Saint Dominique

Fête le 4 août

Fondateur de l’ordre des frères prêcheurs


De la manière merveilleuse dont saint Dominique vint au monde

Saint Dominique naquit en 1170 au petit village de Calaruega, dans le diocèse d’Osma, en Espagne. – Dès avant sa naissance, Dieu donna des présages de sa sainteté future : sa mère vit en songe son enfant sous la forme d’un chien, qui tenait dans sa gueule un flambeau, et qui s’échappait de son sein pour embraser toute la terre. Inquiète de ce présage, elle voulut faire une neuvaine à saint Dominique de Silos pour son heureux accouchement. Au septième jour, le saint abbé lui apparut, tout rayonnant de clarté, et lui dit : - Ne craignez point ; l’enfant, que vous portez sera, par sa sainteté et sa doctrine, la lumière du monde et la consolation de toute l’Eglise.

En reconnaissant ce bienfait, l’enfant reçut à son baptême le nom de Dominique. Dieu se plut encore à entourer son berceau de merveilles : une étoile brillante, qui illuminait toute la maison, apparaissait sur son front ; on vit un jour un essaim d’abeilles venir se reposer sur sa bouche, image de sa future douceur. On rapporte encore que sa mère l’ayant mené à la messe au monastère de Silos, le célébrant, au lieu de dire Dominus vobiscum, répéta par trois fois en se tournant vers l’enfant : Ecce reformator Ecclesiæ. – Voilà celui qui réformera l’Eglise.

Dès qu’il put remuer ses membres, il sortait en secret de son berceau et couchait par terre.

Il avait une grande dévotion à la sainte Vierge ; elle lui apparut souvent et lui enseigna dès lors la dévotion du Rosaire, dont il devait se servir plus tard pour convertir les hérétiques.

Comment il vécut à Osma sous-prieur des chanoines

A l’âge de quatorze ans, ses parents l’envoyèrent à l’université de Palencia. Il fit de rapides progrès dans les connaissances divines et humaines. Ce fut alors que, durant une famine, non content de donner aux pauvres jusqu’à ses vêtements, il vendit encore ses livres, annotés de sa main, pour leur en distribuer le prix. Comme on s’étonnait de ce désintéressement, il répondit : - Pourrais-je étudier sur des peaux mortes, quand il y a des hommes qui meurent de faim ?

La réputation du jeune étudiant se répandit bientôt au loin ; l’évêque d’Osma, ayant récemment converti les chanoines de sa cathédrale en chanoines réguliers, résolut d’y attacher le jeune Dominique, qui était de son diocèse. Notre saint obéit au message du prélat, et mérita bientôt par sa piété d’être nommé sous-prieur du chapitre. – Alors, dit le B. Jourdain, il commença à paraître entre les chanoines comme un flambeau éclatant, le premier par sa sainteté et le dernier de tous par l’humilité de son cœur, répandant autour de lui un parfum qui donnait la vie, et une odeur semblable à l’encens dans les jours d’été. Il demeurait jour et nuit dans l’église et se montrait à peine hors du cloître, de peur d’ôter du loisir à sa contemplation.

Cependant, sur le conseil de son évêque, il se livra à la prédication dans tous les pays environnants et en retira de grands fruits. Il appuyait sa parole par de nombreux miracles : c’est ainsi que par la vertu du saint Rosaire, qu’il commençait dès lors à propager, il ressuscita la jeune Alexandra morte depuis cinq mois sans avoir eu le temps de se confesser. – Un jour qu’il prêchait sur le bord de la mer en Galice, des pirates turcs s’emparèrent de lui. Mais à peine fut-il sur leur vaisseau qu’une tempête furieuse s’éleva. A cette vue, les pirates effrayés invoquèrent le nom de Jésus et Dominique apaisa la mer irritée. Le vaisseau vint aborder à un port de Bretagne. Le saint baptisa les pirates et évangélisa les habitants ; le duc de Bretagne lui offrit l’évêché de Dol, alors vacant ; Dominique répondit : - Dieu ne m’a pas envoyé pour être évêque, mais pour prêcher. Le duc voulut néanmoins le retenir dans ses états, et fit défense à tous ses sujets de le laisser sortir, mais la sainte Vierge l’enleva miraculeusement et le rendit à la ville d’Osma, qui devait le posséder encore quelque temps.

