Saint François d'Assise

Fête le 17 août


I. – Sa jeunesse

Elevé dans la vanité, lancé dans des affaires de négoce, porté naturellement vers les jouissances de la terre, François sut résister à leur entraînement. Bon et généreux, une fois seulement il refusa l’aumône à un pauvre, s’en repentit aussitôt, le combla de bienfaits, et promit à Dieu de donner toujours à ceux qui s’adresseraient à lui en son nom.

Il hésitait toutefois encore entre Jésus-Christ et le monde, quand Dieu lui fit la grâce de l’éprouver par de longues souffrances. Son âme s’y purifia comme l’or dans la fournaise et peu après rencontrant un soldat pauvre et mal habillé, il se dépouilla de ses vêtements pour l’en revêtir.

La nuit suivante il vit un riche palais orné de faisceaux d’armes couronnés par la croix et une voix du ciel lui dit que ces magnificences seraient pour lui et pour sa milice. Mais, peu versé encore dans les choses spirituelles, François crut qu’il s’agissait d’une milice terrestre et il résolut de se consacrer au métier des armes.

Dieu lui parla de nouveau :

François qui peut le plus pour toi, le maître ou le serviteur, le riche ou le pauvre ?

François répondit :

Le maître et le riche peuvent faire davantage.

Pourquoi donc laisses-tu le maître pour l’esclave, et Dieu si riche pour l’homme si pauvre ?

Et François de s’écrier :

Que voulez-vous que je fasse, Seigneur ?

La vision qui t’a frappé a un sens tout spirituel, répondit la voix, ce n’est pas une pensée humaine qui la réalisera, mais une pensée divine.

François abandonna ses projets, et voulant attirer sur lui les bénédictions de Dieu, il suivit avec fidélité, dans les moindres détails de sa vie, les inspirations de sa grâce, renonça au négoce et appliqua son cœur à l’oraison.

Un jour il chevauchait à travers la plaine quand se présente à lui un lépreux dont la vue seule lui fait horreur, mais, fidèles aux pensées de perfection dont son âme est pleine, il saute à bas de son cheval et court embrasser le lépreux qui disparaît aussitôt. François pensant que Jésus-Christ lui-même lui était apparut, rendit grâces à Dieu.

Un autre jour il priait avec larmes demandant la connaissance et l’accomplissement de la volonté divine en lui, quand Jésus-Christ lui apparut attaché à la croix et au même instant la mémoire de la Passion s’imprima si fortement dans son cœur que désormais il ne pouvait y penser sans verser des larmes. Il comprit cette parole de l’Evangile : Si tu veux venir après moi, fais abnégation de toi-même, porte ta croix et suis-moi. Pénétré en même temps du véritable esprit de pauvreté et d’humilité et se souvenant de Jésus-Christ réputé méprisable et prenant pour l’amour de nous les apparences d’un lépreux, il se condamna lui-même au mépris et à l’humiliation et se consacra au service des lépreux, les visitant, distribuant d’abondantes aumônes, les embrassant avec une touchante affection.

Il se dépouillait de tout, et venait principalement au secours des pauvres prêtres, surtout quand il s’agissait des ornements sacrés.

II. – Sa conversion. – Guérison d’un habitant de Spolète

François priait seul dans la pauvre église de Saint-Damien quand il entendit une voix lui répétant par trois fois : François, va et répare ma maison. L’obéissant disciple partit aussitôt pour Foligno, y vendit plusieurs pièces d’étoffe et son cheval, et revint plein de joie demander humblement au pauvre prêtre qui gardait l’église la permission de la réparer et de demeurer avec lui. Le prêtre lui permit de rester mais refusa l’argent, et François ne faisant pas plus de cas que d’une vile poussière, le jeta par la fenêtre.

