Saint Camille De Lellis

Fête le 18 juillet


Ce fut dans le royaume de Naples que naquit le grand hospitalier, saint Camille de Lellis. Son père, Jean de Lellis, noble chevalier, avait servi avec honneur dans les armées de Charles-Quint ; sa mère, Camille Campellio de Laureto, appartenait à une des familles les plus illustres de la contrée. Elle avait eu, dans les premières années de son mariage, un fils qui lui avait été enlevé au berceau, et elle était demeurée sans postérité, quand, nouvelle Elisabeth, à soixante ans elle comprit qu’elle mettrait bientôt au monde un nouvel enfant.

Dans un songe elle crut voir le nouvel enfant que Dieu allait lui donner, avec une croix sur la poitrine et suivi d’une foule innombrable d’autres enfants marqués de la même croix. Elle prit peur, croyant qu’il s’agissait de la croix dont on marque les condamnés et se demandant si elle ne mettrait pas au monde un chef de brigands qui serait un jour la croix de sa famille.

Bientôt elle mourut et elle dut comprendre au ciel ce que signifiait ce signe béni, qui désignait la postérité spirituelle de son fils et les innombrables religieux dont la famille devait être pendant toute l’éternité sa joie et sa gloire. Heureuses les mères auxquelles la vocation de leurs enfants réserve de telles récompenses !

Les commencements de l’enfant prédestiné ne justifièrent que trop les appréhensions de sa mère : paresseux et débauché, il s’adonna à la passion du jeu avec une ardeur fébrile, et toutes les remontrances de sa famille ne purent le ramener dans la bonne voie.

Lorsque Camille eut atteint l’âge de 19 ans, son père se proposa de l’engager au service de la riche République de Venise, et l’emmena à cet effet ; mais le vieillard ne put atteindre le terme de son voyage : il mourut à Lorette, chez un capitaine de ses amis.

Seul, sans famille, au milieu d’un pays inconnu, le jeune homme, malgré une plaie à la jambe qui lui rendait difficile le service militaire, ne songea pas à reprendre le chemin de Naples. Il continua sa course aventureuse, dans le dessein de s’engager aussitôt qu’il le pourrait.

Dieu veillait sur cet orphelin et, comme il passait par Fermo, une grâce de vocation tomba dans son âme. Deux franciscains, à l’aspect pieux et humble, en passant devant lui, suffirent à opérer cette transformation ; il aima leur simplicité et leur pauvreté et, dans son cœur, fit le vœu d’entrer un jour dans leur ordre.

Il renonça donc à la carrière des armes et se dirigea vers le couvent franciscain d’Aquila, dont un de ses oncles était précisément gardien. Il lui raconta tout ce qui s’était passé et lui demanda l’habit.

Le père gardien connaissait les tristes antécédents de son neveu et voulut éprouver cette vocation subite ; il lui refusa donc pour un temps l’entrée du couvent.

Soit que la vocation ne fut pas affirmée, ou l’épreuve trop forte, le pauvre jeune homme ne résista point et, au bout de quelque temps d’attente, il retomba dans ses désordres.

Il prit la route de Rome, et là, il entra à l’hospice Saint-Jacques pour y faire soigner sa plaie. Sa passion pour le jeu ne tarda pas à mettre le trouble dans l’hôpital, et on fut obligé de le renvoyer avant même que sa blessure se fût complètement cicatrisée. Camille, cherchant toujours fortune, prit le parti d’aller, selon son premier projet, à Venise la riche, où il s’engagea dans l’armée qui partit pour Chypre.

Après une campagne pleine de sanglantes péripéties, le jeune soldat prit du service à bord des galères de Naples ; à peine s’était-il embarqué, qu’une violente tempête s’éleva. Rejeté en pleine mer par les vagues furieuses, la flotte courut les plus grands périls ; enfin, après une lutte de trois jours, elle put aborder dans un port hospitalier. Mais les galères avaient reçu de telles avaries, qu’elles étaient incapables de tenir plus longtemps la mer, et l’on fut obligé de licencier les équipages.

Camille continua sa vie d’aventures et, dans sa passion pour les dés, il joua son arquebuse, son manteau, jusqu'à sa chemise, et, réduit au dernier dénuement, il fut obligé de parcourir le royaume de Naples en mendiant son pain, avec un soldat aussi misérable que lui.