Comment il convertit les Albigeois

Vers cette époque, l’évêque d’Osma, don Diégo d’Azévédo, se rendit à Rome et se fit accompagner de Dominique. Touché des maux, que causaient en France les Albigeois, ce saint promit de s’adonner à leur conversion, quand il serait de retour. Ce qu’il fit en effet. Son zèle ne connut plus de bornes, il prêchait partout la vérité, et les conversions qu’il opéra furent nombreuses. Or, dans ce temps, il arriva, dit l’hagiographe, qu’en une conférence avec les hérétiques, trois arbitres furent choisis pour juger quel était le parti dont les raisons étaient les meilleures. Après beaucoup de discours, ces arbitres ne pouvant s’entendre sur une décision, la pensée leur vint de jeter au feu le mémoire de Dominique et celui des hérétiques, afin que, si l’un des deux était épargné par les flammes, il fût certain qu’il contenait la vraie doctrine. On allume donc un grand feu, on y jette les deux volumes : aussitôt celui des hérétiques est consumé ; l’autre, non seulement demeure intact, mais il est repoussé au loin par les flammes. On le rejette au feu une seconde et une troisième fois, autant de fois l’événement qui se reproduit manifeste clairement où est la vraie foi, et quelle est la sainteté de l’écrivain.

Les Albigeois endurcis tentèrent de se défaire de l’homme de Dieu par un crime. Mais Dieu le délivra des embûches qu’on lui avait dressées. L’assassin le rencontrant quelques jours après dans une assemblée lui dit : - Si tu eussent passé par tel chemin, tu ne serais plus en vie. – Dominique lui répondit : - Je sais bien aussi que je ne mérite pas tant de faveur ; mais si Notre-Seigneur me donnait le choix d’une mort pour son service, je prendrais plaisir qu’après m’avoir dépouillé, tu me coupasses les pieds et les mains, et puis que tu m’arrachasses la langue et les yeux, et qu’après avoir baigné mon corps dans mon sang, tu m’ôtasses la tête de dessus de mes épaules.

La rage des Albigeois n’était pas encore assouvie. Le saint voyant qu’un prélat se rendait à une conférence en grande pompe : - Ce n’est pas ainsi, lui dit-il, qu’il faut aller au-devant des ennemis. Armons-nous de la prière, et faisons reluire en notre personne des signes d’humilité, avançons-nous nu-pieds au-devant des Goliaths. – L’évêque se rendit à ce pieux conseil, et tous se déchaussèrent. Or comme ils n’étaient pas sûrs de leur chemin, ils rencontrèrent un hérétique, qui promit de les conduire droit à leur but. Mais il les engagea par malice dans un bois plein de ronces et d’épines, où leurs pieds se blessèrent, et bientôt le sang coula tout le long de leurs jambes. Alors l’athlète de Dieu, patient et joyeux, exhorta ses compagnons à rendre grâces de ce qu’ils souffraient, en leur disant : - Confiez-vous dans le Seigneur, mes très chers, la victoire nous est assurée, puisque voilà nos péchés qui s’expient par le sang. – L’hérétique, touché de cette admirable patience et des discours du saint, avoua sa malice et abjura l’hérésie.

Les Albigeois se convertirent en foule, car ici comme en Espagne, Dieu venait corroborer la parole du saint par d’éclatants miracles. Un jour, sa valise et ses livres étant tombés dans l’Ariège, on les pêcha plusieurs jours après sans qu’ils fussent mouillés. Souvent, pendant ses voyages, la pluie tombant de tous côtés, elle ne tombait pas sur lui, et il arrivait aussi sec que si le temps eût été parfaitement serein.

Un autre jour qu’il passait un fleuve dans une barque, le batelier, quand on fut à l’autre bord, lui demanda un denier pour sa peine. – Je suis, répondit Dominique, un disciple du Christ, je ne porte sur moi ni or ni argent ; Dieu vous paiera plus tard le prix de mon passage. Le batelier, mécontent, se met à le tirer par le manteau, en lui disant : - Ou vous laisserez le manteau, ou j’aurai mon denier. – Le saint levant les yeux au ciel, se recueillit un moment en lui-même, puis regardant à terre, il montra au batelier une pièce d’argent que la Providence venait de lui envoyer, et lui dit : - Mon frère, voilà ce que vous demandez, prenez-le et laissez-moi aller en paix.

