Saint Cuthbert
Fête le 20 mars
Evêque
Légende de la gravure
Saint Cuthbert, pâtre, voit pendant la nuit l’âme de l’évêque, saint Aïdan, monter au ciel sous forme de flamme, et prend la résolution de se faire moine.
Saint Cuthbert est né en Angleterre.
A l’âge de huit ans, il se divertissait avec les objets futiles qui réjouissent les petits, lorsqu’un bel enfant de trois ans s’approcha, l’exhorta à quitter le jeu et l’oisiveté, et à se sanctifier. Cuthbert, trop occupé de ses jouets, n’écouta pas ce langage sérieux et courut vers ses compagnons de plaisir. Alors l’enfant mystérieux, se couchant sur la terre, pleura si amèrement que Cuthbert et les autres enfants s’empressèrent de le consoler. Le petit inconnu, se relevant, dit à Cuthbert, d’une voix douce et forte, ces paroles qui prophétisaient sa vie : - Très saint prêtre et prélat, pourquoi faites-vous ce qui ne sied pas à votre dignité ? Pourquoi jouer avec des enfants, vous que Dieu réserve à enseigner des vieillards.
Il se fait pâtre
C’était la vocation du saint, il comprit et, quittant à huit ans la maison paternelle, il s’enfuit sur la montagne où il se loua comme petit pâtre. Il n’avait plus de famille, mais son père du ciel veillait sur lui ; un abcès lui étant survenu au genou, il ne pouvait plus du tout marcher ; un ange sous forme humaine s’approcha du pâtre, toucha la plaie et il fut guéri. Cependant Cuthbert n’était point parvenu encore où Dieu daignait l’appeler. Il priait, cherchant la divine volonté ; sa prière du soir durait presque jusqu’à l’aurore, et dans une nuit il vit comme une flamme qui s’élevait vers le ciel ; il comprit que c’était l’âme de l’évêque de Durham, Aïdan. Ce saint évêque quittait le monde à cette heure même pour recevoir la récompense. Cuthbert réveilla ses compagnons, les engagea à louer Dieu avec lui et, dès le matin, épris d’un plus grand désir du ciel, il remettait ses troupeaux à son maître et se dirigeait vers le monastère de Mailros pour demander l’habit.
Le monastère de Mailros avait pour abbé saint Eate et pour prieur saint Boisil. Saint Boisil, voyant venir le jeune homme de loin, dit à ceux qui l’entouraient, comme Notre-Seigneur de Nathanaël : Voilà un vénérable israélite dans lequel il n’y a pas de malice.
C’était en effet un moine plein de bonté ; il surpassa vite tous ses compagnons dans l’étude, les prières, les abstinences, et le prieur, qui avait l’esprit prophétique, lui découvrit un jour ce que Dieu voulait faire de lui dans l’apostolat, et lui annonça qu’il serait évêque. Cuthbert repoussa cette pensée et, à quelque temps de là, le roi Alcfrid, ayant fondé le monastère de Rippon, il y fut envoyé.
Les trois pains
Son amabilité l’avait fait choisir pour prendre soin des hôtes. Un jour, il reçut un étranger qui, après avoir exercé merveilleusement sa charité, le récompensa en lui laissant sur la table trois pains d’une admirable blancheur et d’un goût extraordinaire, et disparut, ces pains révélèrent bientôt à tous que le saint venait d’être honoré de la visite d’un ange. Ceux qui exercent la charité, reçoivent toujours la visite d’un ange. Il leur laisse, avec beaucoup de bénédiction, les biens de la terre les plus purs, car Dieu enrichit toujours ceux qui donnent.
Ces pains étaient au nombre de trois, car en chaque circonstance de la vie du moine, la Sainte Trinité a laissé sa marque par ce chiffre mystérieux.
Saint Boisil étant décédé, Cuthbert revint à Mailros comme prieur ; la peste ravageait l’Angleterre, elle l’atteignit, et il allait mourir ; mais les religieux prièrent avec tant de ferveur qu’il leur fut conservé ; cependant il demeura frappé d’une douleur qui orna sa vie d’une magnifique mortification jusqu’à la mort.
Apôtre
Cuthbert, épris du zèle apostolique, se mit à évangéliser les peuples les plus délaissés, détruisant le culte des démons par ses miracles et obligeant, par la persuasion de sa parole, les pécheurs les plus endurcis à venir se jeter à ses pieds. Pourquoi ne pas espérer qu’en notre civilisation en proie aux démons, un saint fera comme fit saint Cuthbert pour ces montagnes où Satan régnait en maître ? Et pourquoi chacun de nous ne serait-il pas aussi ce saint ?
