Saint Ignace

Fête le 1 février


Saint Ignace le Théophore, c’est-à-dire, Porte-Dieu.

« Je suis le froment de Dieu ; je veux être moulu sous la dent des bêtes féroces, pour devenir le pain immaculé du Christ. » (Lettre aux Romains.)


Saint Ignace, l’un des plus illustres parmi ces hommes apostoliques qui succédèrent immédiatement aux apôtres, aurait même, suivant quelques auteurs connu notre Divin Sauveur sur cette terre : c’était, disent-ils, cet enfant qui présenta les cinq pains d’orge et les deux poissons que Notre-Seigneur multiplia pour nourrir cinq mille hommes. Toujours est-il qu’il fut plus tard, avec saint Polycarpe, l’un des disciples les plus assidus de l’apôtre saint Jean, et apprit à cette école cet amour brûlant et impétueux pour Notre-Seigneur qui l’enflamma toute sa vie.

Quand saint Pierre avait quitté la ville d’Antioche, il lui avait donné pour évêque saint Evode ; saint Ignace fut choisi à son tour pour succéder à saint Evode. Sa grande sainteté le rendait digne de gouverner cette Eglise où les fidèles reçurent pour la première fois le nom glorieux de chrétiens.

Un jour il eut une vision merveilleuse dans laquelle il vit une multitude d’anges chantant à deux chœurs, qui se répondaient l’un à l’autre les louanges de la Très-Sainte Trinité. Pénétré d’admiration pour ce qu’il avait vu et voulant que la terre imitât de quelque façon le ciel, il établit dans son Eglise cette manière de chanter l’office divin. Toutes les églises adoptèrent depuis cet usage (1).

Saint Ignace devant l’empereur Trajan

Le récit du martyre à jamais glorieux de saint Ignace a été écrit par trois de ses disciples, Rhéus, Agothopode et Philon qui l’accompagnèrent à Rome, et furent témoins de son triomphe.

« A cette époque où Trajan monta sur le trône, disent-ils (2), Ignace, disciple de Jean évangéliste, homme vraiment apostolique, gouvernait l’Eglise d’Antioche. Il venait de traverser heureusement la tourmente de la persécution suscitée par Domitien. Par ses prières et ses jeûnes, par son assiduité à prêcher la vraie doctrine, par l’activité incessante où le tenait constamment la crainte de se voir perdre quelques âmes plus faibles et plus timides, il avait écarté tous les dangers de naufrage ; habile et sage pilote il avait sauvé son navire. Maintenant donc il se réjouissait de la tranquillité subitement rendue à l’Eglise ; et cependant son grand cœur s’indignait de n’avoir pas trouvé encore l’occasion de faire éclater, comme il le voulait, son amour pour le Christ. Il aspirait au martyre, qui achèverait, disait-il, de le faire ressembler à son Seigneur et à son maître.

Ses vœux ne tardèrent point à être exaucés. La neuvième année de son règne (106), Trajan vainqueur des Scythes et des Daces, et attribuant ses triomphes à la protection des dieux, crut qu’il manquerait quelque chose à sa propre gloire et à la reconnaissance qu’il devait aux idoles, tant que les chrétiens refuseraient de les adorer. Il renouvela donc les ordres les plus rigoureux pour que tous les fidèles fussent contraints de sacrifier ou de mourir.

L’empereur était alors à Antioche, préparant son expédition contre les Arméniens et les Parthes. Ignace, ce généreux soldat du Christ, se présenta spontanément devant le prince, qui déjà avait donné ordre de l’arrêter. En l’apercevant, Trajan s’écria :

- Qui es-tu, mauvais démon (Kakodaimon) ? C’est donc lui qui ose transgresser nos ordres et qui entraîne à la mort une multitude fanatique !

- Personne n’a jamais appelé Théophore (celui qui porte Dieu) un démoniaque. Les démons fuient devant les serviteurs de Dieu. Je suis redoutable aux démons et dans ce sens j’accepte le nom de Kakodaimon (mauvais au démon). Par la puissance du Christ, mon roi, je brise les pièges des démons.

- Qui est ce Théophore dont tu me parles ?

- Celui qui porte le Christ dans son cœur.

- Ne vois-tu pas que nous aussi nous portons nos dieux dans notre cœur, et que leur protection nous fait triompher de nos ennemis ?

Et croyant séduire le saint évêque par des promesses : Adore ces dieux, ajouta-t-il, tu seras mon ami, je te ferai pontife de Jupiter, et membre du Sénat.

