Sainte Françoise Romaine

Fête le 9 mars


Françoise naquit à Rome, d’une famille illustre sous le pontificat d’Urbain VI, l’an de grâce 1384.

Dès sa plus tendre enfance, on remarque en elle les indices de sa future sainteté. Elle avait appris dans les bras de sa mère le petit office de la Sainte Vierge, et, depuis lors, elle le récita chaque jour.

Douce et humble de caractère, les choses nouvelles et curieuses n’avaient aucun attrait pour elle, tous ses goûts l’entraînaient vers la solitude, et elle expiait ses moindres fautes par de sévères pénitences.

Une enfance ainsi passée dans le recueillement, dans l’union avec Dieu, dans la pratique de la mortification chrétienne, l’avaient disposée à se consacrer à Jésus-Christ et à n’avoir d’autre amour que le sien. Le père de Françoise contraignit la pauvre enfant à une union terrestre. La sainte se soumit ; mais contrariée dans ses aspirations, blessée dans son divin amour envers le divin époux des âmes, le jour des noces fut pour elle un jour de deuil. Laurent Pontiani trouva, il est vrai, en elle une femme tendre, bonne et dévouée, mais c’est que l’amour de Dieu avait jeté dans le cœur de Françoise de trop profondes racines pour que le devoir ne fût pas la règle de toutes ses actions.

Peu de temps après son mariage, Françoise tomba malade. Elle était depuis une année entière clouée sur son lit de douleur sans que sa patience ne fut démentie un instant, quand une nuit sa chambre se remplit d’une lumière extraordinaire : toutes les servantes dormaient et Françoise s’entretenait avec Dieu dans la prière ; un jeune homme d’une admirable beauté apparut ; son vêtement était celui d’un pèlerin, sa splendeur disait assez que ce pèlerin était un habitant des cieux.

- Je suis Alexis, dit-il ; Dieu m’envoie vers vous, fidèle servante du Christ, pour vous rendre la santé. Et il étendit sur le lit de la malade une robe au tissu d’or et disparut...

Aussitôt Françoise se lève parfaitement guérie et court chez Vannotia sa belle sœur, la réveille en sursaut et lui raconte le miracle ; « Hâtons-nous, dit-elle, d’aller remercier le saint. »

Vannotia se leva promptement et toutes deux se rendirent à l’église de saint Alexis où elles épanchèrent leurs âmes dans une fervente action de grâces.

A dater de ce moment, Françoise mena une vie plus sainte encore, et Vannotia devint la compagne de toutes ses œuvres de piété et de miséricorde. Les deux jeunes femmes se construisirent une retraite au fond du jardin. Là elles passaient tous les instants de liberté, que leur laissaient leurs devoirs d’état.

Un jour Cécile, leur belle-mère, avait organisé une joyeuse partie de campagne « pour passer le temps » Or Françoise et Vannotia trouvant déjà le temps de la prière trop court se cachèrent si bien au moment du départ qu’il fut impossible de les trouver.

Seules avec Dieu, elles donnèrent quelques heures à l’oraison, puis se recréèrent par de pieux colloques. Vannotia disait à Françoise : « Si Dieu nous accorde la grâce d’être un jour ermites, que ferons-nous, ma sœur ? Où prendrons-nous de quoi nous nourrir ? » Françoise répondit :

« Lorsque nous serons au désert, nous irons chercher des fruits et des racines, et Dieu nous fera la grâce d’en trouver assez pour suffire à nos besoins. »

A cet instant deux grosses pommes tombèrent d’un arbre voisin : on était cependant au mois d’avril. Elles les ramassèrent fort surprises : Rendons grâce à Dieu, ma sœur, dit Françoise : il veut nous encourager dans notre dessein, et nous montre, que sa bonté saura nous nourrir comme autrefois les Paul et les Antoine.

Cécile mourut, et Françoise, malgré son extrême jeunesse, se vit chargée du soin de la maison. Elle n’abandonna cependant aucune de ses pratiques de dévotion, mais elle veilla à ce qu’elles ne nuisissent en rien à ses devoirs de famille.

Elle avait soin de ses serviteurs, les exhortant à vivre dans la crainte de Dieu, et sa parole portait des fruits dans leurs âmes. Du reste, elle traitait ses domestiques comme ses frères et ses sœurs, leur demandant pardon lorsqu’elle croyait les avoir offensés et ne sortant dans la mansuétude de son caractère que pour réprimer parmi eux les sujets de contestation et de scandale. Alors elle s’animait d’un saint zèle et leur parlait avec une grande liberté.

