Saint François de Sales

Fête le 29 janvier

Evêque et prince de Genève


Saint François de Sales naquit le 21 août 1567, au château de Sales dans le genevois. Cet enfant, que sa pieuse mère, madame de Boisy, consacra à Dieu bien avant sa naissance devait être la plus grande gloire de sa famille, déjà une des plus illustres de Savoie.

Envoyé au collège de Rocha où son application lui valut les premières places, François était l’exemple de tous ses condisciples. Dès qu’ils le voyaient arriver : « Soyons sages, se disaient-ils, voilà le saint ! » et l’on faisait trêve aux débats et aux querelles. Si pourtant, quelqu’un de ses condisciples se permettait un mensonge ou quelqu’autre mauvaise parole, le saint enfant le priait si affectueusement de cesser, que personne n’eût osé continuer de craindre de l’affliger, car il était aimé de ses camarades parce qu’il les aimait, leurs joies étaient ses joies et il partageait leurs peines ; il obtenait même parfois la faveur d’accomplir leurs pénitences, au point de recevoir le fouet à la place d’un de ses cousins.

François ayant déclaré à son père son désir ardent de se consacrer au service de l’Eglise. M. de Boisy consentit à ce qu’il reçût la tonsure.

Quand François eût fait ses humanités à Annecy, il alla terminer ses études à Paris. Grâce à sa grande dévotion à la Sainte Vierge il sut échapper à tous les dangers tendus à son innocence. Cependant aucune tentation ne lui fut épargnée, non pas même celle du désespoir.

Lorsque cette terrible tentation l’assaillit à Paris, il crut qu’il succomberait certainement et il se comptait à l’avance parmi les damnés. Dans ses angoisses, François recourut à la très Sainte Vierge et prosterné devant son image dans l’église de Saint Etienne, dit à Dieu : « Si je suis assez mal heureux pour ne pouvoir vous aimer et vous honorer, ô mon Dieu, pendant l’éternité, je veux au moins vous servir en ce monde et employer pour votre gloire tout le temps que vous me donnerez à vivre », et devant l’image de la Vierge immaculée il prononça son vœu de chasteté perpétuelle. La paix fut rendue à son âme.

Avant de recevoir les ordres sacrés, il voulut aller à Rome chercher une étincelle de la lumière dont les vicaires de Jésus-Christ sont seuls dépositaires. Il visita la ville éternelle en pèlerin, il revint par Lorette où il fut ravi en extase.

Il prêcha, n’étant que diacre. Ordonné prêtre en 1593, et nommé prévôt du chapitre, il redoubla de zèle pour les âmes. Ses prédications devinrent plus fréquentes encore et les fidèles accouraient en foule pour se confesser. Les pauvres surtout étaient les bienvenus, d’autant mieux qu’après les avoir doucement exhortés au repentir, il se donnait le bonheur d’adoucir leur misère par quelque généreuse aumône.

Cependant malgré le grand bien qu’il produisait dans les âmes, François était destiné à une mission plus haute et plus périlleuse. - L’hérésie de Luther et de Calvin avait étendu ses ravages dans le châblay ; Genève avait chassé son évêque et était devenu un pays d’hérésie ; Thonon ne comptait presque plus de catholiques, tout le pays de Gex était sous la domination des protestants qui avaient absolument interdit le culte catholique, abattu les croix et les images, détruit les églises et les couvents et ravagé tout le pays. A la sollicitation du duc de Savoie, l’évêque de Genève, résidant à Annecy, désigna François pour évangéliser ces peuples. Tout autre que lui aurait pu sinon reculer, du moins s’effrayer d’une semblable mission. M. de Boisy, alarmé chercha à l’en détourner, mais François fut inébranlable car il s’agissait de la gloire de Dieu et du salut des âmes. Il prit avec lui son cousin Louis de Sales, et tous deux, n’emportant que le strict nécessaire, partirent comme les apôtres pour ramener ces égarés dans les sentiers de la vérité. Cependant ils n’avaient eu garde d’oublier les vrais préparatifs du voyage : le jeûne, les mortifications et les prières prolongées au milieu des nuits. Ils firent tous deux une confession générale « afin d’aller avec le plus d’humilité et de pureté possible, disaient-ils, combattre l’orgueil et l’opiniâtreté des hérétiques ».

