Sainte Catherine de Gênes

Fête le 14 septembre


Famille de Catherine – Sa sainte enfance

Catherine Fieschi naquit à Gênes au milieu du XVe siècle ; son père, Jacques Fieschi, était vice-roi de Naples.

La famille de notre Sainte fut féconde en grands hommes ; elle donna deux pontifes à l’Eglise, Innocent IV et Adrien V ; huit ou neuf cardinaux à la cour de Rome, deux archevêques à Gênes, et beaucoup de magistrats et de capitaines à sa patrie.

Les parents de Catherine, en bons et fervents chrétiens, l’élevèrent dans la crainte et l’amour de Dieu, et Catherine profita si bien de leurs leçons, que, dès l’âge de huit ans, elle se mit à pratiquer des mortifications très rudes et très austères : elle dormait sur une simple paillasse, et n’avait qu’un morceau de bois pour oreiller, mais elle avait soin de cacher ses pénitences aux personnes qui l’entouraient et aux femmes qui la servaient.

Elle eut aussi de bonne heure le don d’oraison en un degré extraordinaire. Elle avait dans sa chambre une image représentant Notre-Seigneur mort, couché sur le sein de la Sainte Vierge. La jeune Catherine sanglotait toutes les fois qu’elle levait les yeux vers ce tableau, on voyait alors, exprimée sur son visage, toute l’amertume des douleurs du Sauveur, et un tremblement extraordinaire s’emparait de ses membres.

A l’âge de 12 ans, son oraison atteignit un degré encore plus sublime ; elle éprouvait les délicieuses ardeurs de l’amour de Dieu, particulièrement quand elle méditait sur la Passion de son Sauveur ; sa disposition était celle de l’abandon le plus parfait à la volonté divine, elle n’avait de joie que dans la contemplation des choses du ciel, et tous les biens de la terre ne lui inspiraient qu’horreur et dégoût.

Comment elle ne put se faire religieuse

Voulant se donner entièrement à Dieu, qui se communiquait à elle avec tant de familiarité la Sainte se décida à entrer dans le cloître.

Parmi les nombreux monastères de femmes, qu’on comptait alors à Gênes, et où régnait la régularité la plus édifiante, Catherine choisit le couvent de Notre-Dame-des-Grâces, soumis à la règle de Saint-Augustin.

Elle ouvrit son cœur à son directeur spirituel, et le pria instamment, s’il approuvait ses pensées, de la faire admettre dans ce monastère. Le vénérable prêtre voulut éprouver quelque temps sa vocation ; la voyant inébranlable, il n’hésita plus et promit d’agir.

En effet il fit la demande le jour suivant, à la Mère supérieure du couvent ; mais Catherine n’avait que treize ans, et la Règle s’opposait à ce qu’on admît des personnes d’un âge aussi tendre. Les religieuses eussent volontiers accédé au désir de l’enfant et de son confesseur, car elles connaissaient les grâces extraordinaires dont jouissait Catherine, mais elles aimèrent mieux renoncer au trésor qu’on leur proposait, que de transgresser leurs coutumes.

Mariage de Catherine

La Sainte fut affligée de ce refus, mais après avoir ployé un instant, elle se redressa avec une énergie et dit : « C’est Dieu qui me fait subir cette épreuve ; je lui remets le soin de ma personne, afin qu’il me fasse arriver à mon but par les voies que sa sagesse jugera les meilleures. »

Les voies que Dieu lui réservait devaient être des voies douloureuses ; dès l’âge de seize ans, elle commença à y entrer. Elle perdit son père en 1460, et se trouva ainsi sous la tutelle de Jacques, son frère aîné.

A cette époque la ville de Gênes était le théâtre de guerres sanglantes, à l’occasion de la rivalité des Guelfes et des Gibelins. Mais le duc de Milan, profitant de ces troubles civils, vint à s’emparer de Gênes et fit cesser l’anarchie. Les familles ennemies se rapprochèrent, et c’est ainsi que les Fieschi firent la paix avec les Adorno : pour cimenter cette réconciliation, Jacques Fieschi donna la main de sa sœur Catherine à Julien Adorno.

Notre Sainte, habituée à voir l’ordre divin dans tout ce qui lui advenait de la part des créatures, se laissa mener à l’autel et contracta avec un époux mortel cette union qu’elle eut tant désiré de ne conclure qu’avec Jésus-Christ.

