Sainte Euphrasie

Fête le 13 mars

Cinquième siècle


Légende de la gravure

A l’âge de douze ans, sainte Euphrasie est conduite par sa mère devant les saints autels et consacrée à Dieu.


Naissance de la sainte

Sous le règne de l’empereur Théodose le Jeune, on remarquait à la cour de Constantinople un sénateur de haute naissance nommé Antigone, connu de tous par sa bonté et sa libéralité envers les pauvres. Son épouse Euphrasie, comme lui de sang royal, se distinguait par sa piété, une douceur et une simplicité bien rares chez les grands. Tous deux se rendirent agréables à Dieu par leurs bonnes œuvres et pour prix de leur fidélité, le ciel leur accorda une fille qui devint la Sainte dont nous rapportons ici la vie.

Quelques jours après la naissance de l’enfant, les deux époux cédant aux sollicitations de la grâce, résolurent de fuir les plaisirs du monde et de vivre de la vie des anges. Mais après une année passée dans la continence, Antigone mourut. L’empereur pleura un parent et un ami dévoué, la cour un conseiller fidèle et les pauvres un père véritable.

Premières années d’Euphrasie

L’étroite affection de l’empereur pour Antigone se reporta sur sa veuve qui fut entourée d’honneurs, et sur sa fille qu’il fiança dès l’âge de cinq ans à un jeune sénateur. Ce dernier toutefois, jetant les yeux sur la mère, conçut un vif désir de l’épouser. Il fit part de son projet à l’impératrice qui se chargea de le réaliser ; mais la veuve d’Antigone, fidèle à son vœu, refusa énergiquement la main qui lui était offerte, et, pour couper court à tout embarras, elle se retira en Egypte avec sa fille, dans les domaines de son mari.

Durant son voyage, elle fit d’abondantes aumônes aux monastères pauvres et aux indigents et demandait en retour des prières pour l’âme de son mari et pour sa fille.

Or il arriva que dans une ville de Thébaïde, Euphrasie rencontra un monastère de femmes, alors très en renom. Les religieuses y étaient au nombre de cent trente environ. Leur nourriture se composait de légumes cuits à l’eau ; elles ne faisaient jamais usage de vin, ni d’huile ni de fruits. Leur jeûne était continuel, elles ne faisaient qu’un repas, après le coucher du soleil, quelques-unes même jeûnaient deux et trois jours entiers. L’abbesse, pour vaincre de terribles tentations était restée une fois durant l’espace de quarante jours sans prendre aucune nourriture.

Un tel centre de piété fit les délices de la fervente Euphrasie qui fixa sa demeure à peu de distance de là. Ses visites y étaient fréquentes, elle aimait à s’y entretenir des douceurs de la vie contemplative et s’appliquait surtout à faire profiter sa fille de ses pieux entretiens pour mieux former son cœur à la pratique et à l’amour de la vertu.

Un jour l’abbesse du couvent eut avec la jeune Euphrasie une curieuse conversation :

- Euphrasie aimez-vous ce couvent et aimez-vous les religieuses ?

- Certainement, madame, je les aime de tout mon cœur.

- Si vous nous aimez, il faut demeurer avec nous et revêtir notre habit.

- Si je ne craignais point de contrarier ma bonne mère, répondit l’enfant, je ne sortirais jamais de ce lieu.

- Nous aimez-vous plus que l’époux qui vous est destiné ?

- Je ne le connais point cet époux, répondit naïvement Euphrasie, mais vous, je vous connais et je vous aime. Et vous, m’aimez-vous aussi ?

- Nous vous aimons tendrement, mon enfant, et nous aimons aussi Jésus-Christ.

- Je vous aime beaucoup, et aussi Jésus-Christ de tout mon cœur.

La mère écoutait en silence ce singulier entretien, elle remerciait Dieu à l’intérieur de son cœur, d’avoir placé de telles paroles sur les lèvres de son enfant ; puis comme le jour commençait à baisser, elle interrompit l’entretien en disant :

- Retirons-nous, mon enfant, car il est tard.

- Ma mère, je veux rester ici, répondit vivement Euphrasie.

- Cela est impossible, lui dit alors l’abbesse car personne ne peut rester ici sans se consacrer entièrement au service de Jésus-Christ !