Or, il advint que Pierre Bernardon, son père, apprenant qu’il demeurait avec le pauvre prêtre, accourut furieux. François encore novice dans les combats du Christ, se cacha dans une cavité secrète. Pendant plusieurs jours il ne cessa de prier, et enfin, honteux de sa pusillanimité, il sortit de sa retraite et prit hardiment le chemin d’Assise où ses concitoyens voyant ses traits altérés et ses idées nouvelles le crurent fou, le bafouèrent et lui jetèrent de la boue et des pierres. Le serviteur de Dieu traversa les rues comme s’il n’entendait et ne voyait rien, mais son père hors de lui l’accabla de reproches et de coups et l’enchaîna. Pendant son absence, sa mère l’ayant délivré, Pierre courut à sa recherche, mais cette fois, François fortifié par la grâce, se présenta de lui-même, et dit d’une voix ferme qu’il comptait pour rien les chaînes et les coups, et qu’il était prêt à tout souffrir pour l’amour de Jésus-Christ. Son père le conduisit auprès de l’évêque où il lui ordonna de renoncer à son profit à toute succession à venir. Loin de contester, François se dépouille de tout, même de ses vêtements, qui cachait un cilice, et dit à Pierre : Jusqu’à ce jour je vous ai appelé mon père, maintenant je puis dire en toute vérité : Notre Père qui êtes au ciel, en qui j’ai placé mon trésor, mon espérance et ma confiance.

A ces mots l’évêque embrassa François avec larmes et, le couvrant de son propre manteau, lui fit apporter les vêtements d’un pauvre ouvrier. Le saint reçut le présent avec autant de reconnaissance que de joie, le marqua du signe de la croix, et ainsi revêtu des livrées de la pauvreté, quitta sa ville natale pour aller chercher la solitude.

Il traversait une forêt tout en chantant les louanges de Dieu, quand des voleurs se précipitent sur lui et lui demandent qui il est : « Je suis le héraut du grand roi, répondit-il. »

Ils le frappèrent et le jetèrent dans un trou rempli de neige : Va pauvre héraut du roi, dirent-ils. François se releva plein de joie, et continua sa route en chantant, puis il demanda l’aumône à la porte d’un monastère où on la lui donna comme à un inconnu.

Vers le même temps un habitant du comté de Spolète, affligé d’un chancre au visage et déclaré incurable par tous les médecins, mit sa confiance en Dieu et en la sainteté de son serviteur. Il voulut baiser les pieds de François ; mais celui-ci le pressa dans ses bras et déposa un baiser fraternel sur cette horrible plaie. Aussitôt elle disparut.

III. – Réparation des trois églises. – François se fixe à Sainte-Marie des Anges. – L’Evangile lui sert de règle.

François cependant n’avait pas oublié l’ordre céleste de réparer l’église de Saint-Damien et, en vrai pauvre du Christ, non seulement il se mit à mendier sans honte auprès de ceux qui l’avaient connu dans l’abondance, mais encore il portait lui-même sur son corps, affaibli par les jeûnes, de lourdes charges de pierres.

Il fit de même pour l’église de Saint-Pierre et pour celle de la Portioncule, originellement appelée Sainte-Marie des Anges.

Car, dit Saint Bonaventure, « par ordre de la divine Providence qui le dirigeait en toutes choses, François a érigé trois églises matérielles avant de commencer l’établissement de son ordre, s’élevant ainsi par degrés des choses sensibles aux choses spirituelles, des petites aux grandes ; car de même que trois églises sont réparées sous sa direction, de même l’église de Jésus-Christ devait par ses soins obtenir une triple réforme. »

François souvent visité par les esprits célestes passait ses jours et ses nuits dans le sanctuaire de Sainte-Marie des Anges, quand, assistant à la messe des saints apôtres, il fut frappé des paroles de l’Evangile : Ne possédez ni or, ni argent, ni monnaie dans vos ceintures, ni sac dans la route, ni deux tuniques, ni souliers, ni bâtons.

Voilà ce que je veux, s’écria-t-il, et jetant au loin ses souliers, sa besace et le peu d’argent qu’il possédait, il ceignit ses reins d’une corde et partit prêcher l’Evangile.

Ses paroles et encore plus ses exemples lui attirèrent des disciples. Le vénérable Bernard fut le premier et comme il demandait à François des règles pour la pratique des vertus évangéliques : C’est Dieu qu’il faut consulter, répondit François.

