Sainte Claire de Montefalco

Fête le 17 août

de l’ordre de Saint Augustin - (1268 - 1308)


Piété et innocence de Claire dès l’enfance

Claire naquit à Montefalco, ville de l’Ombrie. Ses parents pieux et honorables se nommaient Damien et Jacqueline. A l’âge de quatre ans elle savait par cœur le Pater, l’Ave et plusieurs autres prières qu’elle récitait à genoux, les mains jointes et les yeux au ciel, avec une piété si sensible, que tous ceux qui la voyaient prier en étaient émus. Elle garda toute sa vie cette ardeur dans la prière.

Le diable irrité employa toutes ses ruses pour l’en détourner, cherchant tantôt à l’effrayer par d’horribles apparitions, tantôt à lui persuader par de subtiles raisons, que cette application à la prière était pleine de dangers.

Une fois, il lui apparut sous la figure d’une femme vénérable, au visage voilé, qui lui dit : « Prends garde, Claire, prends garde, si tu continues à écouter ta sœur et à tant prier, tu seras emportée, par une mort prématurée, comme ta sœur Théodorice. » Sa sœur aînée, nommée Jeanne, était religieuse et la formait aux exercices de piété. Elle ne se laissa pas prendre aux pièges du démon, et n’en fut que plus dévote.

Elle dormait fort peu la nuit ; quand elle était accablée de sommeil, elle se couchait sur une planche nue ; rarement elle usa de lit et de couverture.

Elle s’habitua au jeûne dès l’enfance, et évitait tout ce qui flatte les sens, au point qu’elle vivait de pain d’orge et d’eau ; rarement elle y ajoutait des fruits ou des herbes crues ; toute sa vie elle garda cette abstinence et les médecins s’étonnaient qu’elle put vivre de si peu.

Arrivée à l’adolescence, comprenant les dangers de la vie dans ce monde, elle demanda à sa sœur de l’admettre dans la communauté, ce qu’elle n’obtint qu’après de longues instances. Car Jeanne craignait que dans son âge encore peu avancé, elle ne put supporter une vie si austère. Mais elle subit vaillamment l’épreuve du noviciat, et, au bout d’un an, elle fut admise, du consentement de toutes les Sœurs, à la profession religieuse.

Ses trois vœux prononcés, elle mit plus d’ardeur encore à la prière et à la pratique des vertus monastiques, au point que ses forces physiques défaillaient.

Mais Dieu manifesta par plusieurs signes combien ses pures et ardentes prières lui étaient agréables. Un jour que les Sœurs l’observaient priant dans sa cellule, elles la virent ornées d’un collier des plus belles fleurs du monde, et le front ceint d’une couronne : c’étaient les anges qui la paraient ainsi. Une autre fois, la cellule où elle priait, apparut illuminée d’une lumière céleste. Elle entendait parfois les concerts des anges, et ses forces, épuisées par le jeûne et les veilles, lui étaient rendues par cette douce mélodie. Elle portait continuellement un cilice, et se disciplinait jusqu’au sang pendant la nuit. L’humilité lui était si chère, qu’elle se contentait du vêtement le plus grossier, et elle garda toute sa vie l’obéissance empressée qu’elle manifestait dans son enfance.

Mais parmi tant de vertus, la plus belle fut la chasteté qu’elle conservait avec un soin jaloux en elle et dans les vierges qui lui furent soumises.

Une fois, à l’âge de neuf ans, elle laissa en dormant son petit pied nu sortir du lit. Sa sœur Jeanne, qui le remarqua, la reprit et lui dit que cela n’était pas convenable à une vierge. La petite Claire en eût tant de chagrin, que depuis lors elle enveloppait étroitement ses jambes avant de s’endormir. Plus tard, elle ne permettait même pas aux religieuses de lui toucher la main. Elle recommandait à ses filles de ne jamais découvrir leur corps, même dans l’obscurité ; et elle observait cela si étroitement pour elle-même, que jamais elle ne voulut montrer au médecin, aucune partie de son corps sans un voile.

Elle disait aussi que les vierges ne doivent avoir de familiarité ni avec les hommes, ni avec les femmes mariées, car cette intégrité parfaite donne l’immortalité au corps, qui, embaumé par la fleur de la virginité, est préservé aussi de toute corruption.