Le jour de saint André en 1574, il demandait l’aumône à la porte de l’église de Manfrodonia, quand passa un seigneur du pays, qui faisait construire un couvent de capucins. La jeunesse et la pauvreté du mendiant attirèrent son attention, et, s’approchant de Camille, il lui proposa de travailler au monastère. Cette proposition inattendue frappa vivement le jeune homme qui se rappela le vœu qu’il avait fait ; il allait accepter, quand son compagnon survint tout à coup et l’entraîna. Camille, torturé cependant par le remords, le suivit sur la route de Barletta. Près de cette ville, ils rencontrèrent une troupe de cavaliers et leur demandèrent s’ils pourraient trouver du travail dans les villages voisins. « Il n’y faut pas compter, répondirent les voyageurs. » Camille vit dans ces paroles un avertissement de la Providence, et, abandonnant son compagnon, il retourna vers le couvent de Manfredonia. Les capucins l’accueillirent avec bonté comme travailleur, malgré son état misérable, et ils lui donnèrent la charge facile de conduire deux ânes chargés de fournir aux maçons de l’eau, la chaux et les pierres nécessaires pour les travaux.

Le démon comprit que l’heure de la lutte était arrivée, et il livra au jeune homme de terribles assauts. Camille portait encore son costume de soldat, et les enfants du voisinage, le voyant employé aux travaux les plus vils, le poursuivaient de leurs huées. L’orgueil du jeune gentilhomme se révolta, et il lui fallut toute la douceur et toutes les prévenances des religieux pour le retenir auprès du couvent hospitalier. Enfin la grâce triompha et Camille eut la force de résister aux avances de son ancien compagnon, qui revint exprès à Manfredonia pour essayer encore une fois de l’entraîner. La grâce triomphait dans le cœur de Camille ; l’homme approchait où il allait entrer pour toujours dans la voie de la sainteté.

Au commencement de l’an 1575, les religieux envoyèrent leur commissionnaire au couvent de Saint-Jean, chercher du vin. Le gardien du monastère, le frère Angelo, ne connaissait pas Camille ; mais, éclairé tout à coup par une inspiration céleste, il le conduisit dans le jardin et, le prenant à part, il l’entretint de la nécessité de fuir le péché et de se donner complètement à Dieu. Ces paroles émurent le jeune homme, qui se jeta aux pieds du religieux en se recommandant à ses prières.

Le lendemain, jour de la Purification de Notre-Dame, Camille retourna au couvent de Manfredonia. Il cheminait doucement à cheval en pensant à ce que le P. gardien lui avait dit la veille, lorsque tout à coup un rayon de la lumière divine pénétra jusqu’au fond de son cœur et l’éclaira sur les désordres de sa vie passée. Saisi d’un profond repentir, Camille saute à bas de son cheval, s’agenouille sur le chemin, et s’écrie en versa un torrent de larmes :

« Ah ! malheureux, pourquoi ai-je connu si tard mon Seigneur et mon Dieu ? Comment suis-je resté sourd à tant d’appel ? Pardon, Seigneur, pardon pour ce misérable pécheur ! laissez-lui le temps de faire une vraie pénitence. »

Et renouvelant le vœu qu’il avait fait, alors qu’il était encore plongé dans tous les désordres :

« Je ne veux plus rester dans le monde, j’y renonce à jamais. »

A son arrivée à Manfredonia, le nouveau converti alla se jeter aux pieds du gardien et lui raconta la grâce extraordinaire dont il était l’objet. Le gardien encouragea le pénitent et lui promit de parler en sa faveur au Provincial qui, seul, pouvait le recevoir dans l’ordre. Le Provincial accueillit la demande, et c’est ainsi que Camille fut envoyé comme novice au couvent de Trivento.

Le nouveau religieux partit aussitôt, et le soir il arriva près d’une rivière ; il s’avançait pour la traverser, quand une voix, sortant de la montagne voisine cria :

« Ne va pas plus loin, ne passe pas ! »

Croyant être l’objet d’une hallucination, le jeune homme voulut d’abord continuer sa marche ; mais la voix mystérieuse se fit entendre de nouveau, et Camille, s’arrêtant au bord de l’eau, se coucha sous un arbre. Le lendemain, au point du jour, des religieux qui allaient à Trivento le rejoignirent et, lui montrant la rapidité du courant à cet endroit, lui apprirent qu’il avait échappé à la mort.