Ils prièrent longuement, puis, ouvrant par trois fois en l’honneur de la Sainte-Trinité le livre des Evangiles, ils lurent d’abord ces paroles : Si vous voulez être parfait, allez, vendez tout ce que vous avez et donnez-le aux pauvres, puis : Vous ne porterez rien dans le chemin, et enfin : Que celui qui veut venir après moi se renonce lui-même, qu’il porte sa croix et me suive.

C’est là, ajouta le saint, notre vie et notre règle.

IV. – François obtient l’approbation du saint Siège. – Vertus des premiers frères. – François absent leur apparaît sous la forme d’un globe lumineux.

Le nombre de ses disciples s’étaient accru, François voulut que leur règle eût la sanction du siège apostolique. Innocent III, miraculeusement prévenu, accueillit favorablement sa demande et donna aux Frères Mineurs, ainsi qu’ils s’appelaient eux-mêmes, la mission de prêcher la pénitence.

Revenus à Assise, François et ses compagnons s’établirent dans une pauvre maison abandonnée où ils vivaient de travail et de privation « s’appliquant plus à se nourrir du pain des larmes que de celui qui sustente le corps. »

Une nuit l’homme de Dieu était absent. Il s’était retiré dans une chaumière pour y faire son oraison. Vers minuit, tandis que parmi les frères les uns reposaient, les autres persévéraient dans la prière, un char de feu entre dans la maison et en fit trois fois le tour. Sur ce char resplendissait un globe lumineux ayant l’aspect du soleil. Ceux qui veillaient furent émerveillés, ceux qui dormaient se réveillèrent épouvantés. Tous éprouvèrent que la lumière avait pénétré au fond de leur cœur, car ils purent lire dans les consciences les uns des autres et ils comprirent que sous cette forme lumineuse, ils avaient vu leur bienheureux père et qu’ils pouvaient sans crainte marcher à sa suite.

V. – Le Tiers-Ordre. – Les clarisses. – Réunion en chapitre général de cinq mille Frères Mineurs.

De Sainte-Marie des Anges, François et ses compagnons prêchaient au loin l’Evangile. Les foules s’attachaient à leurs pas et, émus de leurs exhortations, beaucoup de laïques, même mariés, s’engagèrent à mener une vie sainte. Sous le nom de Frères de la Pénitence, ils furent les premiers du Tiers-Ordre de saint François qui a fait germer tant de vertus dans l’église.

Désireuses d’une perfection plus haute encore, de jeunes vierges, et à leur tête l’illustre sainte Claire, embrassèrent la pauvreté et la règle de saint François dans toute leur rigidité, tant il est vrai qu’il suffît d’un vrai saint selon le cœur de Dieu pour peupler le monde de saints.

Les Frères Mineurs étaient déjà au nombre de cinq mille quand François les réunit en chapitre général dans l’église de la Portioncule. Toutes choses nécessaires manquaient en ce lieu, mais la Providence y pourvut, parce qu’elle pourvoit toujours au besoin de ceux qui se confient en elle : la nourriture fut constamment abondante et les santés excellentes.

VI. – Tentatives de mortifications de François

Attentif à cette parole de l’Apôtre : que ceux qui sont à Jésus-Christ crucifient leur chair afin de porter dans leur corps l’amour de la croix, François s’accordait à peine le nécessaire. Rarement il mangeait des aliments cuits, et alors il les assaisonnait de cendre ou les noyait dans l’eau pour les rendre insipides. La terre nue lui servait de lit et il n’était couvert que d’une légère tunique.

Une nuit qu’il vaquait à l’oraison, le démon s’approcha et l’appela par trois fois : « Il n’y a pas dans le monde de pécheur qui, s’il se convertit, ne trouve son pardon, lui dit-il, mais quiconque se sera livré à des pénitences excessives ne sera jamais pardonné.

Une révélation vint bientôt faire connaître à l’homme de Dieu les tromperies du démon dont les intentions perverses se traduisent aussitôt par une violente tentation. Aussitôt François déposa ses vêtements et se fustigea sévèrement.

