Saint Christophe

Fête le 25 juillet


Légende de la gravure

Christophe, prisonnier, prêche le vrai.

Les peuples se convertissent autour du corps de Saint Christophe.


Le culte de saint Christophe plus connu que les actes de sa vie

La vie des saints les plus populaires, les plus invoqués et les plus vénérés se trouve parfois enveloppée d’une mystérieuse obscurité. On dirait que Dieu se plaît à exalter singulièrement aux yeux des hommes ceux de ses serviteurs qui ont poussé la pratique de l’abnégation et de l’humilité jusqu’à ne pas laisser de trace de leur passage sur la terre.

Le très glorieux martyr de Jésus-Christ Christophe en est un exemple frappant.

Les hagiographes ne nous apprennent rien de bien certain touchant sa naissance, les actes de vie et le genre de son supplice ; tandis que l’histoire authentique de son culte remplit de nombreuses pages.

Dès la plus haute antiquité, l’Eglise l’a distingué parmi les autres saints ; elle a entouré sa mémoire d’honneurs particuliers.

Le moyen âge le compta au nombre des quinze bienheureux, décorés du titre de saints auxiliaires ou protecteurs, toujours invoqués efficacement dans les grands dangers. On avait recours à lui, surtout en temps de peste et dans les cas de possessions diaboliques. Un jour, par la bouche d’un démoniaque, Satan avoua qu’après la Mère des miséricordes, le Géant chrétien, ainsi nommait-il notre bienheureux, lui arrachait le plus de victimes.

Témoins des prodiges opérés par sa vertu, les fidèles aimaient à implorer l’intercession de Christophe. Les églises et les monastères élevés en son honneur sur tous les points de la chrétienté attestent l’universalité de son culte. Lorsque la dévotion aux saints était florissante, il n’y avait pas de pays, pas de province, pas même de ville, qui ne se glorifiât d’avoir au moins une parcelle des reliques du généreux martyr. Il n’y avait pas d’église qui ne possédât pas l’image du saint, image bien connue où Christophe est représenté sous les traits d’un géant, portant sur ses robustes épaules le Christ petit enfant, et traversant, un bâton à la main, les eaux d’un fleuve profond.

Cette image occupait une place à part dans les cathédrales. Elle était immense, et parfois, on la représentait entourée du zodiaque comme si elle remplissait le monde entier.

Les peuples ne purent se résoudre à ignorer les actes et la vie d’un saint dont le nom était si glorieux. L’histoire leur fournissait à ce sujet des renseignements rares et confus ; la pieuse imagination de nos pères s’empara de ces débris informes, et en bâtit un gracieux édifice, qui fut la légende de saint Christophe.

LEGENDE DE SAINT CHRISTOPHE

Christophe au service d’un roi puissant

En ce temps là, existait un géant de la race des Chananéens, et dont la haute stature mesurait douze coudées. Fier de sa taille et de la force physique dont il était doué, il voulut s’attacher au service du roi le plus puissant de la terre.

A cet effet, il alla trouver un grand prince très renommé pour sa bravoure et ses hauts faits. On le reçut à bras ouverts, et on l’admit parmi les capitaines de l’armée. – Or le prince était chrétien. – Un jour, il advint qu’un jongleur se présenta à la cour. Il chanta une sorte de cantique magique, où le nom du diable revenait sans cesse. Toutes les fois qu’il entendait le nom du maudit, le roi se signait dévotement. Fort intrigué, Christophe en demanda la raison au prince lui-même. Celui-ci, pressé de questions, lui avoua que le diable était un être méchant dont il craignait les maléfices, et qu’il cherchait à les éloigner par le signe de la croix.

« Donc, répartit Christophe, vous n’êtes pas le monarque le plus puissant du monde, et je me suis trompé en m’attachant à votre personne ! Adieu, seigneur, je vous quitte pour aller me mettre au service du diable. »

Christophe au service du diable

Après une longue course, le géant, étant au milieu du désert se trouva en face d’un homme à l’aspect terrible.

« Qui es-tu, demanda Christophe ?

- Je suis le diable, répliqua l’étranger. »

- Justement, je te cherchais pour entrer à ton service. »

Et Christophe promit à Satan une fidélité éternelle.

Pendant longtemps, il se livra au brigandage et au meurtre, sous la conduite de son nouveau maître. Or, une fois qu’ils cheminaient côte à côte, une voix se dressa sur leur passage. Satan se prit à trembler de tous ses membres ; il ne put passer outre.

« Qu’as-tu, » lui demanda son compagnon.

Obligé par une force divine de confesser la vérité, le démon répondit : « Jadis, je fis moi-même clouer sur cette croix un homme appelé le Christ ; mais par sa mort il me vainquit. Depuis lors, il m’est impossible de supporter sa vue ou celle de l’instrument de son supplice.

- Donc, reprit le géant, tu n’es pas le monarque le plus puissant du monde, et je me suis trompé en m’attachant à ta personne ! Adieu, seigneur diable, je vais à la recherche du Christ plus grand et plus puissant que toi. »

Christophe au service de Jésus-Christ

Après avoir longuement cherché, il fit la rencontre d’un saint ermite qui lui annonça le Christ et l’instruisit dans les mystères de la foi. Au baptême, il lui changea son nom païen qui signifiait réprouvé en celui de Christophore ou Christophe, qui signifie Porte-Christ. Puis, il lui dit :

« Tu veux t’engager au service du Christ mon roi ?