Ses vertus en Religion

Elle aimait aussi beaucoup le silence et détestait le bavardage, aussi ne lui arriva-t-il qu’une seule fois de tomber dans une faute sur ce point ; encore ce fut pour condescendre au désir de sa mère Jacqueline. Néanmoins, elle eût un tel regret de ce laisser aller, qu’elle pleura comme si elle eût commis un péché grave et s’imposa pour pénitence de réciter cent fois le Pater et l’Ave Maria les pieds nus dans la neige.

Elle avait un tel amour de la vérité, une telle candeur dans ses paroles et dans ses actes, une telle horreur de la duplicité du cœur ou des lèvres, que jamais on ne pût observer dans ses démarches, rien qui exprimât le contraire de la vérité.

A la mort de sa sœur Jeanne, elle fut élue abbesse et remplit cette charge avec tant de prudence, que jamais le diable ne pût réussir à la tromper, quelque ruse qu’il mit en œuvre. Comme il avait observé qu’elle était très assidue à contempler la Passion, il lui apparût un jour, sous la forme d’un Crucifix, avec un corps gracieux et replet, afin d’exciter en elle par cette vue, l’aiguillon de la chair. Mais la vierge reconnut le trait caché de l’ennemi et s’en moqua ; le démon furieux disparut. Elle avait tant de compassion pour les pauvres que, lorsqu’elle en voyait de mal vêtus, elle se dépouillait de ses propres habits pour les en revêtir. Toutes les fois qu’on faisait le pain au couvent, elle voulait qu’on fit douze pains de plus que nécessaire, pour les distribuer à douze pauvres, en l’honneur des douze apôtres.

Elle veillait sur les Sœurs malades avec la sollicitude d’une mère ; leur faisait donner tout ce qui pouvait adoucir leur mal, et les assistait de ses conseils, de ses soins, de ses prières avec une prudence et une charité merveilleuses.

Sa prudence était surtout admirable dans l’administration des filles dans la communauté. Elle ne s’arrêtait ni à la figure, ni aux bonnes façons, ni à la naissance, mais à ce seul point, savoir si elles désiraient vraiment et sincèrement servir Dieu, et recommandait de ne jamais admettre une personne pour un motif d’intérêt ou de parenté.

Sa réputation de prudence fut si grande, qu’on l’employa parfois aux affaires les plus délicates, telles que la réconciliation entre villes voisines irritées.

Dieu lui donna une telle intelligence des choses divines qu’elle osa combattre l’hérésie des Frérots dans des discussions où elle convainquit publiquement un de ces adeptes de mensonge et de fourberie.

Elle connaissait les pensées cachées et eut parfois le don de prophétie. Mais ce qui fut surtout admirable en elle, ce fut sa familiarité et ses relations intimes avec le Seigneur, au point qu’un jour où elle ne put approcher la sainte table avec la communauté, notre Seigneur Jésus-Christ lui-même vint lui apporter la communion.

Mais aussi, qu’elle exigence de la part de celui qui communiquait ainsi avec elle !

Elle eut un jour un léger mouvement d’impatience à l’égard d’une sœur qui lui assurait que, malgré ses efforts, elle ne trouvait aucune douceur dans la prière. Il n’en fallut pas plus pour qu’elle fut aussitôt privée elle-même de toute consolation ; et la nuit de l’âme où elle fut plongée ne dura pas une semaine, ni un mois, mais onze ans entiers !

On peut juger par là combien le Seigneur demande de perfection aux âmes qui veulent jouir de ses entretiens familiers.

Sa dévotion envers la passion

Elle était singulièrement enflammée de dévotion, de reconnaissance et de compassion quand elle méditait sur la Passion du Sauveur, et désirait beaucoup voir au moins une fois, des yeux du corps, le Seigneur tel qu’il était au moment où il mourut pour nous sur la croix. Un jour qu’elle était dans cette pensée, une voix du ciel lui dit : « Claire, ma fille, que peut-il vous arriver de plus heureux que de participer à mes douleurs ? » Dès lors elle resta tellement absorbée dans la contemplation de la Passion, que même quand elle buvait de l’eau et mangeait du pain, il lui semblait qu’elle prenait du fiel et du vinaigre, tant le glaive de la compassion était profondément entré dans son cœur.