Allons, frère âne, dit-il à son corps ; tu dois subir cette destinée, ce traitement te convient. La tunique c’est l’habit de religion, elle porte le signe de la sainteté. Il ne convient pas qu’un être possédé par la passion s’en empare, ce serait un vol. Puis, animé d’un saint zèle, il sortit et s’étendit sur la neige.

Cette fois le tentateur fut si bien vaincu qu’il ne reparut plus.

VII. – Humilité de François

Se regardant comme le dernier des pécheurs, parce que, disait-il, si un brigand eût reçu les mêmes grâces que lui, il en aurait mieux profité, François ne pouvait souffrir le respect et la vénération dont il était l’objet.

Un jour, accablé par la maladie, il modéra un peu son abstinence. Ses forces revinrent et avec elles son ardeur à s’humilier. Il n’est pas juste, s’écria-t-il, que son peuple me croit pénitent quand en secret je me nourris confortablement. Et appelant le peuple d’Assise, il entre à l’église, la corde au cou, se fait traîner jusqu’à la pierre où on avait coutume de placer les malfaiteurs, y monte et malgré un froid rigoureux et sa fièvre quarte, il déclare qu’on avait tort de le regarder comme un homme spirituel, qu’il était un homme charnel, un gourmand digne de mépris.

VIII. – Pauvreté de François

François rappelait souvent à ses disciples les paroles de l’Evangile : « Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel des nids, mais le Fils de l’homme n’a point où reposer sa tête, et il ajoutait que l’imitation de la pauvreté de Jésus-Christ était le fondement de l’Ordre des Frères Mineurs et que sa ruine serait la ruine de son institution.

Un jour il traversait la Pouille, quand il trouva sur le chemin une énorme bourse gonflée comme si elle eût été pleine d’argent. Son compagnon l’engage à la ramasser et à en donner le contenu aux pauvres. Lui s’y refuse, disant qu’il ne veut pas prendre le bien d’autrui. Néanmoins, vaincu par les insistances du frère, il se met en prières et lui ordonne de ramasser la bourse. Le frère tremble involontairement, il obéit toutefois, et aussitôt un serpent monstrueux s’échappe de la bourse. « L’argent mon frère, dit François, n’est pour les serviteurs de Dieu que le démon, qui est un dangereux reptile.

Dans une de leurs courses apostoliques, les compagnons de François ayant faim s’enquirent de ce qu’ils pourraient trouver et ne trouvèrent rien. – Vous n’avez rien trouvez, dit le saint, car vous avez eu plus de confiance dans vos mouches que dans le Seigneur. – Or, il appelait mouches les pièces de monnaie. Retournez sur vos pas et demandez l’aumône avec humilité, offrant pour prix l’amour de Dieu. » Et, en effet, les habitants pauvres, mais touchés de la grâce, donnèrent tout ce dont ils purent disposer.

IX. – Puissance de François sur les animaux

François appelait les animaux du nom de frère et de sœur et aimait d’une affection plus tendre ceux qui, comme les agneaux, symbolisent la sainte mansuétude du Sauveur. Les bêtes lui rendaient son affection : un jour il salua un grand troupeau de moutons. Ceux-ci accoururent en levant la tête et lui firent une telle fête que les bergers et les frères en étaient dans l’admiration.

Une autre fois on lui offrit une brebis qu’il reçut avec plaisir à cause de l’innocence et de la simplicité de cet animal. Il l’avertissait d’être attachée aux louanges de Dieu et de n’offenser en rien les frères. La brebis obéissait. Quand les frères étaient au chœur elle entrait d’elle-même à l’église, fléchissait les genoux et lorsqu’on élevait l’hostie elle s’inclinait comme si elle eût voulu inviter les fidèles au respect envers le Saint-Sacrement.

De même les poissons, les lapins et d’autres animaux, loin de s’effrayer accouraient au-devant du saint et se jouaient en sa présence.

François traversait un jour les marais de Venise au milieu du gazouillement d’une multitude d’oiseau. – « Nos frères les oiseaux louent le créateur dit-il à son compagnon, allons au milieu d’eux et nous aussi louons Dieu et chantons nos heures canoniques. » Mais comme à cause de leur gazouillement les religieux ne pouvaient s’entendre : « Mes frères les oiseaux, dit François, cessez vos chants jusqu’à ce que nous ayons acquitté la dette de reconnaissance que nous devons à Dieu. » Les oiseaux se turent et ne reprirent leurs chants que quand les religieux eurent cessé les leurs.