- Je le veux.

- Apprends donc que le service de Jésus, mon maître et le tien, consiste dans le jeûne et dans la prière.

- Demande-moi tout autre chose, saint ermite, car vous savez que je suis incapable de jeûner et que je ne puis pas encore beaucoup prier.

- Eh bien, soit ! tu ne jeûneras pas, et tu ne prieras que très peu, mais à la condition d’exercer la charité envers les hommes pour l’amour de ton Dieu. Je t’établirai auprès d’un fleuve profond, et tu auras le soin de transporter, à travers les eaux du fleuve, les voyageurs qui imploreront ton assistance. »

Pendant longtemps, Christophe s’occupa avec zèle de la mission que l’ermite lui avait confiée. Un jour, il rencontra sur le bord de l’eau un jeune enfant qui demanda son aide pour passer de l’autre côté. Le géant chargea la frêle créature sur ses épaules, mais le fardeau, très léger au commencement, allait sans cesse augmentant dans le trajet, en sorte que notre saint n’atteignit qu’avec grands efforts la rive opposée.

« Jeune enfant, dit-il, en s’allégeant de sa lourde charge, lorsque je t’avais sur mes épaules, il me semblait que je portais le monde entier.

- Ne t’en étonne pas, répliqua le petit voyageur ; tu portais celui qui porte le monde. »

A ces mots, l’Enfant Jésus disparut, laissant Christophe plongé dans l’admiration.

Telle est la charmante légende de notre saint : sous des apparences fort naïves, elle cache un ensemble d’enseignements élevés.

Saint Christophe, d’abord au service d’un roi puissant et bon, puis ministre de Satan, enfin serviteur de Jésus-Christ représente l’humanité dans les trois états qu’elle a successivement parcourus : la loi naturelle, la loi diabolique ou l’idolâtrie et la loi évangélique.

Considérée en elle-même, la loi naturelle est semblable au roi dont parle la légende ; elle est puissante, elle est bonne. Mais qu’elle est faible, si on la met en présence des mauvais instincts de la nature et des attaques du démon !

L’humanité dominée par les absurdités de l’idolâtrie est vraiment dans la situation de Christophe, pendant la durée de son second service ; elle est l’esclave du diable.

Ayant reçu la loi de l’Evangile, elle devient Christophore ; elle porte le Christ à travers les adversités de la vie, signifiées par le fleuve de la légende.

Les actes du martyr de saint Christophe

Arrivée du saint à Samos

A côté de la légende de saint Christophe, il y a le récit de son martyr, vrai dans son ensemble, sinon dans tous les détails, au témoignage de Baronius. En voici les faits les plus saillants.

Sous le règne de l’empereur Dèce, la ville de Samos, encore presque entièrement païenne, vit arriver dans ses murs un inconnu dont la stature gigantesque excita l’étonnement de tout le peuple. Mais la surprise augmenta, lorsqu’on vit le géant se prosterner au milieu d’une immense multitude, et prier à haute voix pour la conversion des infidèles qui l’entouraient.

La contrée, en ce temps-là, était sous la puissance d’un certain Dagnus, que nos Actes appellent roi, mais qui devait être qu’un simple gouverneur, imposé à Samos par la volonté de l’empereur. Féroce persécuteur des chrétiens comme son maître, Dagnus apprenant ce qui se passait, ordonna qu’on fît comparaître l’étranger devant lui. Des soldats se rendirent sur la place publique pour exécuter les volontés du gouverneur. Le nouvel arrivé leur annonça Jésus-Christ ; ensuite, afin de les convaincre de la vérité de sa prédication, il fixa en terre le bâton qu’il tenait à la main, et la verge devint sur-le-champ un arbre magnifique.

Ce miracle convertit avec les soldats une grande partit de la foule.

Saint Christophe confesse la foi devant Dagnus

L’étranger leur dit alors : « Mes frères, puisque votre maître désire me voir, je vais maintenant, de mon plein gré, me rendre à sa demeure. » A l’entrée du palais, un officier du gouverneur s’écria, en l’apercevant : « Voici l’ennemi des dieux et de la chose publique ; voici qui est venu apporté le désordre dans la cité. » Et il lui appliqua sur la joue un vigoureux soufflet.

« Rends grâce au ciel de m’avoir fait chrétien ; car si je n’étais pas le serviteur de Christ, tu ne sortirais pas vivant d’entre mes mains, répliqua le géant sans faire paraître la moindre émotion.

Cependant on l’amena devant le tribunal de Dagnus : « Quel est ton nom, lui demanda ce dernier ?

- Mes parents m’ont appelé réprouvé ; mais au baptême, j’ai pris le nom de Christophe.

- Peu m’importe ton changement de nom ; ce que je veux, c’est que sans tarder, tu sacrifie aux dieux.

