Saint Léon IX Pape

Fête le 19 avril


Saint Léon IX naît en Alsace – Son adolescence

Terrible aventure

Saint Léon IX, naquit le 21 juin 1002, sur les confins de la « douce Alsace, » de parents nobles et vertueux. Son père était Hugues comte d’Egisheim, cousin germain de l’empereur Conrad le Salique qui gouvernait alors l’Allemagne. Sa mère s’appelait Helwide ; il reçut au baptême le nom de Bruno, et fut consacré par sa mère au Seigneur, au moment de sa naissance.

Quand l’enfant eut atteint l’âge de cinq ans, la pieuse Helwide jugea que l’heure d’accomplir son vœu était venu et que Bruno appartenait dès lors à Dieu. Elle le remit entre les mains du vénérable évêque de Toul, Berthold, qui dirigeait une école florissante dans son palais épiscopal. Cette école où toute la noblesse de Lorraine envoyait ses fils, était disciplinée comme un monastère, sous la règle du patriarche Saint Benoît. Bruno fut confié particulièrement aux soins de son parent Adalbéron, fils du prince Frédéric de Luxembourg, qui achevait alors le cercle de ses études scolastiques, et qui était l’exemple vivant de toutes les vertus. Bruno l’aima bientôt comme un père, et l’imita comme un modèle. Sous sa protection il fit de rapides progrès dans les lettres humaines en même temps que dans la piété. Ses études scolastiques terminées, il devint l’égal d’Adalbéron par le talent et la science, sans cesser de le chérir et le vénérer. Ils s'exerçaient ensemble aux luttes oratoires du barreau et aux tournois pacifiques de la poésie. Ce doux commerce d’une amitié sainte n’était point interrompu par la saison des vacances scolaires. Ils les passaient ensemble dans les châteaux de leurs parents communs. Un soir d’été, comme ils étaient à Egisheim, il advint, dit un chroniqueur contemporain, qu’après leurs prières accoutumées, les deux amis se retirèrent chacun dans l’appartement qui lui était destiné. Bruno ne tarda point à s’endormir. Durant son sommeil, un horrible reptile s’introduisit dans la chambre, monta jusque sur le visage du jeune homme et se mit à sucer le sang à divers endroits en perçant la chair vive. Eveillé par une douleur atroce, Bruno poussa un cri et s’élança hors de sa couche, d’un coup vigoureusement asséné, il fit tomber l’animal sur le coussin.

Les serviteurs attirés par le bruit accoururent près de leur jeune maître. Il leur fut impossible de retrouver le hideux reptile, mais les morsures empoisonnées qu’il avait faites n’étaient que trop visibles. Tout le visage, le cou, la poitrine du jeune homme se tuméfièrent au point de lui faire perdre l’usage de la parole. Il resta deux mois en cet état ; pendant ce temps Adalbéron ne le quitta ni le jour ni la nuit. L’enflure croissait toujours, Hugues et Helwide n’attendaient plus qu’une issue fatale, Adalbéron redoublait de prières. Tout à coup, à un moment où il se trouvait seul près du malade, il le vit se dresser sur son séant. Ses lèvres si longtemps fermées s’ouvrirent sans effort : « Je suis guéri, dit-il ; un vieillard à cheveux blancs, environné d’une auréole céleste et que je crois être le patriarche saint Benoît, vient de m’apparaître. Il a touché mes lèvres, mes joues, mon oreille à l’endroit des morsures, et le venin a disparu. » Adalbéron appela les pieux parents qui accoururent en versant des larmes de bonheur. Leur fils était complètement guéri, et Dieu permit, pour attester la vérité du miracle, que les cicatrices demeurassent toujours marquées sur le visage du bienheureux.

