marcher, il commença à se retirer seul en secret, pour y prier Dieu avec plus de recueillement. Il inaugurait ainsi cette vie de prière qui devait, en peu d’années, l’élever à une si haute perfection.

La pieuse marquise était ravie de voir ces inclinations de son fils pour la piété, mais le marquis son père eut mieux aimé lui voir de l’ardeur pour les armes. Il le prit avec lui pour aller faire à Cassal une revue de ses troupes, afin qu’en se trouvant perpétuellement en contact avec les mœurs militaires il put prendre une humeur guerrière. Comme l’enfant n’avait encore que cinq ans, le mauvais exemple des gens de guerre fit quelque impression sur lui. Il en retint des paroles un peu libres qu’il répétait sans les comprendre, mais son gouverneur l’en ayant repris aussitôt il en eut horreur, et évita désormais ceux qui les prononçaient. Ce fut là sa plus grande faute, qu’il pleura et dont il fit pénitence toute sa vie.

Premiers désirs de quitter le monde

A l’âge de sept ans, âge qu’il appelait le temps de sa conversion, il se sentit tellement épris de Dieu, qu’il résolut de renoncer à tout ce que le monde aime, pour se consacrer entièrement à son service. Il eut dès lors ses prières réglées, il y était si exact qu’on ne put même les lui faire omettre pendant une fièvre ardente qui le travailla huit mois : on obtint seulement qu’un autre récitait ces prières en sa présence, lorsque sa faiblesse serait trop grande.

Ce que fait Louis à la cour des princes

Le marquis de Gonzague, charmé de la sagesse précoce et des belles qualités de son fils, ne négligea rien de ce qui pouvait lui procurer une éducation digne de sa naissance. Il le conduisit, âgé seulement de huit ans, à la cour du grand duc de Toscane, pour qu’il s’y formât à l’esprit du monde. Bien loin de se laisser corrompre à un air si contagieux, le jeune prince y fit des progrès surprenants dans la sainteté. La prière, l’étude lui tenaient lieu de tous les divertissements. Pour triompher plus facilement du démon, du monde et de sa propre nature, il se mit sous la sauvegarde de la Très Sainte Vierge, et fit entre ses mains le vœu de virginité perpétuelle. Cet acte héroïque lui attira tant de grâces, que depuis il ne ressentit plus aucun mouvement contraire à la pureté. Sa délicatesse d’ailleurs pour cette admirable vertu, allait jusqu’à l’excès. Tout jeune qu’il était, il se fit une loi de ne jamais regarder une femme en face, pas même la marquise sa mère. Jamais il ne permit à son valet de chambre de l’aider à s’habiller, et sa pudeur était si grande qu’il n’osait pas même lui laisser voir le bout de ses pieds nus.

Il avait onze ans lorsqu’il quitta la cour de Florence pour passer à celle du duc de Mantoue, son proche parent. Ce nouveau théâtre des grandeurs et de l’éclat de sa maison, n’éblouit point le jeune Saint. Ce fut là qu’il résolut définitivement de quitter le monde et de céder à son jeune frère Rodolphe son titre au marquisat de Castiglione, dont il avait déjà été investi par l’empereur.

L’affaiblissement de sa santé lui servit de prétexte pour rentrer dans la maison paternelle. D’une complexion déjà très délicate, sa santé s’était encore considérablement affaiblie par suite de ses pénitences excessives, et il en était résulté un état de langueur qui mettait ses jours en dangers.

Cependant de retour à Castiglione, loin d’adoucir en rien la règle qu’il s’était imposée, il continua à travailler de plus en plus à sa sanctification. Il s’enfermait ordinairement dans sa chambre pour n’être point interrompu dans ses longues oraisons. Les serviteurs du château l’ont vu souvent prosterné devant son crucifix, les bras étendus et dans une attitude si fervente, que cette vue leur arrachait des larmes.

D’autres fois, il était ravi en extase, ses yeux lançaient des flammes, son visage rayonnait comme celui d’un Séraphin le faisait prendre pour un ange du ciel.

Première communion de Louis, son amour pour la sainte Eucharistie

Ce fut à cette époque, que saint Charles Borromée, passant par Châtillon, vit pour la première fois notre Saint. Le grand Evêque découvrit avec admiration les trésors de grâce renfermés dans cette âme angélique. Louis n’avait point encore reçu la sainte communion, saint Charles la lui donna de ses propres mains. Avec quelle ferveur, avec quel amour, cette âme innocente reçut son Dieu pour la première fois, les anges seuls ont pu le comprendre. Son visage enflammé, ses yeux remplis de larmes trahissaient l’ardeur du feu divin qui embrasait son cœur. Depuis lors, il communia ordinairement tous les dimanches et selon le conseil de saint Charles, il consacrait les trois jours qui précédaient sa communion, à s’y préparer et passait les trois jours suivants en actions de grâces.

