Saint Félix de Valois

Fête le 20 novembre

Fondateur des Trinitaires


Légende de la gravure

Les captifs rachetés par les Trinitaires viennent en pèlerinage d’actions de grâces à Cerfroy avec leurs chaînes. Saint Félix et saint Jean de Matha les accompagnent.

(D’après une ancienne fresque du couvent des Mathurins, à Paris, détruit à la Révolution).


Naissance de saint Félix de Valois

Dieu, toujours admirable en ses saints, sait les donner au monde au temps où ils sont les plus nécessaires au bien de la société. Ainsi, lorsque la barbarie regorgeait de pauvres captifs chrétiens, il suscita saint Félix de Valois et saint Jean de Matha pour accomplir une œuvre qui fut certainement l’une des plus belles créations du génie catholique.

Félix de Valois naquit le 9 avril de l’an 1127, dans la ville de Saint-Quentin, pour la plus grande gloire de Dieu et le salut d’un grand nombre.

Ses parents, plus recommandables encore par leurs vertus que par leur race, tenaient rang parmi les plus illustres familles du royaume. Son père, comte de Vermandois et de Valois, était le petit-fils du roi Henri 1er, et sa mère était fille de Thibant III, comte de Champagne et de Blois. Ainsi, Félix, issu par son père d’un sang royal, pouvait légitimement prétendre à la couronne de France. Mais Dieu avait d’autres desseins sur lui.

En effet, au temps où sa mère le portait encore dans son sein, elle eut un songe où le Seigneur lui manifesta les futures destinées de son enfant.

Comme elle s’était endormie au pied d’un autel dédié à saint Hugues de Rouen, elle vit venir à elle la mère de Dieu, tenant son divin Fils dans ses bras, et précédée d’un bel enfant qu’elle ne connaissait pas. Jésus prenant alors la croix qu’il portait sur ses épaules, la donna à son jeune compagnon, et celui-ci lui offrit à son tour, avec beaucoup de grâce, une belle couronne de fleurs qu’il avait dans les mains.

Comme la pieuse princesse cherchait ce que cela pouvait signifier, saint Hugues lui apparut et lui dit de s’estimer heureuse de devenir la mère d’un tel « fils, car le bel enfant qu’elle voyait était le sien. Puis, il ajouta qu’il échangerait un jour les lys de la France pour la croix de Jésus-Christ, mais qu’il la partagerait avec elle, afin de lui permettre de suivre avec lui la voie douloureuse du Calvaire. »

En effet, l’enfant, partageant alors sa croix, en donna la moitié à sa mère, qui se réveilla toute troublée de ce songe.

Enfance de Félix de Valois. – Comment il fait tomber la rosée du ciel.

Peu de temps après la naissance de notre saint, une effroyable disette sévit dans tout le pays du Vermandois, et sema la mort et la désolation dans cette belle contrée.

Le comte, touché de la misère de ses sujets, commanda d’ouvrir les portes de son palais, et de distribuer d’abondantes aumônes à tous ceux qui demanderaient secours. Cependant, les pauvres devinrent si nombreux que les provisions furent bientôt épuisées, et le généreux prince allait se voir exposé lui-même avec sa famille aux atteintes du terrible fléau.

Mais Dieu n’abandonne jamais ceux qui ont recours à lui. Un jour que la nourrice du petit Félix se trouvait à la distribution des vivres, elle eut la pensée de former avec la main du petit prince, le signe de la croix sur le peu de pain qui restait. Alors, chose merveilleuse, ce pain se multiplia de telle sorte qu’on en put distribuer plusieurs jours de suite à tous les pauvres qui se présentaient. Ce que voyant la nourrice, elle lui fit aussi bénir les champs d’alentour, et les nuées du ciel, obéissant à la main de l’enfant, se répandirent aussitôt en douces pluies, et fécondant la terre ramenèrent l’abondance dans tout le pays. Que ne peut l’innocence d’un petit enfant sur le cœur de Dieu !

Saint Félix de Valois chez son oncle Thibaut de Chartres.

– Pourquoi Thibaut refuse son chapeau à un ange du ciel.

Quand il fut en âge de comprendre et de penser, Félix n’eut pas d’abord d’autre école que celle du foyer domestique. Il grandit sous les regards vigilants de ses parents qui lui inspirèrent dès l’âge le plus tendre l’amour et la pratique des vertus chrétiennes.

