Commémoration des morts
Fête le 2 novembre
Au lendemain de la fête des Saints qui sont déjà dans le ciel, l’Eglise nous invite à consacrer la journée du 2 novembre à prier pour les Saints qui ont encore à subir dans les flammes du purgatoire les peines dues aux péchés pardonnés, mais pour lesquels ils n’ont pas entièrement satisfait dans leur vie.
Nous racontons dans la vie de saint Odilon (fête le 1er janvier), comment cette solennité fut instituée d’abord en France, dans les couvents dépendants de Cluny et comment cette cérémonie toute monastique fut ensuite étendue à l’Eglise universelle.
Le 2 novembre, des messes pour les défunts doivent être célébrées dans le monde entier et, en Espagne, afin de multiplier les suffrages en faveur des âmes du purgatoire, l’épiscopat a obtenu autrefois du Saint-Siège que chacun des prêtres puisse célébrer ce jour trois messes comme à Noël.
La même faveur sollicitée de notre temps par plusieurs évêques de France et d’Italie, sera sans doute octroyée dès que les demandes auront été assez nombreuses.
Le vœu de l’Eglise est en effet de multiplier de plus en plus les prières pour le purgatoire, à mesure que les siècles qui se suivent remplissent davantage le lieu d’expiation.
D’ailleurs une pieuse coutume, qui se répand de plus en plus, consiste à prolonger la prière jusqu’à la fin du mois et à faire en novembre, le mois des morts, comme l’on fait, en mai, le mois de Marie.
Il importe aujourd’hui, de s’exciter à la dévotion en faveur des âmes du purgatoire et de considérer combien les secours que nous leur portons sont précieux et combien notre charité pour ces âmes, est aimée de Dieu et profitable à nous-mêmes.
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Sur la terre, en effet, aucune charité ne saurait égaler en richesse celle qui s’exerce pour le purgatoire, car tout l’or et tous les royaumes de la terre ne ressembleront jamais au ciel et à Dieu lui-même, et c’est là ce que de pauvres humains, comme nous, peuvent donner par leurs prières à leurs frères qui expient.
Sur la terre, aucune charité ne saurait non plus égaler celle qui s’exerce pour le purgatoire, si l’on veut considérer les souffrances soulagées, car les âmes souffrent inexprimablement, et les plus illustres théologiens, saint Augustin et saint Thomas, ne craignent point d’affirmer que la plus petite peine du purgatoire dépasse toutes les peines qui se peuvent ressentir en ce monde – excepté celles que Notre Seigneur a voulu endurer ici-bas pour nous.
Nous ne pouvons donc point comparer le zèle qui fait secourir les malades, et compatir aux plus cruelles opérations, à cette charité par laquelle on guérit les âmes du purgatoire.
Ajoutons que, quelle que soit l’ardeur des désirs des malheureux ici-bas, aucune aumône n’est autant désirée que ne le sont nos prières par les âmes encore privées de Dieu.
« C’est une faim, c’est une soif, c’est une fièvre : faim de Dieu, soif de Dieu, fièvre de Dieu. Le besoin emprunte ici quelque chose de la grandeur et de la nécessité de son objet ; son intensité, son urgence, sont tout à fait incalculable. (Mgr. Gay.) » Ici il ne saurait plus y avoir cette joie de la souffrance qui unit les Saints au Sauveur, et qui faisait s’écrier à l’un d’eux encore sur la terre : toujours souffrir, jamais mourir. Car ici, la souffrance au lieu d’être l’union à Dieu, consiste en une séparation de Dieu.
D’ailleurs aucun pauvre n’a autant besoin de l’aide d’autrui, puisque ces âmes sont complètement hors d’état de s’aider elles-mêmes. Elles ne peuvent ni faire pénitence, ni mériter, ni satisfaire, ni gagner d’indulgences. Elles sont privées des sacrements ; si l’on ne les secourt, elles restent là dénuées et incapables de tout, hormis de demeurer passivement livrées à ce fleuve de pleurs et de feu qui, dans son cours imperceptible, les entraîne peu à peu à l’Océan du Paradis.