Les intérêts de Dieu lui étaient trop chers pour que le sentiment du respect humain entrât dans son âme et mît des bornes à son zèle. Un jour, un ami de son mari lui ayant donné un livre défendu par l’église (car, en dépit des révoltes de notre siècle d’indépendance, l’église, notre mère, a le droit d’interdire à ses enfants les lectures dangereuses), la sainte arracha ce livre des mains de Laurent, et courut le jeté au feu. Laurent mécontent la reprit avec aigreur ; mais Françoise pleine de zèle, lui enlevait pour les brûler tous les livres mauvais ; et plus d’une fois les domestiques entendirent le bruit que faisaient alors les démons irrités.

Vannotia étant tombée malade, Françoise la soigna avec toute la tendresse qui unissait ces âmes dont Dieu était le lien. Comme elle se désolait de ne pouvoir trouver un poisson que désirait sa sœur, ce poisson tomba soudain à ses pieds. Et Vannotia en ayant mangé recouvra la santé.

Les serviteurs de Françoise avaient ordre de ne jamais congédier soit un pauvre, soit un religieux sans lui être venu en aide, mais une année où la disette était extrême, Laurent craignit que la charité de sa femme ne le réduisit lui-même à la mendicité. Il lui enleva donc les clefs du cellier, préleva la provision nécessaire à sa famille et vendit le reste.

Mais quelques jours après il trouva dans ce même grenier quarante mesures d’un froment magnifique : Il laissa dès lors toute liberté à Françoise de continuer ses largesses.

Françoise eut deux fils, Baptiste et Evangéliste, et une fille, nommée Agnès.

Baptiste, l’aîné de ses fils, se maria et transmit à sa postérité l’honneur et la bénédiction d’une sainte.

Evangéliste, le cadet vécut comme un ange. Il était si fidèle à Dieu et si appliqué à l’oraison que, dès ses plus jeunes années, il obtint des faveurs exceptionnelles : entre autres le don de prophétie. Il ne pensait qu’au ciel et ne parlait que de Dieu. Ses désirs au reste furent promptement exaucés, car il mourut à l’âge de neuf ans.

Outre l’ange gardien que nous avons tous et que Dieu charge de nous diriger, Dieu avait donné à Françoise un ange chargé de la punir. Cet ange était sévère, car, à la moindre faute, il la frappait, même en public. L’ange restait invisible, mais les coups étaient entendus de tous.

Ainsi Françoise était avec ses amies. Quelques dames étrangères firent tombées la conversation sur des objets de vanités, Dieu inspira à la sainte de les interrompre et, comme elle hésitait, elle reçut sur la joue un rude soufflet.

Que de soufflets, si toutes les chrétiennes avaient cet ange !

Une nuit, Agnès dormait profondément ; sa mère vit voltiger au-dessus de la tête de l’enfant une colombe d’une blancheur éblouissante qui, tenait un cierge allumé, l’approchait de tous les sens de l’enfant. Après quoi l’oiseau disparut. La nuit suivante, une lumière éclatante remplit la chambre et le petit Evangéliste apparut à Françoise. Il avait les mêmes vêtements, la même taille, les mêmes allures que de son vivant, mais sa beauté était incomparable. Auprès de lui se tenait un jeune homme d’un aspect plus ravissant encore. La pauvre mère ne se possédant plus de joie voulut serrer son enfant contre son cœur, mais il était impalpable et elle dut se contenter de le voir et d’entendre sa voix. « Notre unique occupation, disait le petit saint, est de contempler l’abîme infini de la bonté de Dieu, de louer et de bénir sa majesté... Nous ne pouvons avoir aucune douleur ; nous jouissons d’une paix éternelle...

« Celui-ci, dit-il, en montrant le jeune homme qui l’accompagnait, est un archange... Dieu vous l’envoi pour être votre consolation pendant le reste de votre pèlerinage ; il ne vous quittera ni jour ni nuit et vous aurez la consolation de le voir constamment... Ma sœur Agnès mourra bientôt, mais, consolez-vous, elle viendra s’associer à moi dans la gloire. »

Françoise comprit la vision de la nuit précédente, elle s’efforça d’orner l’âme de sa fille de toutes les vertus. Agnès mourut peu après.