Ce fut en ce temps-là que le souverain-pontife Innocent II se réfugia en France à cause du schisme de l’antipape Anaclet, et vint demander l’hospitalité au comte Thibaut de Chartres, frère de la comtesse de Valois.

On conçoit la joie de cette pieuse princesse en apprenant cette bonne nouvelle. Elle s’empressa d’accourir se jeter aux pieds du vicaire de Jésus-Christ, qui bénit son petit Félix avec une tendresse toute paternelle. Le grand saint Bernard, qui se trouvait là, fit mieux encore : inspiré sans doute par un ange de Dieu, il le prit dans ses bras et l’offrit à la Très Sainte-Vierge Marie, la suppliant de le prendre désormais sous sa sauvegarde et sa protection.

On comprend les rapides progrès que Félix dut faire dans la vertu sous un si bon patronage.

Il croissait en sagesse et en grâce devant Dieu et devant les hommes.

Docile de caractère, on ne vit jamais enfant plus obéissant à ses parents, plus doux envers ses semblables, et surtout plus charitable à l’égard des pauvres de Jésus-Christ ; car la charité était sa vertu de prédilection.

En cela, du reste, il ne faisait que suivre les nobles exemples de ses parents, mais principalement de son oncle Thibaut qui passait pour le prince le plus magnifique et le plus charitable du royaume.

Les légendes racontent de beaux traits de la charité de Thibaut qui faisait toujours l’aumône le plus gracieusement et le plus joyeusement du monde.

Il aimait d’un amour tout particulier son neveu Félix qu’il avait nommé son grand aumônier, parce qu’il s’acquittait fort bien de cette charge.

Un jour qu’ils se promenaient ensemble pendant un hiver rigoureux, ils rencontrèrent un pauvre presque nu et tout transit de froid, qui leur demanda l’aumône pour l’amour de Dieu. Le bon Thibaut, tout aussitôt touché de compassion, lui demanda ce qu’il voulait :

- Votre manteau, répondit le mendiant.

- Volontiers, répartit le prince, le voici ! que veux-tu encore ?

- Vos bagues, sire comte, sont bien belles !

- Tiens, les voilà ; désires-tu autre chose ?

- Hélas ! lui fut-il répondu, vous êtes riche, moi, je suis pauvre, votre collier de chevalier ferait bien mon affaire.

- C’est juste, dit encore le comte sans se troubler, prends aussi mes gants, je te les donne de bon cœur ; est-ce tout ?

- Non, monseigneur, répéta pour la troisième fois le mendiant, je voudrais aussi votre chapeau.

- Oh ! pour cela, répondit Thibaut en riant, n’y pense plus, car si je te donnais mon chapeau, on verrait que je suis chauve, et l’on se moquerait de moi.

- Alors le pauvre disparut, dit la légende, laissant à terre manteau, bagues, gants et collier ; et le bon Thibaut, tout joyeux d’avoir donné l’aumône à un ange du ciel, fit vœu avec Félix, son neveu, de ne jamais la refuser à qui la lui demanderait pour l’amour de Dieu.

En quelle circonstance Félix de Valois et son oncle Thibaut secourent un lépreux.

On raconte qu’en s’en allant un jour visiter saint Bernard à Clairvaux, Félix de Valois et son oncle Thibaut rencontrèrent en chemin un pauvre lépreux. Aussitôt le saint jeune homme descendit de cheval, et se mit en devoir de consoler cet infortuné par de douces paroles. Le comte Thibaut fut tout honteux de s’être laissé prévenir ; néanmoins il se hâta de venir en aide à son neveu. Alors prenant tous deux le lépreux dans leurs bras, ils le transportèrent dans une maison voisine où ils veillèrent à sa subsistance et vinrent souvent le visiter.

Cependant, le lépreux mourut et le comte Thibaut était absent.

Lorsqu’il revint, comme il ne savait rien de ce qui s’était passé, il alla pour visiter, selon sa coutume, le pauvre lépreux. Mais quel fut son étonnement de le trouver parfaitement guéri et si resplendissant de lumière qu’il en fut ébloui !

- N’êtes-vous pas le lépreux ? dit-il.

- « Oui, c’est bien moi le lépreux que vous cherchez, lui fut-il répondu ; je viens maintenant vous remercier de vos bienfaits. Pour moi, comte Thibaut, vous êtes descendu de cheval avec votre neveu, pour vous je descends des cieux où je jouis maintenant du bonheur éternel. Merci pour votre charité ; je vous aiderai là-haut de mes prières. »

En disant ces paroles, le lépreux s’en retourna au ciel, et le comte Thibaut renouvela sa promesse de toujours secourir son prochain.

