Saint Bertin

Fête le 5 septembre


Légende de la gravure

Saint Bertin envoie un vin miraculeux pour guérir le seigneur Walbert, dont la vie était en danger, par suite d’une chute de cheval.


Un homme cherchait des pierres précieuses, dit l’Evangile ; or, il en trouva une de grande valeur ; il vendit tous ses biens et l’acheta.

Telle est en peu de mots la vie de notre saint, qui sacrifia les honneurs et les plaisirs passagers pour mériter la gloire éternelle.

Comment saint Bertin fut moine et apôtre

Saint Bertin naquit à Constance au commencement du septième siècle.

Favorisé de tous les dons de la fortune et de la nature, il faisait l’orgueil de ses parents qui, l’aimant d’une affection plus mondaine que chrétienne, le destinaient à briller dans le monde. Mais lui, fidèle à la grâce qui le prévint dès le berceau, se porta avec d’autant plus d’énergie au service de Dieu qu’on s’efforçait de l’en éloigner, et son premier acte, dès qu’il devint maître de sa volonté, fut de renoncer à ses biens, à sa famille et à lui-même pour suivre Notre-Seigneur Jésus-Christ.

A dix-huit ans, il s’enferma dans le monastère de Luxeuil.

Comme un prince multiplie ses bienfaits à ceux qui en usent pour l’honorer et le glorifier davantage, Dieu combla saint Bertin de ses grâces, et, en peu de temps, bien que le plus jeune des religieux de Luxeuil, il dépassa tous les autres par la perfection de sa vie. Pendant plus de trente ans, la pratique des vœux, la prière, la mortification, l’étude des saintes lettres furent son seul souci, et tandis que ses frères s’édifiaient de sa perfection et de sa science, il se regardait comme le dernier d’entre eux, car toutes ses vertus reposaient sur une humilité profonde.

Mais les saints ne sont pas créés pour eux seuls, leur sainteté est un trésor qui appartient à tous leurs frères. Enrichi des grâces du ciel, saint Bertin reçut l’ordre d’aller les répandre par l’apostolat. Il sortit donc de Luxeuil avec deux de ses frères : Memmelin et Ebertramme, que l’Eglise honore aussi sur les autels. Les trois saints évangélisèrent le centre de la Gaule avec un tel succès que le roi Clotaire II les appela à sa cour et les combla d’honneurs ; mais ils se hâtèrent de s’y soustraire pour aller aider dans ses travaux apostoliques Omer, évêque de Thérouanne. A leur voix, les idoles tombèrent, la Foi descendit dans les cœurs, et Satan s’enfuit pour laisser régner Jésus-Christ.

Comment les anges guident la barque de saint Bertin

A leur arrivée à Thérouanne, saint Omer avait donné aux trois missionnaires un oratoire sur une colline appelée encore aujourd’hui Saint-Mommelin, que de vastes marais éloignaient de toute habitation humaine. Ils y élevèrent un petit édifice qu’on nomma plus tard le vieux monastère, et là, sous le regard de Dieu, malgré leurs travaux apostoliques, ils se livraient, comme à Luxeuil, à toutes les pratiques de la vie religieuse. Cet exemple attira les chrétiens qu’ils avaient convertis. Ils vinrent en foule se joindre à eux, et bientôt la première ruche fort trop étroite pour les nombreux essaims qui se pressaient autour d’elle ; il fallut songer à s’établir ailleurs. Mais les saints ne font rien sans consulter la volonté de Dieu.

Après avoir jeûné et prié avec tous ses frères, Bertin descendit avec trois d’entre eux dans une barque dépourvue de rames, de voiles et de gouvernail ; puis, laissant à la Providence le soin de la diriger, les serviteurs de Dieu entonnèrent les psaumes que chantaient autrefois les enfants d’Israël en se rendant au temple. Les anges se firent leurs pilotes invisibles. L’embarcation, guidée d’en haut, remonta miraculeusement le cours de la rivière et vint doucement aborder à une petite île qu’on appelle aujourd’hui le mont Sithiü, au moment où ils chantaient ce verset : « C’est ici le lieu de notre repos. » Ce fut pour notre saint le signe évident de la volonté divine, et il débarqua joyeux sur cette terre où le Seigneur l’avait conduit.