Ce que Catherine eut à souffrir de la part de son époux

Julien Adorno était d’un extérieur avenant, riche et d’illustre naissance ; mais c’était un homme dur, violent et emporté, joueur et voluptueux. On comprend tout ce que Catherine eut à souffrir d’un époux de ce caractère.

Dès les premiers jours de son mariage, Julien lui reprocha son genre de vie austère et retiré, et ne lui témoigna que froideur et dédain. Ce fut une source d’amers chagrins pour la Sainte ; elle se séquestra chez elle, se fit une solitude dans sa demeure, et se mit à prier jour et nuit au pied de la croix en méditant sur la Passion.

Mais là également elle ne trouva aucune consolation : il semblait que le Seigneur l’eût abandonnée. Plus elle pleurait, plus elle gémissait et priait, plus aussi sa douleur devenait poignante et amère.

Cet état dura cinq longues années, pendant lesquelles Catherine, consumée par l’affliction, maigrit au point de devenir entièrement méconnaissable.

Ses parents, effrayés de ce changement, eurent recours à toutes sortes de moyens et d’artifices pour rendre Notre Sainte au monde, et lui faire quitter son genre de vie solitaire et mortifié.

Catherine céda, et commença à se donner quelque liberté, entretenant un commerce de visites avec les femmes de son rang, et usant avec modération de certains plaisirs permis, dont jusqu’alors elle s’était toujours tenue éloignée.

Mais la soif de son cœur, trop grand pour s’amuser à ces bagatelles, s’accrut au lieu de s’apaiser. Elle ressentit un vide affreux, plus amer encore que sa sécheresse intérieure.

Telle était sa situation, lorsque la veille de la fête de saint Benoît, en 1474, elle entra dans l’église consacrée à ce Saint, et, s’étant prosternée à terre, elle s’écria, presque désespérée : « Saint Benoît, demandez à Dieu qu’Il m’envoie une maladie de trois mois.

Sa prière ne fut pas exaucée, mais elle devint pour elle le point de départ d’une vie nouvelle, ainsi que nous allons le voir.

Catherine atteinte par l’amour de Dieu – Jésus-Christ lui apparaît

Toujours en proie aux mêmes tourments, Catherine alla trouver sa sœur Limbania, qui était religieuse à Notre-Dame des Grâces. Celle-ci lui conseilla de se rendre auprès du confesseur du monastère, prêtre éclairé et de très sainte vie, et de lui ouvrir son cœur.

La Sainte suivit ce conseil. Quand le confesseur fut assis au tribunal de la pénitence, elle se mit à repasser sa vie pour lui ouvrir son âme : « Dieu, qui la regardait du haut du ciel, dit Ribadéneira, ne put tenir à tant de droiture unie à une douleur si vraie ; son cœur de père s’émut, et un rayon de la divine bonté descendit dans l’âme de Catherine. » A la flamme de ce rayon, le cœur de la pauvre jeune femme s’embrasa ; elle comprit d’un seul coup l’amour infini de Dieu. Une douleur immense serra son âme et la brisa ; les joies du monde s’éteignirent pour elle : un seul regard de Dieu lui avait révélé les joies ineffables de l’amour divin. Absorbée dans l’extase de ce nouvel amour, Catherine ne savait que répéter ces mots : « Plus de monde, plus de péché ! »

En ce moment on vint chercher le confesseur pour une autre personne qui le demandait ; il s’éloigna en promettant de revenir bientôt.

Il revint en effet et retrouva Catherine dans la même attitude et la même impossibilité de parler. Il l’exhorte à se confesser ; alors elle fait un immense effort et dit : « Mon père, si cela vous convenait, je remettrais très volontiers cette confession à un autre temps. »

Le prêtre y consent. Catherine retourne à sa demeure, s’enferme dans sa chambre, et jette loin d’elle, pour ne plus les reprendre, ses vains ornements de femme.