Depuis lors, sa sainte mère jouit constamment de la présence de son archange. Une lumière céleste l’environnait, lumière si resplendissante que les regards de Françoise en pouvaient à peine supporter l’éclat, excepté quand son âme uni à Dieu par l’oraison participait elle-même en quelque sorte à cette gloire céleste.

Si quelqu’un prononçait une parole mauvaise, l’archange cachait son visage dans ses mains.

Françoise avant d’avoir complètement soumis sa volonté à celle de Dieu, témoignait parfois son ennui du travail, des soins domestiques ou des visites importunes. Mais, à la moindre impatience, l’archange s’éloignait. La sainte reconnaissait aussitôt sa faute, conjurant cet ami fidèle de la lui pardonner et l’archange se hâtait de revenir.

Laurent, témoin chaque jour de la vertu de son épouse et des grâces extraordinaires dont elle était favorisée, voulut que cette femme privilégiée appartînt à Dieu seul. Il la considéra désormais comme sa sœur et lui demanda seulement de ne pas l’abandonner et de continuer à gouverner sa maison. Françoise toute heureuse de renoncer entièrement au monde, se dépouilla de ses riches parures, les vendit et employa le prix à secourir les indigents ; puis elle se fit une robe d’une étoffe si grossière qu’à peine ses servantes eussent voulut en porter de semblables.

Quand elle parut ainsi en public, le blâme fut universel ; mais, forte de l’approbation de son époux, heureuse de l’humiliation que ce costume lui procurait, elle ne fit aucun cas des jugements du monde ; et, afin de s’humilier davantage, elle sortait chaque matin, allait dans ses vignes hors de la ville, et là, ramassant des sarments de bois mort, elle en faisait un fagot qu’elle rapportait sur sa tête pour le donner à quelque pauvre de Rome.

Une année, la disette sévit ; Françoise s’adjoignit Vannotia, et ces deux saintes femmes allaient de porte en porte quêter pour les pauvres. On les recevait d’ordinaire assez mal, on leur disait des injures, on les frappait, mais elles étaient heureuses de souffrir pour Jésus-Christ.

Dieu récompensa leur courage. Une fois, elles entendent des cris déchirants. C’était une mère pleurant son enfant mort sans baptême. Françoise pénètre dans la maison, reproche vivement à la mère sa coupable négligence, ressuscite l’enfant et se sauve pour échapper aux actions de grâces.

Le clergé de Rome se rendait, un jour de carême, à la basilique de Saint-Paul. Les fidèles suivaient en foule. Françoise vit à la porte de l’église, assis sur une longue poutre, des pauvres qui demandaient l’aumône. Elle prit place parmi eux, tendit la main comme eux et se sentit pleine de consolation en pensant qu’il y aurait certainement dans l’assistance beaucoup de personnes du grand monde romain, vis-à-vis desquels elle braverait le respect humain.

A ces humiliations, Françoise joignait de nombreuses mortifications. Elle ne buvait pas de vin et faisait un seul repas. Jamais elle ne mangeait ni viande, ni œufs, ni laitage, ni poisson. Des fruits, des graines, des racines et des herbes formaient toute sa nourriture. Elle portait un cilice sur la chair nue. Un cercle de fer ceignait ses reins et lui faisait des blessures sanglantes. Sa discipline était armée de pointes aiguës, et elle s’en servait sans ménagement. Quand, à force de se frapper, elle était couverte de plaies, elle y faisait couler de la cire fondue, de sorte que les plaies et les brûlures devinrent si profondes, qu’en plusieurs endroits on voyait les os. Pour expier la moindre imperfection, elle se meurtrissait le corps, frappant sa bouche jusqu’au sang, quand elle avait proféré une parole inutile. Si rigoureuse envers elle-même, elle était pleine de douceur envers les autres, toujours sensibles à leurs peines, toujours compatissante à leurs infirmités.

La Passion était un sujet constant de ses méditations et la source de son inconsolable douleur. Elle pleurait ses fautes et les fautes des pécheurs dans toute l’amertume de son âme, et Dieu, par une grâce particulière, l’associa tellement aux souffrances de la croix, qu’elle éprouvait des douleurs physiques très violentes. Si elle contemplait les plaies des pieds du Sauveur Jésus, les siens pouvaient à peine la porter. Si elle élevait son regard vers la couronne d’épines, elle sentait aussitôt sa tête percée de pointes aiguës. Il se fit même sur son cœur une plaie miraculeuse, dont il s’échappait une eau abondante.