Mme de Boisy, estimant que son fils appartenait à Dieu avant de lui appartenir, versa beaucoup de larmes, mais ne lui dit pas un mot pour le détourner de son glorieux devoir.

M. de Boisy, moins généreux, avait espéré décourager son fils en lui refusant tout argent, les deux missionnaires possédaient la meilleure des richesses, celle d’une inépuisable confiance en Dieu : ils partirent.

En remettant le pied sur la terre du Chablais, Louis et François saluèrent l’ange tutélaire de la province ; et plus tard, apercevant du haut de la forteresse des Allinges la vaste plaine avec ses presbytères en ruine, les gibets à la place des croix, les châteaux et les villages brûlés, partout la désolation et le ravage, indices d’un ravage encore plus lamentable, celui des âmes, François ne put retenir ses larmes. Il exhala sa douleur en empruntant les accents d’Isaïe pleurant sur Jérusalem, et termina par ces paroles : - Espérons en la bonté du Seigneur et fortifions-nous en sa force, afin que comme de pauvres serviteurs, nous puissions ramasser les pierres dispersées de son sanctuaire et réédifier ses autels. Forts de ces pensées, les missionnaires se mirent aussitôt à l’œuvre, prêchant chaque jour et sans relâche à Thonon et dans les villages des environs, marchant toujours à pied, un bâton à la main. Dieu ne bénit pas tout de suite leur dévouement. Il permit pour un temps que les calomnies des ministres protestants indisposassent les esprits contre les missionnaires catholiques. Ceux-ci furent menacés de mort, quelques-uns firent même serment de les exterminer. Le martyre est la récompense des apôtres de tous les temps, et jamais la crainte n’a fait reculer ceux qui aiment vraiment Jésus-Christ. François allait chaque jour à Thonon ; c’était là le siège de l’hérésie, la place forte qu’il importait de lui ravir. Il allait aussi dans la campagne, et ni la pluie, ni les glaces, ni la neige, ni les orages les plus terribles ne pouvaient l’arrêter. Quand au milieu des cimes neigeuses qui entourent le lac Léman, les verglas rendaient les chemins impraticables, il s’aidait des mains et des genoux. Le sang coulant de ses talons et de ses doigts tout crevassés rougissait les neiges, mais il n’en continuait pas moins sa route. Il allait, ne portant que sa bible, son bréviaire et son chapelet. Il jeûna avec tant d’austérité pendant l’Avent 1594 que l’évêque fut obligé de lui prescrire des ménagements. Un jour, il fut surpris dans un bois où les loups couraient en troupe à travers la neige. Pour leur échapper il monta sur un arbre et attacha sa ceinture à une branche pour ne pas tomber pendant son sommeil ; mais la nuit fut si rigoureuse et il fut tellement transit par le froid que le lendemain des paysans le trouvèrent à moitié mort. Cette fois Dieu avait réservé à François sa récompense. Ces paysans étaient hérétiques, et en retour de leurs soins, le pieux prêtre eut la joie de leur prêcher la nécessité du retour à l’Eglise. Ils profitèrent plus tard de ces exhortations.

Une autre fois, François fut poursuivit non par les loups de la montagne, mais par un protestant qui avait juré de le tuer ; l’assassin se posta successivement en trois endroit propre à l’exécution de son dessein, chaque fois son fusil lui échappa. Désespéré, il plaça des sicaires en divers lieux où l’apôtre devait passer ; mais soit que Dieu aveuglât ces malheureux, soit qu’il rendît son apôtre invisible, jamais François ne fut aperçu.

Un soir, repoussé par les habitants d’un village, il dut coucher dans une grange, voire même dans un four.

Pendant le jour on le rebutait également, les portes se fermaient à son approche ; mais il s’en consolait. Tôt ou tard, la grâce devait lui ouvrir les cœurs, et cet espoir suffisait pour le faire surabonder de joie dans ses tribulations.

En effet, bientôt les habitants de Thonon, frappés de tant de constance et, attirés par le charme de la parole de François, vinrent à ses prédications. Il en convertit plusieurs, mais ces succès irritèrent tellement le parti protestant qu’on y jura de nouveau de le tuer. Une nuit, des assassins se précipitent sur lui ; deux catholiques et son fidèle serviteur, Georges Rolland, qui n’avait pas voulu l’abandonner dans ses travaux, tirent tous trois leurs armes pour défendre François ; mais celui-ci, fidèle à l’exemple du Sauveur :

- Remettez vos épées dans le fourreau, dit-il, c’est à moi à aller vers ceux qui en veulent à ma vie.