Le démon une fois alluma un feu imaginaire en l’air pour détourner les auditeurs de Cuthbert ; le saint l’éteignit d’un signe de la croix ; le mauvais esprit s’empara d’une sainte femme, d’un signe il le chassa. A son passage les malades, les pestiférés étaient guéris avec de l’eau, de l’huile, du pain bénit, la tempête s’apaisait, l’incendie s’éteignait, il changeait l’eau en vin, vérifiant la parole du Maître : Vous ferez les mêmes miracles que moi et de plus grands.
L’abbé du monastère de Mailros, saint Eate, ayant été nommé évêque de Lindisfarne, voulut l’avoir pour gouverner le monastère de sa ville épiscopale, car depuis que le moine Augustin avait conquis l’Angleterre, il n’y avait encore que des religieux pour la conduite de l’Eglise dans tout le pays.
Dans ce ministère, qui préparait, sans qu’il le sût, son élévation au siège épiscopal, il se montra l’homme très patient pour les défauts des autres, qui abondent toujours, comme l’on sait ; les événements les plus fâcheux ne parvenaient point à rompre son égalité d’honneur, car il avait le plus grand mépris des choses d’ici-bas.
St Cuthbert était tellement occupé des autres, qu’il passa souvent deux ou trois jours sans prendre un morceau de pain, parce qu’il n’en trouvait pas le loisir, il ne trouvait pas non plus le temps d’une heure de repos, afin de prêcher, travailler et prier davantage ; aussi quand un religieux se plaignait qu’on l’eût réveillé mal à propos, il ne pouvait comprendre cette réclamation : ce n’est pas lui faire tort de l’éveiller, disait-il, car en rompant le sommeil de quelqu’un, on lui donne le moyen de faire quelque chose de bien, ou d’y penser.
Il versait tant de larmes à sa messe que ce spectacle devenait une prédication ; il avait un sentiment profond de la justice qui l’indignait à la vue des vices ; mais il pleurait le premier avec tant de douleur les péchés qu’on lui accusait, que les pécheurs étaient épris d’une merveilleuse contrition.
L’îlot de Farne
Après avoir gouverné plusieurs années le monastère de l’église de Lindisfarne, loin de songer aux dignités qui l’attendaient, il supplia l’évêque de le laisser se retirer dans la solitude pour se sanctifier. L’évêque, qui était un saint, ne put résister à une prière qui était surnaturelle et Cuthbert se retira dans une île de l’Océan, affreusement sauvage, où nul n’avait pu habiter, parce que les démons en faisaient leur retraite et effrayaient les voyageurs par les spectres et les fantômes ; l’homme de Dieu savait qu’en éloignant les démons de la contrée, il servirait les âmes encore plus apostoliquement que par la parole. Il réussit et les pèlerins accoururent nombreux. Alors, pour retrouver la solitude, il éleva près du roc deux murailles qui enfermaient son oratoire et sa cellule de façon à ne voir que le ciel, ne communiquant plus avec les hommes que par une petite fenêtre, qu’il finit par boucher, afin de ne plus converser qu’avec Dieu le jour et la nuit.
Cependant il serait mort de faim et de soif sur ce rocher, si Dieu ne tenait toujours la promesse de nourrir ceux qui cessent tout travail pour le contempler. Des corbeaux lui apportèrent le pain nécessaire comme au prophète Elie ; déjà il avait fait jaillir une fontaine d’eau douce précédemment quand il accueillait les pèlerins.
Les vagues de la mer firent, un jour de tempête, une brèche à la muraille de sa cellule ; mais les flots dociles amenèrent aussitôt une pièce de bois de douze pieds et telle qu’il la désirait pour réparer leur dégât.
Plus il éloignait les pèlerins, plus ils accouraient. Il ne pouvait s’empêcher de les guérir à travers sa muraille quand ils exposaient leur maladie, et l’on venait encore plus nombreux. Toutefois ce sont surtout les maladies de l’âme qu’il guérissait ; il consolait ceux qui sont tentés en racontant les horribles tentations que l’esprit du mal lui faisait subir ; cette guerre était si violente qu’il s’était vu, disait-il, sur le point de se précipiter de son rocher dans la mer ou d’abandonner sa solitude ; car, ajoutait-il, les religieux qui vivent dans l’obéissance ont une voie beaucoup moins difficile et plus sûre que ceux qui affrontent la vie érémitique.
Sainte Elflède
Sainte Elflède, sœur du pieux roi Egfrid, abbesse de nombreux monastères, demandait souvent le secours de ses conseils et de ses prières. Elle tomba gravement malade et, à la suite de cette maladie, elle eut une cruelle contraction de nerfs. St Cuthbert lui envoya sa ceinture et l’abbesse fut guérie aussitôt, mais elle conserva la ceinture, qui servit depuis à une multitude d’autres guérisons.