Bruno se rend à la cour de Conrad

Vers cette époque, (1018), Bruno perdit son bien-aimé maître Berthold, évêque de Toul. Il fut remplacé sur le siège épiscopal, par un clerc nommé Hériman qui conféra successivement au saint jeune homme les ordres sacrés, et le força à entrer dans le chapitre canonial de cette ville. Peu après, cédant aux vœux de ses parents, Bruno alla s’adjoindre aux clercs de la chapelle impériale dans le palais de Conrad le Salique. L’empereur apprécia promptement ses grandes qualités, il estimait surtout sa douceur et sa modestie, et lui donnait par affection le titre de neveu. Il songea bientôt à lui, malgré son jeune âge, pour quelque siège important. Le pieu adolescent en fut informé. La pensée de quitter la cour lui vint aussitôt, mais il craignit de manquer à la reconnaissance qu’il devait à l’empereur, non moins qu’à la volonté de Dieu, qui l’avait, comme malgré lui, amené auprès du prince. Il resta donc, mais en prenant la résolution de n’accepter, si jamais elle lui était offerte, qu’une humble et pauvre église, se promettant de refuser toutes les autres.

Bruno évêque de Toul

L’occasion ne se fit guère attendre. Au printemps de l’année 1026, des clercs de Toul vinrent annoncer à l’empereur, la mort de leur évêque, Hériman, et le choix, fait par la population entière, de la personne de Bruno, pour occuper le siège vacant. Conrad refusa d’abord son consentement, alléguant le peu d’importance de cette ville. Mais Bruno lui répartit : « Je préfère à toutes les grandeurs du monde la pauvreté, le dénuement, l’humilité de Jésus-Christ, notre Dieu et le modèle des pasteurs. L’élection spontanée du clergé et du peuple de Toul, m’appelle à un ministère humble et obscur, qui n’est peut-être pas sans péril. Je refuserais des dignités plus éclatantes, mais voyez vous-même s’il m’est possible de résister à une invitation comme celle qui m’est adressée. » En parlant ainsi, Bruno remit à l’empereur la lettre que lui envoyaient les habitants de Toul, et qui était conçue en ces termes : « Vous connaissez notre pauvreté, ne la dédaignez pas ; Jésus-Christ Notre-Seigneur, s’est fait pauvre pour sauver tous les hommes. Ce n’est point par un sentiment de vanité déplacée, que nous osons demander pour évêque un pasteur qui se disputeraient les Eglises les plus puissantes, mais la pauvre ville de Toul, a été votre mère nourricière, vous êtes son fils, elle vous conjure de devenir son père. Ici vous pourrez redire la parole du bon pasteur : « Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent. »

En achevant la lecture de cette lettre, Conrad ne put contenir son émotion ; il céda et laissa partir son très doux neveu. Celui-ci fut reçu à Toul avec enthousiasme. Son sacre fut retardé jusqu’au 9 septembre 1027, parce qu’il n’avait point encore l’âge canonique, mais il sut, dans l’administration de son diocèse, suppléer à ce défaut par sa vertu et son talent. Le bien spirituel et temporel de son troupeau était son unique préoccupation. Il s’y consacra lui-même avec la plus grande générosité, et épuisa en bonnes œuvres l’héritage paternel. Au milieu des difficultés sans nombre qui l’environnaient, il allait chaque année, puiser à Rome, au tombeau du prince des apôtres, le courage nécessaire pour ne point défaillir.

Cette dévotion extraordinaire et les miracles que Dieu faisait par le moyen de son serviteur, le rendirent populaire à Rome et dans toute l’Italie. C’est ainsi que le Seigneur préparait à Bruno, sans que celui-ci s’en doutât, le chemin au trône pontifical où nous le verrons monter bientôt.

Bruno devient pape malgré lui

Damase II, qui n’avait fait que passer sur le siège de saint Pierre, étant mort le 8 août 1048, les Romains envoyèrent une députation à l’empereur, Henri III, successeur de Conrad le Salique, pour lui demander de désigner le nouveau Pontife. Le prince réunit à cet effet dans une diète à Worms tous les évêques de l’empire (décembre 1048.) Aussitôt qu’on eut mis en délibération le choix d’un futur pape, toutes les voix de cette immense assemblée désignèrent le digne Pontife du Christ, Bruno évêque de Toul : « Lui seul, s’écriait-on, saura porter le fardeau de la charge apostolique. » Le pieux évêque refusa énergiquement. Sur les instances de l’empereur et de tous les prélats, il finit par demander un sursis de trois jours, afin de consulter le Seigneur dans le jeûne et la prière. Il lui fut accordé.