Et doublant le pas, il va droit aux assassins et, par la force de ses paroles et la majesté de son visage, fait tomber les armes de leurs mains. Ils se jettent à genoux, lui demandent pardon et protestent que désormais ils lui seront soumis en tout.

On voulut alors persuader à l’apôtre de se faire escorter par des soldats ; mais en vain, il ne voulait d’autre secours que la confiance de Dieu.

Le sceau divin de la souffrance, imprimé sur l’œuvre de François, était un gage de salut. Les fruits de sa parole devinrent plus abondants ; il put se livrer avec toute l’ardeur de son zèle à la prédication et aux œuvres du ministère, parmi lesquelles une surtout était chère à son cœur, celle d’administrer la sainte Eucharistie aux malades et aux infirmes. Quand il ne pouvait, à son grand regret, porter publiquement la divine Hostie par crainte des profanateurs, François renfermait l’Hostie dans une boîte d’argent qu’il suspendait à son cou, et, s’enveloppant d’un grand manteau, marchait d’un air grave et recueilli. Son visage était enflammé comme celui d’un chérubin et il avait peine à contenir ses larmes.

- O mon Sauveur ! disait-il, régnez au milieu de vos ennemis.

Quand les rares catholiques de Thonon le voyaient passer sans saluer personne, ils quittaient tout pour le suivre et, sans donner l’éveil aux hérétiques, formaient une escorte d’honneur au Dieu de l’Eucharistie.

Le cadre restreint de cette histoire nous empêche de donner de plus longs détails sur la mission du Chablais, sur les conversions obtenues, les conférences publiques et particulières avec les ministres protestants, et principalement avec le célèbre Théodore de Bèze, et sur les entrevues de François avec le duc de Savoie. Nous terminerons donc cette partie de notre récit par un fait qui eut un grand retentissement.

Il y avait à Thonon une femme calviniste qui, parfaitement convaincue par les discours de François, remettait cependant toujours le moment de se convertir. Elle eut un fils et négligea de le faire baptiser : l’enfant mourut. Inconsolable, elle le portait elle-même au cimetière ; mais sur son chemin elle rencontra François, et se jetant à ses genoux :

- Rendez-moi mon enfant, mon cher père, rendez-moi mon enfant au moins assez de temps pour qu’il soit baptisé.

François mêle ses larmes à celles de la mère, il tombe aussi à genoux, et sa prière n’était pas finie que l’enfant ouvre les yeux. On le baptisa aussitôt : il vécut encore deux jours, pendant lesquels tous ceux qui le voulurent voir purent s’assurer du miracle. La mère et toute la famille se firent catholiques et beaucoup d’autres suivirent leur exemple.

Frappé par tant de vertu, l’évêque de Genève voulut s’adjoindre François comme coadjuteur, et, après avoir vaincu non sans peine les résistances de son humilité, il le laissa partir pour Rome, et y régler tout ce qui concernait la mission du Chablais. Avant sa préconisation, François subit, en présence du pape, un examen théologique qui lui valut ces paroles du souverain pontife :

« Aucun de ceux que nous avons examinés jusqu'à ce jour nous a satisfait d’une façon aussi complète, et il ajouta cette sentence des Proverbes : « Buvez, mon fils, des eaux de votre citerne et de la source de votre puits ; faites que l’abondance de vos eaux se répandent sur toutes les places publiques, afin que tous puissent en boire et s’en désaltérer. »

Le vœu du pontife fut exaucé. François répandit largement les fleuves de science ecclésiastique qu’il avait recueillie et S. S. Pie IX, confirmant le jugement de son prédécesseur, l’a inscrit au nombre des Docteurs de l’Eglise.

Nommé coadjuteur en 1599 et devenu évêque en 1602 par suite de la mort de Claude Garnier, évêque titulaire de Genève, François redoubla de zèle dans ses travaux apostoliques. Cependant, nous passerons sous silence ses œuvres innombrables, soit comme directeur, soit comme pasteur des âmes. Nous ne parlerons même pas de ses écrits remplis de piété et de science : l’introduction à la vie dévote et le traité de l’amour de Dieu. Son dévouement s’exerçait également auprès de tous, et dans les voyages qu’il fit à Paris pour les affaires religieuses de la Savoie, la cour, aussi bien que la noblesse, la bourgeoisie et le peuple, eut part à ses largesses spirituelles. Il conduisait chacun selon son état, estimant que toutes les conditions et les vocations sont bonnes quand on veut s’y employer au service de Dieu.

