Saint Edmond
Fête le 16 novembre
Archevêque de Cantorbery
L’excellent docteur saint Edmond, l’honneur de l’Université de Paris et l’ornement de la nation anglaise, naquit au village d’Abingtdon, de parents plus riches de vertus que de biens d’ici-bas. Edouard, son père, se retira, du consentement de sa femme, au monastère d’Evesham, où, après avoir vécu dans l’observance étroite de sa règle, il mourut en odeur de sainteté. Mabile, sa mère, contrainte de demeurer dans le monde pour subvenir à ses enfants, fut le modèle de toutes les mères chrétiennes.
Dès que son fils aîné Edmond fut en âge de pratiquer la vertu, la pieuse Mabile l’accoutuma à une vie austère. Elle le faisait jeûner le vendredi au pain et à l’eau, le revêtait quelquefois d’un petit cilice et, par de petits présents, l’engageait doucement à la mortification et à la pénitence.
Lorsqu’elle l’envoya avec son frère Robert étudier à Paris, craignant que le feu de la jeunesse ne leur fit perdre le trésor inestimable de la chasteté, elle leur donna encore à chacun un cilice, leur recommandant de le porter deux ou trois fois la semaine.
Le bienheureux Edmond, tant en Angleterre qu’à Paris, correspondit parfaitement aux soins d’une mère si prudente. Il était un modèle de douceur, de modestie et de dévotion. On ne le voyait presque jamais qu’à l’école, à l’Eglise, ou à sa chambre. La prière et l’étude, hors les soins indispensables du corps, partageaient tout son temps, et il ne manquait pas les dimanches et les jours de fête, de réciter le Psautier tout entier.
Il avait ordinairement sur les lèvres cette belle maxime, digne d’être gravée en lettres d’or : « Si d’un côté je voyais le péché, et de l’autre, l’enfer, je descendrais plus volontiers en enfer que de commettre un seul péché. »
Notre-Seigneur lui apparaît
L’amour de Jésus-Christ Enfant était profondément enraciné dans son cœur ; il pensait souvent à Lui, et cet aimable Sauveur ne l’oubliait pas de son côté, mais veillait assidûment à tous ses besoins. Il en reçut un jour une insigne faveur. Comme, en se promenant avec d’autres écoliers, il s’écartait de la compagnie de peur que quelques discours inutiles ou peu honnêtes ne fissent impression sur son imagination, ce divin Enfant lui apparut avec une beauté ravissante, et, jetant sur lui un regard plein d’amour, il dit ces paroles : « Je vous salue, mon bien-aimé. » Edmond fut surpris d’une salutation si obligeante, et demeura tout interdit sans répondre ; mais le Sauveur ajouta : « Ne me reconnaissez-vous donc pas ? – Je n’ai pas cet honneur, lui dit Edmond, je me persuade même que vous me prenez pour un autre et que vous ne me connaissez pas non plus. – Comment peut-il se faire, lui répliqua le petit Jésus, que vous ne me connaissiez pas, moi qui me tiens toujours à vos côtés quand vous êtes à l’école, et qui vous accompagne partout où vous allez ? Regardez sur mon visage, et voyez ce qui est écrit : » Le Saint leva les yeux et lut sur le front du Sauveur ces mots écrits en caractères célestes : Jésus de Nazareth, Roi des Juifs.
« Voilà mon nom, continua cet Enfant adorable ; gravez-le profondément dans votre cœur ; pendant la nuit, imprimez-le sur votre front, et il vous préservera de la mort subite, vous et tous ceux qui feront la même chose. » Jésus disparut alors, laissant le bienheureux Edmond comblé d’une joie inconcevable. Depuis, il eut une dévotion particulière envers la Passion de Notre-Seigneur, et il en fit l’occupation continuelle de son esprit.
Mort de sa mère
La mère de notre Saint, étant tombé gravement malade et jugeant que son heure dernière approchait, rappela au plus tôt ce chers fils de Paris, pour lui donner sa bénédiction. Edmond la reçut avec un profond respect et pria ensuite cette bonne mère de la donner aussi à son frère et à ses sœurs. » « Cela n’est pas nécessaire, mon fils, répondit-elle, je les ai tous bénis en votre personne, d’autant plus que Dieu vous a choisi pour les rendre participants des bénédictions du Ciel. » En effet, le Seigneur lui avait révélé la nuit précédente à quel degré de sainteté Edmond arriverait un jour, et elle l’avait vu en songe portant sur la tête une couronne d’épines, qui envoyait ses flammes vers les cieux.
