Saint Longin

Fête le 15 mars

Centurion – 1er siècle


Légende de la gravure

Le soldat romain Longin perce le côté de Jésus et ouvre la source de vie. Saint Joseph d’Arimathie assiste à ce dernier outrage et se prépare à aller réclamer auprès de Pilate le droit d’ensevelir le corps de la victime du salut. La T. S. Vierge, assistée de sainte Marthe, se détourne et cache son visage dans ses mains.

Au pied de la croix, Fra Angelico, écoutant plus les aspirations de son cœur que les données de l’histoire, a représenté saint Dominique en prières.


Saint Longin au Calvaire

Originaire de Sardial, petit village de Cappadoce, Longin était centurion de soldats romains au moment de la Passion. La tradition nous le montre comme le chef de ces infâmes soldats qui insultèrent le divin Maître durant toute une nuit et qui le conduisirent au milieu des plus cruels outrages d’Anne à Caïphe et de Caïphe à Pilate. Témoin de la bonté et de la patience du Sauveur, Longin devait bientôt sentir son cœur transformé : le lion devait se changer en agneau.

La sentence de mort venait d’être portée contre le Fils de Dieu, les Juifs, avides de sang, s’empressèrent de charger la divine victime du bois de son sacrifice et de lui faire gravir sous ce pesant fardeau la montagne du Calvaire. Longin et ses soldats marchaient en tête du terrible cortège, écartant la foule accourue pour assister au déicide. On atteignit ainsi le sommet du Golgotha. Longin avec les siens furent préposés à la garde du Sauveur. Là encore, il fut témoin de la patience du Rédempteur, il entendit cette prière de pardon sortir de sa bouche divine : Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font.

Descendu du Calvaire quand la foule se fut écoulée, Longin dut bientôt y retourner sur l’ordre de Pilate, pour constater la mort des trois crucifiés. Arrivé en haut de la montagne, les soldats rompirent d’abord les jambes des deux larrons encore vivants. Jésus était déjà mort, ils ne lui rompirent donc pas les jambes, car la prophétie devait s’accomplir : « Vous ne briserez pas un de ses os. » Mais Longin, saisissant sa lance, en perça le côté du Sauveur ; c’était l’accomplissement d’une autre parole du Prophète : « Ils verront en Celui qu’ils ont transpercé. »

Du côté percé du Sauveur endormi du sommeil de la mort sortit aussitôt du sang et de l’eau. Avec ce sang et cette eau venait de naître l’Eglise, l’épouse de Jésus-Christ, figurée autrefois par Eve sortant du côté d’Adam pendant son sommeil mystérieux. Or, depuis de longues années, sans avoir perdu complètement la vue, Longin l’avait faible et peu distincte ; au moment où il perça le côté du Seigneur, quelques gouttes de sang, qui tombèrent sur ses yeux, lui rendirent aussitôt la vue, et plus perçante qu’il ne l’avait jamais eue même au temps de sa jeunesse.

Avec la lumière du corps, Longin reçut la lumière de l’âme ; la prière du Sauveur : « Mon Père, pardonnez-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font », sembla résonner de nouveau à l’oreille du centurion romain. Il comprit que cette parole de pardon venait de recevoir en lui son premier accomplissement.

Longin à la Résurrection

Après que le corps du Sauveur eut été enseveli, Longin fut chargé avec sa troupe de garder le sépulcre. Au troisième jour le miracle de la Résurrection, qui plongea les soldats dans une si grande épouvante, le confirma davantage dans la vraie foi.

Plein d’amour pour le Sauveur, il ne cessa dès cet instant de raconter les miracles que le Fils de Dieu avait opérés et de répéter ce que lui et ses soldats avaient vu. Son zèle pour la vérité lui attira la haine des prêtres et des pharisiens, qui avaient cherché d’abord à le corrompre par des présents et des promesses, lui voulant faire dire que, tandis que les gardes dormaient, les disciples de Jésus étaient venus dérober son corps. Mais Longin, en dépit de leur haine et de leur colère, ne cessait de publier la vérité.

A la vue de sa constance, les juifs résolurent de se venger de lui. Longin ne tarda pas à en être averti ; la nuit suivante, accompagné de deux soldats comme lui convertis à la foi, il se retira chez les chrétiens de Jérusalem, quittant ainsi la milice du siècle pour ne plus combattre désormais que dans les rangs des serviteurs du Christ. Instruit et baptisé par les apôtres, il reçut, nous dit saint Isidore, avec l’imposition des mains, la charge de l’épiscopat.