- Où est Jésus-Christ ?

L’abbesse lui mit alors entre les mains l’image du divin crucifié, et l’enfant la baisant avec transport s’écria d’une voix ferme : « Je me consacre entièrement à Jésus-Christ et je veux tout quitter pour le suivre. »

La nuit commençait à venir, la mère insistait toujours, mais ni ses paroles ni celles de l’Abbesse ne purent la fléchir.

- Vous ne pouvez pas rester ici aujourd’hui, lui dit alors gravement l’Abbesse, car il n’y a point de place ici pour vous recevoir.

- Où vous resterez, répondit doucement l’enfant, je resterai aussi.

Rien ne put ébranler cette volonté affermie en un instant par la grâce de Jésus-Christ, la mère dut s’éloigner seule.

Plusieurs jours s’écoulèrent ainsi, Euphrasie persistait dans son pieux dessein.

- Si vous voulez devenir religieuse, lui dit une dernière fois l’abbesse devant sa mère qui la venait visiter chaque jour, vous devez étudier, travailler, apprendre de mémoire tout le psautier et jeûner tous les jours.

- Rien de tout cela ne m’effraye ; je ne vous demande qu’une faveur, celle de m’admettre au milieu de vous.

Reconnaissant alors que sa fille obéissait à l’appel de Dieu, la mère la conduisit devant l’image de Jésus crucifié et, d’une voix entrecoupée de sanglots, elle s’écria : « Seigneur Jésus ! recevez vous-même cette enfant ! elle ne désire que vous, elle ne cherche que vous, soyez donc son unique récompense. Et toi, ma fille, que Celui qui a créé les montagnes inébranlables sur leur base, te confirme dans la crainte de son nom ! »

Puis, remettant sa fille aux mains de l’abbesse, la pieuse mère se retira en versant des larmes, mais le cœur inondé de la joie que Jésus-Christ se plaît à répandre dans les âmes de ceux qui savent s’imposer de généreux sacrifices. Elle fit de grandes aumônes aux pauvres pour attirer les bénédictions du ciel sur les résolutions de sa fille. Peu de jours après, la jeune postulante recevait des mains de l’abbesse la robe grossière de religieuse.

Vertus religieuses de sainte Euphrasie

Ses combats

Un coup bien sensible allait l’éprouver ; sa mère quitta cette terre et Euphrasie restait orpheline à douze ans. Malgré son jeune âge, elle supporta avec une résignation parfaite cette nouvelle épreuve, ne soupirant désormais plus qu’après l’heureux moment où elle pourrait rejoindre sa mère. Mais dès que Théodose apprit la mort de l’épouse d’Antigone, il envoya des lettres à la jeune Euphrasie pour la prier de venir à la cour épouser le sénateur, son fiancé. La jeune vierge lui fit cette belle réponse : « Vous ne me persuaderez pas, ô empereur, de répudier le Christ Dieu éternel pour m’attacher à un époux mortel dont le corps doit dans peu d’années devenir la nourriture des vers. Ce qui est plein de beauté aujourd’hui ne sera que cendre demain. N’insistez pas, ô empereur, ma résolution est inébranlable, distribuez mes biens aux pauvres et souvenez-vous devant Dieu d’Antigone, de son épouse et de sa fille. »

Dès lors, Euphrasie embrassa avec ardeur la vie religieuse. Malgré son jeune âge et sa faible complexion, on la voyait toujours la première aux travaux matériels et elle choisissait de préférence ceux qui paraissaient l’humilier davantage. Pleine de zèle pour l’observance de la règle, elle devint en peu de temps un modèle de régularité et un sujet d’édification pour tout le couvent. Le jeûne qui effraye tant d’âmes dans le monde, n’était rien pour elle ; souvent elle demeurait deux ou trois jours sans manger et sans cesser de remplir tous ses emplois, ni d’assister au chant de l’office. Elle domptait ainsi son corps pour dégager davantage l’esprit et lui permettre de s’élever dans les hauteurs de la contemplation.

