Saint Brigitte

Fête le 8 octobre


I. - Ses ancêtres - Son enfance

Sainte Brigitte naquit, au commencement du quatorzième siècle, vers l’an 1302, non loin d’Upsal, alors capital de la Suède. Sa famille, issue des anciens rois du pays, unissait à la noblesse du sang la noblesse de la vertu. La piété y était héréditaire ; car l’aïeul, le bisaïeul et le trisaïeul du père de notre sainte firent le pèlerinage de Jérusalem et des autres lieux célèbres par la présence de Notre-Seigneur. Les parents de Brigitte, le prince Birger et la princesse Ingerburge, étaient dignes de leurs ancêtres ; chaque vendredi ils se confessaient et communiaient ; leur bonheur était de s’occuper à faire construire des églises et des monastères où Dieu devait être servi et honoré.

Le ciel les combla de bénédictions en leur donnant sept enfants qui furent des modèles de vertus. Brigitte, fut la dernière.

Avant sa naissance, sa mère ayant fait naufrage sur les côtes de Suède, fut sauvée par elle ; car la nuit même qui suivit ce danger, un ange lui dit : « C’est en considération de l’enfant que vous avez été arrachée à la mort ; ayez soin de nourrir dans l’amour de Dieu ce grand don que le ciel vous a fait. »

La naissance de cet enfant privilégié fut révélée à un saint prêtre, curé de sa paroisse. Cet homme de Dieu se trouvait en oraison dans une église voisine du palais ; tout à coup, au milieu de sa prière, la Sainte Vierge lui apparut, assise sur une nuée lumineuse et lui dit : « Il est né, à Birgen, une fille dont la voix sera entendue dans tout le monde. »

Cependant, la prédiction ne devait pas s’appliquer aux premières années de Brigitte, car elle demeura muette trois ans ; mais ce temps écoulé, elle commença à parler, non, comme les enfants que ne savent que bégayer, mais avec la facilité d’une grande personne ; la puissance divine révélait ainsi son action sur elle qui devait être la merveille de son siècle.

II. - Premières apparitions

Quelques années plus tard, Brigitte, âgée de sept ans, aperçut un matin un autel en face de son lit ; sur cet autel, une dame, tenant dans sa main une couronne, disait à l’enfant :

- Viens, Brigitte.

L’enfant se leva aussitôt et courut à l’autel.

- Veux-tu, ma fille, cette couronne ?

- Volontiers, madame, répondit l’enfant ; et aussitôt la très Sainte Vierge, car c’était elle, plaça sur la tête de Brigitte une couronne apportée du ciel, symbole des vertus dont elle devait bientôt donner l’exemple au monde.

A peine âgée de dix ans, on la voyait uniquement occupée du désir d’obéir à Dieu et à son Eglise ; dès ce moment, on la considérait comme un modèle de modestie et de candeur, d’humilité et d’obéissance.

Ayant entendu raconter la passion du Sauveur, elle en fut touchée jusqu’aux larmes. La nuit suivante, elle vit le divin maître dans l’état où il était à l’heure du crucifiement.

- Regarde, ma fille, lui disait Notre-Seigneur, de quelle manière j’ai été traité !

- Et qui donc vous a blessé de ces plaies ?

Ceux qui me méprisent ou qui demeurent insensibles à mon amour.

- A partir de ce moment, la seule pensée des mystères de la Passion faisait toujours couler mes larmes.

Quelques temps après, pendant que ses compagnes dormaient, elle quitta son lit et vint s’agenouiller aux pieds du crucifix suspendu à la muraille. Une de ses tantes, chargée de son éducation depuis la mort de sa mère, entra dans sa chambre ; la trouvant levée et à genoux, elle la gronda et voulut même la punir, croyant qu’elle obéissait à un caprice d’enfant ; mais les verges, se rompirent entre ses mains. Cette dame, ne pouvant s’expliquer un fait si surprenant.

- Pourquoi agissez-vous ainsi ?

- Je me suis levée, répondit l’enfant, pour louer Celui qui m’assiste toujours.

- Qui est-il ?

- C’est le crucifix, dit Brigitte, que j’ai vu dernièrement.

La tante, étonnée et ravie à la fois de ce qu’elle venait d’apprendre, remercia le ciel du trésor qu’il lui avait confié.

III. - Le diable pris dans ses pièges

Témoin de ces faits surnaturels, furieux de voir une si jeune fille marcher rapidement vers les sommets de la perfection, le démon lui apparut sous une forme horrible pendant qu’elle jouait.

L’enfant épouvantée accourut près de son protecteur ordinaire, le crucifix de sa chambre ; le diable l’y suivit, mais ce fut pour reconnaître la puissance divine, il dut s’écrier :

- Je ne puis rien si le crucifié ne le permet.