La claire vue de ses misères et des miséricordes divines est toujours devant les yeux de son âme : elle ne cesse de répéter d’une voix entrecoupée de sanglots : « O amour ! se peut-il que vous m’ayez prévenue avec une telle bonté, et qu’en un moment vous m’ayez fait connaître tant de choses que ma langue ne saurait exprimer ! »

En ce moment Notre-Seigneur lui apparaît chargé de sa croix ; il est couvert de sang de la tête aux pieds, et en répand en si grande abondance que toute la maison en paraît inondée. Il regarde Catherine avec une ineffable tendresse et lui dit : « Vois, ma fille, tout ce sang a été répandu au Calvaire pour l’amour de toi, en expiation de tes fautes. »

La vue de cet excès d’amour alluma en Catherine une haine inextinguible contre elle-même : « O amour, s’écrie-t-elle, je ne pécherai jamais plus, et, s’il en est besoin, je suis prête à confesser mes péchés en public ! »

Catherine vit de la communion

Trois jours après cet événement, Catherine fit sa confession générale avec larmes, et aussitôt elle fut touchée d’un ardent désir de la sainte Communion. Elle obtint la permission de communier tous les jours. Le céleste aliment était sa vie, non seulement quant à l’âme, mais même quant au corps.

En effet, pendant vingt-trois ans, il lui fut impossible de rien prendre autre chose que la sainte Communion. Elle buvait seulement chaque jour un verre d’eau, mêlée de vinaigre et de sel, pour modérer le grand feu qui la dévorait intérieurement et lui consumait les entrailles.

Cette conduite lui inspira au commencement quelque crainte ; et elle fit même en ce temps-là tout ce qu’elle put pour manger ; elle se mettait à table avec sa famille, et elle ne manquait pas de prendre et d’avaler quelque chose pour cacher le privilège singulier qui aurait pu la faire estimer du monde ; mais elle était contrainte de rejeter ce qu’elle avait pris. Et si, par le respect et la soumission qu’elle devait aux ordres de son confesseur, elle se faisait quelquefois plus de violence pour le retenir, elle tombait dans un état si pitoyable, qu’on la croyait sur le point de mourir.

Au reste pendant cette prodigieuse abstinence, elle n’était pas plus faible qu’auparavant ; au contraire, elle dormait mieux et se sentait plus agile et plus vigoureuse que dans les temps où elle mangeait comme les autres.

Et, ce qui est plus surprenant, bien loin de se tenir en repos, elle s’appliquait avec plus d’assiduité aux exercices pénibles de la charité et de la mortification, sans en ressentir aucune lassitude.

Austérités de Catherine

Catherine avait constamment devant les yeux ses fautes passées, et quoique, d’après le témoignage de son confesseur, elle n’eût pas commis de péché mortel, ce souvenir entretenait cependant son repentir et sa haine d’elle-même.

Peu de pénitents ont poussé aussi loin qu’elle, la mortification extérieure et intérieure.

Elle interdit à sa langue toute parole inutile ; et, pour se punir de l’abus qu’elle estimait en avoir fait autrefois, il lui arrivait souvent de la frotter contre le sol de manière à la mettre en sang.

Elle s’astreignait aussi à dormir fort peu ; souvent elle mettait dans son lit des ronces et des chardons pour se priver de la douceur du repos. Mais, ainsi qu’elle le dit elle–même, Dieu qui voulait la laisser jouir du sommeil nécessaire, déjouait son calcul, et elle dormait aussi bien sur les épines que sur le duvet.

Tous les jours elle passait six à sept heures en prière, immobile, agenouillée à nu sur la terre.

Catherine s’attacha avec plus de soin encore à la mortification intérieure qu’à la mortification extérieure. « Les macérations infligées au corps, disait-elle, sont parfaitement inutiles quand elles ne sont pas accompagnées de l’abnégation du moi. »

Pour mettre cette maxime en pratique, la Sainte s’efforçait de découvrir toutes ses affections et les tendances de sa volonté propre, afin de les vaincre et de les détruire. Dès que son appétit naturel aspirait à une chose, elle la lui refusait et l’obligeait à embrasser l’opposé.

Elle en vint ainsi à n‘avoir plus aucun désir, aucune préférence, à se trouver, vis-à-vis de tout ce qui n’était pas Dieu, dans un état parfait de sainte indifférence.

Elle s’adonne aux soins des malades

Il existait à Gênes une société dite de la Miséricorde, composée de quatre des principaux personnages de la ville et de huit dames de charité choisies parmi les plus nobles et les plus riches. Cette société avait pour but le secours des pauvres et l’administration des aumônes.

Catherine y fut admise et commença sans délai l’exercice de son nouvel emploi. Tous les jours elle parcourait les rues de la ville, pour découvrir les pauvres et les malades qui cachait leur détresse.