Tel était le prince généreux auprès duquel notre saint acquit un si tendre amour pour les membres souffrants de Jésus-Christ.

Félix de Valois part pour Clairvaux

Le jour arriva où le comte de Vermandois se vit obligé de se séparer de son cher fils. Tout ce que l’on pouvait apprendre dans la maison paternelle, Félix le savait, mais ce n’était pas suffisant pour un jeune homme de son rang. Du moins son père voulut se donner la satisfaction de le placer sous la direction d’un maître aussi savant que saint, il l’envoya à Clairvaux où les princes du royaume envoyaient leurs enfants.

Nous connaissons déjà suffisamment notre saint pour nous faire une idée des merveilles de sainteté qu’il dut accomplir sous la direction de saint Bernard. Non seulement il surpassa tous les jeunes compagnons de son âge en toutes sortes de perfections, mais il leur fut proposé par leur maître comme modèle sur lequel ils devaient se régler dans toutes leurs actions. Toutefois à Clairvaux, comme à la maison de son père et de son oncle Thibaut, la charité envers le prochain était toujours la vertu la plus chère à son cœur.

Un jour qu’il se trouvait à Chartres, avec son maître saint Bernard, il rencontra par les rues de la ville un grand criminel que l’on conduisait au supplice. Touché de compassion, le jeune homme supplia son oncle de lui faire grâce de la vie. Mais Thibaut, aussi juste aux méchants qu’il était charitable aux bons, refusa, parce que, disait-il, cet homme était un danger continuel pour la contrée. Félix néanmoins ne se tint pas pour battu : « Je ne sais, dit-il de nouveau, quels crimes il a pu commettre, mais ce que je sais, c’est que si vous lui donnez la vie, il deviendra un grand serviteur de Dieu. »

Thibaut connaissait trop la vertu de son neveu pour ne pas ajouter foi à ses paroles ; il pardonna donc au coupable qui prit bientôt l’habit au monastère de Clairvaux, et mourut quelques années après en odeur de sainteté.

Saint Félix de Valois à la cour de France

Il part pour la croisade

La vie de l’homme est ainsi faite, qu’à peine s’attache-t-il à quelque chose, qu’il la faut aussitôt quitter. Il faut que sur la terre il poursuive son chemin, il peut cueillir une fleur en passant, mais ne peut s’arrêter qu’il n’ait atteint le but que Dieu lui a montré.

Pour saint Félix de Valois, il lui fallut échanger sa solitude de Clairvaux pour le séjour dangereux de la cour. Son père le voulait ainsi, car le roi l’avait réclamé, et le comte de Valois ne pouvait refuser son fils au roi son proche parent.

Notre saint ne démentit pas un seul instant la réputation qui l’avait précédé à Paris. Modèle des bons fils, et des bons disciples, il devint le parfait modèle du bon chevalier chrétien. Il s’acquit par ses vertus l’affection du monarque et la vénération des grands du royaume. Il était à la cour comme un ange envoyé du ciel ; et Dieu se plaisait à manifester sa sainteté par d’éclatant miracles, chacun l’aimait et voulait le voir.

On raconte, que dans un brillant tournoi donné par le roi aux princes, ducs et barons de son royaume, un noble chevalier tomba malheureusement de cheval et se tua sur le coup.

Félix fut touché des cris et des sanglots de cette noble assemblée, c’est pourquoi il demanda au Seigneur de vouloir bien faire un miracle, ce qu’il obtint aussitôt, tant il est vrai que la foi est toute puissante auprès de Dieu. En effet, prenant le cadavre par la main, il lui commanda de se relever au nom de la Sainte Trinité. Alors celui qui était mort revint à la vie, et se précipita aux pieds de son libérateur louant et bénissant Dieu.

Quand saint Bernard prêcha la croisade quelque temps après, Félix de Valois ne fut pas le dernier, comme on doit bien le penser, à prendre la croix. Il accompagna partout le roi, et lui si humble et si doux aux pauvres, se rendit terrible aux mécréants. Toutefois, s’il était preux chevalier sur le champ de bataille, de retour au camp il menait la vie austère de Clairvaux ; joignant ainsi, disent les légendes, au courage militaire la modestie et la retenue d’un religieux.