Comment l’on vivait à l’abbaye de saint Bertin

Bientôt un monastère fut élevé dans ce lieu que Dieu s’était choisi lui-même, et plus de deux cents religieux vinrent s’y placer sous la direction de Bertin. Comme un père qui veut former ses fils à la vertu commence par leur donner l’exemple, ainsi notre saint fut le modèle de ses religieux ; il s’appliqua de toutes ses forces à la pratique de l’obéissance, de la prière, du travail, et ses fils, marchant sur ses pas, persévérèrent longtemps dans une ferveur qui fit l’admiration de la France entière.

Des légumes, des racines et un peu d’eau composaient toute la nourriture des moines ; comme les anges au ciel, ils étaient partagés en différents chœurs, et, jamais, ni le jour ni la nuit, on ne cessait à l’abbaye de saint Bertin de chanter les louanges du Seigneur. Plus que le reste des hommes, les serviteurs de Dieu mangeaient leur pain à la sueur de leur front : après avoir passé les premières heures du jour dans les exercices monastiques et l’étude des saintes lettres, ils consacraient le reste au travail des mains. Ils desséchèrent et comblèrent les marais qui entouraient leur monastère ; ils construisirent en l’honneur de la bienheureuse Vierge une magnifique église autour de laquelle se forma peu à peu la ville de Saint-Omer qui, comme beaucoup d’autres en France, repose sur une terre défrichée et sanctifiée par les travaux et les sueurs des moines.

Ce que vaut la bénédiction d’un saint

Parmi les nombreux fidèles, que de si saints exemples attiraient à l’abbaye, se trouvait un riche seigneur, nommé Walbert, qui venait chaque jour avec sa pieuse femme Régentrude entendre la messe et communier à l’église du monastère ; puis, avant de se retirer, ils allaient tous les deux recevoir la bénédiction de l’abbé qui était le père de leur âme.

Or, un jour, il arriva que le comte, pressé par ses affaires, négligea cette pieuse coutume ; on vint en avertir saint Bertin : « Je le sais, répondit-il, et Walbert aura lieu de s’en repentir avant d’arriver à sa demeure. » En effet, un messager du comte vint bientôt trouver l’abbé : « Père, lui dit-il, votre fils vous prie d’intercéder pour son âme auprès de Dieu ; ce matin, en retournant à son château, il a fait une chute si malheureuse que sa vie est en danger ; il reconnaît que ce malheur ne lui est arrivé que pour avoir quitté le couvent sans recevoir votre bénédiction, et il l’accepte comme un châtiment de sa faute. »

Les maux de son ami et de son fils remplirent le saint vieillard de douleur ; cependant, mettant son espérance en Dieu, il ordonna à un de ses religieux d’aller puiser du vin dans un vase qu’il lui désigna ; - mais Père, répondit le religieux, il y a plus d’un mois qu’il n’y reste pas une goutte de vin. – Allez, mon fils, reprit le saint abbé, et croyez que Dieu à qui tout est possible saura tirer de là un breuvage salutaire pour notre ami. Le moine obéit, et le Seigneur récompensant la confiance de l’un, et la soumission de l’autre, fit jaillir dans ce vase un vin qui répandait une odeur délicieuse. Saint Bertin le bénit et l’envoya à Walbert. Au récit du miracle qui s’était opéré le comte, plein d’espérance, porta le breuvage à ses lèvres et à peine l’eurent-elles touché qu’il recouvra la santé.

Pour manifester toute sa reconnaissance à Dieu et à son serviteur, il donna ses biens à l’abbaye et alla prendre l’habit au monastère de Luxeuil.

Comment les saints se préparent à la mort et comment la paix n’est pas de ce monde.

Pendant près de soixante ans, saint Bertin gouverna son monastère avec sagesse, le soutint par ses exemples, et l’embauma par ses vertus. Il crut enfin sa mission terminée, et renonçant à la dignité d’abbé, comme il avait fui les grandeurs de son rang, et les honneurs du roi Clotaire, il fit élire un de ses disciples à sa place et rentra dans la vie commune ; dès ce moment, il ne songea plus qu’à préparer son âme au jugement qu’elle allait subir. On le vit obéissant et humble comme le plus jeune des religieux, passer des nuits entières dans la prière et la macération, tremblant de ne point expier assez ses fautes ici-bas et d’augmenter encore le nombre de ses péchés, car malgré sa sainteté, le démon ne le laissait point en repos.