Il est chargé de ses sœurs
La pieuse Mabile recommanda ensuite à son cher Edmond d’avoir soin de son frère et de veiller particulièrement sur la vertu de ses sœurs. Leur extrême beauté lui faisant craindre pour elles les périls où elles seraient exposées dans le siècle, il leur proposa de se faire religieuses. Il adressa une fervente prière à Dieu et se dirigea vers un pauvre monastère où il savait que l’observance était gardée dans toute son intégrité. Dès que la Prieure le vit, elle l’appela par son nom, quoiqu’elle ne le connût point, et, prévenait sa demande que le Seigneur lui avait révélée, elle lui dit qu’il pouvait amener ses sœurs et qu’on les recevrait avec joie.
Consécration à Marie
Edmond se consacra d’abord à Dieu et à la sainte Vierge par le vœu de chasteté. Il choisit, pour cet acte solennel, un jour et un sanctuaire dédiés à la Mère de Dieu, et voici comment il accomplit cette donation de lui-même : il vint à un autel de Marie, déposa au pied de sa statue deux anneaux préparés d’avance et autour desquels il avait fait graver la salutation de l’ange. Edmond prononça alors son vœu de chasteté perpétuelle, prit ensuite un des anneaux qu’il mit au doigt de l’image sainte, comme gage de ses serments et d’une alliance désormais irrévocable, et plaça à son propre doigt l’autre anneau qu’il conserva jusqu’à la mort. Depuis cette époque, Marie ne cessa de le protéger, et de son côté il fut toujours fidèle à celle qu’il appelait sa souveraine, sa gardienne, son épouse, sa mère.
Progrès dans ses études
Edmond revint à Paris pour achever ses études. Il était amoureux des sciences, mais il n’avait pas moins d’ardeur pour la vertu. Il étudiait comme s’il eût dû toujours vivre, et il vivait comme s’il eût dû mourir le lendemain ; l’étude lui faisait mépriser la vanité, les plaisirs des sens, et la vertu remplissait son âme de lumières célestes qui la rendaient capable de pénétrer les vérités les plus sublimes. Aussi, par cet heureux concert, il se rendit si savant qu’il fut l’admiration, non seulement de ses condisciples, mais encore de ses maîtres, et qu’on le considéra comme un prodige de doctrine et d’érudition, en même temps que la pureté et l’innocence de sa vie le rendait un miracle de sainteté.
Sa bonté pour ses disciples
Quand Edmond eut reçu les premiers degrés da la Faculté de Paris, il y enseigna les belles-lettres avec une grande réputation. Dans cet emploi, son désintéressement faisait l’admiration de tous ses élèves. Quand ces derniers étaient dans la nécessité, il les soulageait de ses aumônes, et un jour il en prit un qui était malade et coucha six semaines auprès de son lit pour l’assister. Il en guérit un autre d’un mal cruel qu’il avait au bras, en lui disant : « Que Notre-Seigneur Jésus-Christ te guérisse. »
Son ardeur pour porter ses disciples à la vertu n’était pas moins grande ; il leur faisait souvent de pressantes exhortations sur les obligations qu’ils avaient de vivre en chrétiens. Il fit même élever à la sainte Vierge une chapelle où il les menait à la messe. Il disait tous les jours, en l’honneur de cette Reine des Anges et de saint Jean l’Evangéliste, la prière O Intemerata, et une fois qu’il l’avait omise, il en fut repris par ce disciple bien-aimé.
Sa mère lui apparaît
Pendant qu’il enseignait la géométrie et qu’il s’appliquait à en résoudre les problèmes, sa mère lui apparut en songe et lui demanda ce que signifiaient toutes ses figures auxquelles il se rendait si attentif. Comme il ne savait que répondre, elle lui prit la main et y imprima trois cercles qui représentaient la Sainte Trinité disant : « Laissez, mon fils, toutes les figures qui font maintenant votre occupation, et ne pensez plus qu’à celle-ci. » Le saint comprit bien ce que cela voulait dire, et s’appliqua aussitôt à l’étude de la théologie.
Edmond redevient élève
Après avoir enseigné six ans les arts libéraux, il retourna donc en classe comme un simple disciple. En étudiant, il s’adressait à la sainte Vierge, Trône de la sagesse, avec tant de ferveur que son esprit entrait quelquefois dans la douceur de la contemplation. Il ne prenait jamais la Bible pour la lire sans la baiser avec respect. Tous les jours il assistait aux matines à Saint-Merry, et demeurait ensuite fort longtemps en prières, avec larmes et gémissements, au pied d’un autel de la Mère de Dieu. De là, il se rendait aux écoles sans prendre aucun repos. On rapporte qu’il vendait quelquefois ses livres pour faire l’aumône aux pauvres, car c’est aux claires fontaines de Jésus-Christ qu’il puisait surtout ses lumières et la doctrine céleste.