Sur la terre enfin, aucune misère n’est aussi longue ; la fin de la vie, tant redoutée, est toujours proche comme une délivrance assurée, tandis qu’au purgatoire, la tradition commune, justifiée par la pratique de l’Eglise qui fait célébrer des anniversaires perpétuels et qui accorde des indulgences de mille ans et plus, est que les flammes du purgatoire durent parfois des siècles et peut-être jusqu’à la fin du monde pour certaines âmes.
Et dans cette vie de douleurs, s’écrie un pieux auteur, quel rapport avec le temps ? Aucun soleil ne marque la durée des jours, point de printemps succédant à l’hiver ; on n’y connaît point de sommeil et l’âme veille inexorablement dans cette nuit inexorable.
Un malade, rapporte Antonin, en proie à d’excessives souffrances, demandait avec larmes la délivrance de ses maux. Un ange lui apparut : Le Seigneur m’envoie vous donner le choix d’une année de souffrance sur la terre, ou un seul jour au Purgatoire.
- Un seul jour dans le Purgatoire, s’écria-t-il. Il expira, et son âme fut précipitée dans l’expiation. Alors l’ange s’offrit à le consoler. Mais le malheureux s’écria cette fois :
- Ange, vous m’avez trompé ; vous m’avez assuré que je ne serais qu’un jour dans le Purgatoire, et voilà déjà vingt ans que je suis livré aux plus affreux supplices.
- Vous êtes dans l’erreur ; la rigueur de vos tourments vous en fait exagérer la durée et regarder comme un siècle ce qui n’est en effet qu’un instant. Détrompez-vous ; à peine quelques minutes se sont écoulées depuis votre trépas, et votre cadavre n’est pas encore froid sur votre lit de mort.
- Alors, de grâce obtenez que je retourne sur la terre pour y souffrir, pendant un an, tout ce qu’il plaira à Dieu.
Il fut exaucé et il excitait ceux qui venaient le voir à accepter toutes les peines de ce monde, plutôt que de s’exposer aux tourments de l’autre.
Nous ne comparerons donc point les misères que nous voyons et que nous essayons de soulager avec des souffrances absolument différentes et que des âmes séparées du corps peuvent endurer. « Cet état est transcendant, et leur douleur est transcendante. » (Suarès). Les souffrances dont ces âmes sont imprégnées, disent les docteurs, sont analogues à celles de l’enfer quoique la certitude du salut mette entre elles et les damnés un abîme immense.
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Maintenant élevons nos regards vers notre Sauveur, et admirons qu’aucune des aumônes qu’il a promis de récompenser si merveilleusement ne touche autant son cœur. Ces âmes soumises à tant de si grandes souffrances aiment Dieu souverainement, totalement, nécessairement, et cet amour attire sur elles des torrents de l’amour divin de telle façon que Dieu ne peut plus cesser de les aimer. Comme elles désirent être délivrées par amour pour Dieu, Dieu désire qu’elles soient délivrées à cause de son amour pour elles ; mais ici Jésus veut encore être aidé par nous et donner ses mérites à nos œuvres pour achever sa conquête.
Autour du trône de Dieu, Marie, les anges, les saints sont les miroirs de sa volonté, et les enfants de la terre qui tirent une âme du purgatoire paient les larmes de Marie, font exalter les chœurs des anges et versent une joie immense en cet abîme de joie qui est le ciel des élus.
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Redescendons sur la terre et ajoutons qu’aucune charité n’est aussi profitable à ceux qui la font.
