Saint Géry

Fête le 11 août

Evêque d’Arras et de Cambrai


Légende de la gravure

Saint Géry enfant, aux pieds de saint Magnérie, évêque de Trèves.


Naissance et éducation de saint Géry (1)

Géry naquit à Yvois, dans le diocèse de Trèves, vers le milieu du VIe siècle. Ce lieu, d’après les Bollandistes, correspond à la petite ville actuelle de Carignan, dans les Ardennes.

Ses parents, Gaudens et Austadiola, étaient, suivant le monde, d’une position médiocre, mais plus riches des biens de la foi et de la vertu que des biens périssables et de la fortune. Le berceau de notre saint, sans être pauvre, ne fut donc pas entouré de l’éclat de la terre ; mais Géry apportait à sa pieuse famille un éclat bien autrement considérable.

Dès son enfance, il montra des marques non équivoques de sainteté. Ses parents ne négligèrent pas de cultiver ces germes, et le destinèrent de bonne heure au service de Dieu.

Il existait alors, non seulement dans les palais épiscopaux, mais même dans les plus humbles maisons des prêtres de la campagne, des écoles où se rassemblaient les jeunes enfants qui venaient se former à la science et à la piété sous la direction de leur pasteur. Ainsi se recrutait le clergé. Grand nombre de conciles s’étaient occupés de cette œuvre importante. D. Pitra, dans la Vie de saint Léger, cite les paroles du 2e concile à Vaison, ordonnant à tout prêtre, même à la campagne, de rassembler chez lui le plus de jeunes lecteurs qu’il en pourrait trouver. Il devait les trouver en bon père de famille, les nourrir spirituellement, leur apprendre à chanter des psaumes, à lire et méditer les Ecritures, et les instruire dans la loi du Seigneur, afin de se préparer de dignes successeurs et de mériter de Dieu la récompense éternelle.

Ces écoles chrétiennes contiennent en germe les séminaires, institués et réglementés plus tard par le concile de Trente.

Le prêtre qui gouvernait l’église d’Yvois, avait dans sa demeure une de ces écoles. Les parents de Géry lui confièrent leur saint enfant. Il brilla bientôt au milieu de ses compagnons. Sous la conduite du vénérable pasteur, il partageait son temps entre la prière et l’étude des saintes lettres. Nul n’était plus assidu aux offices divins, nul n’était plus avide de la doctrine sacrée, et le futur pontife, dit son biographe, tour à tour se tenait debout sur le seuil de la sagesse, on venait comme Marie s’asseoir aux pieds du Sauveur pour écouter les paroles de sa bouche.

Rencontre du saint enfant avec saint Magnérie de Trèves

Géry grandissait ainsi en science et en vertus sous l’œil de Dieu, quand saint Magnérie, évêque de Trèves, en faisant sa visite pastorale, s’arrêta au bourg d’Yvois. Le saint prélat, selon le devoir de sa charge, se fit rendre compte par le prêtre du personnel et de la conduite de son clergé et des enfants qu’on élevait pour le service des autels.

Le prêtre satisfit à ses questions, et il ajouta : « Parmi tous les autres se distingue par son esprit et par sa sainteté un adolescent nommé Géry. Appliqué à l’étude des saintes lettres, il n’est encore qu’à ses débuts, mais la gravité et l’intégrité de ses mœurs est telle, qu’on le prendrait déjà pour un homme mûr. A peine, en effet, a-t-il entendu le signal qui nous appelle à l’église pour y chanter les heures canoniales, il quitte sa demeure, interrompt tout autre occupation, et accourt dévotement à l’église, longtemps avant tous les autres. Son innocence est admirable, sa pudeur angélique ; ses paroles ne respirent que la gravité et la douceur, ses prières sont continuelles. Adonné aux veilles et à l’abstinence, à peine sur le soir, épuisé par le jeûne et les macérations, prend-il un peu de nourriture pour soutenir son corps et le rendre capable de continuer les mêmes exercices. Tout ce qu’il se refuse ainsi à lui-même, il le donne libéralement aux pauvres. »

En un mot, le bon prêtre ne tarissait pas d’éloges au sujet de son cher disciple. Magnérie, que ce discourt comblait de joie, commanda aussitôt qu’on amenât l’enfant devant lui. On fit venir Géry. L’évêque lui parla avec tendresse et bonté, et la sagesse de ses réponses confirma pleinement tout le bien qu’on avait dit de lui, Magnérie, le prenant dans ses bras, le bénit avec amour. Puis il voulut savoir quelle était la dernière leçon que son maître lui avait donné à apprendre. « La leçon, dit l’enfant, commence par ces mots : Postula a me et dabo tibi, « demande-moi, et je te donnerai. » - Ces paroles sont dignes de béatitude, reprit l’évêque, et tu m’as fait une réponse dont tu dois garder la mémoire. Oui, mon fils, Dieu veut que tu demandes, et il t’accordera tout ce que ton cœur désire. »

Puis il ajouta : « Quand je repasserai par ce lieu, je veux que tu me récites par cœur tout le psautier. » Il parlait ainsi, songeant dès lors à le promouvoir aux ordres sacrés, et avant de le quitter, il lui donna la tonsure cléricale.