Il est reçu docteur
C’est par ces actes de religion autant que par l’étude que saint Edmond se rendit digne de la qualité de docteur. Il fallut néanmoins le forcer à la recevoir, parce que son humilité lui faisait croire qu’il ne méritait pas un si grand honneur. Il employa aussitôt ce nouveau grade au profit du prochain, comme s’il n’était né que pour l’utilité des autres. En même temps que ses leçons éclairaient l’esprit de ses auditeurs, elles attendrissaient leur cœur ; plusieurs, touchés des exhortations enflammées de l’amour divin qu’il mêlait parmi ses discussions, quittèrent des bénéfices considérables et des dignités ecclésiastiques pour embrasser la vie religieuse.
Faveurs célestes
Une nuit, saint Edmond vit en songe un grand feu remplir la salle où il enseignait publiquement, et sept flambeaux qui se formèrent de ce feu en sortir. Le lendemain, sept de ses disciples se joignirent à l’abbé de Cîteaux, venu pour l’écouter, et allèrent recevoir l’habit dans son monastère. Une autre fois qu’il devait traiter de la Très-Sainte-Trinité, il s’endormit dans sa chaire en attendant l’ouverture de la leçon ; pendant son sommeil, il vit une colombe descendre du ciel et lui apporter un hostie dans la bouche. Le discours qu’il fit à son réveil sur ce mystère adorable fut si profond, qu’on s’aperçut bientôt qu’il parlait par une impression extraordinaire de l’esprit de Dieu. Saint Edmond s’appliqua aussi à la prédication, et ses sermons étaient tellement animés du zèle apostolique, qu’il surmontait les résistances des pécheurs les plus endurcis. Pendant qu’il distribuait au peuple la parole de Dieu, il tenait ordinairement à la main un crucifix qu’il contemplait de temps à autre, tantôt pleurant, tantôt souriant. Ces pleurs, disait-il à ses amis, provenaient de ce que, d’un si grand nombre d’auditeurs, il en voyait si peu bien faire, alors même que tous connaissaient les commandements de Dieu et de l’Eglise, et avaient devant les yeux l’exemple de Notre-Seigneur et de ses saints. Toutefois, il faisait paraître assez souvent un visage joyeux, en pensant à l’amour divin et à toutes les grâces que le sacrifice du Calvaire avait méritées au genre humain.
Il redouble ses austérités
Saint Edmond avait, dès son enfance, jeûné au pain et à l’eau les vendredis et depuis la Septuagésime jusqu’au Carême ; après sa promotion au sacerdoce, il ne mangeait plus qu’une fois le jour, et gardait une abstinence si rigoureuse, qu’on craignait qu’elle ne fut excessive. Il s’abstenait même souvent de boire, tellement que ses lèvres se fendaient, et son corps devint si sec que ses cheveux et sa barbe tombèrent. On le voyait presque toujours en oraison. Il adorait souvent Notre-Seigneur par ces paroles : Adoramus te Christe, qu’il répétait à chacune de ses plaies. On rapporte que, pendant trois ans, il ne se coucha jamais dans son lit, et qu’il dormait, tantôt étendu sur un banc ou sur la terre nue, tantôt assis, afin qu’il n’y eut que la moitié du corps qu’il reposât.
Son désintéressement
Plusieurs prélats s’efforcèrent de l’attirer auprès d’eux, et lui offrirent de riches bénéfices qu’il refusa ; cependant, pour avoir plus de liberté de s’appliquer au ministère de la prédication, sans être à charge à personne, il accepta, bien qu’avec beaucoup de peine, et seulement sur l’instance que lui en firent ses amis, la trésorerie de l’église de Salisbury. Son mépris pour l’or et l’argent était tel qu’il n’en touchait que pour faire l’aumône. Il se reposait de sa recette et de sa dépense sur son économe, et ne lui en demandait point de compte, pourvu qu’il fût libéral envers les pauvres.
Il est élu évêque
Le pape informé de la sainteté et du zèle d’Edmond, pour la gloire de Jésus-Christ, lui envoya une mission apostolique pour prêcher la croisade contre les hérétiques, avec le pouvoir d’exiger des Eglises ce qui serait nécessaire pour son voyage.