Trente années de sa vie furent employées à servir les pauvres ; elle pansait leurs plaies et lavait leurs ulcères, buvait l’eau qui les avait lavés ; car elle voyait dans ces pauvres ulcérés son Seigneur Jésus, qui, par amour pour nous, s’était rendu lui même comme un lépreux.

Les saints doivent être les coopérateurs de Jésus-Christ et leur vie surnaturelle doit s’épancher au dehors par le bien opéré dans les âmes. Françoise le comprit ; elle apaisait les dissentiments, combattait la vanité des femmes, prêchait l’amour de Dieu et des pauvres, et, par sa parole persuasive, convertissait un nombre incalculable d’âmes.

Françoise, un jour, dit à quelques dames de la société romaine :

- Je crois, mesdames, que nous ferions une chose excellente et fort agréable à Dieu, si, nous consacrant toutes à sa Mère, nous formions une confrérie en son honneur.

Ces simples mots fructifièrent, et, sans que Françoise s’en doutât, furent l’origine de la congrégation des Oblates.

Ce n’était d’abord qu’une association de femmes dévouées au culte de la Sainte Vierge et travaillant à leur propre perfection, sous la conduite de notre sainte. Mais, plus tard, Dieu donna à sa fidèle servante des lumières sur l’établissement d’une congrégation régulière.

La veille de Noël (1433), l’enfant Jésus descendit dans les bras de la sainte et la caressa tendrement.

Puis saint Pierre apparut, lui donnant la Sainte Communion de sa main, tandis que saint Paul et saint Benoît assistaient à l’autel le Prince des apôtres. Sainte Madeleine était présente.

Après la messe, saint Pierre reçut la consécration de Françoise, de l’âme oblate, c’est-à-dire de l’âme offerte, et lui donna des instructions détaillées pour l’établissement de sa congrégation religieuse.

Telle fut la vision dont Françoise fit le récit à son confesseur.

Un jour, Françoise vit la Reine céleste entourée d’une multitude d’anges. La sainte s’approcha de Marie et lui dit :

Soyez la bienvenue, mon Oblate, singulièrement aimée de moi et de mon Fils...

Et Françoise vit ses filles spirituelles au pied du trône de Marie. Elle l’entendit leur dire :

Ames bénies du Créateur, il vous a toutes acceptées pour mes Oblates. Tenez-vous prêtes à répondre à mon appel. Je vous attendrai le jour de la fête de mon Annonciation.

D’autres fois, alors qu’elle était à genoux devant une statue de la Vierge, son ange s’approchait, et lui présentant son livre d’oraisons, continuait la prière avec elle. C’est à ce moment que Marie apparaissait, assise sur un trône d’or, et lui donnait de touchants enseignements.

Ainsi surnaturellement instruite et guidée, Françoise, malgré tous les obstacles suscités par le démon, établit la congrégation des Oblates ; mais ce ne fut que trois ans après qu’elle vint demeurer avec ses filles, car Laurent, son mari, vivait encore.

Quand il mourut, Françoise avait cinquante deux ans. Le jour de St-Benoît, elle quitta sa maison, alla au monastère, et s’étant présentée pieds nus devant ses filles, elle se prosterna les bras étendus en croix et elle dit d’une voix entrecoupée de sanglots :

- Je vous supplie, mes sœurs, et vous conjure de me recevoir comme une pécheresse misérable, qui, après avoir donné au monde les plus belles années de sa vie, vient en offrir à Dieu les tristes restes.

Les Oblates, toutes joyeuses, introduisirent leur mère dans le monastère, et la supérieure voulut aussitôt abdiquer toute autorité pour se soumettre à celle de la sainte fondatrice. Celle-ci n’étant venue que pour obéir, eut peine à condescendre aux vœux de ses filles et le gouvernement resta quelque temps encore aux mains de la première supérieure.

La pauvreté était extrême, car Françoise avait laissé toute sa fortune à son fils. Il arriva, donc, un jour, que la sœur chargée du réfectoire ne trouva du pain que pour trois, et elles étaient quinze à table. La bienheureuse voulait aller mendier dans la ville, mais la supérieure lui en ayant refusé la permission, Françoise toujours obéissante, se rendit au réfectoire et divisa le pain en quinze morceaux. Il plut à Dieu de renouveler le miracle de la multiplication des pains, car chez les Oblates comme dans l’Evangile, après que toutes se furent rassasiées, on recueillit les restes dans des corbeilles et elles s’en nourrirent le lendemain.

