Saint Jean-François Régis

Fête le 16 juin

De la Compagnie de Jésus


Caractère de sainteté de Jean-François

Parmi les nombreux saints que la Compagnie de Jésus a donné à l’Eglise, Jean François Régis est un des plus illustres. Ce n’est ni par les actions d’éclat, ni par les faits extraordinaires que sa vie est digne de notre admiration ; ses vertus sont tout intérieures, mais les exemples qui nous a laissés sont aussi précieux, et souvent plus utiles que des récits qui frappent l’imagination, et ne laissent rien pour le cœur. Ce grand Saint est le modèle de ceux qui veulent gagner beaucoup d’âmes à Dieu. Il se sanctifia lui-même, avant de sanctifier les autres ; il pratiqua les vertus les plus héroïques. Une humilité profonde, une abnégation entière de lui-même, une patience à toute épreuve, une fermeté que les menaces de la mort ne purent ébranler lorsqu’il s’agissait de son devoir, un amour de la pauvreté la plus absolue, une pureté d’ange et un désir ardent des souffrances et des humiliations : voilà comment cet apôtre façonna son âme, et devint ensuite entre les mains de Dieu un instrument docile, dont il se servit pour ramener un grand nombre d’âmes dans le chemin de la vertu.

Saint François Régis naquit le 31 janvier 1597 à Foncouverte dans le diocèse de Narbonne.

Premières années

Dès sa plus tendre enfance notre Saint connut les douceurs de la piété et l’amour de Dieu. Il descendait d’une noble famille du Languedoc. Ses parents lui inspirèrent de bonne heure le sentiment du bien, car leur illustration venait au moins autant de leur vertu, que de la distinction dont ils jouissaient. Un de ses frères fut tué au siège de Villemur dans une sortie contre les Huguenots, sa famille s’étant toujours signalée par une grande fidélité à la foi catholique.

A l’âge de cinq ans il entendit parler à sa mère des peines de l’enfer, et en fut vivement frappé. Il ne prenait pas de goût aux amusements des enfants de son âge, il préférait les choses sérieuses, et ne s’occupait que d’exercices de piété. Souvent il se renfermait dans une chapelle, et là se laissant aller aux douceurs de la contemplation, il s’oubliait dans la présence de Notre-Seigneur, et y répandait des larmes abondantes.

Ses parents lui avait donné un précepteur à l’humeur brusque et chagrine ; l’enfant timide et modeste eut beaucoup à souffrir de cette direction, mais il supporta cette épreuve sans murmurer.

Bientôt les Jésuites ayant ouvert des classes à Béziers, il leur fut confié ; sa piété ne fit que se développer de plus en plus. Il avait une tendre dévotion pour la sainte Vierge, et fut promptement reçu dans une de ces pieuses associations érigées dans les collèges religieux, et destinées à honorer la Mère du Sauveur. Il avait une grande confiance dans son ange gardien, à qui il se crut toujours redevable d’avoir échappé à un grand péril.

La vocation

Sa vocation se révéla de bonne heure dans la douce et salutaire influence qu’il sût prendre sur ses compagnons d’études. Dans les premiers moments quelques railleurs tournaient en ridicule ses pratiques religieuses, parce que la conduite de notre Saint n’était pas en harmonie avec la leur ; bientôt ils connurent la puissance de sa vertu, et loin de s’éloigner de leur pieux compagnon, ils s’en rapprochèrent si bien, que François Régis gagna leurs âmes. Six d’entre eux se réunirent à ce nouvel apôtre. Il vivait dans une espèce de communauté, réunis dans la même maison, François Régis composa une règle écrite, les heures d’étude étaient fixées, les conversations inutiles interdites, on lisait un livre de piété pendant les repas, on faisait l’examen de conscience le soir, et le dimanche tous faisait la sainte communion. C’est ainsi que notre Saint préludait aux grandes œuvres qu’il devait accomplir ; car les âmes prédestinées trouvent toujours du bien à faire, et lorsqu’elles prennent conseil de Notre-Seigneur, il leur est toujours possible de travailler à la gloire de Dieu.

Saint François Régis fut à ce moment frappé d’une maladie grave ; il édifia tous ceux qui l’approchaient par sa patience et ses pieux discours. Ayant recouvré la santé alors qu’on y pensait le moins, il songea à se donner à Dieu d’une manière plus entière ; il fit une retraite pour connaître si telle était bien sa vocation. Il se sentit pressé d’entrer dans la Compagnie de Jésus. Son confesseur le P. François Suarez y réfléchit, et l’engagea à suivre son inspiration. Cette décision le remplit d’une sainte joie, et il entra au noviciat le 8 décembre 1616.