Il arriva encore qu’une quarantaine de pèlerins anglais, qui se rendaient à Saint-Jacques de Compostelle, traversant la Garonne sur une barque, furent engloutis par les eaux. Aux cris des pèlerins, Dominique sortit d’une église voisine, et s’étendit par terre les bras en croix, implorant Dieu en faveur des naufragés. Sa prière finie, il se leva et s’écria : - Je vous ordonne, au nom du Christ de venir tous au rivage. – Aussitôt les pèlerins apparurent au-dessus des eaux, et saisissant de longues piques, qu’on leur tendait, ils gagnèrent tous le bord.

Comment il prêcha le Rosaire et établit son ordre

C’est ainsi, disent les historiens, que tandis que Simon de Monfort combattait les hérétiques avec le glaive matériel, le bienheureux Dominique les combattait avec le glaive de la parole de Dieu. – Son arme principale et favorite était le Rosaire, dévotion, qu’il avait déjà propagée en Espagne et en Bretagne. On évalue jusqu’à plus de cent mille le nombre des Albigeois convertis par cette prière, que l’on ne saurait trop recommander à tous les chrétiens.

Cependant Dominique ne pouvait suffire seul à la tâche, il résolut de s’unir quelques compagnons, premiers membres de l’ordre depuis si illustre des frères Prêcheurs. Il se rendit près du pape Innocent III, pour en recevoir l’approbation. Le pape hésitait ; or la nuit suivante il vit en songe la basilique de Latran près de tomber, quand arriva Dominique qui en soutint sur ses épaules les murailles chancelantes. Ainsi averti de la volonté de Dieu, il rappela le saint et approuva son ordre.

Quelques jours après, Dominique se tenant à genoux dans la basilique de Saint-Pierre, ce bienheureux apôtre lui apparut avec saint Paul, et lui présentant l’un un bâton, l’autre un livre, ils lui dirent : - Allez et prêchez, parce que vous êtes choisi de Dieu pour ce ministère. – Il vit en même temps ses enfants aller deux à deux par toute la terre annoncer la parole de Dieu.

Comment saint Dominique et saint François se reconnurent sans s’être jamais vus

Il était encore à Rome, quand une nuit étant en prière, Dominique vit Jésus-Christ irrité, tenant trois flèches qu’il était près à lancer contre le monde. Marie accourut pour désarmer le bras de son Fils : - Puisque les hommes, dit le Sauveur, sont adonnés aux trois vices : de l’orgueil, de la concupiscence et de l’avarice, je veux les frapper de ces trois flèches. – Mon très cher fils, dit Marie, ayez pitié du monde. – Mais ne voyez-vous pas comme les hommes m’insultent ? – Ayez pitié, voici deux hommes qui vont faire revivre partout les vertus. – Et en même temps elle les présenta à son fils. Dominique se reconnut pour l’un des deux, mais il ne savait qui était l’autre.

Le lendemain, en entrant dans une église, il reconnut sous le froc d’un mendiant celui qu’il avait vu la nuit précédente. Il le serra dans ses bras en s’écriant : - O François ! – O Dominique ! s’écria le pauvre en l’embrassant. Puis tous deux : - Nous sommes compagnons ; marchons et tenons-nous ensemble et nul ne pourra prévaloir contre nous.

Comment Dominique parla allemand sans savoir cette langue

Dominique revint en Provence et dispersa ses quelques religieux. Ses monastères devinrent bientôt florissants, le saint crut nécessaire de les visiter ; or, dit l’hagiographe (1), tandis qu’il se rendait à Paris avec frère Bertrand, ils furent joints sur la route par des pèlerins allemands, qui les ayant entendus réciter des psaumes et des litanies, les suivirent pieusement. Au prochain village, leurs nouveaux compagnons les invitèrent à dîner, et ils agirent de même pendant quatre jours consécutifs. Le cinquième jour, le bienheureux Dominique dit en gémissant à Bertrand : - Frère Bertrand, j’ai conscience de voir que nous moissonnions le temporel de ces pèlerins, sans pouvoir semer en eux le spirituel. C’est pourquoi, s’il vous plaît, mettons-nous à genoux, et demandons à Dieu la grâce d’entendre et de parler leur langue, afin que nous leur annoncions le Seigneur Jésus. – Ce qu’ayant fait, ils commencèrent à s’exprimer en allemand, à la grande surprise des pèlerins, et pendant quatre autres jours qu’ils furent ensemble, jusqu’à Orléans, ils s’entretinrent du Seigneur Jésus.

