Saint Arnulphe

Fête le 15 août

Evêque de Soisson


Légende de la gravure

Saint Arnulphe, d’illustre naissance, entra jeune au monastère de Saint-Médard, mérita d’être appelé le Père des pauvres. Dieu récompensa sa charité en multipliant entre ses mains cinq pains qui nourrirent plus de 700 hommes. Il fut évêque de Soissons. Sa mort arriva en 1087.


Naissance miraculeuse d’Arnulphe

C’était au temps où le roi Henri, fils de Robert, régnait sur la France, et Edouard le Pieux sur l’Angleterre.

Un gentilhomme de haute naissance, du nom de Fulbert, vivait heureux auprès de son épouse Menisinde, dans le petit village de Brahante, auprès du fleuve Sealdem, en Flandre. Dieu leur avait donné un fils qui faisait leur bonheur. Il avait grandi auprès d’eux, et les nobles qualités qu’ils s’étaient plu à former dans son âme faisaient prévenir un avenir florissant.

Mais le Seigneur, qui sonde les reins et les cœurs, a ses desseins : il rappela le jeune homme à lui.

Peindre la désolation de la pauvre mère serait chose impossible. Il fallut que Dieu lui envoyât du ciel un ange consolateur.

« Un homme revêtu d’habits plus brillants que le soleil, et dont les traits n’avaient rien de ceux d’un mortel, lui apparut en songe : « Pourquoi ces larmes, lui dit-il ? Pourquoi vouloir toujours lutter contre la volonté du Seigneur ? Séchez vos pleurs, le Tout-Puissant vous donnera, à la place de ce fils que vous avez perdu, et qui dans la suite eût fait votre déshonneur, un fils qu’aujourd’hui il prédestine aux plus grandes choses. Vous lui donnerez le nom de Christophore ; car le Christ a résolu d’établir en lui sa demeure, et par lui d’ouvrir à beaucoup d’âmes les portes du ciel. Dès qu’il sera né, allez à l’église, où vous avez coutume de prier, et là vous sera donné le gage des choses que je vous annonce. Au pied du maître-autel, vous trouverez, enfouie sous le sol, une pierre où vous sera manifestée la volonté du Seigneur. »

Menisinde en effet met au monde un fils. Elle n’oublie point la vision, et aussitôt qu’il lui est permis, elle court à l’église. Sur son ordre on creuse la terre au pied même de l’autel, et elle découvre, à cinq mètres de profondeur, la pierre qui lui avait été prédite. Elle était carrée, et, en tête, on lisait le nom de « Christophore » ; venait ensuite la narration des mérites du saint et des actions sublimes qu’il devait accomplir.

Son enfance. – Nouveau présage de sa sainteté.

Il reçut au baptême le nom d’Arnulphe, sa famille s’opposant à ce qu’il fût nommé Christophore : sa mère néanmoins ne savait l’appeler que du nom qui lui avait été envoyé du ciel.

Et, à l’exemple de Marie, elle méditait dans son cœur toutes les choses qui lui avaient été révélées sur son fils, et elle ne pouvait le perdre de vue.

Un jour, l’enfant priait entre ses bras ; un homme, vêtu du costume de pèlerin, s’approche, et levant les yeux au ciel, il dit à la mère : « Veillez, veillez sur lui, le Christ en a fait son temple, et la Trinité Sainte le destine à annoncer ses miséricordes aux pauvres de son peuple. »

La mère veilla bien sur le fils, et Arnulphe grandit en science et en sainteté. Jeune encore, on pouvait déjà deviner dans sa démarche, ses paroles, ses relations, le véritable Christophore, l’homme qui est pour le monde un vrai porte-Christ.

Il sert tout d’abord les princes de la terre.

Issu d’ancêtres de la plus haute noblesse, il se vit contraint de suivre la carrière des armes, mais il se réservait dans la suite d’échanger l’armure du siècle contre les armes plus sûres et plus fortes qu’apporte l’Homme-Dieu à la terre.

Le tumulte des camps n’était pas capable de le distraire, il était le Christophore, et Dieu qu’il portait en lui l’absorbait tout entier. – La présence de cet hôte divin dans son âme y avait allumé une charité ardente pour les pauvres. Nouveau Martin, il se dépouilla pour revêtir celui qui était nu, et partagea avec l’affamé son argent et sa nourriture.