Le démon qui ne pouvait souffrir tant de piété ne tarda pas à livrer à la jeune religieuse de redoutables assauts. Mais la vertu était si grande dans cette âme d’élite et son obéissance si parfaite que l’esprit malin ne put rien contre elle. Euphrasie révéla tout à l’abbesse et l’esprit de ténèbres qui ne redoute rien tant que l’aveu sincère des tentations à une personne éclairée, se retira honteusement. Néanmoins, pour mieux en triompher à l’avenir, la sainte ajouta un jour de jeûne aux trois qu’elle pratiquait déjà.

Pour éprouver son obéissance, l’abbesse commanda un jour à Euphrasie de transporter d’un endroit du jardin à l’autre d’énormes pierres que deux sœurs ensemble pouvaient à peine mouvoir. Tout autre aurait hésité devant un tel ordre aussi étrange, mais Euphrasie obéit sur-le-champ. L’abbesse a parlé ; c’est assez, elle saisit les pierres les unes après les autres et les transporte sans difficulté au lieu indiqué.

Le lendemain, elle dut les reporter à leur première place. Pendant trente jours, on l’employa au même travail sans qu’on pût apercevoir sur son visage une seule marque de mécontentement ou d’impatience.

Elle était unie à Dieu par une oraison continuelle, et le démon ne pouvant triompher d’elle pendant le jour, résolut de l’attaquer pendant son sommeil. Il lui apparut sous la figure du sénateur qu’elle devait épouser, à la tête de nombreux soldats qui venaient l’arracher à sa retraite. Elle poussa un cri, s’éveilla au même instant, et commença aussitôt à faire oraison jusqu’au matin. L’esprit malin revint à plusieurs reprises, mais la jeune vierge usa du remède si puissant et si commun de tout avouer à l’abbesse qui l’encouragea par des conseils salutaires et lui permit sur sa demande de jeûner huit jours entiers. La courageuse vierge observa fidèlement ce jeûne rigoureux sans rien omettre de ses emplois journaliers. Les religieuses n’avaient que des paroles d’admiration pour la plus jeune de leurs sœurs ; son existence était un miracle perpétuel, car malgré son austérité et ses nombreuses charges, elle n’était jamais malade ; son teint ne perdit pas de sa beauté ni de sa fraîcheur quoique pendant un an, au dire de quelques religieuses qui assurèrent l’avoir rigoureusement observée, elle ne se fût jamais assise, pas même pour prendre ses repas et qu’elle n’ait jamais goûter d’autre repos que les courtes heures qu’elle passait la nuit, couchée sur la terre.

Néanmoins le démon ne se lassait point de la tourmenter. Il vint troubler de nouveau son sommeil en lui représentant les vanités et les plaisirs du siècle. Mais Jésus-Christ veillait sur son épouse fidèle. Euphrasie quittant aussitôt sa couche, sort du couvent, va faire son oraison en plein air malgré le froid de la nuit, et levant les mains au ciel, elle implore avec larmes le secours du Tout Puissant. Depuis dix jours déjà elle était plongée dans la prière quand les sœurs touchées de compassion demandèrent à l’abbesse de l’en retirer, mais celle-ci défendit de la déranger. Trente jours s’écoulèrent ainsi et la courageuse vierge poursuivait sa prière sans prendre ni nourriture ni repos. Enfin le quarante-cinquième jour, épuisée de fatigue, elle tombe sur le sol privée de connaissance. On la porte au couvent, mais à ses membres raidis on aurait cru porter un cadavre. L’abbesse se présenta à elle et faisant le signe de la croix, elle lui dit en lui donnant un peu de bouillon chaud : «  Au nom de Jésus-Christ, Euphrasie, prenez cette nourriture. »

Euphrasie reprenant aussitôt connaissance but ce qu’on lui offrit et ne tarda pas à recouvrer toutes ses forces.

Satan veut lui ôter la vie

De plus en plus irrité, Satan essaya de lui ôter la vie. Un jour que la sainte puisait de l’eau pour les besoins de la cuisine, et que, comme de coutume, elle faisait oraison, l’esprit malin la saisit avec violence et la précipita au fond du puits, la tête en bas. Dès qu’elle se sentit tomber, la servante du Christ s’écria : « O Christ, venez à mon aide. » A ce cri, les religieuses accoururent en toute hâte et la retirèrent à grand peine du gouffre.

