Saint Grégoire le Thaumaturge

Fête le 17 novembre


I. – Premières années de saint Grégoire

Grégoire célèbre par sa science, mais plus encore par le grand nombre de miracles qu’il a opérés, fut surnommé de son vivant thaumaturge, c’est-à-dire faiseur de miracles. Il naquit à Néocésarée dans le Pont, de parents nobles et riches, mais païens. Il perdit son père à l’âge de 14 ans, et il nous apprend lui-même qu’à cette époque un rayon de la grâce illumina son âme et lui fit comprendre la fausseté de la religion païenne.

Sa mère lui fit suivre le plan d’études que son père avant de mourir avait eu la précaution de tracer. Destiné au barreau, Grégoire apprit la rhétorique, où il acquit les plus légitimes succès, la langue latine, et le droit romain. Mais son âme avait un tel culte pour la vérité, qu’il ne pouvait se résoudre à louer, même par manière d’exercice oratoire une chose qui n’eût pas été réellement louable.

II. - Il devient disciple d’Origène

Ayant accompagné avec son frère Athénodore qui devint plus tard évêque et martyr, leur sœur mariée à l’assesseur du gouverneur de Césarée en Palestine, Grégoire eut l’occasion de s’entretenir avec Origène. Celui-ci remarquant bien vite la brillante intelligence et les sentiments nobles et élevés de Grégoire, fit tous ses efforts pour le convertir au christianisme, soit en lui montrant le ridicule de la religion païenne, soit en lui disant que la philosophie était la seule étude digne de fixer l’attention d’un esprit sérieux.

L’éloquence et la grande vertu d’Origène fascinèrent Grégoire. Il ne pensa plus aux études profanes et se mit à suivre les leçons d’Origène. Leur attachement devint en peu de temps tel, qu’on ne craignait pas de comparer leur amitié à celle de David et de Jonathas. Nous possédons encore dans les écrits de saint Grégoire lui-même le magnifique plan d’études que lui fit suivre son illustre maître. « Comme un habile agriculteur, dit-il, sonde en tout sens le terrain qu’il veut défricher, ainsi Origène creusait et pénétrait les sentiments de ses disciples, les interrogeant et comparant leurs réponses. Après avoir préparé à recevoir la semence de la vérité, il leur enseignait les diverses parties de la philosophie. Venait ensuite l’étude de la connaissance de Dieu ; là Origène s’efforçait de montrer à ses disciples à quels errements s’était laissé aller l’esprit humain avec les seules lumières de la raison. Il posait comme principe que sur Dieu, il fallait ne s’en rapporter qu’à Dieu lui-même, et aux prophètes qu’il avait inspirés.

III. - Son séjour à Alexandrie

Cependant la persécution de Maxime ayant forcé Origène à s’éloigner de Césarée, Grégoire, sans doute par les conseils de son maître, vint à Alexandrie continuer ses études. Quoique simple catéchumène, sa conduite fut si régulière que les autres étudiants la prirent pour une censure tacite de la leur. Dans leur méchanceté, ils suscitèrent contre lui une infâme prostituée qui s’en vint demander à Grégoire, occupé à traiter des questions de la philosophie avec ses amis, le paiement de ce qu’il lui devait pour ses complaisances. Les amis de Grégoire entendant de pareilles paroles s’apprêtaient à chasser cette malheureuse, mais lui, conservant toute la sérénité de son âme : « Donnez-lui, dit-il à un de ses amis, ce qu’elle demande afin que nous puissions continuer notre démonstration. » Devant cette réponse, quelques-uns de ses amis commencèrent à former des soupçons sur son innocence, mais ils furent bientôt dissipés. A peine cette femme eut-elle reçu l’argent que le démon s’empara d’elle. Les yeux hagards, la bouche écumante, elle se roule à terre dans d’horribles convulsions ; Grégoire touché de compassion invoque le Christ en sa faveur et force le démon à s’enfuir aussitôt. Ce fut le premier miracle de saint Grégoire.

