Saint HUGUES

Fête le 1 avril

Evêque de Grenoble (1053 – 1132), Innocent II, pape


Parents de saint Hugues. – Ses premières années

Saint Hugues naquit à Châteauneuf, près de Valence, en Dauphiné, sur les bords de l’Isère, en 1053.

Ses parents, noble selon le monde, jouirent de la prérogative de la sainteté.

Pendant que sa mère le portait dans son sein, elle eut un songe où il lui semblait mettre au monde un très bel enfant que saint Pierre et d’autres saints emportaient au ciel et présentaient devant le trône de Dieu. Cette vision présageait, en même temps que la sainteté de Hugues, son grand attachement au Siège apostolique et l’amour tout particulier que nous verrons les papes, successeurs de saint Pierre, lui témoigner.

Hugues, né de parents aussi vertueux, guidé par leurs enseignements, édifié par leurs exemples, se montra digne d’eux.

Il eut dès son enfance une véritable passion pour les études ecclésiastiques. Son père seconda ses bonnes dispositions et l’envoya à l’université de Paris, qui jouissait dans toute la chrétienté d’une très grande renommée.

Saint Hugues, chanoine

Lorsqu’il eut parcouru le cycle complet des études, Hugues revint dans sa famille, sur les bords de l’Isère. Son grand mérite le fit distinguer par l’évêque de Valence, qui voulut se l’attacher et le nomma chanoine de sa cathédrale.

Les mœurs sacerdotales étaient en ce moment dans le plus triste état. Hugues lutta courageusement contre le mauvais exemple et devint bientôt le modèle des prêtres eux-mêmes, bien qu’il ne fût encore que laïque. Il mérita, par cette ardeur pour la pureté, de devenir l’auxiliaire du grand pape saint Grégoire VII dans la réforme du clergé.

Ce pontife envoya en France, comme légat extraordinaire, le cardinal Hugues, évêque de Die, avec mission de détruire la simonie. Le légat, passant par Valence, reconnut le mérite et les vertus de saint Hugues, et il le pria de l’accompagner pour l’aider de ses conseils. Le saint accéda à son désir et le suivit à Lyon et à Avignon.

Comment, malgré sa résistance, Hugues est promu à l’épiscopat

Il assista, dans cette dernière ville, à un concile provincial présidé par l’envoyé du Saint Siège.

Les chanoines de l’église de Grenoble profitèrent de ce que ce concile rassemblait tant d’hommes éminents pour venir y demander un pasteur de choix. Connaissant déjà par la renommée les vertus de saint Hugues, et voyant l’estime qu’en faisaient les Pères, ils supplièrent le légat de le leur accorder. Celui-ci, charmé du choix, se fit, auprès de Hugues, l’interprète du désir des chanoines. Le saint refusa le fardeau, alléguant son jeune âge (il avait vingt-sept ans) et surtout son insuffisance. Le légat insistant, Hugues le supplia, les larmes aux yeux, de ne pas lui imposer une charge trop lourde pour ses épaules. Tous les Pères du concile joignirent alors leurs instances à celles du cardinal et remontrèrent au saint qu’il ne devait pas, en cette occasion, suivre sa volonté propre, mais celle de Dieu qui s’était manifestée si ouvertement par le choix unanime des chanoines de Grenoble. Enfin Hugues céda à cette considération et accepta l’épiscopat.

Saint Hugues à Rome

Restait la question de l’ordination. Hugues devait être consacré par son métropolitain, l’archevêque de Valence, qui ne cédait son droit qu’au pape. Mais cet archevêque, nommé Gramond, était entaché de simonie et le saint préféra affronter toutes les peines et les périls que présentait un voyage à Rome, plutôt que de consentir à recevoir l’onction de sa main.

Le légat lui administra lui-même les ordres sacrés jusqu’à la prêtrise, et ils partirent ensemble pour la capitale du monde chrétien.

