Bienheureuse Françoise d'Amboise
Fête le 4 novembre
Duchesse de Bretagne et religieuse carmélite (1427 – 1485)
La pieuse princesse dont nous allons retracer la vie, appartient au XVe siècle, époque de trouble et de luttes pour la France où elle naquit, de prospérité et de paix pour la Bretagne où elle vécut.
Saint Vincent Ferrier venait de terminer à Vannes sa mission de conversions et de miracles, et avait fait revivre la foi et la piété parmi les Bretons.
Françoise naquit à Amboise en 1427, pendant que Jeanne d’Arc chassait l’étranger de France et conduisait Charles VII à Reims.
Enfance de Françoise – Piété précoce
Son père Louis, vicomte de Thouars et seigneur d’Amboise, se distinguait parmi les gentilshommes de la Touraine, par sa naissance, ses richesses, l’éclat de ses alliances. L’enfant prédestinée qui naquit de son union avec Marie de Rieux, fille de Jean II, sire de Rieux et maréchal de France, semble tout d’abord n’attirer sur la famille que persécution et ruine.
Suivant l’usage de ce temps, l’alliance avec la petite Françoise, encore à la mamelle, fut sollicitée par de puissants seigneurs pour leurs enfants. Les deux plus illustres furent le duc de la Trémouille, favori de Charles VII, et le duc de Bretagne. Le père, embarrassé, répondit qu’il fallait attendre que l’enfant eût atteint l’âge de raison, et choisit elle-même son époux.
La Trémouille prit cette réponse pour un refus, et s’en vengea par la confiscation de la ville d’Amboise, qu’il réunit au domaine du roi. Puis, il accusa le sire d’Amboise d’avoir trempé dans une conspiration, et obtint contre lui une sentence de mort, qui fut commuée en une détention perpétuelle et la confiscation de tous ses biens. La Trémouille espérait par là arriver à ses fins, comptant que le Vicomte achèterait sa liberté à ce prix.
Mais il n’en fut rien. La mère, obligée de quitter Thouars, alla se mettre sous la protection du duc de Richemont, rival de la Trémouille et frère du duc de Bretagne. Le mariage de Françoise avec l’héritier du duc de Bretagne fut dès lors décidé, et l’enfant, âgée de trois ans, fut reçue dans la famille dans laquelle elle devait entrer.
La cour de Jean V, duc de Bretagne, était une école de vertu. Le souvenir de saint Vincent Ferrier y était vivant. Jean, surnommé le Bon, s’appliquait à rendre son peuple heureux, et sa femme Jeanne, fille du roi de France Charles VI, le secondait puissamment.
Elle n’avait point de fille, et reçut la petite Françoise avec une tendresse toute maternelle, se chargeant de développer en elle les germes des vertus qui devaient plus tard jeter tant d’éclat.
C’était d’ailleurs, dit un chroniqueur, « une si aimable enfant ! spirituelle, naïve, facile à conduire, d’une gravité enfantine, pleine de grâce et de modestie. »
A quatre ans, elle aimait déjà la prière, les offices de l’Eglise et les pauvres.
Un jour ses yeux s’arrêtèrent longtemps à l’Eglise sur un tableau qui représentait saint François. Elle revint à la maison le cœur gros, les yeux pleins de larmes.
Comme il faisait grand froid, sa gouvernante pensa que c’était la souffrance qui causait son chagrin, et, s’approchant du feu, elle se mit à lui réchauffer les pieds. Mais la petite, loin de se calmer, s’écria en sanglotant : « N’avez-vous pas remarqué mon patron et père saint François, qui est pieds nus à la cathédrale ; allez lui porter mes souliers ! »
A cinq ans, Françoise était déjà sérieuse, fuyait l’oisiveté, et s’essayait à filer, à lire et à écrire. La duchesse lui servait de maîtresse en tout, et l’amenait chaque jour avec elle à l’église.
Première communion à cinq ans
Elle comprenait déjà quel hôte habite le Tabernacle et quelle victime s’immole sur l’autel. Mais une pensée l’attristait : elle n’avait que cinq ans, et elle devait attendre plusieurs années encore avant de se nourrir de son Dieu.