La soumission envers son confesseur décida Françoise à accepter la charge de supérieure, et Dieu bénit son sacrifice, car il lui donna pour compagnon un nouvel ange pris dans le chœur des Puissances, et dont la gloire était beaucoup plus éclatante encore que celle de l’archange. Sa protection contre les démons était aussi plus efficace, son seul regard les mettait en fuite. Il redisait à Françoise les choses présentes et à venir, de sorte que la direction de cette sainte femme était pleine de lumière et son zèle sans bornes. Elle se faisait la dernière de toutes, mais néanmoins elle n’oubliait pas que le principe de l’autorité est un principe établi par Dieu lui-même. Aussi l’autorité entre ses mains n’était pas un vain mot. Elle corrigeait les imperfections, reprenait les paroles oiseuses, punissait les moindres infractions à la règle.

Un jour, elle avait conduit ses filles dans les vignes pour y ramasser du bois sec. Une d’elles lui demanda la permission d’aller boire à une fontaine voisine :

- Un peu de patience, lui répondit la sainte. Et continuant son travail, elle s’éloigna.

Une de ses filles, Perna, la vit se mettre à genoux et l’entendit adresser cette prière à Notre-Seigneur :

- Mon Seigneur Jésus, vos servantes n’ont rien ni à manger ni à boire : veuillez les secourir.

- Elle ferait mieux, se dit Perna, de nous reconduire au monastère.

Françoise instruite intérieurement dit à Perna : « Levez les yeux, fille de peu de foi » et Perna vit des grappes de raisin fort mûres pendant à la vigne. Les sœurs accoururent et se rassasièrent. On était au mois de janvier.

Tandis que Françoise découvrait à ses sœurs leurs tentations les plus secrètes et leur enseignait le moyen de combattre l’esprit du mal, elle-même subissait de la part des démons de si cruels traitements qu’elle était pour toutes un sujet de compassion. Ne pouvant rien sur son âme, Satan se vengeait en la maltraitant de toutes manières.

Un jour qu’elle était à genoux au pied du lit d’une de ses filles malades, le démon la jeta par terre avec grand bruit, et la traîna violemment jusqu'à la porte. Françoise se releva, et se mit aussitôt en oraison : « Ce n’est rien, dit-elle ; tenez-vous en repos, ma sœur, et priez, le diable fait ce que Dieu lui permet.

Une nuit, Françoise était en oraison, le diable la prit par les cheveux et, la portant sur la terrasse, la suspendit au-dessus de la voie publique. Françoise se confia en la bonté de Dieu qui la remit en sûreté dans sa cellule.

Une autre fois, elle était dans son oratoire. Le démon prit la figure de son confesseur et muni de plumes, d’encre et de papier, entra dans son petit ermitage, s’assit auprès d’elle et lui dit :

« Je veux écrire les admirables visions dont Dieu vous favorise. Quel dommage que vous ne sachiez pas écrire vous-même. Vous composeriez de gros livres en racontant ces merveilles. »

Françoise reconnut facilement le démon :

« Misérable, lui dit-elle, tu es l’esprit de mensonge. »

Satan furieux, se changea en dragon. Il prit la servant de Dieu dans sa gueule, la pressa plusieurs fois contre la muraille et finit par la jeter en l’air. Mais la puissance du Christ l’empêcha de retomber et elle fut doucement déposée à sa place.

Mais rien ne contrariait davantage les esprits mauvais que la tranquillité avec laquelle Françoise subissait leurs attaques.

Un jour elle avait allumé un cierge béni. Satan le prit, le jeta par terre et cracha dessus. La servante de Dieu lui ayant demandé dans quel but il profanait ainsi une chose sainte :

« Parce que les bénédictions de l’Eglise me déplaisent souverainement, » répondit-il. Vers la fin de sa vie, la sainte était ravie en extase. L’ange Raphaël la conduisit devant une porte sur laquelle étaient inscrits ces mots :

CE LIEU EST L’ENFER OU IL N’Y A NI REPOS, NI CONSOLATION, NI ESPERANCE.

Elle fut témoin des horribles tourments des damnés. Elle visita ensuite les limbes, puis le ciel où les anges et les saints la conviaient à venir partager leur allégresse.

Ce jour heureux ne tarda pas, car peu après (le 9 mars 1440), Françoise s’envola vers les cieux.