Au couvent de Trivento, le jeune novice édifia tous les religieux par l’austérité de sa pénitence ; on ne l’appelait que frère humble ; Dieu destinait son serviteur à une autre vocation, et il permit que le frottement de la robe de bure rouvrît son ancienne plaie de la jambe. En vain essaya-t-on plusieurs remèdes ; le mal ne fit qu’empirer et les supérieurs, impuissants à le combattre, furent obligés de congédier le novice sur lequel ils fondaient d’ailleurs de grandes espérances. Il partit pour Rome, se fit soigner, et quand il fut guérit, il voulut rentrer dans son couvent ; à cet effet, il consulta un homme dont la sagesse et la sainteté avaient grande réputation, saint Philippe de Néri. Celui-ci lui répondit en riant :

« Adieu, Camille ; tu persistes à vouloir être capucin, mais ta plaie se rouvrira et il faudra partir une seconde fois. »

La prédiction du saint vieillard se réalisa et Camille, obligé de renoncer à la vie monastique, se retira de nouveau dans les hôpitaux, où il s’occupa de soigner et d’édifier les malades qu’il avait autrefois scandalisés par ses désordres et son amour du jeu.

En voyant la négligence que les employés salariés de l’hôpital mettaient à soigner les malades, Camille comprit qu’il y avait une grande œuvre à fonder et il résolut de grouper quelques hommes dévoués qui serviraient les infirmes, par amour pour Jésus-Christ. Et pensant à la croix du Sauveur : « S’ils la portaient, se dit-il, sur la poitrine, cette vue les soutiendrait, les encouragerait, les récompenserait. »

Ce fut l’année 1582 que Camille conçut ce dessein ; il avait alors trente-deux ans. Eloigné de son pays, ruiné par ses pertes au jeu, petit employé d’hôpital, il n’avait à sa disposition aucune ressource ; il se mit cependant à l’œuvre, et il prit cinq compagnons, décidés comme lui à se dévouer au soin des infirmes pauvres, et il les réunit dans une chambrette qu’il transforma en oratoire.

Les œuvres de Dieu soulèvent toujours de grandes contradictions ; c’est leur privilège ; celle de Camille ne devait pas en être privée. Les autres servants de l’hôpital, jaloux de la petite association qui se formait à côté d’eux, accusèrent Camille et ses compagnons d’aspirer à la direction de l’hospice ; leurs calomnies furent écoutées, et les administrateurs ordonnèrent de fermer l’oratoire.

Attristé par cet ordre imprévu, Camille prit le crucifix de l’autel, et, le pressant sur son cœur, il le porta dans sa chambre ; sa prière muette fut entendue. Au milieu de la nuit, il vit en songe le crucifix incliner doucement la tête et le consoler de ces paroles : « Ne crains rien, je t’aiderai et serai avec toi. »

Le lendemain, le serviteur de Dieu se réveilla plein d’espérance ; le Christ lui même prenait en main sa cause, il n’avait pas besoin d’autre protecteur.

Il y avait en ce moment à Rome un prêtre de l’Oratoire que le monde catholique devait connaître plus tard sous le nom du cardinal Tarigi. Il s’intéressait vivement à notre saint, et il lui conseilla de se faire ordonner prêtre avant de mettre à exécution son dessein. Camille suivit son avis, et l’on vit cet ancien soldat, qui jusque là ne s’était pas beaucoup occupé des règles de la rhétorique et de la grammaire, suivre les cours du collège romain et s’asseoir à côté des écoliers qui venaient étudier les éléments de la langue latine. Les quolibets ne lui furent pas épargnés, et ses petits compagnons, se moquant de sa haute taille, ne cessaient de lui répéter : « Tarde venisti. » Camille laissait dire, mais un jour que les malicieux recommençaient leurs plaisanteries, le professeur les arrêta par ces paroles prophétiques : « Oui, il est venu tard, mais il regagnera le temps perdu et fera de grandes choses dans l’Eglise de Dieu. »