- Répandre des bienfaits, dit Ignace, quoi de plus dignes des cœurs généreux et en particulier des empereurs, mais en vérité quelle étrange promesse est celle-ci : me faire pontife de Jupiter, moi pontife de Jésus-Christ, qui offre tous les jours au seul et vrai Dieu créateur du ciel et de la terre un sacrifice de louanges, et qui suis prêt à m’immoler moi-même pour sa gloire ?

- De quel Dieu parles-tu donc, reprit l’empereur, de ce supplicié que Ponce-Pilate fit mourir sur une croix ?

- Oui, répondit Ignace, sur sa croix, Jésus a crucifié le péché et son auteur : il a triomphé de toutes les erreurs et de toute la perversité des démons. Il les a pour jamais asservis au pouvoir de ceux qui portent le Christ dans leur cœur.

- Ainsi, tu portes en ton cœur un crucifié !

- Dieu lui-même l’affirme : « J’habiterai en eux, a-t-il dit. Je marcherai au milieu d’eux. »

Ceux qui étaient présents voulurent alors entrer en discussion, mais les arguments de l’évêque martyr les réduisirent au silence. Enfin Trajan l’interrompit par cette sentence : Ignace qui prétend porter en soi le crucifié, sera mis aux fers et conduit sous escorte à Rome, pour y être exposé aux bêtes de l’amphithéâtre. « Grâces vous soient rendues, mon Seigneur et mon Dieu ! s’écria le confesseur. Vous daignez enfin couronner mon amour et me faire partager les chaînes de Pierre, votre apôtre ! » En parlant ainsi son visage rayonnait de joie : il pria ensuite pour son Eglise, la recommandant à Dieu, avec larmes, et, comme une noble victime, se remit aux mains des soldats.

Voyage. – Lettre aux Romains

« Ce fut dans ces sentiments d’ineffable allégresse, et de sainte passion pour le martyre, qu’Ignace fut conduit d’Antioche à Séleucie. Là, il fut embarqué, et, après une navigation laborieuse, le vaisseau aborda à Smyrne. Polycarpe, évêque de cette ville, et comme lui disciple de saint Jean, reçut dans sa maison le saint confesseur. Toutes les Eglises d’Asie lui envoyèrent des évêques, des prêtres et des diacres, pour recevoir ses dernières bénédictions. Ignace les suppliait tous, et Polycarpe en particulier, de lui obtenir de Dieu par leurs prières, la grâce d’achever son martyre. Tel était l’objet constant de ses préoccupations et de ses discours. Dans sa charité pour le Christ, il répétait qu’il serait redevable de sa couronne aux prières et au mérite des Eglises qui lui envoyaient leurs députations. C’est dans ce sens qu’il leur écrivit à toutes des lettres où respirent la grâce et l’amour, et dans lesquelles il les fortifie dans la foi et dans la soumission à leurs pasteurs légitimes.

En les voyant multiplier près de lui les soins de la piété filiale, il craignit que ses frères n’obtinssent de Dieu la conservation de sa vie, au moment où la porte du martyre lui était ouverte. Aussi avant de quitter Smyrne écrivit-il une lettre, aussi touchante qu’admirable aux fidèles de Rome.

Après avoir salué en termes magnifiques cette Eglise illustre et avoir rendu témoignage à sa primauté sur toutes les autres Eglises de la terre, il continue ainsi :

« Demandez pour moi la force intérieure et extérieure, afin que je ne parle pas seulement, mais que je veuille ; afin que je me montre chrétien de nom et de fait. C’est par l’épreuve que je mériterai ce beau nom de chrétien ; on aura le droit de m’appeler fidèle, quand j’aurai disparu de ce monde. Rien de ce qui se voit ici-bas n’est éternel. Notre Dieu lui-même, Jésus-Christ, ne s’est jamais manifesté davantage que depuis qu’il est retourné à son Père. Le christianisme n’est pas seulement une œuvre de silence, il est aussi une œuvre de force et de magnanimité. J’écris aux Eglises ; je leur mande à toutes que je mourrai de grand cœur pour notre Dieu pourvu que vous ne vous y opposiez pas. Je vous en conjure, ne me témoignez plus une bienveillance inopportune.