Rencontrait-elle quelques lépreux, quelques infortunés couverts d’ulcères ou de plaies engendrant la gangrène, ceux-là devenaient les objets de son dévouement le plus tendre ; elle leur procurait des demeures saines, des lits, du linge, la nourriture et les remèdes dont ils avaient besoin ; elle remplissait auprès d’eux les offices de garde et de servante, jusque dans les détails les plus rebutants.

Cependant la Sainte avait livré de rudes combats, avant d’être arrivée à ce degré héroïque de charité. Elle avait une horreur instinctive pour les maladies, pour les mauvaises odeurs surtout ; mais l’esprit lutta avec courage contre les répugnances de la chair. Lorsqu’elle sentait son estomac en pleine révolte, à la vue de certains ulcères purulents, elle portait résolument à la bouche ce qui causait son dégoût, et l’avalait.

Elle répéta ces actes héroïques jusqu’à ce qu’elle eut remporté le triomphe le plus complet, et que la nature fut domptée assez parfaitement, pour être devenue indifférente à toutes choses, et ne trouver du plaisir ou de peine en rien.

Les trois règles de Catherine

Catherine s’était imposée trois règles principales de perfection :

La première, de ne jamais dire : Je veux ou je ne veux pas ; ni mon ou mien ; mais seulement : Faites ceci, ne faites pas cela, notre livre, notre habit

La seconde de ne point s’excuser, mais d’être toujours prête à s’accuser.

La troisième, de prendre pour fondement de toute sa vie, cette parole du Pater : Fiat voluntas tua, que votre volonté soit faite. Elle s’attachait spécialement à cette parole dans la récitation de l’Oraison Dominicale, et en disant la Salutation Angélique, elle s’arrêtait principalement sur le nom de Jésus.

Catherine obtient la conversion de son époux

Julien Adorno avait continué à mener une vie dissipée, et à se livrer à sa passion pour le jeu et pour les plaisirs du monde.

Catherine, sans jamais se plaindre, priait Dieu de sauver cette âme qui courait à sa perte.

Julien ne mettait pas de bornes à ses folles prodigalités ; au bout de quelques années il se trouva complètement ruiné, et, après avoir payé ses dettes, il se vit réduit à un état voisin de la pauvreté : la fortune de sa femme avait disparu avec la sienne.

Alors enfin, vaincu par la douceur et la patience de sa sainte épouse, il rentra en lui-même, pria humblement Catherine de lui pardonner sa conduite passée, se fit recevoir tertiaire dans l’Ordre de Saint-François, et s’associa aux bonnes œuvres de notre Sainte.

Cependant un mauvais caractère et des habitudes invétérées ne se réforment pas en un jour. Adorno continua à causer des chagrins à sa pieuse épouse ; il était dur et exigeant.

Vers la fin de l’année 1497, il fut atteint d’une douloureuse infirmité. L’emploi des remèdes prescrits par les médecins aggrava le mal. L’irascibilité du malade se réveilla avec une violence inouïe.

Catherine placée au chevet de son époux, cherchait en vain à le calmer et à obtenir de lui qu’il se soumît à la volonté divine.

Craignant enfin que ces impatiences ne missent le salut de Julien en danger, elle se retira dans une chambre voisine, se jeta à genoux en versant des torrents de larmes, et répéta plusieurs fois, d’une voix entrecoupée de sanglots : « O mon Seigneur, je vous demande cette âme ; je vous supplie de me la donner ! vous pouvez le faire ! »

Au bout d’une demi-heure, elle sentit intérieurement qu’elle était exaucée. Rentrant dans la chambre du malade, elle le trouva si changé et si parfaitement résigné, qu’il était prêt à souffrir des douleurs encore plus aiguës.

Elle ne dit point à son mari ce qu’elle avait fait ; mais elle lui témoigna la joie que lui causait sa parfaite soumission, et elle continua à l’exhorter jusqu’au moment où il rendit doucement son âme au Créateur.

Catherine placée à la tête du grand hôpital de Gênes

Catherine continuait à aller à la recherche des infirmes et des malheureux ; mais Dieu voulant faire briller davantage la charité de sa Sainte, inspira aux administrateurs du grand hôpital de Gênes de lui confier la surveillance du service des malades dans ce grand établissement.

Elle s’acquitta de ses fonctions avec un zèle qui ne connut pas de bornes.