François prêcha le carême de l’année 1604 à Dijon. Il y fit la rencontre de la baronne de Chantal. Nous écrirons un jour la vie de cette veuve selon le cœur de Dieu, de cette vraie veuve dont parle saint Paul. Quand cette âme forte et ardente se mit sous la conduite de notre saint, l’éducation de ses quatre petits enfants la retenait encore dans le monde, mais quand François lui eut fait amplement pourvoir à tous ses devoirs maternels, il lui dévoila les desseins plus hauts que Dieu avait sur elle et il l’établit première supérieure de la Visitation, cet ordre célèbre qui a donné tant de saintes âmes à l’Eglise... Saint François de Sales songeait depuis longtemps à établir une congrégation de femmes dont la vie moins austère que celle des autres couvents, permettrait d’y recevoir les veuves, les filles âgées et même les infirmes. Il voulut que les austérités corporelles fussent en partie remplacées par une obéissance si minutieuse, que la nature y ait tout à souffrir et la grâce tout à gagner. De plus, sa première intention avait été de ne pas établir de clôture et que les filles de sainte Marie allassent visiter les malades. De là le nom des Visitandines et leur dévotion spéciale du mystère de la Visitation. Mais plus tard, les obstacles apportés à ce dessein, parurent à saint François des indices suffisants de la volonté de Dieu, ses filles échangèrent donc l’œuvre de Marthe contre celle de Marie et, c’est ce qui lui faisait dire agréablement plus tard : « On m’appelle fondateur d’ordre, et cependant j’ai fait ce que je n’ai pas voulu, et je n’ai pas fait ce que je voulais. »

Dieu avait donné à François un pouvoir absolu sur les esprits immondes qu’il chassait souvent par la seule imposition des mains ; de même il guérissait les malades et souvent par des faveurs extraordinaires, Dieu fit éclater aux yeux des hommes, la sainteté de son serviteur. Un jour il parut en chaire tout environné de lumière, une autre fois un globe de feu céleste tomba sur son oratoire pendant qu’il priait et l’environna d’étincelles brillantes qui l’éclairaient sans le brûler. Pendant qu’il préparait un sermon, il sentit son cœur s’enflammer d’amour de Dieu et il vit deux colonnes de feu se mettre à ses côtés et le suivre à travers la chambre. Son entendement ne fut pas moins éclairé que ses yeux, car cette apparition fut accompagnée d’une admirable connaissance de la beauté et de la clarté des mystères de notre sainte foi.

Nous aurions tracé un portrait bien incomplet de saint François de Sales si nous ne disions pas un mot de sa douceur et de sa bonté si connues ; pourtant, il tenait de la nature un caractère vif et emporté ; mais il dut si bien le soumettre au joug de l’humilité, qu’il devint le plus doux des hommes, ce qui faisait dire à saint Vincent de Paul : « Que Dieu doit être bon, puisque M. de Genève son ministre, est si bon. »

Dans les affronts, au milieu des impies, François était d’une patience sans bornes. Un jeune homme l’injuriait un jour grossièrement :

- Monsieur, dit le saint, vous m’obligeriez beaucoup de me dire tout bas les injures qu’il vous plaira, je vous proteste que je les porterai aux pieds du crucifix, et que personne n’en sera rien. »

De même dans les croix, dans les afflictions, sa soumission était inaltérable :

« Oh, disait-il, que nous soyons à jamais attachés à la Croix, et que cent mille coups de flèches transpercent notre chair, pourvu que le dard enflammé de l’amour de Dieu ait auparavant pénétré notre cœur ! Que cette divine blessure nous fasse mourir de la sainte mort qui vaut mieux que mille vies !

Le 28 décembre, fête de saint Jean l’Evangéliste, saint François de Sales tomba malade à Lyon. Il mourut le jour des SS. Innocents. Il avait cinquante-six ans. Suivant ses dernières volontés, son corps fut transporté à Annecy dans l’église de la Visitation on l’y vénère encore aujourd’hui. Son cœur fut donné au premier monastère de la Visitation de Lyon.

L’Eglise célèbre sa fête le 29 janvier.