Louis eut toute sa vie, pour l’adorable Sacrement de l’autel, une dévotion ardente. Il passait des heures entières au pied du saint Tabernacle. Il ne se lassait point d’entendre la sainte Messe, il eût voulu qu’elle durât tout le jour, et des torrents de larmes s’échappaient de ses yeux à la vue de la divine victime. Parlait-il de cet auguste mystère, il le faisait avec tant d’onction, que, plusieurs fois, des prêtres voulurent l’entendre sur ce sujet avant de monter eux-mêmes à l’autel, pour s’exciter à la ferveur.

Mortification extraordinaire de saint Louis dans le monde

L’étude des belles lettres à laquelle s’appliquait alors notre Saint, n’affaiblit point en lui l’esprit intérieur, qu’il nourrissait par la pénitence. Il est difficile de porter plus loin la haine de soi-même. Les pénitences de ce jeune prince délicat, maladif auraient effrayé les religieux les plus mortifiés, et l’on ne vit jamais tant d’innocence unie à tant d’austérité.

Il n’avait encore que treize ans, et déjà, il jeûnait trois fois la semaine ; le vendredi, toute sa nourriture consistait en une once de pain trempé dans de l’eau, qu’il prenait à midi ; le soir il retranchait encore d’une quantité si légère. Son ordinaire était d’ailleurs si sobre, que, sans un secours particulier de Dieu, il n’eût pu subsister.

A cette rigoureuse abstinence, il ajoutait la discipline jusqu’au sang : d’abord il ne la prenait que trois fois la semaine, il la prit depuis tous les jours, et enfin trois fois en vingt-quatre heures, et à tel point qu’on trouva souvent le plancher et les murs de sa chambre teints de son sang. Il glissait adroitement une planche dans son lit, et, faute de cilice, il mettait ses éperons sous sa chemise pour en être piqué à tout moment.

Jamais il ne se chauffa, même dans les plus rudes hivers ; au milieu de la nuit, quand tout le monde dormait, il se levait doucement et, par les plus grands froids, à peine vêtu, il passait de longues heures en prières, jusqu’à ce que le froid le saisissant, il tombât par terre de faiblesse.

Saint Louis à la cour d’Espagne

L’an 1581, le marquis de Gonzague conduisit son fils en Espagne, à la suite de l’impératrice Marie, fille de Charles-Quint, et bientôt le jeune Louis fut donné pour page au prince Jacques, fils de Philippe II. Il semblait que Dieu voulut ainsi montrer notre Saint à la plupart des cours de l’Europe pour faire voir que la piété est de toutes les conditions et l’innocence de tous les âges. En effet, malgré les distractions qui se rencontrent à la cour des princes, Louis ne retrancha rien ni de ses prières, ni de ses mortifications, il trouva même le temps de s’appliquer à l’étude de la philosophie.

Il reçoit du ciel l’assurance qu’il est appelé à la Compagnie de Jésus

Après un an de séjour en Espagne, âgé alors de seize ans, il jugea que le moment était venu d’exécuter le dessein qu’il avait formé d’entrer dans un Ordre religieux. Mais, comme il n’avait pas encore fait choix d’une congrégation en particulier, il recours à la Sainte Vierge, son refuge ordinaire, et, le jour de son Assomption, il fit une communion au collège des Jésuites de Madrid, avec une dévotion et une préparation extraordinaire, afin d’apprendre ce que Dieu demandait de lui. Sa prière fut aussitôt exaucée, car pendant qu’il faisait son action de grâce il entendit distinctement au fond de son cœur, une voix qui lui ordonnait d’entrer dans la Compagnie de Jésus.

Epreuves suscitées à sa vocation

Le jeune prince résolut d’obéir le plus promptement possible à l’avis du ciel, mais de rudes combats l’attendaient. Tout ce qu’une naissance illustre a de plus flatteur, tout ce que la tendresse d’un père a de plus séduisant, fut mis en œuvre, pour lui faire changer de résolution. On le promena par les cours les plus brillantes de l’Italie, on l’accabla d’affaires, on le chargea de négociations importantes et extrêmement épineuses, on lui ménagea des entretiens avec des personnages d’autorité qui le dissuadèrent de se faire religieux. Tout fut inutile. Le marquis, son père, après un refus trop dur qu’il venait de lui faire, l’ayant surpris à genoux devant son crucifix, mêlant son sang avec ses larmes pour obtenir de Dieu ce que les hommes s’obstinaient à lui refuser, se sentit si fort attendri qu’il n’eut pas le courage de prolonger davantage les tourments de son fils, et il consentit enfin à son départ. Il voulut cependant qu’auparavant, Louis allât à Milan y terminer quelques affaires de famille. Le jeune Saint ne montra que trop ses talents en cette rencontre et peu s’en fallut que son habileté ne mit un nouvel obstacle à son bonheur.