Saint Longin évêque de Césarée, en Cappadoce

Le soldat du Christ ainsi prêt pour le combat, s’élança dans la lice. Suivi de ses deux compagnons, il quitta Jérusalem et se rendit à Césarée, en Cappadoce. Dans cette ville il trouva déjà quelques chrétiens convertis par le premier discours de saint Pierre après la Pentecôte.

Il mena avec ses compagnons la vie monastique, habitant une humble maison hors de la ville ; ils ne dédaignaient pas de travailler la terre de leurs mains ; mais, pleins de zèle pour le salut des âmes, ils s’occupaient surtout d’augmenter le faible troupeau du Christ. Le Seigneur bénit les travaux de ces moines-apôtres et l’Eglise de Césarée devint bientôt florissante.

Saint Longin devant le gouverneur de Césarée

Le démon ne pouvait voir sans colère les travaux des serviteurs du Christ ; il chercha à les arrêter en suscitant contre les chrétiens une violente persécution. Par ordre du gouverneur de la ville, Longin fut traîné au prétoire. Le gouverneur lui ordonna de sacrifier aux idoles ; puis, sur le refus du saint évêque, il commanda qu’on lui brisât les dents et qu’on lui arrachât la langue. Les bourreau exécutèrent sur-le-champ cette atroce sentence, mais par un miracle éclatant saint Longin ne perdit point l’usage de la parole.

Malgré ce prodige, le gouverneur ordonna de nouveau à l’évêque de sacrifier aux idoles et lui fit mettre entre les mains la hache qui servait à immoler les victimes. Longin prit la hache, mais au lieu de frapper la victime, il se retourna vers les idoles et les réduisit en morceaux, en s’écriant : «  Si ce sont des dieux, nous le verrons. »

Les démons quittant alors les idoles, où ils avaient établi leur siège, entrèrent dans le corps du gouverneur et de tous les juges, qui commencèrent à aboyer comme des animaux, et se roulèrent dans la poussière jusqu’aux pieds du confesseur.

Longin dit aux démons :

- Pourquoi habitez-vous dans les idoles ?

- Nous habitons, répondirent les esprits infernaux, là où le nom du Christ n’est pas invoqué et où le signe de la croix ne brille pas.

Cependant le gouverneur était devenu aveugle et demeurait toujours plongé dans le délire ; Longin, le prenant en pitié, lui dit alors :

- Sache que tu ne pourras être guéri qu’après ma mort, je prierai alors pour toi auprès de Dieu et tu recouvreras la santé du corps et de l’âme.

Ce qui arriva en effet après le martyre du saint.

Martyre de saint Longin

Le démon avait échoué une première fois dans son entreprise ; plus furieux encore qu’auparavant, il suscita bientôt contre le saint une seconde persécution.

Saint Longin s’était remis au travail de l’apostolat avec plus de zèle et d’ardeur que jamais ; la foi du Christ croissait et florissait tous les jours davantage ; la Cappadoce presque entière avait entendu la bonne nouvelle. La haine des Juifs, poussés par Satan, s’alluma à cette vue ; la nouvelle des nombreuses conversions parvint bientôt jusqu’aux Pharisiens et aux princes des prêtres. Ils se rendent aussitôt auprès du lâche Pilate ; ils lui font peur, le corrompent par des présents et lui persuadent enfin d’écrire à l’empereur que Longin, déserteur des armées impériales, prêche partout un nouveau roi appelé Jésus, et range des foules entières sous son commandement. La lettre fut portée à Rome et les Juifs revinrent avec une réponse du César, condamnant Longin à la peine de mort.

Dès qu’il eut reçu la lettre, Pilate envoya des soldats en Cappadoce pour se saisir de Longin et le faire mourir comme traite et rebelle. Arrivés à Césarée, les soldats demandèrent la demeure de Longin, on la leur indiqua ; en arrivant, ils virent auprès d’une humble maison un vénérable vieillard occupé à travailler la terre, c’était le saint évêque ; ils l’abordèrent sans savoir qui il était.

- Ne connaîtriez-vous pas, lui dirent-ils, un ancien soldat nommé Longin, serviteur du Christ et ennemi des dieux ? N’habite-t-il pas en ces lieux, Craignant qu’il ne nous échappe encore comme à Jérusalem, nous voudrions le surprendre.