Comment les anges servirent à table Dominique et ses frères

Le monastère de Rome quoique pauvre était florissant, les religieux étaient au nombre de cent ; or il arriva durant la visite de Dominique, qu’un certain jour le bienheureux commanda à frère Jean de Calabre et à frère Albert le Romain, d’aller par la ville chercher des aumônes. Mais ils s’y employèrent inutilement depuis le matin jusqu’à la troisième heure du jour. Ils revenaient donc à la maison, quand une femme qui avait une grande dévotion à l’ordre les rencontra et voyant qu’ils ne rapportaient rien, leur donna un pain : - Je ne veux pas, leur dit-elle, que vous retourniez tout à fait à vide.

Un peu plus loin, ils furent accostés par un homme qui leur demanda instamment la charité. Ils s’excusèrent de lui donner, parce qu’ils n’avaient rien pour eux-mêmes. Mais l’homme insistant toujours davantage, ils se dirent l’un à l’autre : - Que ferons-nous d’un pain ? Donnons-le lui pour l’amour de Dieu. – Ils lui donnèrent donc le pain, et aussitôt ils le perdirent de vue.

Or, comme ils rentraient au couvent, le bienheureux Père, à qui le Saint-Esprit avait déjà tout révélé, vint à leur rencontre, et leur dit d’un air joyeux : - Enfants, vous n’avez rien ? – Non père, répondirent-ils. – Et lui racontèrent ce qui était arrivé, et comment ils avaient donné le pain au pauvre. Il leur dit : - C’était un ange du Seigneur ; le Seigneur saura bien nourrir les siens ; allons prier. – Là-dessus il entra dans l’église, et en étant sorti au bout de peu de temps, il dit aux Frères d’appeler la communauté au réfectoire. Ceux-ci lui répondirent : - Mais, père saint, comment voulez-vous que nous les appelions, puisqu’il n’y a rien à leur servir ? – Et ils tardèrent exprès d’accomplir l’ordre qui leur avait été donné. C’est pourquoi le bienheureux Père fit venir frère Roger, le cellérier, et lui commanda de rassembler les frères pour le dîner, parce que le Seigneur pourvoirait à leurs besoins. On couvrit donc les tables ; on posa les coupes, et à un signal donné, tous entrèrent au réfectoire. Le bienheureux Père prononça la bénédiction, et tout le monde s’étant assis, frère Henri le Romain, commença la lecture.

Cependant le bienheureux Dominique priait, les mains jointes sur la table : et voilà que tout à coup deux jeunes hommes, ministres de la divine Providence, apparurent au milieu du réfectoire, portant des pains dans deux nappes blanches, qui leur pendaient de l’épaule devant et derrière. Ils commencèrent la distribution par les rangs inférieurs, l’un à droite, l’autre à gauche, et mirent devant chaque Frère un pain entier d’une admirable beauté. Puis lorsqu’ils furent parvenus au bienheureux Dominique, et qu’ils eurent mis semblablement devant lui un pain entier, ils inclinèrent la tête et disparurent, sans qu’on ait jamais su jusqu’aujourd’hui où ils allaient ni d’où ils venaient. Le bienheureux Dominique dit aux Frères : - Mes frères, mangez le pain que le Seigneur vous a envoyé. – Il dit ensuite aux Frères servants de verser du vin. Mais ceux-ci répondirent : - Père saint, il n’y en a pas. – Alors le bienheureux Dominique plein de l’esprit prophétique, leur dit : - Allez au muid, et versez aux Frères le vin que le Seigneur leur a envoyé. – Ils y allèrent et trouvèrent le muid plein jusqu’au bord d’un vin excellent qu’ils s’empressèrent d’apporter. Et le bienheureux Dominique dit : - Buvez, mes frères, du vin que le Seigneur vous a envoyé. – Ils mangèrent donc et burent tant qu’il leur plut ce jour-là, le lendemain et le surlendemain. Mais après le repas du troisième jour, il fit donner aux pauvres tout ce qui restait.