Arrivé dans la Ville sainte, il fut accueilli avec bonté par le pape Grégoire VII qui lui dévoila toute son âme, et lui inspira un zèle ardent pour la liberté de l’Eglise et la pureté de ses ministres qui fut toujours le cachet distinctif de saint Hugues. Pendant que par des prières plus prolongées, il se préparait à sa consécration, l’esprit des ténèbres le tenta de blasphème contre Dieu. Il ne voulut pas garder cette peine renfermée en lui, de peur qu’elle n’augmentât, mais s’en ouvrit au légat qui lui conseilla de s’adresser au pape lui-même. Saint Grégoire VII, qui était fort expérimenté dans les choses spirituelles, lui rappela que le Seigneur reprend et châtie ceux qu’il aime, et flagelle, pour le purifier davantage, tout fils qu’il affectionne. « D’ailleurs, ajouta-t-il, l’acharnement que Satan met dans ses attaques contre votre âme prouve que, prévoyant les coups dont vous allez l’accabler en lui enlevant ses victimes, le bien que par votre ministère vous ferez au troupeau de Dieu, veut, par tous les moyens, vous éloigner de l’épiscopat. Résister à ses attaques est un devoir pour vous. Confondez par votre constance l’ennemi de Dieu, et vous glorifierez le Christ au milieu des nations. »

Ces paroles n’enlevèrent pas à Hugues sa tentation, qui ne devait cesser qu’avec sa vie, mais elles lui donnèrent une ardeur nouvelle pour faire en tout la volonté de Dieu.

Bientôt après, il reçut l’onction sainte des mains du Pontife. Le jour de la consécration, la comtesse Mathilde, qui durant ce temps d’orage se montra si dévouée à la papauté, donna au saint évêque tout ce qui était nécessaire à la cérémonie.

En quel état Hugues trouve son diocèse. Ses travaux

Aussitôt après, Hugues, fortifié par les encouragements et les bénédictions de Grégoire, s’achemina vers son évêché qu’il trouva dans le plus triste état : les clercs se mariaient publiquement et commettaient des simonies, les séculiers ne pensaient qu’à l’argent qui était devenu leur seul Dieu. Les hommes n’avaient plus de foi, ni les femmes de honte. Les biens de l’Eglise étaient aliénés, le revenu de l’évêque était dissipé et égaré ; bref, tout était dans la plus extrême confusion.

Le champ était vaste pour le zèle apostolique du saint prélat, il se mit à la tâche avec courage. Il chercha à s’attirer le secours de Dieu en jeûnant, en priant, en souffrant toutes les tortures que la misère lui faisait endurer ; puis il se mit à exhorter les prêtres et les fidèles à mener une vie nouvelle.

Dieu permit que tous ses efforts fussent infructueux. Le saint qui attribuait à son indignité ces mauvais résultats, résolut de laisser sa charge et de se retirer au monastère de la Chaise-Dieu, de l’ordre de Cluny. Il y fit son noviciat durant un an avec beaucoup de dévotion et d’humilité. Le pape en étant averti lui ordonna de retourner à son évêché et de ne pas préférer son repos au salut des âmes dont il était responsable devant Dieu. Hugues obéit aussitôt ; mais il conserva le reste de sa vie, dans l’épiscopat, l’amour et les pratiques de la vie religieuse, ce qui ne contribua pas peu à tourner vers Dieu les âmes de ses diocésains.

Fondation de la Chartreuse. – Hugues et saint Bruno

Trois ans après son retour, il eut un songe mystérieux. Il lui semblait que Dieu lui-même se construisait une habitation dans un désert de son diocèse et que sept étoiles lui en montraient le chemin. Peu après, il vit arriver en sa présence sept hommes qui cherchaient un lieu propre à la vie érémitique : c’était saint Bruno et ses compagnons. Saint Hugues reconnut en eux les sept étoiles et il les conduisit dans la solitude de la Chartreuse, la même qu’il avait vue en songe. C’était en 1084. Ils bâtirent le monastère qui y subsiste encore dans sa première ferveur.

Le saint évêque n’avait pas de plus sensible consolation que d’aller souvent à la Chartreuse s’édifier de la vie sainte qu’y menaient ces pieux solitaires. Mais ceux-ci étaient encore plus frappés de son humilité que lui-même ne pouvait l’être de leurs austérités. Hugues vivait avec eux comme le dernier d’entre eux. Sa ferveur faisait oublier sa dignité, et il rendait les derniers services au religieux avec lequel il logeait, car dans ces commencements, les chartreux habitaient deux dans une seule cellule. L’humble évêque trouvait tellement sa gloire à servir les serviteurs de Dieu, que son compagnon l’accusa auprès de saint Bruno de vouloir faire auprès de lui la fonction d’un valet.

L’attrait de saint Hugues pour la vie humble et cachée était si fort, qu’il ne pouvait se décider à quitter la solitude. Saint Bruno dut plusieurs fois prendre la liberté de le renvoyer à son Eglise : « Allez à vos ouailles, lui disait-il, elles ont besoin de vous ; rendez-leur ce que vous leur devez. » Le saint évêque obéissait à Bruno comme à son supérieur et, quand il avait passé quelque temps avec son peuple, il venait reprendre de nouvelles forces dans la solitude.