Un jour une jeune libertine, obéissant à cet esprit malin, résolut de le séduire et de faire faillir sa vertu. Mais saint Martin apparut au serviteur de Dieu, et lui révéla le danger. S’armant alors du signe de la croix, Bertin chassa la malheureuse et humilia encore l’ennemi de son âme par ce dernier triomphe.

Enfin peu de temps après, âgé de plus de cent douze ans, le saint abbé sentit venir sa dernière heure. Il réunit tous ses religieux, leur recommanda de ne point quitter le lieu où il les avait établis, mais d’y persévérer dans le service de Dieu, puis il les bénit, et au milieu de leurs sanglots sa belle âme passa des douleurs de cette vie au bonheur de l’éternité. C’était le 5 septembre 709.

Comment les saints ne meurent pas

Mais la gloire des saints ne finit pas avec leur vie, car, dit l’Ecriture, « la mémoire du juste demeure éternellement » et du haut du ciel ils continuent à porter les cœurs à Dieu par leurs miracles, comme ils le faisaient sur la terre par leurs vertus.

Pendant la nuit de la Résurrection, deux pêcheurs des bords du Rhône n’avait point voulu, contre leur coutume, cesser leur travail et ils s’en réjouissaient, car jamais la pêche n’avait été si heureuse. Mais la justice de Dieu les attendait.

Quand à l’aurore du saint jour de Pâques ils approchèrent leur barque de la rive du fleuve, ils ne purent en sortir, deux d’entre eux avaient perdu l’usage des jambes et des bras, et le troisième était devenu sourd et boiteux ; de ce jour de joie leur péché avait fait pour eux un jour de tristesse et de désolation. Le châtiment de Dieu fit rentrer les trois coupables en eux-mêmes, et celui à qui le Seigneur avait laissé la force, parcourut à grand’peine les sanctuaires de la France pour demander miséricorde par l’intercession des saints ; ses prières ne furent exaucées que sur le tombeau de notre saint ; il assista à l’office des religieux demandant avec larmes le salut de son âme et la guérison de son corps, et, au moment de l’Evangile, il sentit la vie renaître dans les membres que la justice divine avait frappés.

C’était à saint Bertin qu’il devait sa guérison.

Un jeune religieux de ce même monastère, cédant aux tentations du démon, avait fui la compagnie de ses frères pour se livrer aux plus mauvais penchants de sa nature ; mais il fut atteint d’un mal mystérieux que les médecins ne pouvaient guérir ; alors le remords entra dans son cœur et il retourna au monastère. Saint Bertin qui, pour sauver l’âme de son fils, avait frappé son corps, le délivra de son mal quand il le vit revenir sincèrement à Dieu.

Un homme cupide pénétra un jour dans l’église de l’abbaye pendant le repas des religieux, et s’empara des lampes d’or et d’argent que la piété et la reconnaissance avaient placées au tombeau de notre saint. Mais quand il voulut s’échapper, il crut voir devant lui une multitude d’hommes armés qui lui fermaient le passage, et ainsi il ne put échapper à la justice des hommes qui le condamna, comme sacrilège, à la peine de mort.

Les fils de saint Bertin, espérant que ce pécheur rentrerait dans la voix du salut, demandèrent et obtinrent sa grâce ; mais loin de toucher son cœur, le châtiment divin et la miséricordieuse bonté des moines ne firent que l’endurcir dans le péché. Dieu, pour venger son saint, frappa de mort ce malheureux rebelle à sa grâce.

Bien d’autres prodiges, qu’on ne peut rapporter ici, se sont opérés par l’intercession de saint Bertin. Ses précieuses reliques sont pieusement conservées dans la ville de Saint-Omer, dont on peut bien l’appeler le père et le fondateur, car elle a eut pour berceau l’abbaye de saint Bertin.