Sitôt qu’elle fut hors de danger, la sainte fit le signe de la croix : « Vive Jésus-Christ, s’écria-t-elle toute joyeuse, tu ne me vaincra pas, Satan, et je ne céderai point. » Et sans perdre un instant, elle saisit ses deux vases pleins d’eau et s’élance vers la cuisine.

Une autre fois le démon la jeta du haut d’une tour très élevée mais la sainte ne se fit aucun mal. Dès qu’elle fut à terre, elle courut au-devant des sœurs qui pensaient ne relever que son cadavre et déclara à l’abbesse qu’elle ne s’était pas aperçue qu’elle tombait. Celle-ci considérant de quelle hauteur elle était tombée regarda ce prodige comme la plus grande marque de la protection de Dieu sur la sainte, et ordonna de suite des prières et actions de grâces.

Vaincu tant de fois, Satan essaya une dernière tentative. Euphrasie faisait cuire les légumes pour le repas des sœurs. L’esprit du mal profita du moment où elle transportait une marmite pleine d’eau bouillante pour la faire tomber et lui renverser ainsi une grande quantité d’eau sur le visage. Les sœurs témoins du malheur ne purent retenir un cri d’effroi et se regardèrent consternées, mais quelle ne fut pas leur surprise quand elles virent Euphrasie se relever en sursaut, et la face radieuse. Euphrasie voyant leur étonnement leur dit : « Pourquoi mes sœurs, êtes-vous ainsi troublées ? » Celles-ci ne surent que répondre, mais regardant une seconde fois l’eau contenue dans la marmite et voyant que le peu qu’elle contenait bouillait encore, elles s’écrièrent avec admiration : « Dieu protège Euphrasie, que son nom soit béni ! » La sainte leur dit alors qu’elle n’avait pas senti autre chose que de l’eau froide qui lui tombait sur le visage.

Cet échec vint terminer la longue série de ceux que le prince des ténèbres avait subis dans ses luttes contre la sainte. Dieu avait éprouvé sa servante et il témoigna qu’elle était agréable à son cœur en accomplissant par elle plusieurs prodiges éclatants.

Miracles de la sainte. – Un enfant guéri. – Le démon chassé

C’était la coutume dans la contrée de porter au monastère tous les enfants malades ou infirmes pour obtenir leur guérison. Les religieuses les portaient à l’oratoire et adressaient pour eux de ferventes prières qui souvent leur procuraient la santé. On apporta un jour un petit enfant, à la fois sourd-muet et paralytique. L’abbesse commanda à Euphrasie d’aller le recevoir des mains de la mère. La sainte obéit aussitôt ; mais dès qu’elle vit dans ses bras une créature si chétive, elle fut touchée de compassion et lui faisant le signe de la croix sur le front, elle dit : « Que celui qui t’a créé te guérisse. » Et elle le porta à l’abbesse. Durant le trajet l’enfant poussa quelques cris, puis se débattit si fort que la sainte dut le mettre à terre, mais à peine fut-il en liberté qu’il partit en courant rejoindre sa mère. On rapporta le fait à l’abbesse qui, faisant appeler la mère :

- Pourquoi ma sœur, avez-vous voulu nous tenter.

- Par Jésus-Christ, répondit cette femme, je n’ai jamais eu pareille intention, et je vous jure que jamais mon enfant n’a parlé, ni entendu, ni marché.

L’abbesse connut alors que Dieu glorifiait son humble servante. La mère se retira joyeuse en remerciant Dieu, et Euphrasie retourna humblement à ses occupations.

Or, il y avait dans le couvent une femme possédée du démon dès son enfance. Ses parents ne sachant qu’en faire la confièrent aux religieuses qui étaient obligées de la tenir constamment enchaînée. A certains moments, elle grinçait des dents, écumait de la bouche et poussait des hurlements affreux. On lui donnait à manger au moyen d’un bâton au bout duquel était placé un pot contenant sa nourriture. Longtemps on avait prié pour sa délivrance sans jamais rien obtenir. Connaissant la sainteté d’Euphrasie, l’Abbesse lui confie le soin de cette malheureuse et la prie un jour de porter à manger à cette femme, si toute fois elle ne la craignait point. – « Je ne crains rien, dit la Sainte, puisque vous me le commandez ». Et prenant aussitôt quelques légumes, elle se présenta devant la possédée qui cria, grinça des dents et s’élançant sur la sainte voulut briser le vase qu’elle portait ; mais Euphrasie lui prenant aussitôt les mains lui dit d’une voix ferme : « Vivement Dieu et ses anges ; si tu te révoltes je t’étends à terre et je te flagelle durement. » Le démon s’apaisa : « Asseyez-vous ma sœur, dit alors la sainte, ne vous tourmentez point et manger. »

Dès ce jour la possédée fut plus douce et si parfois le démon reprenait son empire, la seule présence d’Euphrasie suffisait à le mettre en fuite.