« Laissez-moi devenir la pâture des bêtes féroces ; par elles j’arriverai à Dieu. Je suis le froment de Dieu ; il me faut être moulu sous la dent des bêtes pour devenir le pain immaculé du Christ. Caressez plutôt ces lions ; qu’ils deviennent mon sépulcre, qu’ils ne laissent rien de mon corps ; ainsi, quand je serai endormi dans le Seigneur, je ne serai plus à charge à personne. Alors je serai vraiment le disciple de Jésus-Christ, quand mon corps lui-même aura disparu de ce monde. Suppliez pour moi le Christ, afin que, par de tels instruments, je devienne une hostie digne de lui. Pierre et Paul vous commandaient, moi je vous prie. Ils étaient apôtres, je ne suis qu’un condamné ; ils étaient libres, jusqu’ici je ne suis qu’un esclave. Mais quand j’aurai souffert, je serai l’affranchi de Jésus, et en lui je ressusciterai libre.

« En ce moment, dans les fers, j’apprends à ne rien convoiter de terrestre ni de vain. Depuis mon départ de Syrie pour Rome, je combats vraiment contre les bêtes, sur terre, sur mer, la nuit et le jour, lié que je suis à dix léopards ; ce sont mes gardiens que je nomme ainsi. Les bienfaits mêmes les rendent plus farouches. Leurs injures me servent de leçon ; mais « je ne suis pas justifié pour cela (I Cor., IV, 4). » Puissé-je jouir des autres bêtes qui me sont préparées ! Je veux les trouver affamées et furieuses, je les flatterai pour qu’elles me dévorent sans s’éloigner par respect, comme elles ont fait pour d’autres. Que si elles s’y refusent, je les y contraindrai. Pardonnez-moi cette parole, je sais ce qui m’est utile. Je commence maintenant à être un vrai disciple. Que les créatures visibles et invisibles cessent de me disputer mon bonheur.

« C’est à Jésus-Christ que je vais. Les flammes, la croix, les meutes de bêtes farouches, les lacérations, la torture, la dislocation des os, les déchirements des membres coupés en morceaux, que tous ces tourments, inventés par l’enfer, tombent sur moi, pourvu que j’atteigne Jésus-Christ ! A quoi me serviraient et les plaisirs de ce monde et les royaumes du siècle ? Mourir pour Jésus-Christ vaut mieux que régner sur l’univers. Je cherche celui qui est mort pour nous, je veux celui qui est ressuscité pour nous. Tel est le trésor que je vais conquérir.

« Pardonnez-moi donc, frères. Ne me privez pas de la vie, ne me rejetez point dans la mort ; ne me rendez pas au monde quand j’aspire à Dieu. Laissez-moi arriver à cette pure lumière aux rayons de laquelle je deviendrai l’homme de Dieu. Laissez-moi devenir l’imitateur de la passion de Jésus-Christ. Ah ! si quelqu’un a l’amour de Jésus-Christ dans son cœur, il comprendra mon langage, et, sachant l’ardeur qui me dévore, il aura pitié de moi. Le prince de ce siècle voudrait m’arracher du cœur, et corrompre en moi cet amour pour mon Dieu. Vous du moins, spectateurs de la lutte, ne vous constituez point ses auxiliaires. Prenez parti pour Dieu et pour moi. Quand le nom de Jésus-Christ est sur vos lèvres, vous ne pourrez conspirer avec le monde.

« S’il m’arrivait jamais de vous tenir un autre langage, ne m’en croyez point ; croyez à cette lettre que je vous écris, vivant encore, mais brûlant du désir de mourir.

« Mon amour a été crucifié, et le feu qui m’anime ne peut souffrir aucun aliment terrestre. L’esprit vivifiant qui habite en moi, et qui parle à mon cœur, me dit intérieurement : Viens à ton père ! Aucune nourriture corruptible, rien de ce qu’on nomme les délices de la vie n’a de saveur pour moi. Il me faut le pain de Dieu, le pain céleste, le pain de vie, c’est-à-dire la chair de Jésus-Christ, Fils de Dieu, qui dans ces derniers temps, s’est fait Fils de l’homme, en naissant de la race de David et d’Abraham. Il me faut le breuvage de Dieu, le sang de celui qui est charité et vie éternelles.

« Je ne veux donc plus de la vie des hommes, et mon vœu sera exaucé, si vous le voulez. Veuillez-le donc, je vous en supplie : Dieu vous rendra en grâces la bienveillance que vous m’aurez témoignée. Cette lettre trop courte vous le demande, croyez à ses accents. Jésus-Christ, vous manifestera la sincérité de mon langage, Jésus-Christ, le révélateur de la vérité, en qui le Père nous a parlé. Priez-le de se donner bientôt à moi. Si je suis admis au martyre, vous aurez voulu mon bonheur ; si je suis rejeté, je l’attribuerai à votre peu d’affection.