Brigitte, consolée par ces paroles, accourut près de sa tante pour lui découvrir ce qu’elle avait vu et entendu, celle-ci l’encouragea :

- Ne vous effrayez pas, ma fille, lui dit-elle, la persécution est le sceau de la vertu ; Dieu ne couronne au ciel que ceux qui ont combattu, et la victoire appartient toujours aux âmes de bonne volonté, car Notre-Seigneur ne permet pas au démon de nous tenter au-delà de nos forces.

Son mariage. - Ses enfants

Brigitte arriva ainsi à l’époque de son mariage. Toute jeune encore, elle avait été fiancée, par l’ordre de son père, au prince Ulphon, gouverneur de Néricie.

La jeune fille eut bien désiré passer sa vie dans le saint état de la virginité, mais telle n’avait point été la volonté de Dieu, manifestée par les circonstances de sa jeunesse. Modèle jusqu’alors de la jeune fille par son amour de la croix et sa tendresse pour la Sainte Vierge, par son détachement du monde et de ses vanités et par sa fuite des plaisirs dangereux, Brigitte devait encore offrir un modèle parfait de la vie conjugale. Pendant une année, à l’exemple du jeune Tobie et de Sara, les deux fiancés se disposent par la prière et les œuvres saintes aux graves obligations du mariage. Dieu bénit cette union si saintement préparée en donnant à Brigitte huit enfants, 4 fils et 4 filles. Deux de ses fils s’envolèrent au ciel le lendemain de leur naissance ; ce furent, sans doute, les ambassadeurs choisis pour plaider au ciel la cause de leurs parents et de leurs frères, car toute cette heureuse famille suivit les nobles chemins de la perfection chrétienne.

Ecoutons Brigitte, modèle des mères, traçant à l’un de ses fils la ligne qu’il doit suivre au milieu du monde :

- Mon fils, souvenez-vous en tout temps de la passion de Notre-Seigneur et recevez le fréquemment dans la sainte communion. En quelque lieu que vous soyez, secourez le pauvre selon votre pouvoir. A l’ouvrier, payez de bon cœur son salaire et demeurez fidèle à Dieu et à votre prochain. Chaque matin, priez Dieu de diriger vos actions, et marquez votre poitrine du signe de la croix.

Si les mères parlaient toujours ce mâle langage à leurs fils, elles n’auraient pas à pleurer si souvent leurs égarements.

La maison de Brigitte

La maison de Brigitte était réglée ; elle n’y recevait que ceux qui apportaient l’édification et le salut. Sachant que l’oisiveté est la mère des vices, elle travaillait sans cesse pour les églises ou pour les pauvres, et sa sollicitude s’étendait à tous ceux qui vivaient sous sa direction.

- Après la lecture de la Bible, leur répétait-elle constamment, n’ayez rien de plus cher que la vie des saints ; c’est à l’école de ces grandes âmes qu’on étudie l’héroïsme et qu’on apprend à le réaliser.

- On entend dire souvent, ajoutait-elle, « les saints s’en vont », et après cet aveu navrant pour la foi, on poursuit sa route sans modifier sa vie. Non, non, il n’en peut être ainsi ; il faut rappeler les saints, vivre de leur vie, nous former à leur école et devenir nous-mêmes des saints.

Brigitte possédait dans son palais un petit oratoire où fréquemment elle se recueillait en présence de Dieu, examinant sa conscience, pleurant ses fautes et se préparant à recevoir souvent son Dieu dans la sainte communion.

Quand son époux, le gouverneur Ulphon, était retenu par les affaires du pays, Brigitte, n’ayant à plaire qu’à Dieu seul, donnait en dehors du travail et d’un court repos, tout son temps à la prière et à la pénitence. Souvent, son oraison du soir se prolongeait jusqu’au matin.

Elle s’abstenait des mets les plus délicats, sans que son mari ou ses convives pussent le remarquer.

Chaque jour elle recevait douze pauvres à sa table, et chaque jeudi elle leur lavait les pieds pour imiter l’humilité du Sauveur envers ses apôtres.

Fréquemment elle conduisait ses filles au chevet des malades, pansait les plaies en leur présence, leur montrant comment il faut servir les membres souffrants de Jésus-Christ.

Une si grande vertu ne pouvait demeurer longtemps ignorée ; les saints sont habiles à cacher leurs mérites, mais le ciel, tôt ou tard, se plaît à les trahir, ne permettant pas que la lumière reste dans l’ombre.

