Sainte Eulalie

Fête le 10 décembre

Vierge et martyre


Eulalie vierge chrétienne

Sainte Eulalie, noble par sa naissance, plus noble encore par son courageux trépas, naquit à Mérida, où ses reliques furent longtemps vénérées. Son père s’appelait Libère : c’était un chrétien fervent. Voulant par dessus tout élever sa fille dans la pratique de la vertu, il confia son éducation à un prêtre nommé Donat.

Dès ses plus tendres années, Eulalie montra un vif attrait pour la virginité, et résolut de n’avoir jamais d’autre époux que Notre-Seigneur. Elle dédaignait, nous dit le poète Prudence, qui a chanté sa vie et son martyre dans un délicieux cantique, les parfums, les roses, les brillantes parures. Son visage portait l’empreinte de sa précoce gravité, sa démarche était modeste, et dans ses manières enfantines on trouvait cette sagesse que la vieillesse seule peut donner.

Son désir du martyre

Eulalie avait atteint sa douzième année, lorsqu’un juge impie, envoyé par l’empereur Maximien, arriva à Mérida : c’était un ennemi acharné du nom chrétien. Bientôt, en effet, sa fureur éclata contre les serviteurs du Christ : il fit publier un édit portant qu’ils devaient tous se présenter à un sacrifice solennel, célébré en l’honneur des dieux, et brûler un sacrilège encens avec le foie des victimes.

A cette nouvelle, la jeune Eulalie frémit d’une sainte ardeur et se prépare à repousser un tel assaut, car l’amour dont elle est animée par son divin époux la sollicite à braver le glaive des tyrans. Mais sa mère, qui connaissait sa soif du martyre, l’envoya avec Julie, sa sœur, dans une terre située à dix lieues de la ville, et retint la vierge généreuse dans le secret de la maison.

Eulalie ne resta pas longtemps dans cette retraite. Impatiente de confesser le nom de Jésus et de verser pour lui jusqu’à la dernière goutte de son sang, elle sort au milieu de la nuit et, sans autre compagne que Julie, se dirige vers Mérida. Elle vole plutôt qu’elle ne marche à travers des sentiers à peine frayés, couverts de ronces et d’épines. Sa sœur ne peut la suivre dans sa course rapide : « Eulalie, lui dit-elle, vous avez beau vous hâter, c’est moi qui mourrai la première. » L’événement justifia cette prophétie.

Eulalie au tribunal de Calphurnien

A l’aurore notre Sainte entrait dans la ville. Aussitôt elle se rend au tribunal de Calphurnien, et vient se placer au milieu des faisceaux :

« Quelle fureur vous anime ? s’écria-t-elle alors. Vous perdez vos âmes en les abaissant devant des pierres taillées par le ciseau ! Vous niez le Dieu, père de tous les hommes. Malheureux ! vous cherchez les chrétiens : eh bien ! je suis ennemie du culte des démons, je foule vos idoles sous mes pieds, de mon cœur et de ma bouche je confesse le vrai Dieu.

Isis, Apollon, Vénus, ne sont rien, l’empereur Maximien aussi n’est rien : vos idoles, parce qu’elles sont faites de la main des hommes ; lui, parce qu’il adore l’ouvrage de la main des hommes : tout cela est nul, tout cela n’est rien. Que Maximien, ce prince opulent, et pourtant l’humble serviteur de ces pierres, dévoue et sacrifie jusqu’à sa tête à de telles divinités ; mais pourquoi persécute-t-il des cœurs généreux ? Cet empereur plein de bonté, ce maître excellent, se repaît du sang innocent, il déchire les corps des saints, et jusqu’à leurs entrailles accoutumées au jeûne ; son bonheur est de torturer leur foi elle-même.

Allons, bourreau, arme-toi du fer et de la flamme, dirige ces membres formés de limon ; il est aisé de détruire une chose si fragile, mais au-dedans vit une âme que la douleur n’atteindra pas. »

A ces mots la colère du prêteur éclate d’abord en menaces : « Licteur, s’écrie-t-il, saisis cette furieuse, et dompte-la par les tortures. Fais-lui sentir ce que sont les dieux de la patrie, et qu’on ne méprise pas en vain les édits du prince. »

Après quelques instants de silence, il reprend d’une voix plus douce : « Jeune fille égarée, plutôt que de t’envoyer à la mort, je voudrais, s’il est possible, t’arracher à tes erreurs perverses. Vois donc quel bonheur cette vie te destine, quel honorable hymen t’est préparé. Ta famille en pleurs te recherche en ce moment ; cette famille, d’une si illustre noblesse, se désole de te voir périr à la fleur de ta jeunesse, à la veille des pompes nuptiales.

La splendeur d’une riche union n’est-elle donc rien pour toi ? Dans ta présomption, veux-tu donc ébranler la piété filiale ? Eh bien ! considère ces instruments d’un cruel trépas. Ou la tête tombera sous le glaive, ou tes membres seront déchirés par la dent des bêtes féroces, ou les torches embrasées les consumeront à petit feu, ou le bûcher te réduira en cendres au milieu des cris et des larmes de ta famille. Et quel effort as-tu à faire pour éviter un sort si affreux ? Daigne seulement, jeune fille, toucher du bout de tes doigts, un peu de sel et quelques grains d’encens, et ces supplices ne te regarderont plus. »

Courage d’Eulalie dans les tourments

La martyre garde le silence, mais elle frémit à un tel discours ; dans son indignation elle crache aux yeux du tyran, renverse d’un coup de pied les idoles, les gâteaux sacrés et l’encens.

Aussitôt deux bourreaux déchirèrent la chair délicate de la vierge et sillonnent ses flancs jusqu’aux os avec les ongles de fer. Eulalie compte ses glorieuses blessures : « C’est, dit-elle, votre nom, ô Seigneur, que l’on trace sur mon corps. Que j’aime à lire ces caractères qui racontent vos victoires, ô Christ ! La pourpre de mon sang sert à écrire votre nom sacré ! »

C’est ainsi qu’elle chantait joyeusement, la vierge intrépide. De si cruelles souffrances sont pour elle comme si elles n’étaient pas ; et cependant ses membres sont arrosés à chaque instant par un nouveau jet de son sang qui jaillit sous les ongles de fer.

Mais ce n’est pas la dernière de ses tortures : bientôt des torches ardentes parcourent ses flancs et sa poitrine. Sa chevelure s’était détachée : flottant sur les épaules, elle était venue descendre comme un voile destiné à protéger sa virginale pudeur. Mais la flamme pétillante des torches est montée jusqu’au visage ; en un instant, elle prend à la chevelure et parcourt la tête. Eulalie, avide de mourir, ouvre ses lèvres et aspire le feu qui l’environne.

On vit soudain une colombe plus blanche que la neige s’élancer de la bouche de la martyre et monter vers les cieux : c’était l’âme d’Eulalie, toute pure, toute vive, toute innocente. La tête s’incline au moment où l’âme s’est enfuie, le feu des torches s’éteint, les membres endoloris ont cessé de souffrir.

Le bourreau a vu l’oiseau s’envoler de la bouche d’Eulalie : saisi de terreur, il s’enfuit loin du théâtre de sa barbarie ; le licteur lui-même disparaît tremblant.

Tout à coup, une neige inattendue se forme dans l’air et descend sur le forum ; comme un blanc linceul, elle vient couvrir le corps d’Eulalie qui demeurait exposé aux injures de la saison. Plus tard, les chrétiens enlevèrent ces précieuses dépouilles et les enfermèrent dans un magnifique tombeau.

Ce récit est tiré du poème de Prudence.