Avec cette sainte il parlait des choses de Dieu ouvertement ; il lui dit que son frère le roi Egfrid mourrait deux ans après, mais que ce prince lui imposerait auparavant l’évêché qu’il avait espéré fuir en venant dans cette île déserte.
En effet, à la mort de l’évêque de Lindisfarne, un concile provincial ayant été assemblé en présence du très pieux roi, on décida de choisir pour évêque l’ermite de l’île de Farne.
Evêque
Afin de l’obliger à accepter, le roi s’embarqua avec les prélats, et ils vinrent tous ensemble frapper à la porte de l’ermitage, Cuthbert, instruit de leur arrivée, comprit qu’il ne pouvait plus fuir davantage un fardeau que Dieu voulait lui imposer : il cessa ses résistances et fut sacré.
Le zèle pour le salut des âmes prévalut chez le vieillard sur la faiblesse de l’âge, et on le vit, pendant deux années, renouveler les merveilles de son premier apostolat.
Il parcourait les villages, s’arrêtant chez les pauvres ; un jour il demandait au prêtre qui l’accompagnait s’il n’y avait pas encore en ce lieu quelque personne affligée qu’il n’eût pas consolée, et il vit aussitôt une pauvre femme qui embrassait son enfant sur le point d’expirer ; elle avait perdu l’aîné de la peste. Il fut touché, baisa cet enfant, le bénit et le rendit guéri à sa mère.
Il est nourri miraculeusement
Il exerça son zèle bien au-delà des bornes de son diocèse, dédiant des églises, visitant des monastères.
Une fois, sur la mer, la tempête ayant éloigné le vaisseau, les vivres manquaient, lorsque la vague obéissante apporta à la surface des eaux trois gros morceaux de chair de dauphin, qui servirent à le nourrir avec sa suite durant trois jours, après lesquels ils abordèrent.
Un autre jour, voyageant guidé par un enfant, dans une longue mission à travers un pays inconnu, il s’égara, et lui et son petit guide succombaient de faim et de fatigue : l’enfant pleurait, l’évêque le rassura.
- Vois-tu cet aigle tout là-bas ? si Dieu veut, il peut nous faire apporter par lui des aliments.
Et l’enfant tomba à genoux en apercevant l’aigle volant rapidement vers eux et laisser tomber sur l’herbe un poisson merveilleux enlevé aux flots écumants.
On sait le symbolisme du poisson qui représente le Christ et les âmes sauvées.
St Cuthbert apprit par révélation la mort du roi Egfrid tué dans une bataille contre les Pictes (Ecossais), il en donna avis à la reine et pria pour lui.
Retour sur l’îlot
Une autre vision lui annonça que sa propre mort était prochaine. Il résolut donc de retourner dans la petite île de Farne afin de se préparer dans la solitude à paraître devant Dieu, et le jour de Noël, après avoir célébré solennellement les mystères de la naissance du sauveur, il s’embarqua.
Un des anciens religieux lui demanda les larmes aux yeux :
- Quand reviendrez-vous ?
- Lorsque vous me rapporterez en ce pays.
En effet, il ne devait plus quitter son rocher. Il se livra à des austérités extrêmes, qui amenèrent au bout de deux mois une grave maladie, même à cette extrémité, il ne voulut permettre à aucun religieux de passer la nuit dans l’île, où les démons lui livraient – comme il arrive à la mort, - de cruels et terribles assauts, sur ce roc même qu’il leur avait disputé. Ce furent les plus redoutables tentations de sa vie, dit-il au religieux qui l’assista à la fin.
La mer étant devenue mauvaise, on ne put aborder durant cinq jours ; on le retrouva encore vivant ; mais la mort approchait, il se fit étendre en son oratoire, reçut les derniers sacrements et comme il allait mourir, il guérit un des religieux qui le servait et qui était atteint d’une grave dyssenterie.
C’était le 20 mars, son âme monta au ciel, brillante de charité comme l’âme de ce saint évêque qu’il avait vu monter sous la forme d’une flamme et qui lui avait marqué le chemin de la vie parfaite.
Que ceux qui auront lu cette vie de Cuthbert soient épris du désir de le suivre.
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L’attribut ordinaire de saint Cuthbert est un cygne ou un oiseau aquatique à cause de son séjour prolongé au milieu des eaux et à cause aussi de la familiarité qu’on lui attribue pendant son séjour sur l’îlot de Farne avec des oiseaux au duvet moelleux qui pullulaient sur ce rocher ; ils s’appelaient « les oiseaux de saint Cuthbert » ; aujourd’hui ils sont presque détruits.