Au terme fixé, il reparut dans l’assemblée, et là, pour éloigner de lui les suffrages, il eut recours à un moyen vraiment héroïque, et se mit à faire devant tous les assistants sa confession publique. Malheureusement pour lui, la plus grave des accusations, au jugement de son biographe, n’eut pas suffi à constituer une faute vénielle. Quant au milieu des pleurs et des sanglots, il eut achevé son humble aveu, tous les prélats s’écrièrent : « A Dieu ne plaise que le fils de tant de larmes, soit perdu pour le service de l’Eglise. » Et ils recommencèrent leurs instances si vivement que Bruno se déclara vaincu : « Puisque vous le voulez, dit-il, j’irai à Rome. Là, si le clergé et le peuple, librement et spontanément, font choix de ma personne, j’accepterai d’être pape ; sinon je considérerai votre élection comme nulle. »

Cette condition fut reçue avec grande joie. On était sûr en effet de l’assentiment des Romains qui connaissaient et aimaient Bruno. Celui-ci, avant de franchir les Alpes, voulut revoir sa chère église de Toul, il y célébra avec une ferveur extraordinaire la fête de Noël, il y revêtit ensuite un habit de pèlerin et partit à pied pour l’Italie.

Quand il arriva sous les murs de la Ville éternelle, le peuple entier se porta à sa rencontre en chantant des hymnes d’allégresse. Mais l’humble évêque, indifférent aux acclamations qui saluaient son arrivée, marchait pieds nus, les yeux baignés de larmes, recueilli dans une prière ininterrompue. Ce fut ainsi que, le bâton de pèlerin à la main, l’escarcelle sur l’épaule, il entra à Saint-Pierre et vint se prosterner au tombeau du prince des apôtres. Le lendemain, il prit la parole devant tous les Romains rassemblés, leur annonçant qu’ils étaient libres d’élire tel pape qu’ils voudraient. Il comptait ainsi pour rien tout ce qui avait été fait à Worms. Mais tous lui répondirent d’une voix unanime : « C’est vous seul que nous voulons pour souverain Pontife. » L’humble évêque, porté en triomphe, fut aussitôt intronisé sur la chaire apostolique, 12 février 1049.

Ses luttes glorieuses

Il voulut, par une inspiration divine, prendre le nom de Léon. Il devait être en effet le lion vainqueur de la tribu de Juda et terrasser la simonie, le schisme et l’impiété. A l’avènement de Léon IX, dit un chroniqueur, le monde entier semblait au pouvoir de Satan, les saints n’avaient plus d’empire, la justice était éteinte, la vérité couchée au tombeau. L’iniquité régnait, l’avarice dominait, la simonie s’était emparée de l’Eglise, les évêques et les prêtres se livraient à toutes sortes de désordres ; Il ne restait presque plus rien du condiment de la divine sagesse.

Cette triste situation d’un monde qui s’enfonçait chaque jour davantage dans la boue, réclamait du nouveau Pontife une foi et une énergie extraordinaires. Saint Léon IX se mit aussitôt à l’œuvre. Il attaqua le mal dans sa racine. Il comprit que tous les désordres étaient le fruit de la dissolution des clercs et des évêques. Ces dignitaires indignes s’introduisaient frauduleusement dans le sanctuaire en achetant à prix d’argent, des princes laïcs, l’investiture des charges ecclésiastiques ; C’est ce qu’on appelle le crime de Simonie, parce que Simon le Mage s’en rendit le premier coupable. A peine intronisé, saint Léon IX rassembla un synode à Rome et y fit définitivement condamner cet abus déplorable.

Aussitôt après, il se mit en route se faisant le propagateur infatigable de la grande réforme qu’il voulait établir dans toute l’Eglise en ramenant petit à petit évêques, princes et peuples à des sentiments plus conformes à la doctrine de l’Evangile.

Il tint successivement trois conciles à Pavie, à Reims, à Mayence, où il fit accepter pour l’Italie, la France et l’Allemagne les décisions du synode romain. Il s’y montra le redresseur énergique de toutes les violences, de toutes les injustices ecclésiastiques ou civiles, se réservant d’être en pratique plein de douceur et de miséricorde envers les pécheurs repentants, autant qu’il était implacable pour ceux qui s’obstinaient dans le mal.