X. – François attiré par l’espoir du martyre va en Syrie et n’y trouvant que des délices, repart aussitôt.

Dévoré depuis longtemps de la soif du martyre, François partit pour la Syrie avec le frère Illumine, comme lui grand serviteur de Dieu. Ils furent pris par les Sarrasins qui les traitèrent ignominieusement, les frappèrent à coups de fouet et, les fers aux pieds, les conduisirent au Soudan de Babylone. Le saint prêcha au prince les mystères de la sainte Trinité et de l’Incarnation et offrit d’entrer dans un feu allumé pour prouver la vérité de sa foi, pourvu que les prêtres de Mahomet consentissent à faire de même. Ils s’y refusèrent, mais le Soudan, tout en ne voulant pas se convertir, admira la foi et la constance des missionnaires. Il voulut les combler de richesses et d’honneurs, mais les serviteurs de Dieu trouvant ainsi les délices à la place du martyre se hâtèrent de partir.

XI. – Les sacrés stigmates

Deux ans avant sa mort, François s’était retiré sur une montagne élevée appelée le Mont-Alverne pour y jeûner et y prier pendant quarante jours en l’honneur de saint Michel. La contemplation des choses célestes répandait dans son âme des consolations extraordinaires et comme un serviteur fidèle et prudent, il recherchait le bon plaisir de Dieu pour s’y conformer aussitôt. Le Seigneur lui ayant révélé intérieurement qu’en ouvrant les Evangiles il y apprendrait ce que Dieu aurait de plus agréable, il prit sur l’autel le livre sacré, et le fit ouvrir par son compagnon par trois fois, en l’honneur de la sainte Trinité. Chaque fois ils tombèrent sur l’endroit où il est question de la passion du Sauveur et François comprit qu’il devait ressembler à Jésus-Christ dans les douleurs de sa passion et quoique l’austérité et les souffrances de sa vie eussent déjà été excessives, il ne s’en troubla point, et s’anima avec plus de force à souffrir le martyre qui lui était demandé. Et un matin, comme il priait, il vit un séraphin descendu du ciel. Il avait six ailes étincelantes comme des flammes et d’un vol rapide il arriva auprès de François. Celui-ci vit alors un homme crucifié. Deux ailes s’élevaient au-dessus de sa tête, deux autres lui servaient pour voler et les deux dernières lui couvraient tout le corps.

Nous laissons la parole à saint Bonaventure :

« François s’étonna et une joie mêlée d’amertume se répandit dans son cœur. Il était heureux de voir, dans cette gracieuse vision, Jésus-Christ le regarder sous la figure d’un séraphin, mais son crucifiement transperçait son âme de douleur et de compassion …

Le Seigneur lui révéla que la divine Providence avait fait luire à ses yeux une pareille vision pour qu’il apprît que ce n’était pas par le martyre de la chair, mais bien par le feu de l’amour qu’il devait se rendre entièrement semblable à Jésus-Christ crucifié. » La vision disparut laissant François animé du plus tendre amour de Dieu et, sur ses pieds et sur ses mains, apparurent les sacrés stigmates. Ses membres semblaient percés au milieu par des clous dont la tête se voyait dans l’intérieur des mains et dans la partie supérieure des pieds, la pointe ressortant de l’autre côté. La tête des clous était ronde et noire, leur pointe longue et tordue comme si on eût frappé dessus. En outre François avait au côté droit une cicatrice rouge, marquant la place d’une plaie formée par un coup de lance, et il en sortait souvent du sang béni qui mouillait sa tunique. »

Les quarante jours qu’il avait résolu de passer sur la montagne étant écoulés, François redescendit, portant avec lui l’image de Jésus-Christ gravée non pas sur la pierre par la main humaine d’un ouvrier, mais sur sa propre chair par la main du Dieu vivant. Et parce qu’il est bon de cacher les secrets du roi, le saint, dépositaire du secret royal, le cachait le plus possible au yeux du vulgaire, mais il plut à Dieu d’opérer publiquement des prodiges par les stigmates sacrés, afin que leur force merveilleuse apparût plus manifestement.