Les persévérances de l’étudiant triompha en effet de tous les obstacles, et le jour de la Pentecôte 1584, Camille célébrait sa première messe à l’église de Saint-Jacques des Incurables, sur l’autel de la sainte Vierge. Quelques mois plus tard, on lui confia l’église de N.-D. des Miracles ; c’est là qu’il fonda sa congrégation. Il n’eut d’abord que deux compagnons, qui, à son exemple partageaient leur temps entre la prière et le soin des malades ; mais le nombre des nouveaux frères ne tarda pas à augmenter et notre saint fut obligé de louer une autre maison, dans la rue des Boutiques obscures. Il n’y avait pas de chapelle, et les frères devaient, chaque matin, entendre la messe dans les églises des environs. Faute de ressources suffisantes, on ne pouvait sortir de cette situation difficile, quand le vigile de sainte Madeleine, le serviteur de Dieu, alla visiter l’église de cette sainte. Pendant sa prière, il eut l’inspiration subite de demander cette église à la confrérie de Gonfalon, dont elle dépendait. Contre toute apparence sa requête fut écoutée, et, la congrégation naissante qui, sur ces entrefaites, fut approuvée par le pape Sixte-Quint, put en prendre possession avant la fin de 1581. A peu près à cette époque, elle adopta le costume qu’elle porte encore aujourd’hui, la croix rouge sur un vêtement noir.

Parmi les amis les plus dévoués de la nouvelle congrégation, on comptait le cardinal Mondovi. Ce prélat traversait un jour les cours de son palais, il vit un prêtre inconnu le saluer humblement, et le pria d’être le protecteur de sa maison. Le cardinal touché de cette simplicité interrogea l’inconnu et apprit qu’il venait de fonder un institut pour le service des malades pauvres. Ce fut lui qui obtint de Grégoire XIV l’érection canonique de l’ordre et l’autorisation de faire les quatre vœux solennels de pauvreté, de chasteté, d’obéissance et de service des malades même en temps de peste. Le cardinal devait être bientôt enlevé à l’affection des humbles religieux ; il mourut entre les bras de saint Camille, en lui disant avec un regard plein de tendresse : « Père, je vous ai aimé dans la vie et dans la mort ; souvenez-vous de prier pour moi. »

Cependant la congrégation prenait tous les jours de nouveaux accroissements. Une maladie ayant été apportée à Naples sur des galères d’Espagne, on relégua à Pouzzoles les soldats qui en étaient atteints. Aussitôt Camille envoya dans cette ville cinq religieux secourir les abandonnés. Trois d’entre eux succombèrent à la peine, et leur mort glorieuse excita un tel mouvement dans ces contrées que de toutes parts les postulants se présentèrent pour entrer dans un ordre où l’on pouvait mourir, martyr de la charité.

Parmi les nouveaux novices, il y en avait un qui était venu contre le gré de ses parents. Son père, à force d’instances, parvint à le faire revenir de sa première détermination, et il le dégoûta tellement de la vie monastique, que le jeune homme, malgré toutes les résistances du saint, persista dans sa résolution de rentrer dans le monde. Voyant que tous ses efforts étaient inutiles, l’homme de Dieu se tourna vers le novice, et d’une voix vibrante :

« Frère, lui dit-il, puisque vous avez résolu de retourner au monde, sachez bien que vous n’y trouverez pas le bonheur. Vous tournerez mal et vous mourrez par la main de la justice. »

Ces terribles menaces ne tardèrent pas à se réaliser, et quelques années plus tard, le jeune homme, condamné à la peine capitale, rappelait en pleurant ces paroles prophétiques du saint au religieux camillien qui était venu l’assister sur l’échafaud.

Ne quittons pas notre vocation.

Pendant l’année 1590, une horrible famine désola le territoire de Rome et toute l’Italie. La charité fut impuissante à soulager toutes les misères, et les pauvres, dénués de tout, erraient dans les campagnes, heureux de trouver quelques racines sauvages pour apaiser leur faim. A Rome et dans les environs, la mortalité fut effrayante, et en quelques mois on compta dans les rues plus de 60,000 cadavres.

En présence d’un tel fléau, le gouverneur de la ville fut obligé d’expulser de la ville les pauvres étrangers qui l’encombraient. Dans des circonstances critiques le saint se multiplia pour venir en aide aux délaissés. Il allait dans les étables, les cavernes, jusque dans les ruines antiques où s’étaient réfugiés les malheureux transis de froid, épuisés par les privations, il se dépouillait lui-même pour revêtir leur nudité, et bien souvent sans compter avec l’avenir, il donna jusqu’au dernier sac de farine du couvent. Dieu bénit la charité de son serviteur, et envoyait toujours des bienfaiteurs inconnus porter les provisions nécessaires et le pain qui manquait.