La Trinité Sainte, du haut du Ciel, contemplait avec amour son serviteur qui, dans toutes ses actions, s’appliquait à faire des actions de Christ ; mais elle le voulait plus entièrement consacré à son service ; Arnulphe brûlait du désir d’accomplir la volonté divine.

Il passe au service du roi du ciel.

Retenu sous les armes par son prince qui le chérissait, par ses parents qui plaçaient en lui leur gloire, il ne vit d’autre moyen d’obéir à l’impulsion de la grâce qu’en usant de stratagème.

Par son ordre, les hommes d’armes qui servaient sous lui se revêtirent de cuirasses étincelantes d’or ; lui-même est monté sur un coursier pompeusement caparaçonné, et fait part à tous les siens qu’il a de se rendre à la cour du Roi. Il embrasse sa mère, dit adieu à tous ses compagnons, et se dirige vers la France.

La cour du roi Philippe ne le vit point venir, Arnulphe voulait servir le Roi du ciel, aussi vint-il frapper à la porte de l’abbaye de St-Médard, proche de Soissons, et gouvernée par le célèbre Reinald.

Il est un exemple de mortifications

Admis en la compagnie de ces hommes d’une science profonde et d’une vertu héroïque, il ne tarda pas à se distinguer entre tous.

Novice, il embrasse les mortifications les plus dures, se faisant le dernier de tous et le serviteur de ses frères. Il dompte sa chair par les veilles, les jeûnes, les prières prolongées et les larmes. Afin d’éteindre en lui tout regret des plaisirs mondains, il s’impose de rudes macérations. Sous ses habits, il porte, appliquée sur la chair, une tresse d’épines, serrée avec force ; et cependant son visage est toujours souriant ; toujours la même charité et le même empressement pour servir les autres. – La vraie mortification ne connaît pas la tristesse.

Personne n’était plus joyeux et plus gai qu’Arnulphe, et personne pourtant ne se servait d’armes plus terribles contre lui-même.

Il mène la vie de reclus

Mais l’amour de Dieu, ayant pour objet un être infini, est sans mesure. Arnulphe trouve qu’il ne fait pas encore assez. La compagnie de ses frères, par la douceur qu’elle lui procure, est en quelque sorte une entrave à son zèle de mortification ; sa cellule dénudée qu’il regarde encore comme un paradis, lui demande de nouveaux sacrifices.

Il creuse en plein air une fosse étroite, et avec l’art que connaissent seuls les saints en pareilles circonstances, il la dispose de manière à souffrir toutes les intempéries des saisons ; la pluie, la neige, les glaces de l’hiver, l’été avec ses feux : rien ne peut abattre son courage. Il prie, psalmodie, gémit et pleure, et ce n’est que bien rarement qu’il se permet la consolation de quelques lectures.

Trois ans s’écoulèrent dans ce genre de vie ; et Arnulphe vivait soutenu par la main même de Dieu, car pendant ces trois ans, il demeura sans mouvement et sans voir personne. Mais allant puiser ses leçons au pied du crucifix, il avait acquis dans la prière et la méditation une science profonde que ne connaissent point les savants du siècle.

Elu abbé, il s’enfuit

Le bienheureux Reinald étant venu à mourir, Arnulphe fut choisi pour lui succéder.

L’évêque de Soissons et tous les moines viennent trouver le reclus, et le supplient avec larmes d’obtempérer aux vœux de tous, le priant, lui commandant au nom du Christ, de consentir à recevoir la dignité et la charge d’abbé.

Lui, qui n’avait parlé à personne bientôt depuis quatre ans, ne voulut pas, même en pareille circonstance, rompre le silence qu’il s’était imposé, en réparation des péchés qui se commettaient dans le monde par la langue. Il saisit donc une tablette et y traça ces quelques mots : « Je vous en conjure, mes frères bien aimés, ayez pitié d’un pauvre pécheur accablé sous le poids de ses iniquités, laissez-moi offrir à Dieu ces humbles fruits de pénitence. N’imposez pas à mes épaules de boue un poids qu’elles ne pourraient supporter. Je ne serais du reste pour vos âmes qu’un met sans saveur. »

Tous insistent et veulent l’emmener de force. Arnulphe supplie alors le saint évêque et ses frères de le laisser jusqu’au lendemain dans sa retraite, afin qu’il puisse y interroger Dieu en paix.