Il puisa dans l’exercice de cette vie monastique un tel dégoût pour les choses de ce monde, qu’il résolut de se priver de tout ce qui n’était pas strictement nécessaire à sa dignité. Bruno fut obligé de l’arrêter : « De telles singularités, lui dit-il, paraîtrait condamner la conduite des autres évêques et pourraient d’ailleurs vous inspirer quelque vaine gloire. » Hugues, heureux de soumettre sa volonté à celle d’autrui, suivit ce conseil.

Comment il se comporte pour devenir un grand saint

Il eut toujours un profond mépris pour tout ce qui était terrestre et sensible. Son esprit était continuellement fixé en Dieu. Cette application fermait son âme du côté de la terre et l’ouvrait vers Dieu seul.

Souvent au confessionnal, il pleurait avec le pénitent et l’excitait à une plus grande contrition de ses fautes.

Cette bonté qu’il montrait en toutes choses ne l’empêchait pas d’être d’une très grande discrétion et d’une extrême modestie, surtout vis-à-vis des femmes. Après cinquante années d’épiscopat, il ne connaissait de visage qu’une femme dans tout son diocèse ; c’était la vieille qui le servait.

Une dame bien parée le vint trouver un jour pour lui demander conseil sur des choses importantes.

Quand elle se fut retirée, quelques serviteurs de Dieu, qui avaient assisté à l’entretien, demandèrent au saint pourquoi il n’avait pas blâmé cette femme de se présenter devant lui, vêtue avec un tel luxe. Il leur répondit qu’il n’avait pas pris garde à son vêtement et il ajouta : « Je ne comprends pas qu’on puisse sans retenir ses yeux se garantir des mauvaises pensées. Car, comme dit Jérémie, la mort entre souvent par ces portes de l’âme, et l’on doit détourner sa vie non seulement des femmes, mais encore des hommes dissolus. Comme on s’attriste à la vue de la tristesse, de même, en jetant les yeux sur un lascif, il semble qu’il imprime en nous des traits de son impudicité. »

Il n’était pas moins soigneux de fermer ses oreilles pour ne point entendre de murmures : « Il suffit à chacun, disait-il, de savoir ses péchés pour les pleurer, il n’est pas à propos de s’enquérir de ceux des autres, ces recherches ne servent qu’à émousser l’esprit. » Il ne prenait pas plaisir à entendre des nouvelles ni à en conter et il blâmait ses serviteurs quand ils les voyaient s’entretenir en paroles oiseuses, parce que la charité y est souvent blessée.

Cette sévérité pour tout ce qui ressemblait à une faute n’empêchait pas le serviteur de Dieu d’être d’une douce et suave aménité pour tous ceux qui l’approchaient. Il rendait toujours le bien pour le mal, le bon service pour l’outrage.

Son cœur était plein de miséricorde pour les pauvres à qui il distribuait presque tout son revenu, n’en réservant pour son entretien qu’une très petite partie ; il se reprochait même souvent de conserver ce peu qui lui était nécessaire comme s’il eût ravi aux pauvres.

Pendant une année de grande disette, il n’épargna pas même son anneau et son calice. Il vendit tout pour secourir les nécessiteux. Cet exemple entraîna plusieurs seigneurs qui lui envoyèrent des aumônes considérables pour les répartir à sa volonté, à condition qu’il les recommanderait à Dieu dans ses prières. Il put de cette manière secourir tous ses diocésains.

Comment saint Hugues savait prêcher.

Il n’était pas moins zélé pour pourvoir aux besoins spirituels de son troupeau. Malgré ses maladies continuelles, il ne cessa jamais d’annoncer la parole de Dieu à son peuple. Il ne cherchait point à dire ce qui pouvait lui attirer les applaudissements de ses auditeurs. Il ne se proposait que de les instruire et de les toucher, à quoi il réussissait si bien, qu’après ses sermons il y avait toujours un grand nombre de pécheurs qui demandaient à se confesser. Il inspirait à ses auditeurs une telle contrition de leurs fautes que plusieurs se voyait contraints par la force de leur repentir à faire leur confession publiquement et à demander à tout le peuple pardon des scandales qu’ils avaient donnés.

Fidélité de saint Hugues pour le Saint-Siège

On voyait souvent dans ces siècles les rois, manquant à tous leurs devoirs, s’armer contre l’Eglise, leur mère. Hugues combattit toujours contre ces entreprises de la force brutale.