Comment les monastères savent ressusciter

Avant de retourner à Rome, Léon se trouvant en Allemagne, voulut visiter de nouveau l’Alsace sa douce patrie. Son neveu, Adalbert, comte de Calvo, l’invita à s’arrêter une semaine dans son château, situé au milieu de la forêt Noire, dans la magnifique vallée de Nagold. Les aïeux du comte avaient fondé dans cette possession, un monastère qu’ils avaient richement doté. Mais un de leurs descendants plus avide des biens temporels que des spirituels, l’avait complètement détruit.

Un jour, Adalbert accompagnait le saint Pape son oncle, dans une excursion sur la montagne qui domine la vallée de Nagold : tout à coup Léon IX s’arrêta pour contempler la beauté du paysage qui s’étendait à ses pieds :

« Mon fils, dit-il au comte, ce lieu semble prédestiné. Quel emplacement pourrait-on mieux choisir pour élever un monastère où l’on chanterait nuit et jour les louanges du Créateur.

- Très bienheureux Père, répondit Adalbert, mes ancêtres avaient eu la même pensée. C’est ici qu’ils avaient construit un monastère placé sous le patronage de saint Aurèle. Mais dans la suite des temps la ferveur primitive se relâcha, les religieux oublièrent les saintes lois de la discipline et l’établissement fut supprimé. »

Le Pontife ne fit aucune observation, mais à peine rentré au château, il se mit à feuilleter toutes les chartes du monastère, consulta la tradition et acquit la certitude que les aïeux du comte de Calvo avaient détruit l’abbaye par pure cupidité.

Le lendemain, il fit venir Adalbert, et lui dit en présence des cardinaux de sa suite, seuls admis à cet entretien solennel : « Très cher neveu, la ruine du monastère de saint Aurèle n’est pas votre fait personnel, mais jusqu’ici vous avez joui sans scrupule de biens repris injustement. Vous avez considérez comme vôtre, ce qui appartient à Dieu et à saint Aurèle, et qui, loin d’être pour vous un élément de prospérité, ne fera qu’attirer sur votre famille la ruine et la désolation. Donc pour l’intérêt de votre âme, par l’autorité de Dieu tout-puissant et des bienheureux apôtres Pierre et Paul, nous vous enjoignons, sous peine d’anathème, d’y rétablir en son premier état le monastère de saint Aurèle, d’y rappeler les moines de saint Benoît et de leur rendre tous les biens dont ils jouissaient auparavant. »

Emu, par cette allocution du Pontife, Adalbert se prosterna, fondant en larmes, à ses genoux, il déplora sa négligence passée et promit de la réparer ; Le Pape le releva affectueusement et le bénit.

Le comte se mit aussitôt à l’œuvre, tandis que Léon IX retournait à Rome pour livrer à Satan de nouveaux combats.

Saint Léon soumet les Normands d’Apulie

De retour dans sa capitale le Pape roi se proposa de réprimer l’audace des Normands d’Apulie, qui ravageaient continuellement le domaine de saint Pierre et dont le saint Pape décrit ainsi, dans une lettre, la tyrannie :

« C’est, dit-il, le triomphe d’une race dont l’impiété dépasse toutes les horreurs du paganisme. Ils accomplissent leurs massacres avec des raffinements de tortures qui révoltent l’imagination. Ils n’épargnent ni l’âge, ni le sexe, ni le sacré, ni le profane ; des villages entiers, maisons, églises, sont par eux livrés aux flammes et tous les habitants égorgés. Certes je ne veux pas la mort des Normands, moi qui leur reproche de s’être faits les meurtriers et les exterminateurs des populations italiennes : je ne désire la mort d’aucun homme vivant, mais je veux que les lois divines et humaines soient observées sur cette terre. »

Pour arriver au but, le Pape n’épargna aucun labeur. Non content d’écrire, il alla lui-même à la cour de Germanie rappeler à l’empereur l’obligation de sa charge et demander des secours. Cédant à ses instances Henri III les lui promit.