Par un grand froid d’hivers, François, à cause de son extrême faiblesse, voyageait sur un âne et la neige l’ayant empêché de continuer, il dut s’abriter dans le creux d’une roche élevée. Pendant la nuit, il entendit son conducteur pousser des cris plaintifs causés par la rigueur du froid. François étendit la main et, ô merveille, à peine touché par cette main devenue sacrée, le froid s’éloigne de cet homme, la chaleur le gagne au-dedans et au dehors et il dort sur les pierres et dans la neige d’un meilleur sommeil que dans son lit.

XII. – Zèle de François pour le salut des âmes. – Sa patience

« Désormais attaché à la croix de Jésus-Christ selon la chair et selon l’esprit. – François ne brûlait pas seulement pour Dieu d’un amour de séraphin, mais avec Jésus-Christ il avait une soif immense du salut des âmes. Ne pouvant plus marcher à cause des plaies de ses pieds, il se faisait traîner à travers les villes et les campagnes pour exciter les autres à porter la croix de Jésus-Christ. « Commençons à servir le Seigneur notre Dieu, disait-il à ses disciples, car tous ce que nous avons fait jusqu’à présent n’est rien. » Pour satisfaire sa soif de souffrances Dieu permit qu’il fut attaqué de maladies graves et si multipliées qu’il ne lui restait presqu’aucune partie du corps où il ne ressentît une violente douleur. Et ses peines, il ne les appelait pas des peines : c’étaient des sœurs, disait-il.

Un jour un frère lui conseilla naïvement de demander à Dieu de le traiter avec moins de rigueur :

- Si je ne connaissais votre simplicité et la pureté de vos intentions, lui répondit le saint, j’aurais désormais votre société en horreur. Quoi ! vous avez osé juger blâmables, les justices de Dieu à mon égard !

Puis, se laissant tomber à terre (car il était épuisé par la maladie), il la baisa humblement en disant : Je vous rends grâces Seigneur mon Dieu de toutes les douleurs que j’endure, et je vous conjure de m’en envoyer cent fois plus, si tel est votre bon plaisir.

XIII. – Mort de François

Il y avait vingt ans que François s’était converti. Depuis deux ans il avait été marqué des stigmates sacrés. Il était arrivé à la perfection sous l’action répétée des tribulations. Connaissant d’avance l’époque de sa mort, il en prévint les frères et se fit porter à sainte Marie de la Portioncule, pour rendre à Dieu la vie, là où il avait reçu la grâce. Il s’étendit sur la terre nue et levant les yeux au ciel.

« Pour moi, dit-il, j’ai accompli ma tâche, que Jésus-Christ vous apprenne ce que vous avez à faire. »

Il leur recommanda la fidélité à la sainte Eglise romaine, la patience et la pauvreté, puis, après avoir étendu les bras en forme de croix et avoir béni les frères présents et ceux qui étaient absents :

« Mes enfants, fortifiez-vous dans le Christ, leur dit-il. Le moment de la tentation et de la tribulation approche. Heureux ceux qui persévéreront ! Pour moi voilà que je m’en vais à Dieu et je vous remets à sa grâce. »

Et il expira peu après.

Aussitôt le frère Augustin qui depuis longtemps avait perdu la parole :

Attendez-moi mon père, s’écria-t-il, attendez-moi, je viens avec vous.

Il ajouta, s’adressant aux frères étonnés : Ne voyez-vous pas notre père François qui va en paradis ? Et, en effet, un des disciples vit cette âme bienheureuse sous l’apparence d’une étoile très brillante portée au-dessus des grandes eaux sur une nuée blanche qui la conduisait au ciel.

Et l’âme d’Augustin s’échappant de son corps, suivit de près son très saint père.

Et les alouettes accourant en foule, voltigèrent autour de la maison remplissant l’air de leur gazouillements joyeux en l’honneur du saint qui les exhortait sans cesse à chanter les louanges du créateur.