En 1111, l’empereur Henri V vint à Rome pour obtenir du pape Pascal II la permission de donner l’investiture des charges ecclésiastiques. Le pontife d’abord refusa. L’empereur se saisit par trahison de sa personne, l’accabla de mauvais traitements, et le menaça d’un schisme s’il ne lui accordait sa demande. Le pape, craignant pour l’unité de la catholicité, céda. Aussitôt l’Eglise tout entière se souleva contre l’empereur, on lui reprocha les mauvais traitements dont il avait accablé le Père des fidèles. Des conciles furent convoqués de toutes parts. Saint Hugues réunit lui-même un synode à Vienne où l’empereur fut non seulement blâmé mais encore excommunié. Le serviteur de Dieu dicta la sentence qui s’exprimait en ces termes : « Nous excommunions ce roi qui, venant à Rome sous ombre d’une paix simulée, après avoir promis au Seigneur pape par serment la sûreté de sa personne et la renonciation aux investitures, après lui avoir baisé les pieds et la bouche, l’a trahi, comme un autre Judas, l’a enchaîné devant le corps de saint Pierre avec des cardinaux, des évêques et plusieurs nobles romains ; qui l’ayant emmené dans son camp, l’a dépouillé des ornements pontificaux, traité avec mépris et dérision et lui a extorqué par violence un consentement détestable. Nous l’anathématisons et le séparons du sein de l’Eglise, jusqu’à ce qu’elle reçoive de lui une pleine satisfaction. »

Cet acte fut d’autant plus admirable de la part du saint évêque qu’il était le sujet de Henri V, Grenoble faisait alors partie de l’empire.

Saint Hugues fait tous ses efforts pour quitter sa charge

L’humilité de notre saint faisait qu’il se croyait indigne de la charge qu’il occupait si glorieusement. Il se regardait comme un serviteur inutile qui occupait le siège épiscopal, recevait les honneurs et les revenus d’un évêque sans en avoir le mérite, en sorte qu’il désirait quitter la place dont il se jugeait indigne. En effet il écrivit au pape Honorius II, lui demandant la permission de se retirer. Mais le pontife, qui connaissait ses vertus, lui répondit de rester fidèle au poste jusqu’à la mort, l’assurant qu’il faisait à son peuple plus de bien en offrant pour lui ses souffrances, que n’en eût fait un autre évêque.

Saint Hugues ne se rebuta pas. Il était si convaincu de son indignité qu’il alla lui-même à Rome. Il conjura le pape de le laisser aller achever sa vie en repos pour se préparer au jugement de Dieu et de donner un meilleur pasteur à l’église de Grenoble. Mais Honorius demeura persuadé que par son autorité et son bon exemple il serait plus utile à son troupeau que tout autre. Aussi le congédia-t-il avec de grandes marques de respect mais sans accéder à son désir.

Saint Hugues et saint Bernard

Rentré à Grenoble, saint Hugues y reçut en l’an 1123 la visite du saint le plus illustre de ces temps. Saint Bernard, abbé de Clairvaux, le restaurateur de la vie monastique, profita d’un voyage que les intérêts de son monastère l’obligeaient à faire, et revint à Grenoble. Hugues le reçut comme un envoyé du ciel, et, malgré sa dignité et son extrême vieillesse, il se prosterna devant son saint visiteur qui alors était dans la trente-deuxième année de son âge. « Ces deux enfants de lumière, dit Guillaume de saint Thiéré, ami de saint Bernard, s’unirent de telle sorte qu’ils ne formèrent plus dans la suite qu’un cœur et qu’une âme, s’étant attachés par les liens indissolubles de la charité du Christ. »

Hugues conduisit bientôt Bernard vers les rochers et les sauvages montagnes sur la cime desquels les Chartreux avaient bâti leurs cellules. Il montrait avec plaisir cet arbre nouveau qui commençait à étendre ses rameaux sur l’Eglise tout entière, et qu’il avait soigné avec tant d’application.

Saint Bernard retourna bientôt dans son monastère pour édifier des exemples de vertu qu’il avait admirés à Grenoble et à la Chartreuse.

Vers cette époque, saint Hugues montra d’une façon éclatante combien il était attaché à la fondation de saint Bruno à laquelle il avait coopéré de tout son pouvoir. A leur début les Chartreux n’avaient aucune règle écrite. L’esprit que leur fondateur leur avait légué leur en tenait lieu. L’évêque de Grenoble, craignant que la ferveur venant à diminuer à cause du grand accroissement de l’ordre, le relâchement ne s’introduisît parmi les frères, pria Guigues, le cinquième successeur de saint Bruno de mettre par écrit les usages et coutumes que le fondateur avait établis.