« Souvenez-vous dans vos prières de l’Eglise de Syrie ; en mon absence Dieu seul est son pasteur. A la place de l’évêque Jésus-Christ seul et votre charité la dirigeront. Je rougis de me voir, malgré mon indignité, compter au nombre de ces chrétiens d’Antioche, moi le dernier de tous, misérable avorton ! Mais si je puis arriver à Dieu, je deviendrai quelque chose par sa miséricorde.

« La charité des Eglises qui m’ont accueilli au nom de Jésus-Christ, moins comme un étranger qui passe que comme un père, s’unit à mon esprit pour vous adresser le salut. Celles qui ne se trouvent point sur mon passage ont voulu visiter et secourir mes chaînes. Je vous écris de Smyrne. Des Ephésiens dignes du bonheur d’appartenir à Jésus-Christ, vous remettront ma lettre. Crocus, ce nom si cher, est encore ici avec moi, ainsi que beaucoup d’autres frères. Vous devez connaître maintenant ceux qui m’ont précédé de Syrie à Rome, pour la gloire de Jésus-Christ. Informez-les de mon arrivée prochaine. Ils sont tous dignes de Dieu et de vous. – Ecrit le IX des Kalendes de septembre (23 août 107). Courage jusqu’à la fin dans la patience de Jésus-Christ. Amen. »

Les fidèles de Rome. – L’amphithéâtre

Le martyre

« Après avoir ainsi, par cette lettre, prédisposé en sa faveur les frères de Rome, le Théophore quitta Smyrne. Les soldats qui l’escortaient avaient hâte de le conduire à sa destination pour l’époque des jeux solennels de l’amphithéâtre. Il aborda en Troade, puis à Napoli de Thrace. Là on lui fit prendre la route de la terre ; passant donc par Philippes, il traversa la Macédoine et l’Epire, jusqu’au port d’Epidamne (aujourd’hui Durazzo), où il s’embarque de nouveau.

« Descendant le golfe Adriatique, il entra dans la mer Tyrrhénienne, longeant le littoral et voyant passer sous ses yeux les cités et les îles qui bordent ces rivages. On montra à l’homme de Dieu la ville de Pouzzoles. Il souhaitait ardemment qu’on pût y débarquer. Il aurait de la sorte suivi les traces de saint Paul, et fût entré à Rome par le même chemin que l’apôtre. Mais un vent violent chassa le navire en pleine mer et déjoua tous les efforts des matelots. En s’éloignant de Pouzzoles, Ignace salua de loin cette chrétienté célèbre : Heureux, disait-il, nos frères de cette cité illustrée par le grand apôtre !

« Le terme de notre navigation approchait ; nous en gémissions à la pensée de notre séparation prochaine d’avec ce juste ; mais lui ne manifestait que des sentiments d’allégresse, il triomphait de joie en se détachant du monde pour se rapprocher de Jésus, son bien-aimé.

« Après un jour et une nuit, le vaisseau abordait au port des Romains (Porto, près d’Ostie). Les jeux solennels de l’amphithéâtre allaient bientôt finir ; cette circonstance redoublait l’empressement des soldats ; l’évêque obéissait avec joie à leur impatience. Il la partageait lui-même. On se mit donc aussitôt en chemin.

« Cependant la nouvelle de l’arrivée du saint martyr s’était déjà répandue. Les frères de Rome vinrent au devant de lui. La joie et la douleur se peignait sur leur visage ; heureux de contempler le Théophore, la pensée de sa mort prochaine les consternait. Quelques-uns dans l’ardeur de leur zèle, formaient le dessein de s’adresser au peuple, pour lui demander grâce et le conjurer d’épargner la vie d’un juste. Ignace, averti par l’Esprit-Saint de leur pensée secrète, après avoir donné le baiser à tous les frères, parla en termes si véhéments de son ardente soif du martyre, il les supplia avec tant de larmes de ne point lui ravir son bonheur par une tendresse humaine, qu’il les persuada enfin. Tous alors se mirent à genoux sur la route. Ignace pria à haute voix, invoquant la protection du fils de Dieu sur l’Eglise, lui demandant de mettre un terme à la persécution, et de maintenir le bien de la charité parmi les frères.