Et parce qu’elle repassait toujours en son cœur la vie du Seigneur, elle fut admise par son époux dans le cellier, c’est-à-dire qu’elle voyait tout cela comme présent à ses yeux. Elle entendait le concert des anges, voyait l’enfant Jésus dans la crèche, la pauvre étable de Bethléem, les trois Mages agenouillés pour adorer l’Enfant-Dieu.

D’autres fois le Seigneur lui montrait le terrible jugement dernier, les supplices réservés aux impies, l’honneur et la gloire qui attendent les fidèles. Elle entendit un jour ces paroles de la bouche du Seigneur :

« Viens, Claire, viens ; ta venue me sera agréable. - Seigneur, répondit-elle, je désire me dissoudre et m’unir à vous. - Il faut attendre encore un peu, ma fille, ton jour n’est pas venu, » reprit le Seigneur.

Une autre fois, le Seigneur lui apparut sous la figure d’un pèlerin, portant une croix sur ses épaules, il lui dit :

« Ma fille, en cherchant ce que je pourrais offrir de plus agréable à ton cœur, il m’a semblé que ma croix serait la chose qui lui convient le mieux. Reçois-la, embrasse-la, et donne-moi ton cœur afin que tu puisses mourir sur la croix. »

Ces paroles émurent si profondément le cœur de cette tendre vierge, enflammée de l’amour de Jésus-Christ, qu’il reçut à ce moment l’impression des insignes de la Passion.

Son heureux trépas ; merveilles de son cœur. - Elle connut dès lors l’heure de sa mort. Quand elle la sentit s’approcher, elle vit son ange gardien et le pria de daigner demander à la bienheureuse Vierge Marie de l’admettre en sa compagnie, parmi les âmes bienheureuses.

Elle vit aussi, au moment de sa mort, le démon, qu’elle mit en fuite par ces paroles : « Que me veux-tu, cruelle bête ? retire-toi de moi, maudit, et va au lieu de tes tourments. » Une Sœur qui entendit ces paroles, craignant que le démon n’eût puissance sur elle, lui plaça un crucifix devant les yeux : « Ma Sœur, lui dit Claire, si vous chercher le crucifix, vous le trouverez gravé dans mon cœur. »

Au dernier moment elle demanda les sacrements de l’Eglise, et les reçut avec une dévotion et un amour extrêmes. Elle donna aux Sœurs de salutaires avis et les bénit, s’écria à haute voix : « Seigneur, combien est grande la récompense que vous avez préparé à ceux qui vous servent !

« Mes Sœurs, conduisez-moi à mon époux, car je vois le ciel s’ouvrir, les Apôtres et les Vierges m’attendent : délivrée des liens du corps je vais m’envoler vers mon Dieu. » Et ce disant elle expira, et alla embrasser son époux, toute pure et toute belle, consumée du feu de l’amour divin ; car jamais, pendant sa vie d’ici-bas, elle n’avait souillé du péché mortel sa robe d’innocence revêtue au saint baptême.

Elle mourut en l’an de N.-S. 1308, le lendemain de l’Assomption, à l’âge de quarante ans. Son corps fut enseveli dans son monastère, où il repose encore aujourd’hui ; conservé tout entier, et souple comme s’il venait d’être déposé hier, il est blanc comme l’albâtre. Sa complète conservation a été constatée de nouveau sous le pontificat de Pie IX, d’heureuse mémoire.

La sainte âme de Claire en quittant son corps y laissa les marques évidentes de sa gloire. Et comme les Sœurs connaissaient sa tendre dévotion pour la Passion, qu’elles lui avaient entendu dire plusieurs fois avant sa mort qu’elle portait Jésus crucifié dans son cœur, elles furent saisies du désir de s’en assurer exactement avant de confier son corps à la terre. Elle décidèrent donc de faire l’autopsie et d’examiner les mystères de son corps. Elles constatèrent d’abord que son cœur était fort enflé et avait la grosseur de la tête d’un petit enfant. De plus la poche du fiel était complètement durcie. De l’avis des médecins, il est impossible à un homme de vivre en cet état.

On ouvre son cœur et on y trouve les instruments de la passion

Une sœur divisa le cœur en deux parties, et sa main fut si heureusement conduite par Dieu dans cette opération, que pas un des instruments de la passion qui s’y trouvaient ne fut atteint. Les sœurs, profondément surprises et joyeuses, en rendirent à Dieu des actions de grâces.