C’est ainsi que saint Hugues, après avoir pris une grande part à la naissance et au développement de cette nouvelle famille, en assura l’avenir par sa prudence prévoyante.

Il excommunia un antipape.

Le pape Honorius II qui avait refusé à saint Hugues la permission de se retirer dans un couvent étant mort en 1130, les cardinaux de l’Eglise romaine lui donnèrent pour successeur Innocent II.

Mais il y avait dans le Sacré-Collège un cardinal nommé Pierre de Léon, fils d’un juif converti, qui, comptant sur l’autorité de sa famille, toute-puissante à Rome, voulut usurper le siège apostolique. Il gagna à sa cause deux autres cardinaux, se fit par eux proclamer pape sous le nom d’Anaclet et s’empara de Rome par les armes.

Le pape légitime Innocent II, prisonnier dans le Vatican, était dans l’impuissance de faire respecter son autorité. Il ne fondait d’espoir que sur la fidélité de ses enfants des pays étrangers. Elle ne lui fit pas défaut. Les évêques se déclarèrent pour lui de toutes parts. C’est saint Hugues qui donna le signal à l’épiscopat des Gaules.

Malgré le poids des années et les nombreuses infirmités contractées durant son pontificat semi-séculier, le saint vieillard a cheminé à travers les montagnes du Velay, se rendant au Puy pour y tenir un concile auquel il avait convoqué les prélats des provinces environnantes.

Hugues connaissait depuis longtemps Pierre de Léon, qui s’était montré pour lui, ainsi que son père, plein d’égards et d’attention. Mais, l’Eglise était menacée, ce n’était pas le moment d’écouter son cœur. Aussi Hugues, sourd à toute autre voix qu’à celle de la justice et ne considérant que l’intérêt de la chrétienté, prononça-t-il, de concert avec tous ses collègues, la sentence d’excommunication contre l’usurpateur du siège apostolique.

Dernière maladie

L’excommunication de l’antipape Pierre de Léon fut la dernière action mémorable du saint évêque de Grenoble. Son corps s’affaiblissait tous les jours de plus en plus. Il perdit même entièrement la mémoire de toutes les choses temporelles qu’il avait faites ou vues en ce monde. Son âme se fermait petit à petit du côté de la terre, mais c’était pour s’ouvrir davantage du côté du ciel, car par un prodige singulier il n’oublia rien de ce qui concernait le service de Dieu.

Il reçut sur la fin de sa vie plusieurs grâces tout à fait extraordinaires, en premier lieu celle de pouvoir sonder le fond des consciences. Ainsi un comte, son ami intime, étant venu le visiter, le saint le pria de ne pas surcharger ses sujets de tailles et de tributs énormes, et le menaça de la colère de Dieu s’il désobéissait à cet avis. Le comte qui avait en effet l’intention de prélever de nouveaux impôts exorbitants, mais ne l’avait dit à personne, fut fort surpris de cette admonestation du saint. Il reconnut qu’il avait été éclairé par Dieu lui-même et promit de lui obéir.

Les moines de Calais, monastère que le saint avait fondé, se remplacèrent auprès de lui pendant cette dernière maladie, pour le servir. Ils se crurent bien payés de leurs peines par l’édification qu’ils reçurent.

Hugues souffrait des maux atroces, mais il les supportait avec une patience admirable. Quand il s’apercevait que la douleur lui avait arraché quelque parole d’impatience, il s’en accusait avec larmes et demandait aux frères de lui donner la discipline. Mais comme les bons moines ne croyaient pas devoir accéder à ses désirs, il se frappait la poitrine et récitait le Confiteor pour en demander pardon à Dieu.

Hugues avait converti tout son diocèse, il pouvait donc aller en paix jouir de la gloire due à ses travaux. Mais il lui restait encore quelque chose à faire sur la terre : assurer l’avenir de son troupeau en leur donnant pour héritage un bon pasteur. En conséquence il écrivit au pape Innocent II pour l’informer du triste état où il se trouvait réduit, et lui demander de mettre à sa place sur le siège de Grenoble un saint religieux de la Chartreuse du nom de Hugues. Le pape lui accorda sa demande.

Hugues avait vu son désir réalisé, il ne tarda pas à aller recevoir dans la contemplation de Dieu la récompense de ses travaux. Il mourut le vendredi 1er avril 1132, âgé de plus de quatre-vingts ans.

Son corps resta exposé à la vénération des fidèles jusqu’au mardi suivant. Dieu rendit son tombeau glorieux par plusieurs miracles.