Revenu en Italie, en 1053, saint Léon IX passa à Rome les fêtes de Pâques, puis se rendit à l’abbaye du Mont-Cassin pour y attendre l’armée germaine. Mais celle-ci n’arriva point, car au moment où elle franchissait les Alpes, les généraux qui la commandaient reçurent l’ordre de retourner en Allemagne. Seuls, cinq cents guerriers, parents ou amis du Pape, refusèrent d’obéir et continuèrent leur marche vers l’Apulie. Sur la route, quelques Italiens se joignirent à eux. Le Pontife accueillit avec joie cette troupe généreuse qui se trouva bientôt en face des Normands. Ceux-ci croyant avoir à combattre une nombreuse armée avaient rassemblé tous les hommes d’armes. La lutte s’engagea, ce ne fut qu’un carnage. Les Italiens s’enfuirent au premier choc, mais les soldats germains, ou plutôt lorrains, se firent tuer sans reculer d’un pas. Aucun n’eut survécu, si le chef normand, Robert Guiscard, n’eût cesser le massacre.

Les vainqueurs se précipitèrent aussitôt sur la ville de Civitella. Ils ignoraient que le Pape y fut enfermé. A leur approche, Léon IX fit ouvrir les portes et se présenta devant eux. A peine l’eurent-ils reconnu que malgré l’ivresse du combat, et ils se prosternèrent devant lui le suppliant de leur pardonner et de les bénir. Le saint Pontife leur parla avec sa mansuétude accoutumée et tous les cœurs s’ouvrent à sa voix. Sa victoire était complète. Il fit jurer aux Normands de respecter désormais les droits de l’humanité et d’être en tout les fils dévoués de l’Eglise. Après la ratification solennelle de ce traité, il fut ramené en triomphe par ses vainqueurs à Bénévent.

Mortifications et esprit de prière de saint Léon IX

Sa vie était une mortification continuelle. Un tapis étendu sur le sol, avec une pierre pour chevet, lui servait de lit durant les quelques instants de sommeil qu’il s’accordait. Chaque nuit, il récitait intégralement tout le Psautier avec un nombre infini de génuflexions. Le jour lui suffisait à peine pour recevoir les pauvres qu’il servait de ses mains et auxquels il lavait les pieds. Un soir, accompagné d’un serviteur fidèle, il rencontra à la porte de son palais un lépreux couvert de haillons, il le prit dans ses bras et le porta dans le lit de parade, toujours soigneusement orné, de son appartement pontifical, bien qu’il ne s’en servît jamais pour son usage personnel. Agenouillé devant ce lépreux, il s’entretint avec lui comme un père avec le plus aimé de ses enfants, le couvrit de son manteau, puis sortit, ferma la porte, et se retira dans son oratoire pour la psalmodie accoutumée. Quand il revint, le lépreux avait disparut. Etait-ce le Christ en personne qui voulut permettre à son serviteur de le servir ? Nul ne le sut, à l’exception du saint Pape qui eut une révélation à ce sujet, mais ne voulut jamais en parler.

Si sa modestie put dissimuler cette faveur céleste, elle n’arrivait point cependant à cacher d’autres miracles par lesquels Dieu manifestait chaque jour la vertu de saint Léon IX.

Un paysan lui amena à Bénévent, sa fille atteinte d’une folie furieuse, et le supplia de la guérir. L’humble Pontife s’en excusa : « Je ne suis point, dit-il, un thaumaturge ; si vous voulez un miracle, conduisez votre enfant au tombeau des saints Apôtres. »

Mais le père obstiné dans sa foi, insista tellement que, pour se débarrasser de ses importunités, le Pape rencontrant sous sa main du sel, le bénit et en mit quelques grains sur les lèvres de la jeune fille en invoquant le nom du Seigneur. La malade recouvra aussitôt la raison et la santé.