« Le cortège reprit sa marche et Ignace fut conduit directement à l’amphithéâtre. C’était ce Colisée dont les ruines gigantesques sont encore debout : selon l’ordre précédemment donné par l’empereur, il fut de suite exposé aux bêtes. Or c’était le jour que les Romains désignent dans leur style sous le nom de XIII des calendes de janvier (20 décembre 107). Il était le plus solennel parmi les fêtes publiques de cette saison. Une foule immense encombrait les gradins. Le saint martyr Ignace fut exposé dans le cirque, près de l’autel élevé aux faux dieux. »

Portant alors ses regards sur la multitude des spectateurs il s’écria : « Romains, et vous tous qui assistez à ce spectacle, sachez que je ne suis point ici pour expier un sortilège ou un crime quelconque, mais pour m’unir à Dieu ; cette union je la désire avec une ardeur insatiable ! » Et entendant rugir les lions, il ajouta : « Je suis le froment du Christ, je dois être moulu sous la dent des bêtes pour devenir son pain très pur. »

« Les bêtes exaucèrent le vœu qu’il avait exprimé dans son épître aux Romains, de n’être à charge à personne après la consommation de son sacrifice et d’éviter aux frères le soin périlleux de rassembler ses restes. Il fut presque entièrement dévoré ; les bêtes ne laissèrent que les plus durs ossements, précieuses reliques qui furent soigneusement recueillies et enveloppées de linges, pour être rapportées à Antioche comme un trésor inestimable et rendue à cette Eglise veuve d’un martyr. » Saint Antonin ajoute que son cœur fut laissé intact par les bêtes et qu’on y trouva le nom de Jésus écrit en lettres d’or.

« Comme nous l’avons dit, ceci se passait le XIII des Kalendes de janvier (20 décembre), sous le consulat de Sura et de Cinécion. Nous assistions, les yeux baignés de larmes à ce spectacle. La nuit suivante, retirés dans la maison d’un chrétien, nous laissions couler nos pleurs avec nos prières. Fléchissant les genoux, prosternés, nous demandions au Seigneur de prendre en pitié notre douleur et de nous révéler quelque signe de la gloire de son martyr.

« Epuisés de fatigue, le sommeil nous gagna ; Ignace nous apparut. Quelques-uns d’entre nous le virent dans la gloire et leur tendant les bras pour les serrer sur son cœur. A d’autres, il apparut dans l’attitude de la prière, intercédant auprès du trône de Dieu pour son Eglise. Enfin quelques autres le virent couvert de sueur et comme sortant d’un laborieux combat, se présenter en vainqueur devant Dieu. Ces visions nous remplirent de joie ; chacun de nous racontait celle dont il avait été favorisé, et nous unîmes nos voix pour rendre gloire à l’auteur de tous les biens, et proclamer la béatitude du saint évêque.

« C’est dans ces sentiments que nous vous adressons la relation de son martyre, pour que vous puissiez en célébrer l’anniversaire, et qu’ainsi nous soyons tous admis à la participation des mérites de ce généreux athlète de Jésus-Christ, qui a terminé sa course selon l’ardent désir qu’il en avait manifesté. »

Rhéus, Agothopode et Philon rapportèrent respectueusement à Antioche le pieux fardeau qu’ils avaient dérobé à l’amphithéâtre romain. Ils traversèrent les cités de la Macédoine et de l’Asie-Mineur, nous apprend saint Jean-Chrysostôme, au milieu d’un peuple de fidèles qui accouraient sur leur passage et s’agenouillaient pour vénérer les saintes reliques.

Quelques siècles plus tard, quand les Musulmans envahirent la Syrie, les restes du saint évêque d’Antioche furent rapportés à Rome.

O saint Ignace, glorieux martyr de Jésus-Christ ramenez à l’unité catholique les chrétiens d’Orient, dont vous fûtes le pasteur, et défendez contre la révolution les fidèles d’Occident, au milieu desquels vous avez conquis votre immortelle couronne.

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(1) Si l’on en croit quelques-uns, saint Ignace aurait même été cet enfant que N.-S. prit un jour entre ses bras en disant à ses disciples : « Si vous ne ressemblez à cet enfant vous n’entrerez point dans le royaume des cieux. » ; mais cette tradition est plus communément rapportée à saint Martial, apôtre de Limoges.

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(2) Nous citerons le plus souvent la traduction de M. Darras, Hist. Eccl.

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