- Sacrifier à des dieux qui ont des oreilles et n’entendent point, des yeux qui ne voient point, à des dieux d’or ou d’argent, de pierre ou de bois, qui ne sont d’aucune utilité à leurs adorateurs ! Jamais ! Tu devrais bien plutôt prier avec moi le Seigneur Jésus dont tu obtiendrais la rémission de tes péchés."

Encouragés par les paroles du généreux confesseur, quelques-uns des soldats précédemment convertis s’approchèrent du tribunal, et, jetant leurs insignes militaires, ils s’écrièrent d’une commune voix : « Le Dieu de Christophe est notre Dieu. Nous voulons entrer à son service, arrière les fausses divinités ! »

Dagnus, la rage dans le cœur les envoya tous à la mort. Quant au géant, il le fit jeter en prison.

Attaque terrible dirigé contre saint Christophe.

Pécheresses et martyres

Comme les menaces paraissaient peu propres à effrayer le saint et à ébranler sa constance, Dagnus résolut d’attaquer sa vertu. Il essaya de le séduire par l’appas des voluptés grossières.

A cette fin, il envoya dans le cachot des pécheresses, Nicœa et Aquilina, l’une et l’autre extrêmement remarquable par leur beauté. Il leur promit de grands honneurs et d’immenses richesses, si elles parvenaient à entraîner au mal le glorieux martyr de Jésus-Christ.

A peine furent-elles introduites auprès du saint, qu’une divine flamme s’échappant de son visage, vint les entourer et les renverser. Saisies de crainte, elles se mirent à le supplier : « Bienheureux homme de Dieu, lui disaient-elles, qu’il nous soit fait aucun mal ; car dès cette heure nous croyons en Jésus-Christ ton Dieu, et nous renonçons au péché pour toujours.

«  - Levez-vous mes filles, reprit le martyr, si vous voulez être chrétiennes ; si vous renoncez à votre vie d’infamie, ne craignez rien. » Puis Christophe les catéchisa et les fit sortir de son cachot, saines et sauves.

A cette nouvelle, Dagnus voulut contraindre les deux femmes à sacrifier. Elles semblaient y consentir sans trop de difficulté. Comblé de joie, le gouverneur assembla tout le peuple dans le plus vaste temple de Samos, afin que les nouveaux convertis fussent invités à revenir à l’idolâtrie, par l’exemple des deux anciennes courtisanes.

Amenées devant les idoles, Nicœa entoura de sa ceinture la statue de Jupiter, Aquilina avec la sienne, la statue d’Apollon ; et elles renversèrent les images des deux divinités. Puis elles crièrent en présence de tout le peuple : « Si vous êtes des dieux relevez-vous promptement. »

Le gouverneur, hors de lui, fit périr Aquilina dans les supplices de la torture. Nicœa condamnée au feu , mais miraculeusement épargnée par les flammes, eut la tête tranchée.

L’Eglise honore la mémoire des deux pécheresses, le 24 juillet.

Saint Christophe cruellement tourmenté

Sa mort

Christophe retiré de la prison fut battu avec des verges de fer, et on lui mit sur la tête un casque rougi au feu.

Le bienheureux martyr souriant au milieu de ces atroces souffrances se tourna vers le tyran et lui dit : « Si tu as des tourments plus raffinés, prépare-les contre moi ; car la vie éternelle, qui m’a été promise et que j’attends, me rend les tortures plus douces que le miel. »

Le gouverneur, qu’irritaient ces paroles, fit construire un immense gril, mesurant douze coudées et proportionné à la taille du saint. On l’y étendit, après avoir répandu de l’huile sur tout son corps, les bourreaux allumèrent du feu sous le gril. Christophe souffrit horriblement de ce supplice, mais sans discontinuer pour cela son oraison, sans rien perdre de sa patience et de sa sérénité habituelles. Son visage, dit l’Hagiographe, était éclatant comme une rose parfaitement épanouie.

Malgré l’âpreté des tourments, Dieu ne permit pas qu’ils donnassent la mort à son serviteur. Le gouverneur l’ayant fait enlever du gril, comme il le trouva toujours persévérant dans la confession du Christ, ordonna de l’attacher à un poteau et de cribler son corps de flèches. Les flèches, retenues par le vent, restèrent suspendues en l’air, formant comme un rempart autour du saint. Aucune ne le blessa.

Cependant, Christophe offrait au ciel une fervente prière : « O Dieu, disait-il, qui m’avez retiré des ténèbres de la gentilité et m’avez introduit dans la lumière de la foi, faîtes, je vous en supplie, que le lieu où reposera mon corps soit à jamais préservé des ravages de la grêle et des dévastations du feu, épargnez-lui aussi pour toujours le double fléau de la peste et de la famine. Accordez, Seigneur, aux démoniaques qui viendront se prosterner devant mes reliques et m’adresseront leurs vœux de s’en retourner dans leur maison, délivrés de l’esprit mauvais.

Et maintenant, ô Christ, daignez recevoir dans le temple de votre gloire un humble serviteur qui a vaillamment lutté pour soutenir la gloire de votre nom. » Et saint Christophe exhala doucement son âme qui s’envola au paradis le vingt-cinquième de juillet.