Chaque fois que le duc et la duchesse recevaient la sainte communion avec toute la cour, Françoise pleurait et sanglotait. La duchesse lui demanda la cause de ses larmes : « Comment voulez-vous que je ne pleure pas, dit-elle ; moi seule, faute d’âge, suis privée du corps de notre Sauveur ! »
Jeanne fut attendrie jusqu’aux larmes : « Apaisez-vous mon petit cœur, je ferai en sorte qu’à la Toussaint prochaine vous communiiez. »
Elle en parla en effet à son confesseur, un dominicain, nommé Yves de Ponsal, qui, reconnaissant les dons de Dieu en cette enfant, ratifia la promesse. Françoise fit sa première communion à cinq ans, le jour de la Toussaint 1432.
La vie d’ici-bas est une succession d’ombre et de lumière, et les joies, mêmes les plus pures, y sont toujours voisines des douleurs.
Moins d’un an après, au mois de septembre 1433, la duchesse tomba malade et sentit sa fin approcher. Après avoir fait ses adieux et ses recommandations dernières au duc, à ses enfants et à tous ceux de sa maison, elle fit appeler sa petite Françoise, et lui légua spécialement le soin d’accomplir une dette de cœur, en procurant la canonisation de saint Vincent Ferrier ; en échange de sa promesse solennelle, elle lui donna le rosaire de bois sur lequel le bon Père avait souvent et si dévotement prié. Touchante entrevue de deux âmes dont l’une entrait dans la vie du temps, l’autre dans celle d’éternité, et qui pourtant se comprenaient à merveille !
La duchesse mourut le 20 septembre 1433 et fut inhumée, au milieu des sanglots de tous, dans la cathédrale de Vannes.
Peu après, le duc partit pour Nantes avec sa cour, sa famille et Françoise qui ne le quittait jamais. Quelques mois plus tard, elle fut fiancée solennellement à Pierre de Guingamp, second fils du duc, plus âgé qu’elle de dix ans.
Dès lors sa vie encore plus modeste et sérieuse ; l’étude, la visite des églises et des pauvres occupaient presque tout son temps. Son maintien grave et charmant excluait à la fois l’ennui et la frivolité. Rien de futile ni de médisant ne se glissait dans ses paroles. Elle recherchait les personnes adonnées à la perfection, et favorisait, autant qu’elle le pouvait les vocations religieuses.
Mariage de la bienheureuse Françoise
Le duc Jean décéda lui-même le 28 août 1442. Françoise venait d’atteindre sa quinzième année.
François, comte de Montfort, fils aîné du duc, succéda à son père. Le couronnement fut célébré au mois de décembre, à Rennes, en présence d’un grand nombre de prélats et de hauts barons. Le duc de Richemont, oncle du nouveau souverain, l’arma chevalier.
Au cours des fêtes célébrées à cette occasion, eurent lieu les noces de Françoise et de Pierre de Guingamp. On fait remarquer, dans les chroniques du temps, que, contrairement à l’usage, la bienheureuse revêtit en cette occasion une robe de damas blanc, symbole de son innocence et de la chasteté qu’elle devait conserver dans le mariage. Car, suivant l’exemple de saint Henri empereur d’Allemagne et de sainte Cunégonde sa femme, les nouveaux mariés se promirent mutuellement de demeurer vierges, et s’unirent seulement de cœur et d’âme devant Dieu.
Les fêtes terminées, ils allèrent se fixer dans leur apanage de Guingamp. Leur premier soin fut d’aller en pèlerinage à Notre-Dame de Folgoat, où ils fondèrent une messe pour le samedi de chaque semaine, puis à Saint-Jean-du-Doigt, où l’on conservait une relique du doigt de saint Jean-Baptiste. De retour à Guingamp, Pierre prépara la ville et le château, sans oublier les besoins des pauvres, et ils menaient ensemble une vie calme et heureuse, lorsque de tristes nouvelles arrivèrent de Vannes.
De graves dissensions venaient d’éclater entre François, le duc régnant, et son plus jeune frère Gilles. Par l’ordre du roi de France, son suzerain, Gilles fut arrêté et jugé par les Etats de Bretagne, qui se refusèrent à le condamner, mais François irrité le fit assassiner dans son cachot.
En vain Françoise d’Amboise avait-elle multiplié les démarches et les supplications. Elle pleura plus encore sur l’assassin que sur la victime, et pendant la maladie qui frappa le coupable quelques jours après, elle s’arma d’une sainte hardiesse pour lui parler de l’état de son âme et de son éternité.