A la cour

Le roi Magnus de Suède, ayant épousé Blanche, fille du comte de Namur, donna Brigitte pour gouvernante à la jeune reine. Notre sainte, loin de trouver, dans la haute distinction dont elle est l’objet, un aliment à son orgueil, n’y voit qu’une charge nouvelle et de graves responsabilités. Aussi avec quelle ardeur elle travaillait et priait pour les jeunes époux ! Aux bons exemples et aux leçons, elle joignait les conseils ; et avec le secours d’en haut, elle put faire grand bien au roi et à la reine et à tout le royaume. Brigitte était heureuse, car les grandes âmes mettent leur bonheur à faire le bien ; mais ce bonheur fut court. D’un caractère inconstant, le roi et la reine s’affranchirent bientôt trop austère de la gouvernante pour suivre des conseils moins sages. Brigitte, sans crainte de perdre les faveurs royales, avertit courageusement ; les avertissements n’étant pas écoutés, elle y joignit les reproches et bientôt les menaces... elle annonça des calamités au nom du ciel.

Le roi accueillit les menaces par des sourires et ne s’arrêta pas sur la pente du crime ; de temps à autre, il disait à Birger fils de notre sainte :

- « Qu’est-ce que votre mère à rêver cette nuit sur notre compte ? »

Les prédictions de Brigitte n’étaient pas des rêves ; le règne du roi fut rempli de troubles et de révolutions ; les Etats se soulevèrent contre sa tyrannie ; il périt misérablement ainsi que la reine après avoir été frappé des foudres de l’Eglise et renversé du trône. Le triomphe des méchants est court ; il ne faut pas l’oublier de nos jours.

Brigitte avait quitté la cour depuis longtemps et son mari n’avait pas tardé à la suivre dans sa retraite, car dans le commerce des méchants il y a tout à perdre et le mauvais exemple est surtout pernicieux quand il est donné par les grands.

Libre de leurs temps, Ulphon et Brigitte s’acheminent vers les principaux sanctuaires. Leur première visite fut pour le tombeau du saint Roi martyr Olaüs à Tridosie en Norvège ; de là nos pieux pèlerins dirigèrent leurs pas vers le nord de l’Espagne pour y vénérer les reliques de l’apôtre saint Jacques.

Guérison miraculeuse

C’est au retour de ce long pèlerinage qu’Ulphon tomba gravement malade dans la ville d’Arras.

En quelques jours il fut à toute extrémité. La sainte, témoin des progrès du mal, et considérant la mort de son mari comme imminente, le prépara aux derniers sacrements et pria l’évêque de les lui conférer.

Quand tout espoir terrestre fut perdu, Brigitte, levant les yeux au ciel, s’adressa à saint Denis, le premier apôtre de la France, et lui demanda la guérison.

Saints Denys lui apparut et lui révélant les grands desseins de Dieu sur elle :

« Je vous avertis, disait le saint, que Dieu veut se servir de vous pour sa gloire... et pour que vous ne puissiez douter de la vérité de mes paroles, votre mari va recouvrer immédiatement la santé. »

Au même instant, le prince s’était trouvé guéri. Mais cette vie miraculeusement rendue, Ulphon ne voulut la recevoir de Dieu que pour la lui consacrer dans la vie religieuse. Il reprit donc immédiatement le chemin de la Suède, régla ses affaires temporelles ; et quand il eut disposé de ses biens, il s’enferma dans la solitude pour y finir saintement ses jours.

Cet exemple d’un homme donnant à la perfection de l’état religieux la vie que le ciel lui a conservée, se retrouve fréquemment de nos jours, car chaque année les monastères s’enrichissent de ceux qui ont retrouvé la santé et la vie aux pieds des roches massabialles et dans les eaux miraculeuses de Lourdes.

Brigitte pénitente

Brigitte, désormais maîtresse d’elle-même, réalisera la parole de saint Denis ; elle donne ses biens à ses enfants et aux pauvres, et consacre tout son temps à la pénitence et à la méditation des souffrances du Sauveur. Elle voyait souvent le cœur sacré et les cinq plaies rayonner.

Pendant les trente années qu’elle doit vivre encore, la pénitente, tel est le nom qu’elle veut porter désormais, n’aura plus qu’une pensée unique : souffrir, expier, être victime avec son Jésus crucifié. La réparation par la souffrance sera sa préoccupation constante.

Elle ne portera plus de linge que le voile de lin dont elle se couvre la tête et sous le manteau aimé de la pauvreté elle cachera les rudes cilices. Elle passera les jours et souvent les nuits en oraisons, presque toujours à genoux ; et quand la fatigue la contiendra à quelques heures de repos, ce sera sur le tapis étendu aux pieds de son lit.