Un jour Camille rencontra une troupe de pauvres que l’on conduisait enchaînés hors de la ville. A la vue de ces malheureux, le saint, plein de compassion s’avança vers l’officier qui les conduisait, et d’une voix tremblante d’émotion, il le supplia de les lui confier. « Je les nourrirai, disait-il ; tant qu’ils vivront j’aurai soin d’eux, et s’ils meurent, il y a bien encore à Rome pour eux un petit coin de terre chrétienne.

Mais les ordres étaient formels, et l’officier pressait la marche de son escorte. Alors le saint se jette à genoux, et, les bras en croix, il demande en versant des larmes qu’on lui confie au moins les plus misérables afin de pouvoir sauver leur vie. L’officier, attendri, fut obligé de céder à cette dernière prière, et il abandonna au saint les deux pauvres qui paraissaient les plus malades. Camille jetant alors un regard plein de compassion sur ceux qui allaient partir.

« Ah ! mes amis, leur dit-il, puisqu’il n’y a plus pour vous aucun remède en ce monde, tâchez de conserver au moins la vie de l’âme et de mourir dans la grâce de Dieu. »

Au milieu de la détresse générale le saint continuait son œuvre sans se préoccuper des difficultés matérielles. Camille savait que pauvre, inconnu, perdu dans la grande ville de Rome, il avait fondé son ordre avec le secours de Dieu, et il comptait sur la Providence son unique trésorier.

Ses créanciers vinrent une fois le trouver et lui demandèrent, pleins d’anxiété :

« Eh bien ! père, quand finirez-vous de nous payer ? »

« - Ne vous inquiétez pas, répondit le saint, Dieu n’est-il pas assez puissant pour nous envoyer ici, demain matin, des sacs d’argent ? »

Les créanciers se mirent à rire, et ils répliquèrent :

« - Le temps des miracles est passé. »

On a fait cette réflexion dans tous les temps.

Quelques jours après, un prince de l’église léguait 15,000 écus romains à la Congrégation. La Providence montrait ainsi que ses miracles sont perpétuels pour ceux qui s’abandonnent à elle.

Cependant l’ordre grandissait tous les jours, et des maisons se fondaient à Milan, Gênes, Bologne, Ferare et dans les autres villes importantes de l’Italie. Partout les religieux s’étaient rendus dignes de leur grande mission, et plusieurs avaient payé de la vie, leur zèle à soigner les malades.

L’institut était désormais affermi, les difficultés des commencements étaient résolues, le serviteur de Dieu avait rempli son œuvre, et par esprit d’humilité il se démit du généralat. Retiré à Naples, il se consacra tout entier au service des malades, et, malgré le rang qu’il tenait dans la Congrégation, on le vit se charger des emplois les plus rebutants.

Dans ces derniers temps, la plaie de sa jambe se rouvrit et lui fit endurer d’atroces souffrances. Un jour, comme il traversait l’hôpital, les malades voyants qu’il avait peine à se soutenir lui dirent :

« - Père, reposez-vous un peu, vous allez tomber. »

« - Mes enfants, répondit-il, je suis votre serviteur : il faut bien que je fasse tout ce que je peux pour votre service. »

Cependant l’heure approchait où tant de patience et d’abnégation allaient recevoir leur récompense. Camille prédit lui-même qu’il mourrait le jour de S. Bonaventure, et il voulut une dernière fois visiter les maisons de l’ordre.

A Naples, comme les infirmes se pressaient autour de lui :

« - Je m’en vais mourir à Rome, leur dit-il ; vivez chrétiennement si vous voulez éviter l’enfer ; adieu, car nous ne nous reverrons plus. »

De retour dans la ville de Rome, il alla une dernière fois prier sur le tombeau de saint Pierre, et de ses mains défaillantes il voulut soigner les malades de l’hôpital du Saint-Esprit.

Comme ses souffrances augmentaient d’une manière qui faisait présager la fin, il fit venir ses religieux auprès de son lit, et, après leur avoir demandé pardon, il s’écria, plein de joie : Lætatus sum in his quæ dicta sunt mihi ; in dominum Domini ibimus.

A ce moment quelques personnes de Rome, poussées par une curiosité indiscrète, demandèrent à le voir ; mais le saint se fit excuser en disant :

« On ne meurt qu’une fois, et je dois m’y préparer de mon mieux avec l’aide de mon sauveur. »

Comme il sentait la mort approcher, il étendit les bras en croix, invoqua une dernière fois la très Sainte-Trinité, la sainte Vierge, et l’archange saint Michel, et, après avoir prononcé ces paroles : « Que le visage du Seigneur Jésus me soit doux et joyeux ! » il expira.