François, que ses courtisans avaient jusque-là bercé de l’espoir de la guérison, comprit tout, pleura son crime et fit une fondation à l’abbaye de Boquen pour le repos de l’âme de son frère Gilles. Puis il manda Pierre de Guingamp, lui recommanda sa femme et ses deux filles, et demanda pardon à ses courtisans. Quelques jours après, il reçut les sacrements et mourut en bon catholique, assisté par Françoise, en ce terrible passage.
Françoise devient duchesse de Bretagne
La mort du duc François appelait Pierre de Guingamp à lui succéder sur le trône ducal de Bretagne. Il fut sacré à Rennes en 1450. Françoise fut plus effrayée des nouveaux devoirs que cette haute position lui imposait, qu’éblouit de l’éclat des grandeurs. Elle comprenait qu’une grande part de responsabilité lui incombait, car le rôle de la femme n’est jamais nul ou effacé dans la famille chrétienne : près du trône, comme dans la plus humble chaumière, elle a une grande et noble mission à remplir. Françoise la remplit dignement. Pierre fut la voix qui commande, le bras qui agit ; elle fut le conseil éclairé et sûr, et remplit ce rôle avec une discrétion qui la font soupçonner plutôt qu’apercevoir derrière son mari.
Après les fêtes du couronnement le duc se rendit à Nantes, où il pourvut à l’établissement de Françoise de Dinan, veuve du malheureux Gilles, et au châtiment de ses meurtriers. Les filles de François furent élevées à la cour et conclurent plus tard de nobles alliances.
Pierre ne régna que sept ans, mais ce temps fut bien rempli pour le bonheur et la prospérité de la Bretagne. Les Etats généraux, réunis en 1451, publièrent des ordonnances d’une remarquable sagesse, connues sous le nom de Constitutions de Pierre II. Il proposa aux Etats de proclamer sa femme Françoise duchesse de Bretagne ; des acclamations unanimes accueillirent la proposition. Dès ce moment, son influence grandit en douceur et en puissance, et son mari voyant qu’elle était guidée de Dieu, prenait son avis en toutes les affaires. Elle l’empêcha de créer de nouveaux impôts, ce dont le peuple fut grandement réjoui.
Le succès des Bretons dans la conquête de la Guienne fut attribué à ses prières : et en effet elle ne cessa tout le temps de l’expédition de faire faire des processions et des prières publiques.
En 1455, Françoise eut la satisfaction de voir les vœux de la duchesse Jeanne accomplis et Vincent Ferrier canonisé par le Pape Calliste III. La cérémonie de l’élévation des reliques eut lieu à Vannes en grande pompe. La duchesse reçut des mains du légat d’insignes reliques : un doigt du Saint ; son bonnet de docteur et sa ceinture. Elle les légua dans la suite aux Carmélites des Couëts.
Une autre joie de la bonne duchesse fut, l’année d’après, la fondation à Nantes d’un couvent de Clarisses.
Cependant le duc fut atteint d’une grave maladie ; durant laquelle Françoise ne cessa de lui prodiguer ses soins. Pendant près d’une année, elle ne le quitta ni le jour, ni la nuit. Quelques instants de repos sur un banc ou sur un tapis lui suffisaient : sa tendresse rendait ses forces inépuisables.
Quand l’état du malade devint très alarmant, elle l’avertit de se disposer à la mort.
Le 20 septembre 1457, le duc fit la lecture publique de son testament, tout rempli de legs pieux et charitables ; reçut les sacrements avec foi et amour, et le jeudi 22, au matin, rendit son âme à Dieu, emportant les regrets de tous les Ordres de l’Etat.
Françoise se retire du monde
Après les funérailles, Françoise se retira dans son oratoire, et embrassant son crucifix renouvela son vœu de continence. Dès ce jour elle quitta le monde et se retira au couvent des Clarisses, pour y vivre dans la prière et la solitude.
Le comte de Richemont succéda à son neveu sur le trône ducal. Comme il n’avait point d’enfants, il désirait vivement que la duchesse se remariât ; mais ni les instances, ni les menaces ne purent modifier sa résolution. Elle se vit priver de tous ses revenus et réduire à une dure pauvreté sans se laisser ébranler.