On lui demanda un jour comment elle pouvait résister sans feu au froid extrême des contrées du nord ? L’amour de Dieu qui brûle mon âme, répondit-elle simplement, me rend presque insensible aux rigueurs du climat.

En dehors des jeûnes de l’Eglise, Brigitte jeûnait quatre fois la semaine et souvent au pain et à l’eau.

Chaque vendredi, en l’honneur des plaies du Sauveur, elle faisait couler sur son corps de la cire brûlante et aimait à ne goûter que des aliments amers, en souvenir du fiel présenté au Sauveur.

Le monde, dont une vie si austère condamnait les scandales ne lui épargna pas les railleries... ; la sainte se contenta de répondre :

- « J’ai commencé pour plaire à Dieu et les railleries ne me feront point cesser... ; priez afin que je persévère dans la voie que je me suis tracée. »

Sévère pour elle-même, la sainte traitait les autres avec une merveilleuse douceur et avait pour les pauvres une tendre compassion ; elle voulut par amour pour leur état, se faire pauvre avec eux, et abandonnant à une personne étrangère le petit revenu qu’on lui envoyait, elle se condamna à lui demander pour l’amour de Notre-Seigneur, le pain de chaque jour.

Dans ses nombreux pèlerinages, elle était ravie de pouvoir manger avec les pauvres ; elle mendiait avec eux, et le pain qu’elle recevait ainsi, elle le baisait avec respect comme le pain de Dieu, le préférant aux mets les plus délicats.

Brigitte avait été ainsi préparée aux desseins de Dieu sur elle.

Notre-Seigneur les lui fit connaître :

« Je suis votre maître et votre Dieu lui dit-il ; je me servirai de vous comme d’un canal pour faire connaître aux hommes les secrets qu’ils ignorent. Vous travaillerez au salut de plusieurs. »

Ce fut le commencement de ses révélations et de sa vie apostolique.

Les révélations de sainte Brigitte, nous dit Benoît XIV, ne méritent pas sans doute la même foi que les vérités de la religion ; cependant on serait fort imprudent, si on les rejetait, car elles reposent sur des motifs suffisants pour qu’on les croie pieusement. L’avenir le prouvera, car Brigitte sera manifestement l’instrument du ciel et travaillera efficacement au salut des âmes par ses paroles, par ses prières, ses exemples et aussi par les lettres qu’elle écrira aux grands de la terre.

Son amour pour la passion du Sauveur et pour la très Sainte Vierge donna naissance à une double congrégation d’hommes et de femmes dont le but est l’étude des mystères de la Passion et la diffusion du culte de la très Sainte Vierge. Après avoir établi cette double famille qui devait poursuivre en Suède l’œuvre commencée, Brigitte, par l’ordre de Dieu, se rendit à Rome. Pendant son séjour au tombeau des apôtres, elle continua sa vie pénitente et répandit partout le parfum de ses vertus. Notre Seigneur daigna la visiter plusieurs fois et lui révéler bien des faits relatifs à sa passion, à la vie de la Sainte Vierge et aussi des choses spéciales au gouvernement de l’Eglise. C’est ainsi qu’elle fut chargée de porter à plusieurs papes les ordres du ciel. Le Seigneur voulut qu’avant de quitter la terre, elle vénère la montagne du Calvaire et tous les endroits sanctifiés par sa présence et par l’effusion de son sang ; elle obéit à cet ordre, et c’est en se rendant en terre sainte qu’elle prédit des châtiments aux insulaires de Chypre s’ils ne faisaient pénitence ; de Jérusalem, elle leur rappela à nouveau les menaces du ciel, et écrivait en même temps aux Grecs pour leur annoncer les malheurs qui les attendaient pour s’être séparés de l’Eglise de Rome. Pendant son séjour en Palestine, la sainte fut attaquée d’une fièvre qui lui causa de grandes douleurs ; c’était le commencement de la maladie destinée à briser ses liens terrestres et à la réunir à son créateur.

Elle reprit bientôt le chemin de Rome où elle reçut, pour la dernière fois en ce monde, la visite de son divin maître. Le Sauveur lui révéla l’heure de sa mort ; il lui prescrivit, en outre, de se faire ensevelir avec l’habit religieux des filles qu’elle avait fondées. La sainte fit connaître les ordres du Sauveur, puis se prépara à l’arrivée de l’époux. Quand elle sentit approcher l’heure bénie, elle reçut les sacrements, adora Notre-Seigneur, présent dans sa chambre, prononçant avec amour les paroles de Jésus mourant : « Mon Père, je remets mon âme entre vos mains. »

Elle s’envola vers le ciel le 23 juillet 1373 ; elle était âgée de 71 ans. Sa fête est fixée au 8 octobre.