« Vous vous êtes trompé, mon fils, lui dit le marquis à son retour de Milan, vous vous êtes trompé, quand vous avez cru que je consentirais à votre départ ; non, cessez d’y songer ; votre prudence, vos talents indiquent assez votre place dans le monde. » Louis frappé d’une résolution aussi inattendue, se jeta aux pieds du marquis, et avec cet air ingénu, qui prévenait toujours en sa faveur : « A Dieu ne plaise, mon cher père, lui dit-il, que je ne fasse jamais rien contre vos ordres. Je vous serai toujours très soumis. Permettez-moi seulement de vous représenter que je ne puis douter de l’appel de Jésus-Christ : c’est donc vous opposer à la volonté de Dieu que de m’empêcher d’obéir. » Ces sages paroles firent impression sur le cœur du marquis : il embrasse le jeune homme en pleurant, et après un moment de silence : « Mon fils, lui dit-il, vous m’avez fait au cœur une plaie qui saignera longtemps. Je vous aime, et vous le méritez. J’avais fondé sur vous toutes les espérances de famille, mais enfin puisque vous êtes si assuré de l’appel de Dieu, je ne vous retiens plus : allez, mon fils, allez où Dieu le veut. »

A ces paroles, quelque attendri que fut Louis, il ne put cependant contenir sa joie ; et se prosternant devant son crucifix, il renouvela son sacrifice. Ayant fait ensuite à Mantoue la cession de son marquisat en faveur de son frère Rodolphe, il prit congé de ses parents et partit pour Lorette.

Dans ce vénéré sanctuaire, toute sa tendresse pour Marie éclata en doux transports et en larmes d’amour. Il y renouvela son vœu de chasteté, et s’étant de nouveau consacré à la Mère de Dieu ; il partit pour Rome, où après avoir reçu la bénédiction du Saint-Père, et visité les cardinaux, ses parents, il entra au noviciat de la Compagnie de Jésus, l’année 1585. Il n’avait point encore dix-huit ans accomplis.

Ferveur de sainteté du jeune novice

Les progrès surprenants que Louis fit dans cette école du noviciat, étonnèrent les plus parfaits. On n’eut besoin que de modérer sa ferveur et de mettre des bornes au désir qu’il avait de faire pénitence. La plus grande faute qu’il eut à se reprocher durant les deux années de son noviciat, fut d’avoir regardé pendant le repas, le frère assis à ses côtés. Il était en effet si modeste que trois mois après son arrivée, il ignorait encore comment était disposé le réfectoire. Un jour, comme on l’envoyait chercher un livre à la place du recteur, il fut obliger de s’informer de l’endroit où elle se trouvait.

Il ne sut jamais s’excuser, quelque raison qu’il eût de le faire. Il craignit même plusieurs fois d’avoir ressenti une joie trop sensible d’une réprimande qu’il avait reçue. Les exercices les plus bas et les plus rebutants lui causaient un plaisir extrême : et il se crut obligé de s’excuser d’avoir trop satisfait sa soif d’humiliation, en allant par la ville vêtu d’un méchant habit et demandant l’aumône.

Nul n’oublia mieux que lui son peuple et la maison de son père. C’était lui faire une grande peine d’avoir pour lui l’ombre de distinction : un livre plus richement relié, un rosaire moins commun, deux chaises dans sa cellule blessaient la délicatesse de son amour pour la pauvreté. La marquise sa mère eut beaucoup de peine à lui faire accepter, pour orner sa cellule, deux images en papier, l’une représentant saint Thomas d’Aquin, l’autre sainte Catherine, saints qu’il aimait d’une affection singulière.

Son esprit de mortification dans la vie religieuse

Nous avons déjà vu l’esprit de pénitence qui avait animé le jeune prince dans le monde. Devenu religieux, sa soif de souffrir devint insatiable. Il avait tellement mortifié tous ses sens, qu’il en avait comme perdu l’usage. Il allait souvent dans un lieu sans pouvoir dire où il se trouvait : au réfectoire, il ne faisait attention à ce qu’on lui servait que pour prendre ce qui lui était le plus désagréable. A ceux qui le blâmaient de ses pénitences et lui en faisaient scrupule disant qu’il se tuait lui-même, il répondait qu’après avoir obtenu l’autorisation de ses supérieurs, il était rassuré sur ce point. Le vrai temps de la pénitence, disait-il encore, est celui de la jeunesse, car alors, l’homme possède toutes ses forces et toute sa vigueur, et peut offrir à Dieu des sacrifices plus énergiques et plus généreux ; d’ailleurs si Dieu a des droits sur toute notre vie, il aime surtout qu’on lui donne ce qui en est comme les prémices et la fleur, c’est-à-dire la jeunesse. Aussi déclare-t-il au moment de mourir que s’il avait des scrupules, ce n’était pas pour les pénitences qu’il avait faites, mais plutôt, pour celles qu’il avait omises.