Le noviciat

Dès les premiers jours il se fit admirer des plus fervents. Rien ne venant plus troubler son désir d’une union constante avec Notre-Seigneur, il n’abandonnait pas un seul instant la pensée de sa présence. Il s’appliqua à pratiquer tout particulièrement l’humilité, la haine de lui-même, le mépris du monde, et le désir de procurer la gloire de Dieu. Ces vertus devinrent la pierre fondamentale de sa sainteté.

Les plus bas emplois étaient ceux qu’il chérissait davantage ; rien ne lui paraissait plus agréable que de balayer la maison, et de servir à table. Son occupation préférée était certainement le service des malades.

C’est l’usage de conduire dans les hôpitaux les novices de la Compagnie de Jésus, et de leur faire exercer leur charité envers les pauvres infirmes. François Régis réclamait toujours les plus rebutants, il les pansait avec tant de compassion, et les consolait avec une si grande affection, qu’on voyait bien qu’il savait considérer Jésus-Christ lui-même dans la personne de ceux qui souffrent. Il traitait son corps très durement, et savait user de ménagements et de douceur pour les autres, aussi ses compagnons disaient-ils qu’il était son propre persécuteur. Rien n’approchait de sa ferveur dans la prière, il tombait souvent dans une espèce de ravissement qui se reflétait sur son visage ; aussi combien il savait communiquer aux âmes l’amour de Dieu, tant par ses paroles que par ses exemples.

Après deux ans de noviciat, il prononça ses vœux. Ses supérieurs l’envoyèrent à Cahors et à Tournon, pour sa rhétorique et sa philosophie. Le goût des études n’affaiblit en rien sa piété et son goût pour l’oraison. Voulant se précautionner contre ce danger, il eut soin de faire une large part aux exercices religieux, et ses études qui furent brillantes n’en souffrirent jamais. Sa fidélité à tous ses devoirs était si parfaite qu’on ne trouva jamais l’occasion de lui faire un reproche, et qu’on le surnomma l’ange de l’Ecole.

Premier apostolat

Pendant son séjour à Tournon, Dieu lui inspira d’évangéliser les pauvres et les serviteurs de la ville. Cette prédication aux petits et aux faibles convenait à sa nature humble et dévouée. Le dimanche il parcourrait les villages et les bourgs d’alentour, il se faisait précéder d’une clochette ; il réunissait les enfants, leur faisait le catéchisme, et leur apprenait à aimer le Sauveur Jésus.

Son goût pour l’apostolat acheva de se montrer d’une façon définitive dans la sanctification du bourg d’Audance. Il y opéra des merveilles ; l’ivrognerie, les jurements, l’impiété y régnaient en maître ; à la place saint François Régis y établit la pratique des sacrements, la réception fréquente et le culte de l’Eucharistie. Il eut la gloire et le bonheur d’instituer les confréries du Saint-Sacrement. Il était seulement âgé de vingt-deux ans.

Des débuts si heureux, et une sainteté si précoce pouvaient faire prévoir ce que serait un jour ce grand Saint ; cependant l’heure des grands travaux n’était pas encore venue, et ses supérieurs jugèrent à propos de l’envoyer dans la ville du Puy afin d’y enseigner les belles lettres.

L’enseignement

Saint François Régis nommé professeur songea non seulement à instruire ses élèves, mais encore à les diriger dans le bien. Il préparait ses classes avec le plus grand soin, et ne trouvait pas de moyen plus sûr de professer avec fruit, que d’aller prier devant le Saint-Sacrement. Il guérit l’un de ses élèves malades, en faisant sur lui le signe de la croix, et en lui recommandant d’être désormais plus fervent dans le service de Dieu.

En 1628 il fut envoyé à Toulouse pour y étudier la théologie. La nuit il se levait pour aller à la chapelle ; on en avertit le supérieur qui, inspiré de Dieu, répondit : « Ne troublez pas les entretiens de cet ange avec son Dieu, je suis bien trompé si on ne célèbre pas sa fête quelque jour dans l’Eglise.

Ordination

Au commencement de 1630, Régis, eut ordre de se préparer à la prêtrise, un combat de vertus s’éleva alors dans son cœur ; le zèle pour la gloire de Dieu et le désir de gagner des âmes lui faisait désirer cet honneur, tandis que son humilité le remplissait d’une sainte frayeur. Bientôt ses supérieurs l’encouragèrent et levèrent toutes ses hésitations. Il se prépara à sa première messe par le jeûne, les prières et les mortifications. Ce beau jour arrivé, il célébra avec une piété qui fit l’admiration de tous les assistants, car il fondit en larmes tout le temps, et paraissait plutôt un ange qu’une pauvre créature.