Géry, fidèle à la recommandation de son évêque, se mit aussitôt à l’œuvre. En peu de jours il eut appris tout le psautier. Magnérie revint bientôt. Il n’avait pas oublié son jeune clerc. Il le manda de nouveau en sa présence, et à sa grande joie, Géry lui récita d’un bout à l’autre tout le psautier.

L’évêque l’embrassa avec amour, et ne voulut pas qu’une telle lumière demeurât plus longtemps sous le boisseau ; il l’ordonna diacre en rendant grâce à Dieu.

Saint Géry guérit un lépreux dans son corps et dans son âme

Elevé à cette dignité, le bienheureux Géry surpassa facilement tous les autres clercs par sa vertu et sa grâce. Son unique souci était de croître chaque jour en bonnes œuvres.

Un jour qu’il se rendait à la prière selon sa coutume, il rencontra sur son chemin un malheureux affligé de la double lèpre du corps et de l’âme. Car il portait dans sa chair la marque de hideux ulcères, et son cœur était infecté des erreurs du paganisme. L’homme de Dieu, reconnaissant que la maladie de cet infortuné venait de la corruption de son âme, fut saisi d’une grande compassion. Il s’approche de lui, et se mit à lui parler de la foi chrétienne, et le pressa de se convertir pour obtenir et la rémission de ses péchés et la guérison de son mal. La grâce de Dieu accompagna la parole de son ministre. Le lépreux, touché, demanda le baptême. Géry le présenta lui-même au sacrement de la régénération, et lui servit de parrain. Or au moment même où l’eau coula sur lui, la lèpre disparut de son corps. Géry l’instruisit, le fit entrer dans les rangs des religieux ses pères, et plus tard, étant devenu évêque, il l’éleva au sacerdoce.

Saint Géry évêque

La renommée des vertus du bienheureux croissait et se répandait de jour en jour, bien au delà des limites du diocèse de Trèves.

L’église de Cambray vint à perdre Védulphe son évêque. Ce prélat, troisième successeur de saint Waast, gouvernait comme ses prédécesseurs, les deux diocèses d’Arras et de Cambray. C’est lui qui avait transporté à Cambray le siège épiscopal que saint Waast avait établi à Arras.

A sa mort, le clergé et le peuple, touchés par une inspiration céleste, furent unanimes à réclamer pour évêque le bienheureux diacre dont ils connaissaient la sainteté. Ils le demandèrent donc au roi Childebert II d’Austrasie. Le roi satisfit les désirs de l’église de Cambray, et écrivit à Gilles, évêque de Reims et métropolitain de Cambray, pour qu’il ordonnât évêque celui qui le méritait si bien. Gilles accéda avec joie à cette demande du prince, et l’ordonna aussitôt.

Délivrance de douze prisonniers

Dès qu’il fut établi dans la dignité épiscopale, il se mit à en exercer tous les devoirs avec une grande application. Sa vigilance était sans relâche, ses prédications assidues, et son zèle pour le culte divin, extraordinaire. Ses paroles étaient comme une pluie bienfaisante, dit son biographe, et ses miracles comme les éclairs qui l’accompagnaient.

Dans la première visite qu’il fit à son troupeau, au milieu des ovations enthousiastes du clergé et du peuple, il vint à passer un jour devant une prison où était détenus douze malfaiteurs chargés de fer. L’homme de Dieu, touché de compassion, voulut user de miséricorde à leur égard. Il supplia longtemps le comte Waldon, à qui la justice de ce lieu appartenait, de lui accorder la délivrance de ces infortunés. Le comte qui était d’une humeur hautaine et enflé de l’orgueil du pouvoir, repoussa toutes les prières de l’évêque. Géry, voyant que les hommes refusaient de l’écouter, se tourna avec confiance vers Dieu. Il le conjura d’opérer lui-même par la force de son bras la délivrance de ces coupables. « Faites, Seigneur, dit-il, pour confondre la dureté de Waldon, que ces malheureux dont il me refuse la grâce soient avant nous à l’église où nous allons, et que là ils apparaissent libres aux regards de tout le peuple. »

A peine avait-il prié, que les chaînes brisées tombèrent des mains et des pieds des prisonniers. Un ange, les prenant sous sa protection, les amena libres à l’église, où ils entrèrent en grande joie ; et quand l’évêque arriva lui-même accompagné de la multitude du clergé et du peuple, ces hommes vinrent au-devant de lui, et se prosternant à ses pieds, ils s’écrièrent : « Père très saint, nous sommes ces malheureux prisonniers que vos prières ont arrachés aux horreurs du cachot et ramenés dans les bras de l’Eglise notre mère.