- Suivez-moi, répondit l’évêque d’une voix douce, et je vous montrerai celui que vous cherchez.

A ces mots, les soldats s’avancèrent, précédés du saint confesseur qui, plein de joie à la vue de la palme du martyre qui l’attendait, laissait échapper de son cœur ces paroles : Bientôt je verrai les cieux ouverts ; bientôt je contemplerai la gloire du Père ; bientôt je pourrai répéter les paroles que j’ai entendu sortir de la bouche d’Etienne, le premier martyr : « Seigneur Jésus, recevez mon âme. » Bientôt au milieu des saints cantiques et du triomphe de la victoire, je monterai vers la Jérusalem céleste, patrie des anges et des saints. Je vais enfin quitter cette chair mortelle, je vais quitter cette prison, cette terre corrompue pour revêtir l’incorruptibilité. Je vais abandonner ce monde misérable, où tout est tempête et naufrage, et atteindre enfin le port véritable, où il n’y a plus de tristesse, mais rien qu’une joie éternelle !

Cependant, on était arrivé dans l’humble maison. Longin fit asseoir les soldats et leur servit un festin abondant.

- Pourquoi donc, leur dit-il après le repas, recherchez-vous Longin avec tant de soin ?

- Ceci est un secret, mais si vous nous promettez de n’en rien dire et de ne pas en avertir Longin, nous vous le découvrirons.

Le saint évêque le leur promit et les soldats lui racontèrent comment Pilate avait écrit à l’empereur et ce que celui-ci avait répondu : Enfin, dirent-ils, nous venons pour mettre à mort Longin et ses deux compagnons, déserteurs des armées impériales comme lui et ennemis des dieux.

En apprenant que ses deux compagnons devaient aussi mourir pour la foi, Longin envoya aussitôt ses serviteurs leur porter cette heureuse nouvelle et presser leur retour. Les généreux chrétiens étaient alors loin de Césarée, occupés à prêcher Jésus-Christ aux habitants de la Cappadoce, aussi ne furent-ils de retour qu’après trois jours.

Pendant ce temps Longin, toujours inconnu, traita généreusement ses hôtes ; en apprenant enfin que ses deux compagnons étaient près d’arriver, il dit aux soldats :

- Venez, voici que je vais vous montrer Longin.

Les soldats le suivent ; à peine sont-ils hors de la maison que le saint se tournant vers eux leur dit en souriant :

- Eh bien ! c’est moi qui suis Longin, je suis celui que vous cherchez.

Les soldats remplis d’étonnement ne pouvaient en croire leurs oreilles.

- Pourquoi parler ainsi ? lui dirent-ils, nous vous voyons sourire, nous savons bien que vous n’êtes pas ce Longin que nous devons mettre à mort.

- Oui, oui, je suis Longin, l’ancien centurion ; si je souris, c’est que déjà je vois les cieux ouverts. Je suis celui que vous cherchez, me voilà entre vos mains.

En entendant ces mots, les soldats se regardent en silence, tandis que l’évêque, les yeux et les bras élevés vers le ciel, offre son âme à Dieu. Puis les soldats éclatent tout à coup en gémissements :

- O triste repas, s’écrient-ils, ô hospitalité qu’il nous faut payer par un crime ! Comment, ô cher Longin, avez-vous pu recevoir et traiter si bien chez vous ceux qui étaient venus pour vous donner la mort ? Les bourreaux entrent dans votre demeure et vous-même vous vous offrez en victime ! Nous avons reçu chez vous un accueil favorable, nous sommes maintenant plus criminels que des voleurs. Qu’avez-vous fait ! Prenez la fuite. Pour vous récompenser de votre hospitalité, nous voulons vous sauver la vie. Comment pourrions-nous en effet porter le glaive contre vous ? nous avons mis la main dans le plat, cette main se refuse maintenant à vous donner la mort. Nous préférons encourir la colère de Pilate plutôt que de blesser notre conscience ; nous sommes prêts à tout souffrir plutôt que de vous remercier par une telle récompense !