Après la malheureuse issue de la croisade, Félix de Valois revint à Paris, non sans avoir donné des preuves éclatantes de sa valeur, mais surtout de sa sainteté.

Comment Félix de Valois préfère le désert à la cour du roi de France.

Il faut le dire cependant, les grandeurs et les richesses de la terre étaient insuffisantes à contenter un cœur tel que le sien. Vint donc le jour où foulant aux pieds toutes les dignités et les honneurs du monde, il échangea la couronne de France pour la croix de Jésus-Christ ; et sans même jeter un regard sur le brillant avenir auquel il renonçait pour toujours il se retira dans le désert ne respirant que l’amour de Dieu, ne voulant que lui seul pour tout héritage.

Dans la solitude, Félix sentit son esprit s’illuminer d’une foi nouvelle, et son cœur s’embraser d’un amour plus vaillant et plus fort ; mais aussi qui pourrait raconter les luttes mémorables qu’il eut à soutenir. Le démon ne pouvant supporter plus longtemps l’éclat de ses vertus lui livra une terrible guerre, mais le fidèle champion de Dieu savait combattre les bons combats ; il redoublait d’austérité, mortifiait sa chair par les plus cruelles macérations, répandait ses larmes et ses prières devant le Seigneur.

Une misérable grotte remplaçait le magnifique palais de son père. Un âpre cilice tenait lieu de vêtements précieux d’autrefois, et lui qui mangeait naguère à la table du roi de France se nourrissait maintenant d’herbes amères.

Saint Félix de Valois renouvela dans son désert les merveilles de saint Antoine et de saint Hilarion, aussi Dieu voulut-il lui accorder les mêmes faveurs qu’à ces grands solitaires. Un corbeau lui apportait tous les dimanches de sa part, un pain du ciel.

Rencontre de Félix et de Jean de Matha.

Saint Félix de Valois vivait depuis quarante ans déjà dans un désert au diocèse de Meaux, lorsque Dieu lui envoya saint Jean de Matha, docteur de l’Université de Paris et dont il voulait faire son compagnon. Ils ne s’étaient jamais vus, ils ne se connaissaient que de réputation, néanmoins ils allèrent au-devant l’un de l’autre, s’embrassèrent avec effusion en s’appelant par leur propre nom.

Dieu seul sait ce qu’il se passa entre ces deux âmes d’élite. Ils se communiquèrent leurs pensées mutuelles. Saint Jean de Matha disait que Dieu ne l’avait conduit dans ce désert que pour s’instruire auprès d’un maître aussi sage et aussi expérimenté que Félix. Félix prétendait à son tour que Dieu ne lui avait envoyé un docteur consumé en science et en piété que pour en recevoir des leçons. Tous deux bénissaient le Seigneur de cette heureuse destinée.

Le cerf miraculeux – Départ pour Rome

Un jour que nos deux saints solitaires s’entretenaient de Dieu et du paradis sur les bords d’une claire fontaine, ils virent venir se désaltérer à l’eau de la source un cerf blanc qui portait sur le front une croix bleue et rouge.

Comme saint Félix cherchait à expliquer ce mystère, saint Jean de Matha lui révéla que Dieu lui avait déjà manifesté sa volonté par un prodige analogue, et qu’il les conviait tous deux à fonder un ordre nouveau pour la rédemption des captifs chrétiens.

Un nombre incalculable de ces malheureux mouraient en Barbarie dans des tortures atroces. On les vendait comme des bêtes de somme sur le marché public. On les faisait travailler tout le jour, exposés presque nus aux ardeurs du soleil d’Afrique. Et, lorsqu’épuisés par les coups d’un maître impitoyable, ils ne voulaient point renier leur nom de chrétien, on les pendait, on leur arrachait les entrailles, on les brûlait vifs, ou encore on les enferrait par le ventre ou les épaules à des crocs fixés aux murs.

Au récit de ces souffrances inouïes, saint Félix de Valois sentit son cœur s’enflammer d’un immense désir de délivrer ces pauvres captifs, ou du moins de soulager leur martyre. C’était ce que voulait saint Jean de Matha, ou plutôt ce que Dieu lui avait ordonné d’accomplir.

Tandis qu’ils réfléchissaient tous deux sur ce sujet, ils reçurent l’un et l’autre en songe par trois fois répété de se rendre auprès du Souverain-Pontife ; ils quittèrent donc sans hésiter leur grotte bien aimée et s’acheminèrent un bâton à la main vers la ville éternelle.