A cette vue, l’homme de Dieu, rempli de consolation, rendit grâce au Seigneur, et se tournant vers le comte qui restait tout stupéfait et confus devant le peuple, il lui dit :

« Reconnais par expérience, noble comte, que la miséricorde de Dieu est plus puissante que ta sévérité. Tu voulais perdre ces prisonniers, mais Dieu a brisé leurs chaînes. »

L’évêque alors leur donna de salutaires avis pour les engager à mieux vivre à l’avenir, et les renvoya libres dans leurs demeures.

Il arriva un autre fait semblable à quelque temps de là, pendant les Rogations qu’on commençait depuis peu à célébrer en France. Saint Géry les observait avec une grande dévotion, par des jeûnes, des aumônes et de saintes psalmodies. Tandis qu’il faisait la procession solennelle avec son clergé et son peuple, il vint à passer devant une prison, où étaient renfermés trois condamnés, par l’ordre du tribun Walachaire. Le tribun était là. L’évêque, toujours compatissant, le supplie de relâcher ces malheureux afin qu’on pût les ramener à de meilleurs sentiments. Walachaire, loin de l’écouter, s’irrite et répond avec orgueil. Géry alors, recourant au moyen qui lui avait si bien servi une première fois, se prosterne en priant sur le seuil de la prison. Aussitôt les fers tombent des mains et des pieds des captifs, et les portes de la prison s’ouvrent d’elles-mêmes. L’évêque applique à leur âme le remède de ses exhortations, et les renvoie délivrés de leurs péchés aussi bien que de leurs chaînes.

L’aumône du roi Clotaire

La renommée du saint parvint jusqu’aux oreilles du roi Clotaire. Le prince entendait vanter ses aumônes et ses œuvres de miséricorde. Cet exemple le fit réfléchir lui-même, et pensant à son salut éternel, il résolut de multiplier ainsi ses aumônes aux pauvres du Christ. Il crut que personne ne serait plus propre à l’aider, dans cette généreuse entreprise, que le bienheureux évêque de Cambrai. Il l’appela donc à sa cour. Géry ne pouvait refuser d’obéir à un désir si saint de son roi. Clotaire lui remit entre les mains les trésors qu’il destinait au rachat de son âme, et le chargea de chercher, pour les distribuer, les pauvres les plus nécessiteux et les plus méritants. Géry y appliqua tous ses soins et tout son discernement, et usa de la libéralité du roi de manière à donner le plus de consolation possible aux membres souffrants de Jésus-Christ. La charité chrétienne, comme les dons de Dieu, se répand sur les méchants comme sur les bons, il est clair cependant qu’elle est plus agréable à Notre-Seigneur quand elle s’adresse à ses amis. Faite aux méchants, elle les attire à lui ; faite aux bons elle l’honore et le soulage en eux. Notre saint le savait ; « aussi, dit son biographe, agissait-il conformément au proverbe qui dit : « Que l’aumône reste enfermée dans ta main, jusqu’à ce qu’elle trouve un juste à qui tu puisses la donner. Desudet eleemosyna in manu tua, donec invennias justum cui tradas eam. »

Pèlerinage à saint Martin

Notre saint, à cause de la vénération qu’il portait à saint Martin, sentit un grand désir d’aller répandre les aumônes du roi parmi les pauvres qui venaient visiter son tombeau. Il voulait aussi implorer le Seigneur, au nom des mérites de saint Martin, pour la rémission de ses péchés propres et de ceux de ses frères.

Dans ce dessein il partit pour la ville de Tours. Non loin des portes de la cité, il rencontra un aveugle, privé de la lumière depuis trente ans. Ce malheureux, entendant le bruit du cortège et apprenant que c’était Géry qui passait par ce lieu, se mit à l’appeler à grands cris, le suppliant d’obtenir, par le mérite de sa sainteté, du soleil de justice Jésus-Christ, qu’il daignât éclairer ses yeux ; Le bienheureux, confiant dans la miséricorde divine, fit sur ses yeux le signe de la croix, et la lumière y entra aussitôt.

Devancé par la renommée de ce miracle qui s’était aussitôt répandue, le saint fut accueilli avec la plus grande joie par les moines de Tours. Et quand il eut distribué toutes les aumônes du roi, il songea à retourner à son église.

Saint Géry au tombeau de saint Front

Cependant, avant de reprendre le chemin de Cambray, il voulut visiter les possessions que son église avait dans le Périgord. Il profita de ce voyage pour aller vénérer, à Périgueux, les reliques de saint Front, premier apôtre de cette région.