C’était le 14 juillet de 1614. Il avait 65 ans.


VIE DE SAINT CAMILLE DE LELLIS EN GRAVURES


1.- Avant sa naissance sa mère le voit en songe suivi d’une troupe d’enfants marqués comme lui de la croix. Elle s’effraye.

2.- Saint Camille naît dans une étable comme le sauveur.

3.- Réduit à la misère par son amour du jeu, il sert les maçons au couvent des capucins de Manfredonia.

4.- Sur la route de Manfredonia, un rayon de lumière pénètre soudainement son cœur. Il se jette à genoux et pleure sa vie passée.

5.- Converti par cette grâce, il revêt l’habit des capucins et se livre à la plus austère pénitence.

6.- A l’hôpital, il réunit quelques compagnons dans un petit oratoire ; c’est le noyau de sa congrégation.

7.- Le Christ s’incline sur la croix pour le consoler de la persécution qui fait fermer l’oratoire.

8.- Une plaie à la jambe l’oblige à se retirer à l’hôpital, où il se dévoue au soin des malades.

9.- A trente-deux ans, il se fait écolier et supporte les quolibets des enfants qui lui crient Tarde venisti !

10.- Ses études terminées, le saint est ordonné prêtre, et il dit sa première messe à Saint-Jacques des Incurables, à Rome.

11.- Il dépouille de l’habit du siècle Bernardin et Curzio, ses deux premiers compagnons.

12.- Il transporte son crucifix bien-aimé de l’hôpital Saint-Jacques à l’église Notre-Dame.

13.- Saint Camille exhorte les moribonds à la mort.

14.- Sixte-Quint approuve son Institut et il lui donne, ainsi qu’à ses compagnons, la permission de porter la croix sur sa poitrine.

15.- Il prédit à un novice, que son père entraîne dans le siècle, le terrible châtiment que Dieu lui prépare.

16.- Au milieu d’une horrible famine, il secourt les pauvres et recueille les enfants abandonnés.

17.- Il va jusqu’au fond des étables porter ses soins aux malheureux délaissés.

18.- Saint Camille et ses compagnons font leurs vœux solennels, le 8 décembre 1591.

19.- Dans un voyage sur mer, il reprend les marins de leurs dissolutions et les menace de la colère divine.

20.- Le châtiment suit de près la menace, et il est obligé d’apaiser par ses prières la tempête qui s’élève tout à coup.

21.- Dans un mouvement de détresse, un inconnu vient lui apporter les 300 écus dont il a besoin.

22.- Il se démet du généralat en présence du cardinal Ginnasi.

23.- Dans un couvent de capucins, il change miraculeusement l’eau en vin pour ses compagnons de voyage.

24.- Il distribue aux pauvres toutes les provisions du couvent, et cependant, le soir, ses religieux ne manquent de rien.

25.- Dans une extase, près d’un malade, il brise le baldaquin, qui blesse le pauvre ; mais aussitôt le saint obtient guérison de la blessure et de la maladie.

26.- Dans son extrême charité, il panse les plaies des malades et leur donne les soins les plus rebutants.

27.- Portant un malade, il engage une balayeuse à rendre hommage à ce pauvre, comme si c’était N. S. lui-même.

28.- Dans une terrible inondation, il sauve tous les malades de l’hôpital du Saint-Esprit.

29.- Il fait descendre Notre-Seigneur, la Sainte Vierge et saint François d’Assise pour recevoir l’âme d’un mourant.

30.- Saint Philippe de Néri voit les anges lui suggérer ses paroles quand il assiste les moribonds.

31.- Les anges, vêtus de l’habit de son ordre, exhortent pendant trois jours un malade à la mort.

32.- Il fait retirer sains et saufs des ouvriers qui avaient été ensevelis sous les ruines d’une fabrique.

33.- Avant de mourir, il appelle tous ses religieux et les bénit une dernière fois.

34.- Les bras en croix, il rend doucement le dernier soupir, le 14 juillet 1614, à 65 ans.

35.- On guérit une jeune fille d’un cancer en appliquant sur la plaie un morceau de son vêtement.

36.- Catherine Dondeli recouvre la santé au moment où son confesseur verse dans son breuvage un peu de poussière de la chambre du saint.