- Non, non, répond Longin, vous ne me rendrez pas malheureux en me donnant la mort. Frappez, faites ce qui vous a été ordonné. Pourquoi ne pas vouloir me mettre en possession des biens éternels qui m’attendent, Pourquoi pleurer ainsi ma mort ? Ce n’est pas la mort que vous allez me donner, mais vous allez m’ouvrir les portes de la vie éternelle. Je préfère la mort à la vie de cette terre, car ici-bas, je suis éloigné de mon Dieu, je ne jouis pas de sa vue bienheureuse. Bientôt, ô mes amis, vous serez consolés, quand vous saurez que je jouis du bonheur céleste ; que cette seule pensée fasse votre joie et votre consolation. Ne pleurez pas celui qui va quitter la terre, mais félicitez celui qui va recevoir la récompense des élus. Permettez-moi de rendre témoignage par mon sang à celui que j’ai vu mourir pour nous sur une croix. Je craindrais d’être accusé par la nature entière si je ne rendais pas témoignage à Celui dont la mort a plongé le soleil dans le deuil et ébranlé la terre. Je veux verser mon sang pour Celui dont j’ai percé le cœur sacré !

Longin parlait encore quand ses deux compagnons arrivèrent enfin auprès de lui. A leur vue, plein de joie, il s’écria en se jetant à leur cou : Salut guerriers du Christ ; salut, héritiers du royaume céleste. La porte en est déjà ouverte ; les anges sont là, prêts à recevoir nos âmes pour les offrir au Fils de Dieu. Je vois des lumières étincelantes ; les palmes et les couronnes sont déjà préparées.

Puis, se tournant vers les bourreaux :

Faites donc, je vous en prie, ce qui vous a été ordonné.

Enfin s’adressant à son serviteur : Allez, dit-il, me chercher une robe blanche, afin que j’entre ainsi vêtu dans la salle du festin nuptial.

Longin embrassa de nouveau ses deux compagnons, puis ses bourreaux, et leur indiqua le lieu où il désirait être enseveli. Les trois serviteurs du Christ tombant à genoux, présentèrent leur cou aux soldats et eurent la tête tranchée.

Miracles de saint Longin

Pour obéir à l’ordre de Pilate, les bourreaux prirent alors la tête du saint évêque ; arrivés à Jérusalem, le gouverneur fit placer cette tête vénérable sur une des portes de la ville. Mais Dieu glorifia encore son serviteur ; cette tête brillait pendant la nuit comme un astre étincelant et éclairait tous les alentours. Furieux de ce nouveau miracle, les Juifs jetèrent à la voirie la précieuse relique. Les anges veillèrent sur elle en attendant le jour où Dieu l’en fit retirer d’une manière miraculeuse.

Une femme de Cappadoce, pauvre et aveugle, n’ayant pour consoler son veuvage qu’un fils, qui la menait par la main, entreprit le voyage de Jérusalem pour y prier Notre-Seigneur de la délivrer des maux, dont elle était accablée. Mais à peine fut-elle arrivée, que son fils, sa dernière espérance et son unique soutien, mourut entre ses bras.

La malheureuse veuve éclata aussitôt en plaintes et en gémissements ; accablée enfin par la fatigue et la douleur elle s’endormit profondément. Pendant son sommeil saint Longin lui apparut, la consola, en lui montrant que les peines que J.-C. avait souffertes étaient incomparablement plus grandes que les siennes ; puis il lui raconta son martyre et finit en lui disant :

Allez chercher ma tête cachée sous le fumier ; dès que vous l’aurez touchée vous serez guérie. Puis bientôt je vous montrerai votre enfant, afin de vous consoler.

A son réveil, la femme encouragée par ces paroles, se fit conduire à l’endroit qui lui était marqué ; elle creusa la terre avec ses mains et au contact de la précieuse relique recouvra la vue.

La nuit suivante saint Longin lui apparut de nouveau et lui présenta son fils revêtu d’une robe éclatante : Voilà, ô femme, lui dit-il, celui que vous pleurez, consolez-vous en voyant sa gloire et son bonheur ; le Seigneur l’a commis à ma garde, et il a été reçu dans les rangs des saints. Prenez ma tête et ensevelissez-la avec le corps de votre fils.

A ces mots la pieuse femme se leva, prit la relique et l’ensevelit honorablement avec le corps de son fils. Son cœur plein de joie débordait en paroles de reconnaissance : Je sais maintenant, disait-elle, que Dieu n’abandonne pas ceux qui l’aiment. Je suis venue pour demander la vue du corps et j’ai recouvré en même temps la lumière de l’âme. La mort de mon fils causait ma douleur et voilà que maintenant il est ma joie, il prie pour moi auprès du trône de Dieu, au milieu des prophètes et des martyrs.

Saint Longin, qui recouvra la vue miraculeusement, est surtout invoqué pour les maux d’yeux.