IV. – Il fait le panégyrique d’Origène

Le feu de la persécution ayant cessé, Origène put parvenir à Césarée, et Grégoire ne tarda pas à venir le rejoindre. Il acheva de s’instruire dans les mystères de la religion chrétienne, et après avoir reçu le baptême, il se disposa à retourner dans sa patrie. Avant de repartir, il voulut faire, en présence d’une nombreuse assemblée, ses adieux au maître chéri qui par sa science, ses conseils et ses exemples, lui avait appris à adorer le vrai Dieu, seul digne d’honneur et de louange. Le discours qu’il prononça en cette circonstance, est regardé avec raison comme un des plus beaux qui soient parvenus jusqu’à nous.

V. – Il est fait évêque de Néocésarée

A peine arrivé à Néocésarée, Grégoire reçut une lettre d’Origène, dans laquelle ce grand génie se plaît à l’appeler son seigneur très saint et son véritable fils. Servez-vous, lui dit-il, des talents que vous avez reçus du Seigneur pour la défense de la religion du Christ, et pour cela ayez surtout soin de joindre la prière à l’étude. Ce conseil fut fidèlement suivi par saint Grégoire. La prière, en effet, fut la grande arme dont il se servit, et c’est par elle qu’il a opéré tant de miracles et converti un si grand nombre d’idolâtres.

Les compatriotes de Grégoire, jaloux de posséder un homme si distingué, lui offrirent pour se l’attacher les premières places de la cité. Mais touché de la grâce de Dieu, Grégoire, suivit le conseil de l’Evangile, vendit tout ce qu’il possédait, en distribua le prix aux pauvres et se retira dans la solitude pour converser seul à seul avec Dieu. Mais Phédime, métropolitain de la province du Pont, évêque très pieux et doué de l’esprit de prophétie, résolut d’appeler Grégoire à l’épiscopat. Instruit des intentions de Phédime, Grégoire se mit à errer de solitude en solitude, pour éviter la lourde charge dont sa modestie s’effrayait. Phédime voyant qu’il ne pourrait jamais faire consentir Grégoire à accepter l’épiscopat, et poussé par l’esprit de Dieu, ne craignit pas de l’élire, malgré son absence, évêque de Néocésarée, ville qui comptait une infinité d’idolâtres et seulement dix-sept chrétiens.

Grégoire poussé à bout, et craignant de résister à l’appel de Dieu, accepta de porter le fardeau de l'épiscopat, mais il pria Phédime de lui accorder quelque temps pour se préparer à recevoir l'onction sainte. Redoublant alors de jeûnes et de mortifications, il priait le Seigneur avec larmes, de lui prêter aide et secours pour la conversion du peuple confié à ses soins, et pour pouvoir le préserver des atteintes de ceux qui mêlaient leurs erreurs à la pure doctrine de Jésus-Christ.

VI. – La Très-Sainte Vierge et saint Jean lui apparaissent

Une nuit qu’il se trouvait en prière ; la Sainte-Vierge, mère de Dieu, accompagnée de l’apôtre saint Jean, lui apparurent, et le rassurèrent sur les craintes excessives qu’il avait. Après l’avoir consolé, saint Jean sur ordre de la Sainte-Vierge montra à Grégoire ce qu’il fallait croire sur les mystères de la Très-Sainte Trinité et de l’Incarnation pour ne point tomber dans l’erreur, après quoi la vision disparut.

Revenu à lui, Grégoire s’empressa d’écrire ce que l’apôtre bien-aimé venait de lui révéler. Cet écrit est connu sous le nom de symbole de saint Grégoire. L’attachement des fidèles de Néocésarée pour ce symbole était tel que saint Grégoire en mourant le leur légua comme un précieux héritage, ce qui empêcha cette église de tomber dans les erreurs des Pélasgiens.

Fortifié par cette vision, et délivré de ses angoisses, saint Grégoire, comme un vaillant athlète, muni des armes de la prière et de la vérité, ne résista plus à la voix de Dieu, et se mit en route pour aller prendre possession de son diocèse. Pendant son voyage la nuit le surprit, et une pluie violente l’obligea de s’abriter avec sa suite dans un temple d’idoles qui se trouvait sur son chemin. Ce temple était renommé dans toute la contrée pour les réponses que les démons rendaient à ceux qui venaient les consulter.