Merveilleuse vie de saint François d’Assise en gravures

Le pauvre de Jésus-Christ


1. A quelques jours de sa naissance, le petit Jean, plus tard surnommé François, fut salué par un pèlerin inconnu qui dit à sa mère que l’enfer était en grand émoi depuis la naissance de cet enfant.

2. La Vocation. Riche et mondain dans ses premières années, François entend une voix partie du crucifix, qui l’appelle à réparer l’église. Prenant ces paroles à la lettre il se dévoue à la restauration de l’église de Saint-Damien, à Assise.

3. Le père de François, irrité de ses largesses, le conduit devant l’évêque d’Assise et prend à témoin le prélat qu’il déshérite son fils. Celui-ci lui rend même ses habits, et quitte son père de la terre pour servir celui du ciel.

4. Pendant que François sollicitait l’approbation de sa règle nouvelle, le pape Innocent III vit en songe le pauvre de Jésus-Christ soutenant la basilique de Saint-Jean-de-Latran qui menaçait ruine.

5. Les tentations violentes dont François était assailli le trouvèrent invincible. Un jour il se roula dans un buisson d’épines afin d’émousser l’aiguillon de la chair par l’aiguillon de la douleur. Les feuilles de ce buisson portent aujourd’hui encore des taches de sang.

6. Assoiffé d’humiliations, saint François ordonne au fr. Bernard au nom de l’obéissance de le fouler aux pieds, et de lui mettre le pied sur la gorge et sur la figure, en le traitant d’orgueilleux et de ver-de-terre.

7. Pendant une maladie l’évêque d’Assise oblige François à venir se faire soigner à l’évêché. Aussitôt guéri, il se fait conduire, la corde au cou, sur la place publique par un des frères qui crie aux passants : Regardez ce gourmand qui passe pour un saint…

8. Pour montrer combien l’ordre nouveau lui est agréable, Jésus-Christ lui-même apparaît, revêtu de l’habit franciscain, à un jeune homme qui hésitait sur sa vocation, et lui ordonne d’embrasser la pauvreté évangélique dans toute sa rigueur.

9. Saint François parlait familièrement avec les oiseaux, qui obéissaient à sa voix. Tantôt il les invitait à louer Dieu, et écoutait leurs chants avec joie, tantôt il leur imposait silence pour prêcher plus librement, et ils se taisaient.

10. Un pêcheur lui fit don un jour d’un magnifique poisson qu’il venait de prendre. Le saint le remit dans l’eau en l’invitant à louer Dieu, ce que voyant tous les poissons s’approchèrent pour recevoir sa bénédiction.

11. Embrasé du désir du martyre, saint François s’embarque pour l’Orient, et va prêcher Jésus-Christ devant le Soudan d’Egypte, au Caire. Il propose aux prêtres mahométans l’épreuve du feu, qu’ils refusent et François comblé d’honneurs revient en Italie.

12. Une brebis dont le saint prenait soin le suivait à l’église, et témoignait par son attitude le désir de s’unir à la prière. Pendant la messe, à l’élévation de l’hostie, elle pliait les genoux et se prosternait.

13. Pendant un long carême au Mont-Alverne, épuisé par la lutte avec le démon, saint François sent ses forces défaillir. Mais un ange lui fait entendre un concert céleste qui le réconforte.

14. Un Séraphin lumineux qui présente aux yeux la figure du Crucifix apparaît à saint François. Pendant cette vision, des traits de feu le frappent aux mains, aux pieds et au côté et impriment dans sa chair les stigmates de la Passion.

15. Se sentant près de sa fin, le saint se fait porter sur un grabat hors du couvent, et du haut de la colline il bénit la ville d’Assise, berceau des trois ordres séraphiques d’où sortiront tant de saints.

16. Epuisé de travaux et de souffrances, l’imitateur fidèle de Jésus-Christ meurt à l’âge de quarante-cinq ans, réconforté par les Sacrements de l’Eglise, laissant à son immense famille pour tout héritage le trésor de la pauvreté volontaire.