Mort dans la basilique de saint Pierre

Cependant, la fin du combat approchait pour le vaillant soldat du Christ. Il avait droit à la récompense, et la maladie, douce messagère du bonheur céleste, vint lui annoncer que l’heure était venue. Le 12 février 1054, il célébra pour la dernière fois les saints mystères, et adressa à la foule qui l’entourait, une exhortation touchante. Le lendemain, sachant que son heure était proche, il voulut être transporté de Bénévent à Rome ; Les Normands revendiquèrent l’honneur de le porter dans sa litière avec toutes les marques du dévouement le plus filial. C’est ainsi que le Pape, triomphant de ses vainqueurs, rentra au palais de Latran, aux premiers jours d’avril, 1054. C’était l’époque, où d’ordinaire, il rassemblait en synode les évêques des diverses provinces environnantes. Malgré sa maladie, il les convoqua pour le 17 avril. En ce jour il les appela près de lui, et après les avoir suppliés de veiller avec grande vigilance sur le troupeau qui leur était confié. Il ajouta : « Je me recommande à votre fraternité, car le temps de ma dissolution est venu. La nuit dernière, (du 16 au 17) dans une vision, la gloire de la patrie céleste me fut manifestée : J’étais plongé dans un transport extatique, lorsque je reconnus, parmi les groupes des martyrs, ceux qui sont morts en Apulie, pour la défense de l’Eglise : « Viens et demeure avec nous, me disaient-ils, c’est par toi que nous avons obtenu la palme des éternelles béatitudes. »

Mais une voix se fit entendre qui disait : « Pas encore, dans trois jours seulement tu seras admis au nombre des élus. »

Donc, frères bien-aimés, supportez-moi encore trois jours et vous verrez s’accomplir en moi la volonté du Seigneur. »

Après ces paroles, le Pape congédia les évêques pour passer la nuit dans la prière. Le lendemain, 18 avril, il les réunit de nouveau, se plaça dans une litière, et ses fidèles Normands le conduisirent processionnellement à la basilique de Saint-Pierre. Prosterné devant le tombeau du prince des apôtres, il fit une prière pour demander à Dieu de protéger son Eglise et de convertir les pécheurs. Quand il eut fini, une odeur délicieuse dont le parfum était supérieur à l’arôme le plus pur, s’exhala de l’autel du bienheureux Pierre. Le Pape fut encore près d’une heure, absorbé dans la contemplation silencieuse ; puis il se fit apporter du pain et du vin. Il les bénit, mangea trois bouchées de pain, et fit distribuer le reste aux assistants, qui le conservèrent comme une relique.

Se levant alors, il se dirigea vers le tombeau qu’il s’était fait préparer dans la basilique : « Voyez, dit-il, frères, combien est misérable, fragile et éphémère la gloire humaine. Que cet exemple ne sorte jamais de votre mémoire. De rien, je fus un jour élevé au plus haut faîte de ce qu’on appelle la gloire, et maintenant je vais être réduit à rien. La cellule que j’habitais comme simple religieux, s’est changée plus tard en de vastes palais, maintenant je n’aurai pour demeure que cet étroit cercueil. Aujourd’hui encore, avec vous, chair et sang, demain je serai poussière et cendre. »

Tous les assistants fondaient en larmes, le Pontife les congédia en disant : « Frères, je vous rends grâces d’avoir ainsi passé avec moi cette journée, retournez à vos demeures et revenez demain, recevoir mon dernier soupir. »

Saint Léon se retira dans son palais épiscopal proche de Saint-Pierre. Il passa dans la prière toute la nuit. Le lendemain, soutenu par deux assistants, il rentra dans la basilique, et vint se prosterner devant le maître-autel. Son visage était baigné de larmes. Il resta dans cette attitude environ une heure ; puis il s’étendit sur le lit qu’on avait apporté, fit signe de la main pour imposer silence et adressa au peuple une courte exhortation. Il appela ensuite près de lui les évêques, et leur fit sa confession. Sur son ordre, l’un d’eux célébra la messe et lui administra le corps et le sang du Seigneur. Après quoi il dit : « Faites silence, il me semble que je vais dormir, » et, inclinant la tête, il s’endormit dans un calme céleste, pour ne se réveiller que dans la patrie.

C’est ainsi que mourut, devant l’autel de St Pierre le bienheureux pontife, Léon IX, le 19 avril de l’an de grâce 1054.