La puissance de payer leurs libérateurs commence pour les âmes avant même qu’elles soient en paradis, car il n’est pas douteux qu’elles ne prient là où elles souffrent et que la prière ne soit très efficace. « Quand je veux obtenir sûrement une grâce, disait sainte Catherine de Bologne, j’ai recours à ces âmes souffrantes, afin qu’elles présentent ma requête à notre père commun, et, d’ordinaire, je sens devoir à leur intercession le succès de ma prière. »
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On comprend après cet exposé rapide de la valeur qu’ont nos œuvres pour les âmes du purgatoire le zèle de plusieurs à prier pour elles et la prodigalité de la sainte mère Eglise à dépenser en leur faveur le trésor de ses indulgences.
Le premier moyen de venir en aide au purgatoire c’est la PRIERE ; l’Eglise nous impose, chaque fois qu’on célèbre la messe où qu’on dit l’office divin, de prier pour elles, et nous trace ainsi notre dévotion.
Parmi les prières, celles qui s’unissent à la méditation de la Passion sont très spécialement indiquées : la messe et la communion qui surpasse toute prière, le chemin de croix, les quinze mystères du Rosaire, des prières indulgenciées comme celles que nous indiquons.
La dévotion à la Sainte Vierge qui est la porte du ciel est nécessaire et particulièrement la dévotion au mystère de l’Assomption. La plupart des confréries pour le purgatoire ont pour fête l’Assomption de Marie parce qu’en ce jour béni, elle dut entrer au ciel avec la multitude du purgatoire.
Marie est la reine du ciel et la libératrice du purgatoire et Jésus veut qu’on vienne à Lui par Elle.
La prière à saint Michel et à ses anges qui combattent sans cesse pour arracher les âmes au démon, à l’enfer et au purgatoire.
Enfin comme moyens excellents de soulager les âmes du purgatoire, on indique les aumônes, les mortifications et par dessus tout le pardon des injures.
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Il faut gagner beaucoup d’indulgences pour le purgatoire, car ne pas user d’un trésor que l’Eglise ouvre si largement, serait injurieux à la miséricorde de Dieu qui nous l’offre, ce serait cruel pour ces malheureux que nous pouvons tant aider, et ce serait une grave responsabilité pour nous qui serons abandonnés dans la mesure où nous aurons délaissé les autres.
ACTE HEROIQUE DE CHARITE
Offrande de toutes les œuvres satisfactoires et suffrages
EN FAVEURS DES AMES DU PURGATOIRE
Cet acte héroïque de charité au profit des âmes du Purgatoire, consiste dans une offrande volontaire que fait le fidèle à ces âmes de toutes ses œuvres satisfactoires pendant la vie, et de tous les suffrages dont il peut être l’objet après la mort.
Il les dépose entre les mains de la très sainte Vierge, afin qu’elle les distribue à celles de ces saintes âmes qu’elle veut délivrer des peines du Purgatoire.
Il déclarera aussi que, par cette offrande, il ne cède rien autre chose à ces âmes, sinon le fruit spécial et personnel de ces œuvres et suffrages ; de sorte que les prêtres ne sont point empêchés par là d’appliquer la sainte Messe suivant l’intention de ceux qui leur aurait donné des honoraires.
Cet acte héroïque de charité, appelé aussi vœu et oblation, fut institué par le Père D. Gaspar Oliden, Théatin ; car, bien que connu dans le siècle passé, il fut propagé par lui, et c’est à sa demande qu’il a été enrichi d’un grand nombre d’indulgences par un décret du 23 août 1728, du pape Benoît XIII.
Ces indulgences furent ensuite confirmées par Pie VI le 12 décembre 1788, et finalement spécifiées par le Saint Père Pie IX, dans un décret de la sacré Congrégation des Indulgences du 20 septembre 1852. Ce sont les suivantes :
- Les prêtres qui auront fait cette offrande pourront jouir de l’autel privilégié personnel tous les jours de l’année.
- Tous les fidèles qui auront fait, comme précédemment, cette offrande, peuvent gagner l’indulgence plénière et applicable seulement aux âmes du Purgatoire, en quelque jour de l’année qu’ils fassent la sainte communion, pourvu qu’ils visitent une église ou un oratoire public, et y prient quelque temps suivant l’intention de Sa Sainteté.