Le saint pape Innocent III fut miraculeusement averti de leur arrivée, un ange vêtu de blanc avec une croix bleue et rouge lui était apparu pendant son sommeil, tenant ses mains croisées sur la tête de deux captifs. Il reçut donc nos saints voyageurs comme des envoyés du Seigneur.

Inspiré de Dieu, il approuva tous leurs projets, les revêtit de l’habit que lui-même avait vu à l’ange, et les bénissant tendrement, il les envoya accomplir au nom du Seigneur leur sublime mission.

Félix de Valois au monastère de Cerfroy

Après leur retour en France, saint Félix de Valois et saint Jean de Matha vécurent encore quelque temps ensemble, puis il fallut se séparer pour ne plus se revoir sur la terre.

Saint Jean de Matha retourna à Rome pour y établir une maison de l’ordre. Saint Félix de Valois fut chargé du monastère de Cerfroy, bâti sur l’emplacement même où le cerf miraculeux était apparu.

D’illustres et nombreux disciples, sortis la plupart de l’Université de Paris, tels Jean l’Anglais et Bérenger le Lépreux, vinrent bientôt se ranger sous la houlette du saint vieillard. Plein d’une sollicitude toute paternelle, il leur communiqua l’amour, le zèle, les ardeurs dont il était lui-même embrasé, et prêchant plus encore par ses exemples, il les conduisit insensiblement à mener à Cerfroy une vie toute céleste. Dès lors il ne faut plus s’étonner si la mère de Dieu et les anges du ciel aimaient à leur venir tenir compagnie.

En effet, une nuit, qui était celle de la Nativité de la Sainte-Vierge, le sacristain du monastère avait oublié de sonner les matines. Saint Félix descendit néanmoins au chœur où il le trouva tout environné d’éclatantes lumières. Quel ne fut pas son étonnement, lorsqu’il vit toutes les stalles occupées par des anges revêtus de l’habit de l’ordre, en compagnie de la Vierge-Marie qui les présidait.

Or, dès qu’il fut entré, la mère de Dieu entonna l’antienne des Matines que les esprits bienheureux continuèrent dans une douce et suave harmonie.

Quant à lui ne sachant plus s’il était sur la terre ou dans le paradis, il s’unit au chœur des anges pour chanter les louanges de Dieu. En mémoire de cette faveur, les Trinitaires ont le privilège de célébrer la messe à minuit le jour de la Nativité de Notre-Dame.

Toutefois, saint Félix de Valois n’exerça pas uniquement son zèle pour la gloire de Dieu et l’amour du prochain dans son monastère de Cerfroy. Il fonda en France plusieurs maisons de son ordre, et ne pouvant aller racheter lui-même les captifs à cause des infirmités de sa vieillesse, il y envoya ses chers disciples. Ainsi, il eut par eux la consolation de rendre à leur patrie et à leur famille un grand nombre de ces malheureux.

Mort de saint Félix de Valois

Le temps était proche où ce vaillant serviteur de Dieu allait recevoir la couronne du ciel pour prix de ses travaux et de ses bons combats.

Il apprit cette bienheureuse nouvelle par une révélation céleste, et son âme en fut tout inondée de joie. Epuisé par l’âge, par les labeurs de l’Apostolat, par les austérités de la pénitence, il tomba malade. La mort n’était pas loin ; il avait peine à penser à ses enfants qu’il allait laisser orphelins ; toutefois, sa peine fut de courte durée, car la Vierge-Marie lui apparut et lui promit de leur servir désormais de mère.

Dès lors, le saint vieillard n’avait plus rien à faire ici-bas. Dans un transport d’amour, il s’écria : « O bienheureux le jour où j’ai quitté la cour pour le désert. Bienheureuses les larmes que j’ai versées et les austérités dont j’ai affligées mon corps ; elles me conduisent aujourd’hui à la bienheureuse éternité… » Puis, prenant son crucifix, il le pressa une dernière fois sur ses lèvres, et rendit doucement son âme à Dieu le 4 novembre 1212. Il avait alors quatre-vingt-cinq ans.

Dans le même instant, les cloches du monastère sonnèrent d’elles-mêmes, et le bienheureux Félix, tout rayonnant de gloire, apparut à saint Jean de Matha, qui était à Rome.