VII. – Son pouvoir sur les démons

A peine saint Grégoire eut-il mis les pieds dans le temple que les démons épouvantés s’enfuirent. Le saint purifia l’air par un signe de croix et se mit en devoir de chanter l’office divin avec sa suite. Le jour étant venu, Grégoire continua sa route. Cependant, le prêtre des idoles s’étant rendu dans le temple, fit les évocations accoutumées, mais les démons répondirent qu’il ne leur était plus permis d’entrer dans le temple, parce que l’homme qui y avait passé la nuit les forçait de s’éloigner. Le prêtre des idoles irrité, se mit à la poursuite de Grégoire, et l’ayant atteint, il le menaçait d’aller porter plainte aux magistrats et à l’empereur. Mais Grégoire lui répondit qu’il avait reçu de Dieu le pouvoir de chasser les démons. Le prêtre des idoles surpris, pria Grégoire de montrer sa puissance en ordonnant aux démons de rentrer dans le temple. Le saint y consentit, et écrivit sur un morceau de parchemin ces simples mots : « Grégoire à Satan : Rentre. » Le prêtre prit le parchemin, alla le placer sur l’autel, et aussitôt les démons rentrèrent et rendirent leurs réponses. Alors rempli d’admiration, il vint trouver Grégoire, le priant de lui faire connaître ce Dieu à qui les démons eux-mêmes obéissent. Grégoire se mit alors à lui expliquer les vérités de la religion chrétienne, mais comme le prêtre refusait de croire le mystère de l’incarnation, Grégoire lui répondit qu’on ne pouvait point prouver ce mystère par des paroles mais seulement par des miracles. Le prêtre montrant une énorme pierre dit à Grégoire de la transporter par la seule puissance de la foi dans un lieu qu’il désignait. Grégoire sans différer donna l’ordre et la pierre obéit. Ce miracle acheva la conversion du païen, il abandonna sa famille, son pays, le culte des idoles pour s’attacher à saint Grégoire, et devenir le compagnon de ses travaux.

VIII. – Nombreuses conversions

Arrivé dans sa ville épiscopale, il se mit le même jour, à prêcher la parole de Dieu et convertit assez d’idolâtres pour former un groupe important de chrétiens fervents. Le lendemain il guérit un grand nombre de malades, et en peu de temps, les conversions furent si nombreuses, que le saint évêque fut obligé de faire bâtir une église. Tous tinrent à cœur de contribuer soit par leurs aumônes, soit par leur travail à la construction de l’édifice. Les historiens rapportent que, pour faciliter l’accomplissement de l’œuvre, il fit par ses prières reculer une montagne qui le gênait, vérifiant ainsi à la lettre la parole de l’Evangile : « Si vous avez la foi comme un grain de senevé, vous diriez à cette montagne : passez d’ici là ; et elle y passerait. » (Matth. 17, 19.) Plus tard malgré les édits portés pour la démolition des églises, malgré un tremblement de terre, il n’y eut pas même une pierre d’enlevée.

L’observation des lois, la paix et la tranquillité devinrent les fruits des nombreuses conversions opérées par saint Grégoire. Un grand accroissement de bien, une grande concorde et charité fut la récompense qu’ils obtinrent de celui qui promet tout le reste par surcroît, à ceux qui cherchent d’abord son royaume.

IX. – Il dessèche un lac par ses prières

Deux frères ayant reçu en héritage un champ dans lequel se trouvait un étang, voulaient chacun avoir la possession complète de cet étang plutôt que de l’avoir en commun. Ils vinrent consulter saint Grégoire, qui tenta inutilement divers moyens de conciliation. Leur haine devint telle qu’ils résolurent de soutenir leurs droits par la force des armes. La veille du jour fixé pour le combat, le saint évêque voulant prévenir l’effusion du sang, se mit en prières sur le bord du lac qui se dessécha aussitôt.