Comment Dominique ressuscita le jeune Napoléon, et changea un ver en pierre précieuse

Pendant une assemblée que Dominique , accompagné de ses frères, avait avec les cardinaux, un homme entre soudain en s’arrachant les cheveux et en poussant de grands cris. On lui demande ce qu’il a, il répond : - C’est le neveu de Monseigneur Etienne qui vient de tomber de cheval et de se tuer ! – Or le jeune homme s’appelait Napoléon. Son oncle, le cardinal Etienne, en l’entendant nommé s’évanouit. Le bienheureux Père, touché de sa douleur, célébra aussitôt la messe avec une grande abondance de larmes, puis s’avança près du cadavre. Il en arrangea les membres l’un après l’autre de sa main, ensuite il se prosterna en priant et pleurant. Trois fois il toucha le visage et les membres du défunt pour les remettre en leur lieu, et trois fois il se prosterna. Lorsqu’il se fut relevé pour la troisième fois, il fit le signe de la croix sur le mort et les mains étendues vers le ciel, son corps au-dessus de terre de plus d’une coudée, il s’écria : - O jeune homme Napoléon, je te dis au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, lève-toi ! – Aussitôt à la vue de tous le jeune homme se leva sain et sauf et dit au bienheureux : - Père, donnez-moi à manger. – Dominique lui donna à manger et à boire, et le rendit joyeux au cardinal son oncle.

Le bienheureux Père avait une grand compassion pour les recluses volontaires, et allait souvent les visiter ; Or il y en avait une dans une tour voisine de la porte de Latran, dont la poitrine était mangée des vers. Dominique lui demanda de voir un des vers qui la tourmentaient. Bona consentit à son désir, mais le ver se changea en une pierre précieuse dans la main du bienheureux, et la poitrine de Bona se trouva pure comme celle d’un enfant.

Comment Dominique voyageait

Le reste de la vie de Dominique se passa à visiter les nombreuses maisons de son ordre, semant partout les miracles et annonçant à tous la parole de Dieu. Il voyageait toujours à pied, un bâton à la main, le livre des évangiles sous le bras. Quoique le plus indigne, il voulait toujours porter les bagages de ses frères. Quand il était hors des villes, il ôtait sa chaussure et marchait nu-pieds ; si quelque pierre le blessait, il disait en riant : - Voilà notre pénitence. – Un jour passant à un endroit rempli de cailloux aigus, il dit à son compagnon : - Ah ! malheureux que je suis, j’ai été obligé un jour de me chausser dans cet endroit. – Et le frère se demandant pourquoi, il répondit : - Parce qu’il y avait beaucoup plu. – La pluie venait-elle à tomber il chantait gaiement. L’Ave maris stella ou le Veni Creator. Plus on le traitait mal, plus il était content. Un chien déchira un jour sa robe, il en rapprocha les morceaux avec un peu de boue, et toute trace de déchirure disparut.

Pendant son dernier voyage en Lombardie, en passant à Sienne, l’évêque voulut absolument qu’il logeât dans son palais ; mais ne pouvant s’empêcher de garder la règle en tout lieu, Dominique se levait toutes les nuits avec son compagnon pour aller dans l’église à matines, et Dieu lui envoyait deux anges qui le conduisaient avec des flambeaux, lui ouvraient les portes de l’évêché, le menaient jusque dans l’église et ensuite le ramenaient de la même manière.

Comment il trépassa

Bologne fut la dernière étape de son pèlerinage. Arrivé dans cette ville il présida le second chapitre général de son ordre et tomba malade. Quelques jours après un ange lui apparut et lui dit : - Viens, mon bien-aimé, viens dans la joie, viens. – Dès lors il s’occupa uniquement à bien mourir. Le mal progressa de plus en plus il fit appeler les Frères et leur dit : - Voici l’héritage que je vous laisse comme à mes enfants : ayez la charité, gardez l’humilité, possédez la pauvreté volontaire. On récita la prière des agonisants ; à ces mots : Venez au-devant de lui, anges du Seigneur, portez son âme en présence de Dieu, Dominique leva les mains au ciel et remit son âme entre les mains de son Sauveur. C’était le vendredi 6 août de l’an 1221.

--- Note --------------------------------

(1) Traduction de Lacordaire : Vie de saint Dominique.

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