La peste décimait la ville de Toulouse ; sur ses instances, François Régis obtint la permission d’aller y exercer sa charité. Il se dévoua de toutes façons, sans compter ni avec le fléau, ni avec sa jeunesse espérant que Dieu l’attirerait plutôt à lui, mais il avait beaucoup de bien à faire, et son pèlerinage sur la terre devait se prolonger.

Une dernière année passée au noviciat dans laquelle les disciples de saint Ignace s’adonnent exclusivement aux exercices de piété, accrut encore sa sainteté.

Apostolat des pauvres

Il fut tiré de sa retraite par la nécessité d’un voyage à Foncouverte lieu de sa naissance. Il y était allé pour affaires de famille, mais les choses de Dieu l’occupèrent bien plus que les intérêts de ce monde. Voici comment il passait son temps ; le matin il faisait le catéchisme aux enfants, puis il prêchait, il entendait ensuite les confessions, et vers la nuit il faisait une nouvelle instruction. Dans le milieu du jour, il s’occupait de la visite des pauvres, il mendiait pour eux chez les riches, et portait ensuite ses aumônes aux vieillards et aux malades. Un jour qu’il traversait les rues portant sur ses épaules une paillasse, il fut hué par des soldats. Régis fut comblé de joie d’être assimilé à son divin Maître, et de recevoir comme lui des injures. Ses frères crurent devoir lui faire des observations sur sa conduite si éloignée des maximes du monde, et qui ne pouvait être admise que par ceux qui comprennent la folie de la croix. Exercez, lui dirent-ils, les œuvres de miséricorde, mais faites-le sans nous couvrir de confusion et de ridicule. La réponse du Saint se traduisit par les conversions qui s’opérèrent à la suite de son séjour en ce pays.

Ces succès si consolants décidèrent ses supérieurs à lui confier exclusivement la mission de l’apostolat. Il commença par la ville de Montpellier où il gagna beaucoup d’âmes à Dieu.

Il avait pour les pauvres une véritable préférence, souvent il restait dans son confessionnal jusqu’au soir sans prendre de nourriture, pour entendre les confessions des malheureux disant : les gens de qualité ne manqueront pas de confesseurs, les pauvres, cette portion la plus abandonnée du troupeau de Jésus-Christ doit être mon partage. En d’autres circonstances on l’entendit dire : « Venez mes chers enfants, vous êtes mon trésor et les délices de mon cœur. » Il ne se contentait pas de leur donner de bonnes paroles, il les secourait comme nous l’avons déjà vu des aumônes qu’il recueillait.

Multiplication du blé

Dieu voulut le récompenser de sa charité par un prodige éclatant. Il avait une sorte de grenier dans lequel il mettait le blé destiné à nourrir les pauvres, là on savait qu’on trouverait toujours un secours, le Saint ne refusait jamais. Or, les temps étaient difficiles, le blé rare, les souffrances plus nombreuses, les besoins plus grands. Une pieuse femme avait le soin de sa provision de froment, elle distribuait ses aumônes d’après ses ordres. Un jour elle était venue avertir le Saint qu’il ne restait plus rien, pas de blé, et plus d’argent pour s’en procurer. Sur ces entrefaites une pauvre femme accompagnée de ses enfants vient lui demander un secours. Il appelle son aumônière et lui ordonne de satisfaire aux demandes de cette pauvre mère. Marguerite étonnée déclare qu’elle ne peut donner ce qu’elle n’a pas. Allez, dit le Saint, remplissez le sac de cette pauvre femme. Nouvelle objection. Allez, vous dis-je encore un fois, reprit le Saint, vous trouverez abondamment de blé pour elle, et pour tous les autres. En effet les magasins étaient pleins, et le prodige se renouvela plusieurs fois pendant la disette.

Missions dans le midi de la France parmi les Protestants

Il fut le fondateur à Montpellier d’une œuvre très utile appelée maison de refuge. Là on recueillait les Madeleines qui, à l’exemple de leur sainte patronne voulaient arroser les pieds du Sauveur de leurs larmes, et renoncer à leur péché.