Là, Dieu manifesta la sainteté de son serviteur par un trait qui montre bien de quelles attentions délicates il use envers ses amis. Saint Géry, en se mettant à genoux devant le vénérable tombeau tendit son bâton aux serviteurs qui l’accompagnaient, afin qu’ils le gardassent pendant le temps de sa prière. Mais ces hommes, tout occupés à regarder curieusement les riches ossements de l’édifice, n’aperçurent pas le mouvement du saint Evêque, et nul ne reçut le bâton qu’il leur présentait.

Mais Dieu ne voulut pas que le bruit que le bâton aurait fait en tombant pût distraire même un seul instant le saint prélat de la contemplation ; soutenu sans doute par la main d’un ange, il resta debout sans aucun appui visible, jusqu’à ce que Géry se levât et le reprit en bénissant Dieu.

Les assistants connurent par ce miracle les mérites du bienheureux pèlerin. Pour lui, après avoir satisfait sa dévotion envers le saint apôtre du Périgord, il revint heureusement dans sa patrie.

Il délivre des enfants captifs

Revenu parmi son peuple, il reprit avec une grande assiduité tout l’exercice de sa charge pastorale. Se trouvant un jour à Valenciennes, où il faisait sa visite, il vint à passer par cette ville un marchand qui conduisait pour les vendre de pauvres enfants cruellement chargés de fers.

Le pasteur compatissant ne put retenir ses larmes à cette vue. Il alla trouver le marchand, et le conjura de lui accorder la liberté de ces petits captifs, l’assurant qu’il obtiendrait par là le pardon de ses péchés, et qu’au jour du terrible jugement de Dieu, il recevrait en échange une récompense éternelle. Mais cet homme dur et avare fit la sourde oreille, et sans oser refuser ouvertement, chercha des excuses et des détours pour n’en rien faire.

Géry s’adressa avec ferveur au Dieu très clément. Ce ne fut pas en vain. Le marchand, rentré dans son hôtellerie, tomba, par la permission de Dieu, dans un profond sommeil. Les jeunes captifs s’en apercevant, en profitèrent pour rompre leurs liens et s’enfuir auprès de l’évêque. Quand le marchand, à son réveil, s’aperçut de leur disparition, il soupçonna bientôt qu’ils lui avaient été arrachés par les prières de saint Géry, car il ne pouvait s’expliquer naturellement le sommeil pesant qui l’avait si soudainement envahi. Il courut à l’église où se trouvait l’évêque, et là, vit en effet ses fugitifs à genoux autour de leur libérateur, se réjouissant et bénissant Dieu avec lui. Il fallut bien alors accorder à Dieu, qui manifestait ainsi sa puissance, ce qu’il avait refusé aux prières de son serviteur.

Mort de saint Géry

Le saint évêque avançait en âge, et bien que son esprit conservât toute sa vigueur, son corps commençait à ployer sous le poids de ses travaux incessants et de ses rudes pénitences.

Il lui restait cependant à accomplir une œuvre qu’il avait fort à cœur, l’extirpation complète de l’idolâtrie du territoire de son diocèse. Sur une hauteur voisine de Cambray, appelée Bublemont, il existait un bois consacré aux démons où l’on célébrait encore toutes sortes de superstitions païennes.

Le site était ravissant. Géry résolut de le purifier et de le sanctifier. Il acheta le mont à son propriétaire, fit raser le bois sacré, et sur l’emplacement fit construire d’abord une église en l’honneur de saint Médard et de saint Loup, en qui il avait une grande dévotion. Non content de ce premier édifice, il y fit élever en outre à ses propres frais, un monastère, dont il confia le gouvernement à son frère Landon.

C’est en ce lieu qu’il voulait reposer après la mort ; il se prépara donc dans la crypte de l’église un tombeau élégant afin d’y reposer au milieu des prières des moines. La colline sur laquelle était bâti le monastère prit plus tard le nom de mont Saint-Géry.

Enfin, le vénérable prélat, après avoir gouverné environ vingt-neuf ans l’église de Cambray et d’Arras et l’avoir illustrée par ses vertus et par ses nombreux miracles, s’endormit dans le Seigneur, et alla continuer au ciel, par son intercession, la sollicitude si tendre qu’il avait eu ici-bas pour son troupeau.


Légende de la gravure

Saint Géry en prières au tombeau de saint Front, un ange soutient sa crosse.


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(1) La vie de saint Géry a été écrite par un ancien auteur anonyme et insérée dans les Vies de Surius. C’est de là que nous tirons ce récit, en y ajoutant quelques traits empruntés à une autre biographie, également anonyme, recueillie par les Bollandistes.

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