Mais lorsque un an après Arthur de Richemont tomba gravement malade, sa victime d’hier accourut, le soigna avec une tendresse filiale, adoucit ses derniers instants avec une admirable délicatesse, et eut la consolation de le voir montrer en face de la mort le même courage qu’il avait montré en face des ennemis. Françoise lui ferma les yeux et l’ensevelit de ses propres mains. Elle trouva en outre, dans sa pauvreté, le moyen de faire dire beaucoup de messes pour le repos de son âme. Ainsi se vengent les Saints.
Fondation du monastère des Trois-Maries
Françoise avait dû renoncer à vivre au couvent des Clarisses, dont les austérités étaient au-dessus de ses forces. Elle gémissait, soupirant toujours après le cloître, lorsqu’elle fit la rencontre du général des Carmes, le Père Jean Soreth. Ce saint religieux lui parla des Carmélites qui se trouvaient au pays de Liège, et lui en dit tant de bien, qu’elle résolut de fonder en Bretagne un monastère de cet Ordre.
Elle obtint qu’on lui enverrait quelques Sœurs de Liège, et acheta un terrain à Vannes pour bâtir le couvent. Après avoir arraché, non sans peine, le consentement du nouveau duc François III, elle réunit autour d’elle quelques jeunes filles de bonne maison, dont trois de ses nièces, et sous la direction du Père de la Nuce, religieux carme, elles s’instruisirent des constitutions, du chant et des cérémonies. Françoise s’appliquait surtout à l’oraison, jeûnait trois fois la semaine, portait une haire et prenait la discipline deux fois le jour.
Tous les vendredis elle réunissait des pauvres, qu’elle servait elle-même, et n’oubliait pas les malades des hôpitaux. Quand le couvent fut achevé, à la Toussaint 1463, les Carmélites Liégeoises arrivèrent au nombre de neuf, et le 21 décembre de la même année eut lieu la solennité de la prise de possession sous la présidence du Général. Françoise remit avec bonheur les clés à la Prieure, et dût, pendant quelque temps encore vivre en dehors de la clôture. Mais elle assistait aux offices, mangeait au réfectoire, disait sa coulpe au chapitre et servait à son tour à la cuisine.
Quatre années lui furent nécessaires, tant pour assurer la fondation du monastère, que pour briser les liens dont le monde s’efforçait encore de l’enlacer. Le roi de France, Louis XI, essaya lui-même de lui imposer un nouveau mariage, mais toute sa puissance et toute son habilité échouèrent devant la fermeté de Françoise. On avait résolut de l’enlever de force du couvent et de la transporter au-delà de la Loire. Mais, à sa prière, la Loire gela, en plein mois de mai, et les barques préparées pour ce coup de violence furent immobilisées. Le jour arriva enfin où elle put dire au monde un adieu définitif.
Prise d’habit et profession solennelle
Le 25 mars 1469 elle se présenta à la chapelle du couvent en habits de deuil, un cierge à la main, accompagnée de quatre demoiselles d’honneur. L’officiant était le Frère Yves de Ponsal, évêque de Vannes, le même qui lui avait fait faire sa première communion à cinq ans.
Quels souvenirs touchants durent remplir le cœur de la postulante lorsque cette même voix qui lui avait donné l’époux du ciel dans la communion, l’appela à se donner à lui sans retour !
« Alors, dit un auteur du temps, ce phénix de sainteté devint une chaste tourterelle, retirée au désert du mont du Carmel, pour y gémir le reste de ses jours. »
Un an après Françoise recevait le voile noir des mains de l’évêque de Vannes et faisait sa profession solennelle entre les mains du Père Jean Soreth. Elle avança rapidement dans les voies de la perfection, parce que, tout-à-fait dénuée de sa propre volonté, elle ne faisait rien que par obéissance ou de l’aveu des supérieurs.
Dans la cinquième année de sa profession, ses Sœurs l’élurent prieure, à son grand chagrin. En vain les supplia-t-elle à genoux de ne point lui imposer un si lourd fardeau. Elle se persuada dès lors que, jusqu’à ce moment, elle n’avait vécu que pour elle, et résolut de vivre désormais pour les filles que Dieu lui donnait en charge. Nulle n’était plus sévère pour soi, plus bienveillante pour les autres.