Dans la partie de droite apparut l’image du Seigneur attaché à la croix, environ de la grosseur du pouce, et un peu plus long. Il avait les bras étendus, la tête inclinée à droite avançant un peu sur les épaules. Le flanc droit était livide, avec la plaie ouverte et sanglante. Autour des reins était un linge taché de sang. Il y avait encore dans cette partie du cœur : trois nerfs auxquels étaient attachés trois clous noirs durs et pointus, l’un des trois, notablement plus grand que les autres ; au-dessous des clous, un autre nerf couleur de fer, terminé en pointe dur : cette pointe était aiguë, pénétrait comme du fer, et représentait la lance avec laquelle Longin perça le flanc du Sauveur. Enfin, dans la même partie du cœur était encore une boule de nerfs plus petits, représentant l’éponge avec laquelle le fiel et le vinaigre furent présentés au Seigneur.

Dans la partie gauche, se trouvaient les fouets ; c’étaient cinq nerfs entrelacés avec beaucoup de nœuds, et réunis par un manche. Auprès du fouet se trouvait un nerf plus fort représentant la colonne de la flagellation, entouré de nerfs sanglants, figurants les cordes avec lesquelles le Seigneur y fut lié.

Au-dessous de la colonne la couronne d’épines, formée de nerfs entrelacés avec des épines dures et pointues.

Tous ces insignes, quoique formées de chair, étaient durs comme les instruments réels de la Passion du Sauveur.

Quand les religieuses eurent vu toutes ces merveilles, et les eurent considérées une à une avec respect et admiration, elles en informèrent en l’absence de l’évêque de Spolète, son vicaire Berenger, qui en fit un examen minutieux ; et put s’assurer de la réalité de ce qui vient d’être dit.

Il s’étonna surtout de ce que ces instruments, séparés du cœur avaient pris consistance et que la mollesse naturelle des tissus avait fait place à la dureté du bois ou de la pierre. Plusieurs de ces insignes furent mis entre les mains du Pape Jean XXIII, lorsqu’il fit l’examen de la vie de Claire pour la béatifier.

Les Sœurs recueillirent le sang qui coula du cœur lorsqu’il fut ouvert, et le mirent dans une ampoule de verre ; il répandit à ce moment une odeur suave. Il est demeuré coagulé jusqu'à ce jour, et lorsqu’une tempête grave menace l’Eglise, on le voit s’agiter et se mettre en ébullition, signe manifeste de la colère de Dieu.

Trois boules de même poids et de même forme sont trouvées dans son fiel

Le fiel, durci comme on l’a dit, fut ouvert également et examiné par des médecins. On y trouva trois petites boules couleur de cendre et tachées de rouge, qui étaient toutes trois de même grosseur et de même poids, dures comme du silex, et placées en formes de triangle. Elles représentaient manifestement le mystère de la T. S. Trinité, car elles étaient absolument semblables en tout ; et, ce qui dépasse toute admiration, une seule était du même poids que les deux autres et même que les trois réunies. Si l’on en plaçait une des trois dans l’un des plateaux de la balance et les deux autres dans l’autre plateau, la balance restait en équilibre. Et si on en plaçait une des trois dans un des plateaux et dans l’autre une petite pierre ou n’importe quel objet d’un poids égal, et qu’on ajoutât les deux autres boules dans le plateau où il y en avait déjà une, la balance restait immobile comme dans la première opération.

C’était là un signe manifeste de la T. S. Trinité, une quant à l’essence, diverse quant aux personnes.

L’une de ses trois boules s’est brisée d’elle-même, au moment où la France, entamée par l’hérésie de Calvin, a causé de si grands maux dans l’Eglise.

Toutes ces merveilles montrent combien la bienheureuse Claire fut aimée de Dieu, car il édifia en sa chair, un temple où éclatent les mystères de l’Auguste Trinité et de la Passion du Sauveur.

Que par ses mérites et son intercession, Dieu nous accorde la grâce de contempler nous aussi, les souffrances du Sauveur ici-bas, afin que nous puissions jouir au ciel de la vue de la T. S. Trinité dans sa gloire. Amen.