Entre autres faits héroïques qu’elle accomplit, les contemporains rapportent que dans les premiers temps de son séjour au grand hôpital, on y avait recueilli une tertiaire franciscaine, atteinte d’une fièvre pestilentielle.

Notre Sainte la visitait fréquemment et l’engageait à invoquer le nom de Jésus.

La moribonde ne pouvait proférer un son ; mais le mouvement de ses lèvres et l’expression de son regard prouvaient qu’elle avait la volonté de le faire, et que son cœur était brûlant d’amour.

« Alors, dit l’ancien biographe, Catherine lui voyant la bouche pleine de Jésus, ne se contint plus ; elle baisa avec transports les lèvres de la mourante, pour y recueillir le nom sacré de son bien-aimé. » Mais elle y prit aussi le germe de la peste, qui la réduisit à toute extrémité. Elle en guérit contre toute espérance, et rentra dans ses fonctions habituelles.

Extases et martyre de Catherine

Sainte Catherine, semblable au Roi-Prophète ou à saint François d’Assise, exhortait la création entière à louer le Seigneur : « Petites fleurs, mes amies, disait-elle, en entrant dans son jardin, vous êtes les créatures de mon Dieu, aimez-le donc et bénissez-le à votre manière. »

Mais ces exclamations, par lesquelles la Sainte cherchait à livrer passage au feu intérieur qui la consumait, ne servaient au contraire qu’à en augmenter les flammes. Les battements précipités de son cœur paraissaient alors prêts à rompre son enveloppe ; et ce cœur bouillonnant, ne pouvant plus contenir ses ardeurs, les répandait sur la surface du corps, lequel en était pénétré au point de devenir brûlant au toucher.

Le feu divin finit même par se faire jour dans l’organe qui en est le siège principal : la poitrine de Catherine fut traversée de part en part d’une ouverture qui attirait et rendait l’air extérieur.

Elle était tellement dévorée de l’amour divin, qu’elle perdait l’usage de la parole : à peine pouvait-elle encore prononcer tout bas ces paroles : « Mon cœur s‘en va, je le sens consumé. »

Il résultait de cette absorption en Dieu, que lorsqu’il fallait vaquer aux occupations extérieures, Catherine, tout en se faisant une violence extrême, n’en pouvait venir à bout.

Les témoins contemporains rapportent que, quand la Sainte, ravie hors d’elle-même, commençait à parler de Dieu, et du purgatoire, son visage devenait radieux et semblable à la face d’un chérubin. En entendant la doctrine admirable qui coulait de ses lèvres, on croyait assister aux leçons d’un ange initié aux mystères du ciel.

Son directeur l’obligea à écrire plusieurs de ses enseignements ; en particulier son Traité du Purgatoire et ses Dialogues.

Le corps de Catherine était tellement consacré par la fréquence des extases et la violence de l’amour divin, que les dix dernières années de sa vie ne furent qu’un long et continuel martyre.

Les médecins, ne comprenant pas que son mal était surnaturel, essayèrent de lui donner des remèdes afin de la délivrer de ses oppressions. Elle le prit par obéissance, bien qu’elle sut que ses souffrances physiques en seraient augmentées, ce qui en effet ne manqua jamais d’arriver.

Elle assurait elle-même « qu’il lui semblait être dans un moulin qui lui triturait l’âme et le corps. »

Tandis qu’il souffrait ainsi, des anges venaient de temps en temps l’encourager et lui montrer son prochain triomphe.

Le 25 août 1510, après un long évanouissement, elle fit ouvrir ses fenêtres, pour contempler le ciel, et chanta le Vini Creator Spiritus. Puis elle eut une extase d’une heure et demie : « Allons-nous-en ! plus de terre ! disait-elle. »

L’embrasement de son corps était tel, que parfois on en voyait sortir des flammes ; l’eau dans laquelle on lui plongeait les mains pour les rafraîchir devenait bouillante.

Le 14 septembre, elle parut se ranimer. Un peu après minuit, on lui demanda si elle communierait. Connaissant sa fin prochaine, elle montra du doigt le ciel, afin de faire comprendre qu’elle y était attendue.

Puis son visage prit une incomparable expression de sérénité. D’une voix pleine de douceur elle prononça les dernières paroles de Jésus-Christ : « Mon Père, je remets mon esprit entre vos mains », et elle rendit le dernier soupir.

Cette vie est tirée du livre de M. le vicomte DE BUSSIERE. Vie et Œuvres de sainte Catherine de Gênes.