La sainte pria beaucoup pour cette malheureuse créature, et l’Abbesse voyant quel était son empire sur le démon, et avec quelle charité elle s’acquittait de sa pénible fonction, après avoir consulté les religieuses les plus expérimentées du couvent, commanda à Euphrasie de chasser l’esprit infernal.

- Je sais, lui dit l’Abbesse, que le Christ vous a donné ce pouvoir, ne vous effrayez donc point et marchez sans crainte contre le démon.

- Quoi, répondit humblement la sainte qui ne revenait point de sa surprise, vos prières ont été impuissantes jusqu’ici et vous voulez que je fasse cela ! »

Euphrasie se retire sur-le-champ à l’oratoire, et se prosternant devant l’autel le front contre terre, elle implore avec larmes le secours du ciel pour accomplir la mission qui lui était confiée. Elle se releva toute réconfortée et sur un signe de l’Abbesse elle alla droit au démon. La sainte fit d’abord un signe de croix sur le front de la malheureuse en disant : « Que Jésus-Christ Notre-Seigneur qui t'a créée te guérisse. »

- O folie et témérité, répondit le démon, depuis si longtemps que je suis en ce lieu personne n’a pu m’en chasser et c’est une luxurieuse qui veut le faire aujourd’hui !

- Ce n’est point moi qui te chasse, mais c’est le Christ, ton Dieu !

- Tu n’as point le pouvoir de me chasser, je ne partirai point.

- Obéis au Christ ! dit avec fermeté la sainte en levant une verge sur la tête de la possédée, ou je te flagelle violemment !

- Si je m’en vais où irai-je ?

- Au feu éternel préparé à ton père Satan et à ceux qui t’écoutent !

Le démon commença à se débattre violemment, les cris recommencèrent, et la malheureuse se tordit en écumant. Les sœurs priaient avec ferveur. Euphrasie levant les mains au ciel s’écria : « Seigneur Jésus, n’humiliez point votre servante à cette heure, et terrassez l’ennemi du genre humain ! » Jésus entendit cette prière et le démon, infligeant les dernières tortures à la malheureuse, la traîne à terre et s’enfuit en faisant un bruit infernal. On se rendit de suite à l’oratoire pour remercier Dieu d’un aussi grand bienfait ; quant à Euphrasie, elle augmenta ses jeûnes et ses mortifications pour se rendre digne de la faveur que Dieu lui avait faite.

Mort de la sainte

Quelques années après ces événements, l’Abbesse connut par une vision le jour de la mort d’Euphrasie et la gloire que Jésus lui réservait dans l’éternité. Elle en avertit la sainte qui fondit en larmes en apprenant que son jugement était si proche et supplia l’Abbesse de demander à Dieu de lui accorder un an de vie pour faire pénitence de ses fautes. Mais ce fruit était mûr pour le ciel, et l’épouse avait été jugée digne du lit nuptial. Elle fut tout à coup saisie d’une fièvre violente et en peu de temps on vit qu’il n’y avait plus d’espoir.

Les sœurs entouraient son lit en pleurant ; celle qui avait été délivrée du démon veut lui embrasser les mains, et une sœur qui avait toujours été sa compagne et son amie lui demande à ce moment suprême de ne la point laisser longtemps séparée d’elle. Elle la suivit en effet au ciel trois jours après. La sainte recouvra sa connaissance pour demander pardon aux sœurs des peines involontaires qu’elle leur avait causées, se recommanda encore à leurs prières, puis son âme alla recevoir dans le ciel la récompense qu’elle avait méritée. C’était en l’an 412, sous le pontificat de saint Innocent 1er.