X. – Il met un terme aux débordements de Lycus

Le Lycus qui prend sa source dans les montagnes de l’Arménie, passait devant les murailles de Néocésarée. Pendant l’hiver il débordait quelquefois avec tant d’impétuosité, qu’il emportait les moissons, et réduisait les habitants à la plus complète misère. Saint Grégoire, ému de compassion pour son peuple, se rendit près du fleuve sur les bords duquel il planta son bâton, et ordonna aux eaux de la part de Dieu de ne jamais plus dépasser cette borne. Saint Grégoire de Nysse rapporte que depuis lors jusqu’au moment où il écrivait, il n’y avait pas eu de débordement. Le bâton lui-même prit racine et devint un arbre.

XI. – Sa conduite pendant la persécution

En l’an 250 et sous la persécution de l’empereur Dèce, saint Grégoire ne craignit pas de conseiller à son peuple de fuir la persécution, et lui-même se retira dans les montagnes voisines de Néocésarée. Cependant plusieurs habitants qui n’avait pu fuir souffrirent courageusement le martyre, et saint Grégoire eut le bonheur de voir tout son troupeau demeurer ferme dans la foi. La persécution terminée, Grégoire entreprit la visite de tout son diocèse. Il fit d’utiles règlements pour réparer les abus et institua des fêtes anniversaires en l’honneur des martyrs qui avaient dans la dernière persécution confessé la foi de Jésus-Christ.

XII. – Il arrête la peste

Il arriva qu’un jour de fête consacré à honorer les faux dieux, il se fit à Néocésarée un grand concours d’infidèles qui s’y étaient rendus pour assister aux spectacles qui se donnaient sur le théâtre. La foule fut si grande que la place vint à manquer. Les acteurs et les musiciens ne pouvant se faire entendre, plusieurs des assistants prièrent Jupiter de leur procurer de la place. Grégoire informé de la demande qu’ils avaient faite au démon, prédit qu’ils ne seraient pas longtemps à manquer de place. En effet peu de jours après, une terrible peste se déclara dans toute la province du Pont et fit un nombre considérable de victimes. Le saint évêque obtint par ses ferventes prièrent la cessation du fléau de Néocésarée. Un grand nombre d’idolâtres se convertirent en voyant la puissance du serviteur de Dieu s’exercer même sur les maladies.

XIII. – Vertus de saint Grégoire

D’après saint Basile, Grégoire était un homme doué de l’esprit des apôtres et des prophètes. Toute sa conduite portait l’empreinte de la perfection évangélique. Dans tous ses exercices de piété, il montrait le plus grand respect et le plus profond recueillement. Jamais il ne priait que la tête découverte ; il parlait avec simplicité et modestie ; il avait en horreur le mensonge, l’habilité et tous les détours qui ne s’accordent point avec l’exacte vérité. Il ne connaissait ni l’envie ni l’orgueil. Il ne pouvait supporter tout ce qui pouvait blesser la charité ou porter atteinte à la réputation du prochain. Toujours maître de lui-même, il ne se laissait jamais aller à la colère, il ne lui échappait même pas une parole qui annonçât de l’amertume.

XIV. – Sa mort

Saint Grégoire mourut vers l’an 270 le 17 novembre, jour choisi par l’Eglise pour célébrer sa fête. Sentant qu’il allait mourir, il s’informa du nombre d’infidèles qui se trouvaient dans sa ville : on n’en trouva que dix-sept. Il leva alors les yeux au ciel, en soupirant ; il versa des larmes en pensant que la vraie religion n’était pas pratiquée par tous ceux qui avaient été confiés à ses soins. Mais en même temps, il remerciait le Seigneur de ce que n’ayant trouvé que dix-sept chrétiens à son arrivée, il se trouvait seulement à sa mort dix-sept idolâtres. Il pria Dieu pour la conversion des uns et pour la persévérance des autres.

Il fit promettre alors à ses amis de ne point lui acheter un lieu particulier pour enterrer son corps, mais de le placer dans la sépulture commune. « Ayant toujours vécu comme un étranger sur la terre, disait-il, je ne voudrais pas perdre ce titre après ma mort. Aucun lieu ne doit porter le nom de Grégoire. La seule possession dont je sois jaloux est celle qui me fera soupçonner d’aucun attachement à la terre. » Après avoir dit ces mots, il rendit son âme à Dieu.