La carrière du Père Régis dura dix ans. Il l’exerça non seulement à Montpellier mais encore dans la Vaunage, dans le Vivarais, dans la ville du Puy et dans tout le Velay. Il séjourna trois ans dans le Vivarais et renouvela complètement le pays presqu’entièrement protestant. Deux conversions très remarquées en entraînèrent beaucoup d’autres. Ce fut celle du comte de la Mothe Brion qui plus tard l’aida beaucoup dans ses bonnes œuvres, et d’une dame hérétique haut placée et connue pour son attachement à sa religion. Après cette mission fructueuse, saint François Régis se sentit le désir ardent d’aller prêcher l’évangile dans les missions du Canada, mais le comte de la Mothe Brion insista tellement auprès des supérieurs du Saint, qu’il obtint une nouvelle mission dans la petite ville du Cheylard située dans des montagnes couvertes de neige, où notre Saint eut beaucoup à souffrir des intempéries de la saison. Pendant les quatre dernières années de sa vie il travailla à la sanctification du Velay.

Miracles

Ses prédications furent toujours accompagnées de miracles, glorieux apanage de sa sainteté. A Marthes, une femme ayant obtenu la faveur de raccommoder son manteau, en appliqua quelques morceaux sur ses enfants malades, ils furent guéris immédiatement.

Il exposa plusieurs fois sa vie pour combattre le péché et sauver les âmes. Un homme de qualité cherchait à séduire une jeune orpheline par des présents. François Régis ne craint pas d’aller le trouver, et de lui reprocher sa conduite. Cet homme transporté de colère tire son épée pour en frapper le Saint. Celui-ci nullement effrayé et découvrant sa poitrine, lui dit : Frappé, je mourrai content, pourvu que Dieu ne soit pas offensé. Il convertit ce seigneur, et la jeune fille fut mise dans une maison religieuse. Trois jeunes gens des meilleures familles du Puy, résolurent de le tuer pour se venger des efforts que faisait le Saint pour les tirer du péché. Ils l’attendirent à la nuit tombante pour le frapper, mais saint François Régis prévenu par une lumière intérieure, les avertit qu’il connaissait leur projet, les engagea à revenir à Dieu, et obtint d’eux ce qu’il désirait.

Deux aveugles recouvrirent aussi la vue par l’efficacité de ses prières. Il guérit une femme malade qu’il était allé confesser, en mettant une médaille dans de l’eau qu’il lui fit boire. Une autre fois, une pieuse demoiselle à l’extrémité l’ayant fait demander, il se contenta de l’exhorter à faire un plus saint usage de sa santé, et l’ayant appelé par son nom, elle fut guérie immédiatement.

Voilà bien en abrégé quelques-uns des travaux de saint François Régis, il faudrait une étude plus longue pour raconter tout le bien qu’il a fait ; tant il est vrai que les saints suivent le précepte de Notre-Seigneur, et se présentent devant le souverain Juge avec une mesure surabondante de bonnes œuvres, et d’actions héroïques. Si cette remarque peut s’appliquer à leurs travaux, que dire lorsqu’on descend au détail de leurs vertus ?

Vertus de saint Jean-François

Saint François Régis pratiquait les austérités les plus rigoureuses. Il ne mangeait qu’une fois le jour, jamais de viande, jamais de vin. Il portait toujours le cilice, et prenait la discipline d’abord trois fois la semaine, ensuite tous les jours, jusqu’au sang.

Un jour, en allant évangéliser les pauvres habitants des montagnes, il tomba, et se cassa la jambe ; il ne voulut prendre aucun soin, et le lendemain, il était guéri. Il passait presque toutes ses nuits prosterné dans les églises, sur la pierre froide, et lorsqu’il ne pouvait y entrer, il restait à la porte à genoux dans la neige. Il eut à souffrir toutes sortes de persécutions, il s’en réjouissait et demandait à Dieu d’augmenter ses souffrances, disant que c’était sa seule consolation.

Dernière maladie et mort du Saint

Il mourut au champ d’honneur, en mission à Louvesc. Il prit froid, et n’en continua pas moins à prêcher et à confesser ; enfin il tomba en défaillance, et les médecins jugèrent son état désespéré. Il reçut le viatique et les derniers sacrements avec une grande ferveur ; il ne trouvait de soulagement à ses souffrances que dans la vue du crucifix. Le 31 décembre il dit à son compagnon : Ah ! mon frère, quel bonheur, que je meurs content, je vois Jésus et Marie qui daignent venir au devant de moi, puis il s’écria : Seigneur Jésus, je remets mon âme entre vos mains. Ce furent ses dernières paroles.

On le proclama Saint d’une voix commune ; les miracles se succédaient sur sa tombe, on allait y prier, on était exaucé.

Il fut béatifié en 1716 et canonisé en 1737.

Une association pieuse destinée à régulariser les unions illégitimes, a été placée sous l’invocation de saint François Régis.

Ce grand Saint, ayant rendu la santé à un pieux magistrat, lui inspira cette bonne pensée et perpétua ainsi au delà du tombeau le bien qu’il ne cessa de faire pendant son pèlerinage sur la terre.