Elle ne songeait qu’à terminer en paix sa vie pénitente au monastère des Trois-Maries à Laval, mais la Providence avait marqué son tombeau aux portes de Nantes.
Translation du Carmel à Notre-Dame des Couëts
La princesse Marguerite de Foix, duchesse de Bretagne, l’étant venue visiter, fut si édifiée de sa conversation, qu’elle résolut de l’attirer à Nantes, afin de jouir plus facilement de ses avis et de ses conseils.
Il y avait tout près de Nantes un prieuré de Bénédictines, Notre-Dame des Couëts, déchu de sa première ferveur, et où le nombre des religieuses, réduit à sept, ne suffisait plus à l’office divin. La duchesse obtint du Saint-Siège la translation de ce monastère de l’Ordre de saint Benoît à celui du Carmel. Une pension fut allouée aux bénédictines sur les revenus du couvent, et elles purent se retirer à l’abbaye de Saint-Sulpice de Rennes.
Françoise quitta donc le couvent des Trois-Maries au mois de décembre 1476 avec neuf de ses religieuses. La population de Vannes fut consternée. Mais les plus vifs transports la saluèrent à Nantes. Elle entra en possession du monastère des Couëts le jour de Noël, et put dire en franchissant le seuil : C’est ici le lieu de mon repos. Aucun lieu d’ailleurs n’était plus favorable au recueillement et à la prière : la Loire d’un côté, de l’autre d’épaisses forêts ; on n’entendait que le chant des oiseaux et la plainte des grands vents, ou le bruit vague des eaux du fleuve.
Mais tandis que Françoise était tout entière à ses devoirs de prieure, et faisait fleurir aux Couëts le silence, la psalmodie et la régularité, ses sœurs restées à Vannes vivaient dans la tristesse et les larmes. Rien ne pouvait les consoler du départ de leur Mère. Elles tentèrent donc une entreprise que Dieu bénit, et obtinrent du Pape la réunion de leur monastère à celui de Couëts. Comme des abeilles séparées un moment de leur ruche, elles accoururent auprès de Françoise qui les reçut avec joie et fut maintenue dans sa charge par ordre exprès de ses supérieurs.
Mère vigilante, énergique et tendre, elle savait relever les faibles, modérer le zèle indiscret et réveiller au besoin le cœur endormi devant Dieu.
L’année 1481 lui apporta une grande douleur : la mort du Père Jean Soreth, qu’elle pleura comme un père et invoqua comme un saint. Et pendant les quatre années qu’elle lui survécut, elle s’appliqua à enraciner si fortement l’esprit du Carmel dans sa maison, qu’il put s’y maintenir, sans jamais déchoir.
Maladie et mort de la Bienheureuse Françoise
Le temps de son pèlerinage approchait. Une des Sœurs fut prise d’une maladie contagieuse. La Bienheureuse ne laissa à personne la charge de la soigner : elle le fit avec un dévouement ordinaire, la consola, la fortifia et reçut son dernier soupir. Quelques jours après elle se sentit prise du même mal, et salua toute joyeuse l’approche de la délivrance. C’était le 28 octobre 1485. Le jeudi 3 novembre elle reçut les derniers sacrements. Puis, vers le milieu de la nuit, sentant sa fin approcher, elle réunit toute la communauté, demanda humblement pardon de tous les mauvais exemples qu’elle avait donnés, et ajouta : « Je vous en prie sur toutes choses, faites que Dieu soit mieux aimé. Soyez humbles, bénignes, douces et charitables, chastes et obéissantes : aimez-vous les unes les autres, chérissez la paix, union et concorde… Adieu, mes filles, je m’en vais à présent exprimer ce que c’est que d’aimer Dieu ; je me rends à Lui. »
Les Sœurs inclinées lui demandèrent sa bénédiction. Elle les bénit d’une main mourante ; puis elle rentra dans le silence de la prière. Le lendemain vers midi elle entra en agonie, et tandis qu’on disait les prières : « Ame chrétienne, partez, que votre place soit aujourd’hui dans le lieu de la paix et votre demeure dans la sainte Sion », elle rendit sa belle âme à Dieu, le vendredi 4 novembre à 3 h. du soir. Elle était âgée de 58 ans.
Ses Sœurs l’inhumèrent à l’entrée de la salle de chapitre.