Saint Louis ange de paix

L’amour du prochain le tira de la solitude religieuse pour le conduire dans sa famille. C’était pour apaiser un vif différend survenu entre le marquis de Castiglione, son frère, et le duc de Mantoue. Arrivé à Châtillon, il fut reçu comme un ange du ciel ; on accourut en foule pour contempler le Saint, comme on l’appelait, et la marquise sa mère, fut saisie en le revoyant, d’un sentiment de vénération qui lui fit mettre les genoux en terre ; tant elle avait conçu une haute idée de la sainteté de ce fils chéri. Quelqu’aigris que fussent les cœurs, cet ange de paix n’eut pas plus tôt parlé à l’un et à l’autre que tous les différends s’évanouirent. Une étroite amitié prit la place d’une haine implacable. Cette réconciliation inespérée fut regardée comme un des premiers miracles de Louis.

Ce ne fut point le seul qu’il opéra pendant son séjour dans sa famille. Sa pieuse mère ayant prié ses supérieurs de le contraindre à prêcher avant son départ de Châtillon. Il le fit avec tant de fruit qu’il y eut plus de sept cents personnes qui se confessèrent au sortir du sermon, et le nombre des réconciliations qui suivirent fut regardé comme un grand miracle.

Louis était encore dans sa famille quand Dieu lui fit connaître que l’heure approchait où il l’appellerait à partager la gloire des élus. Il revint aussitôt à Rovère, 1591, rempli d’une sainte allégresse à une si agréable nouvelle.

Saint Louis se prépare à sa dernière heure

Sa mort précieuse

Toute la vie du jeune Louis n’avait été qu’une préparation à la vie du ciel ; il redoubla cependant de ferveur dans cette dernière année. Son amour pour Dieu devint si tendre et si véhément qu’il ne pouvait entendre prononcer ce nom trois fois saint sans qu’une altération sensible se manifestât sur son visage. Un trait, une expression touchante dans la lecture que l’on faisait pendant le repas, l’empêchait de manger, et produisait une telle impression sur son cœur qu’elle se trahissait d’abord par des larmes. La vue d’un petit agneau, d’une étoile, d’une fleur, excitait son émotion, augmentait son amour. On évita même d’employer en sa présence certains termes plus pathétiques, pour lui épargner une impression qui pouvait nuire à sa santé.

Revenu donc à Rome, il trouva cette ville affligée de la peste. Il importuna aussitôt ses supérieurs pour en obtenir la faveur de se dévouer au service des pestiférés. Mais, sa charité aspirait sans cesse à servir ceux qui étaient le plus en danger, et il fut lui-même bientôt atteint.

Quand il se sentit frappé, sa joie éclata d’abord en doux chant d’action de grâces. Cependant, les soins qu’il reçut le soulagèrent pour un temps ; mais il lui en resta une fièvre lente, qui devait l’emporter trois mois après. Ces derniers mois d’attente furent pour cette âme, avide de posséder enfin son Dieu, comme un long martyre où elle se consumait chaque jour en désirs ardents de quitter la terre pour le ciel. Enfin, Notre-Seigneur lui fit connaître qu’il l’appellerait le jour même, et dès lors les heures s’écoulèrent pour lui dans de vifs transports d’amour et de doux cantiques de reconnaissance.

Un peu avant de mourir, il souhaita de prendre encore une fois la discipline, ou, comme il était trop faible, qu’un autre la lui donnât, et il supplia le Père Provinciale de le laisser expirer par terre.

Un moment après, prononçant les noms bénis de Jésus et de Marie, son âme s’envola joyeuse vers le ciel. C’était vers la fin du jour de l’octave du Très Saint-Sacrement, le 20 juin de l’an 1591. Il avait vingt-deux ans, et en avait passé six dans la Compagnie de Jésus.

Trois ans après, sa pieuse mère étant dangereusement malade, se sentit tout à coup inspirée, au milieu de ses cruelles douleurs, d’invoquer son fils pour en obtenir sa guérison. Elle le prie en effet avec ferveur. Bientôt un doux sommeil s’empare de ses sens ; elle voit alors venir à elle Louis tout resplendissant de gloire ; il s’approche en souriant, il la touche ; et, se réveillant aussitôt, elle se trouve parfaitement guérie.

Ce fut le premier miracle que Dieu fit par l’intercession du bienheureux Louis après sa mort. Le bruit s’en répandit rapidement, on recourut à lui de tous côtés ; et bientôt le nombre des prodiges obtenus fut considérable.

Sa mère vivait encore lorsqu’il fut béatifié, l’an 1621, et elle put invoquer son cher fils sur les autels.