- Ils gagneront pareillement une indulgence plénière, tous les lundis de l’année, en entendant la Messe pour le repos des âmes du Purgatoire, pourvu qu’ils visitent, etc., et prient comme plus haut (1).
- Puis toutes les indulgences qui ont été accordées ou qui le seront à l’avenir, quoique non applicables aux âmes du Purgatoire, pourront l’être par les fidèles qui auront fait cette offrande.
Sa majesté Pie IX a donné en outre, par le décret du 20 septembre 1854, aux ordinaires respectifs, la faculté d’autoriser les confesseurs à commuer les œuvres, en faveur des fidèles qui ne communient pas encore ou qui sont empêchés de le faire.
On prévient aussi que cet acte héroïque de charité, quoiqu’il soit appelé souvent du nom de vœu, dans quelques feuillets imprimés, et qu’il s’y trouve une formule particulière de cette offrande, n’oblige cependant point sous peine de péché : il n’est pas nécessaire de prononcer ladite formule ; mais il suffit un acte de la volonté qui parte du cœur pour pouvoir gagner les indulgences que nous avons indiquées. (Traduction de la Raccolta par M. Pallard).
Prières indulgenciées applicables aux âmes du Purgatoire
Les actes de foi,
d’espérance et de charité
(7 ans et 7 quarantaines d’indulgences toutes les fois qu’on les récite ; indulgence plénière une fois le mois à ceux qui les récitent chaque jour et indulgence plénière à l’article de la mort. – Benoît XIV, 11 décembre 1754).
Doux cœur de Marie
soyez mon salut
(300 jours d’indulgences toutes les fois qu’on récite cette invocation et invocation une fois le mois si on la récite chaque jour. – Pie IX, 30 septembre 1852).
Lorsqu’on est reçu du Scapulaire bleu de l’Immaculée Conception, la récitation de six Pater, Ave et Gloria permet de gagner les innombrables indulgences de la Terre-Sainte, des sept basiliques de Rome, de la Portioncule et de saint Jacques de Compostelle en Espagne et cela toties quoties.
INDULGENCE PLENIERE
Après la communion applicable aux âmes du Purgatoire
A ceux qui réciteront à genoux, devant l’image
de Notre-Seigneur Crucifié, la prière suivante :
BON ET TRES DOUX JESUS ! Je me prosterne à genoux en votre présence, et je vous prie et vous conjure, avec toute la ferveur de mon âme, de daigner graver dans mon cœur de vifs sentiments de foi, d’espérance et de charité, un vrai repentir de mes égarements et une volonté très ferme de m’en corriger, pendant que je considère en moi-même et que je contemple en esprit vos cinq plaies, avec une grande affliction et une grande douleur, ayant devant les yeux ces paroles prophétiques que prononçait déjà le saint roi David de vous, ô bon Jésus : « ILS ONT PERCE MES MAINS ET MES PIEDS, ET ILS ONT COMPTE TOUS MES OS »
En ego, o bone et dulcissime Jesu, ante conspectum tuum me genibus provolvo, ac maximo animi ardore te oro atque obtestor, ut meum in cor vividos Fidei, Spei et Charitatis sensus, atque veram peccatorum nicorum pœnitentiam, eaque emendandi firmissimam voluntatem velis imprimere : dum magno animi affectu et dolore tua quique Vulnera mecum ipse considero ac mente contemplor, illud præ oculis habens, quod jam in ore ponebat suo David propheta de te, o bone Jesu : Foderunt manus meas et pedes meos, dinumeraverunt omnia ossa mea.
Pie IX, 31 juil. 1858. Raccolta.
On doit en outre prier un certain espace de temps aux intentions de Sa Sainteté.
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(1) Pour les fidèles qui ne peuvent pas entendre la messe le lundi, celle du dimanche pourra suppléer (Décret du 20 septembre 1854).