Le siège de Cantorbery étant devenu vacant, Sa Sainteté y nomma le célèbre prédicateur ; mais il se cacha pour éviter cet honneur. Il fit de grandes résistances lorsqu’on l’eut trouvé ; cependant comme on lui remontra qu’il ne pouvait plus s’opposer à ce choix sans offenser Dieu, il se laissa conduire à son siège archiépiscopal. Ayant été sacré aux applaudissements de tout le peuple, il se montra digne pasteur du troupeau de Jésus-Christ. Les besoins spirituels et corporels de ceux qui lui étaient confiés faisaient l’objet de sa plus grande attention. Il était le nourricier des pauvres, le père des orphelins, le soutien des veuves, l’asile des persécutés et le soulagement des malades. Il mariait les filles qui n’avaient pas de quoi se pourvoir, et appliquait à ses œuvres de charité, outre son propre revenu, les amendes de son officialité. Saint Edmond persécutait surtout le vice, mais en même temps il travaillait partout à gagner les pécheurs et les amener à la pénitence.
Ses souffrances pour la défense de l’Eglise
Telle fut la vie de saint Edmond pendant qu’il jouit paisiblement de son siège ; mais, parce qu’il était agréable à Dieu et chéri du Ciel, il fallait qu’il fût éprouvé dans la fournaise de la tribulation. En effet, comme il se montra inflexible dans la défense des droits de l’Eglise et des immunités ecclésiastiques, il encourut tellement l’indignation du roi, des seigneurs, des évêques lâches et complaisants et de son chapitre même, qu’ils lui firent mille sortes d’outrages et de persécutions. Ces tempêtes le battaient, mais ne l’abattaient pas ; au contraire, il en triomphait au point de demeurer aussi paisible que s’il n’eût rien enduré, et de chérir tendrement ses propres persécuteurs en lui faisant toutes sortes d’amitiés. Et à ceux qui s’en étonnaient, il répondait : « Quand même ils me couperaient les deux bras et me crèveraient les deux yeux, je les aimerai toujours ; de même que les enfants ne doivent pas haïr leurs mères qui leur donnent dans la maladie une médecine désagréable, de même je ne dois pas haïr mes ennemis qui me procurent les moyens de remédier à mes secrètes maladies. Sur la croix, Notre-Seigneur n’avait plus de libre que la langue, cependant il sut bien l’employer pour pardonner à ses bourreaux.
Saint Edmond comparait encore les injures de ses persécuteurs au miel sauvage dont saint Jean vivait dans le désert, qui avait en même temps de l’aigreur et de la douceur. Cependant, comme il voyait que sa patience opiniâtrait les esprits et qu’on ne lui laissait plus la liberté de remplir ses fonctions épiscopales, il eut recours à Dieu qui lui inspira de se retirer en France, l’asile des prélats persécutées. Avant son départ, il fit encore plusieurs miracles pour prouver son innocence, et, lorsqu’il fut sur le point d’embarquer, saint Thomas, cet admirable archevêque qui lui avait laissé un si bel exemple de la vigueur et du zèle apostoliques, lui apparut et l’exhorta à avoir toujours bon courage, l’assurant que dans peu de temps il recevrait la récompense de tous ses travaux. Edmond sortit donc secrètement d’Angleterre, et se retira dans l’abbaye de Pontigny, de l’Ordre de Cîteaux, où il fut reçu avec toute la révérence due à son caractère et à son éminente vertu.
Sa sainte mort
Dans sa retraite, saint Edmond s’adonna à la contemplation, ne faisant que prier, lire, écrire, prêchant quelquefois dans les lieux circonvoisins. A la prière des religieux, il composa un livre où il donna de profitables enseignements pour la vie monastique. Etant tombé malade, notre Saint reconnut bientôt que son heure dernière était arrivée ; il demanda le saint Viatique. Dès qu’il aperçut la sainte Hostie entre les mains du prêtre, il étendit les bras vers l’objet de son amour, en s’écriant avec une extrême confiance : « Vous êtes, Seigneur, Celui en qui j’ai cru, vous êtes celui que j’ai prêché et annoncé à votre peuple, selon la vérité de votre Evangile. Je vous prends à témoin que je n’ai cherché sur la terre que vous seul et que tout mon désir a été d’accomplir votre sainte volonté : c’est encore ce que je souhaite maintenant au-dessus de toute chose ; faites de moi ce qu’il vous plaira. » Ceux qui se trouvèrent présents furent tout surpris de l’entendre parler de la sorte, parce qu’il semblait, par ses gestes, ses regards et le ton de sa voix, qu’il vit réellement Jésus-Christ en forme humaine.
Après avoir reçu la très sainte Eucharistie, Edmond demeura toute la journée dans une grande joie. Il semblait qu’il ne fût pas malade, car plus ses membres s’affaiblissaient, plus il sentait son âme se fortifier par de nouvelles grâces. Enfin, sans donner aucun signe de mort ni jeter aucun soupir, il rendit sa belle âme à Dieu, le 16 novembre de l’année 1240. La nuit qui précéda son décès, un saint homme eut une révélation de sa gloire et de la vénération qu’il méritait sur la terre.