Chacun donc se retire. Mais voilà que dans la nuit celui que rien n’avait pu faire sortir du lieu de sa pénitence, effrayé des honneurs et de la charge qu’on voulait lui imposer, sort clandestinement, et fuit, à travers la campagne, aussi vite que ses jambes le lui permettent, car la privation de mouvement qu’il avait imposée à ses pauvres membres, pendant si longtemps, l’avait, pour ainsi dire, rendu incapable de s’en servir.

Dieu le livre aux mains de ceux qu’il fuit

Après avoir donc marché la nuit toute entière, Arnulphe se trouva dans un village aussi inconnu de lui que la contrée environnante.

Il s’adresse alors à Dieu, qui lui envoya un loup ; l’animal, prenant le saint par le pan de sa robe, l’invite à le suivre. Arnulphe reconnut en lui le messager que lui envoyait Celui à qui obéit toute la nature. Puis, rendant grâce à Dieu qui n’abandonne pas les siens, il se met en marche ; le loup le précédait.

Mais, loin de favoriser ses désirs, l’animal, dont le Seigneur daignait se servir, reconduisit notre saint aux portes mêmes de Soissons, et le livra à ceux qui le cherchaient.

On se saisit aussitôt de S. Arnulphe, car on craignait qu’il ne s’enfuît derechef, et l’évêque, à la tête de son chapitre, ainsi que les moines, le conduisirent, au milieu des chants d’allégresse, au monastère, et là le pontife lui remit la crosse abbatiale.

Son humilité et ses miracles

Sa nouvelle dignité n’enfla point son cœur, et ses nouveaux travaux ne furent pas un prétexte pour apporter à son genre de vie quelque adoucissement que ce fût ; sa mortification et son humilité au contraire croissait de jour en jour.

Pour récompenser la ferveur et la persévérance de son serviteur, Dieu lui donna le don des miracles.

En voici quelques-uns. C’était l’usage alors des abbés, d’aller, lorsqu’ils voyageaient, en grand équipage. Mais, Arnulphe ne pouvait consentir à monter sur un cheval, quand son divin maître ne s’était servi que d’une ânesse. Il avait donc lui aussi, pour ses pérégrinations, une ânesse. Les moines contrariés de ce que le saint abaissait ainsi sa dignité et son caractère d’abbé, s’avisèrent, la veille du départ, de couper le jarret de la bête. Arnulphe allait être contraint à prendre un cheval.

Instruit de la maladie de son ânesse, le bienheureux se rendit alors à l’écurie, remit par le signe de la croix, la jambe endommagée, et s’éloigna doucement, disant que le disciple ne devait pas être mieux traité que le maître.

Les malheureux infirmes étaient surtout l’objet de ses bontés. Il les visitait chez eux, les bénissait et leur rendait la santé ; ou bien, s’il ne pouvait venir lui-même, il bénissait le pain, le leur envoyait et par la vertu du signe de notre Rédemption formé sur ce pain, ils étaient encore guéris.

Une pauvre femme de 30 ans, aveugle de naissance, vivait dans un petit hameau peu distant du monastère. La renommée du saint était parvenue jusqu’à elle, et elle résolut d’obtenir du Tout-Puissant sa guérison, par l’intermédiaire de son serviteur. Elle se rendit donc auprès des moines attachés plus particulièrement au service de l’abbé, et les supplia de vouloir bien, pour une fois, détourner l’eau dans laquelle Arnulphe se purifiait les mains, disant, que dans une vision qui lui était venue du ciel, elle devait guérir en se frottant les yeux avec cette eau. On lui remit l’eau tant désirée, et à l’admiration de tous, elle recouvra subitement la vue.

Le fait suivant eu lieu en la fête du diacre Saint-Etienne. Le peuple entourait le monastère, et attendait l’heure de l’office, lorsque, au milieu de la foule, une pauvre mère s’élança éplorée vers la cellule du saint. Elle tenait par la main son enfant, âgé de treize ans. Il n’avait jamais pu parler.

Là, elle le supplie aux larmes de lui ouvrir et d’avoir pitié de son fils.

Arnulphe pleure avec elle, mêle sa douleur à la sienne ; puis élevant les yeux au ciel, il fait à Dieu une fervente prière.

Prenant ensuite l’enfant, il trace le signe du salut sur ses lèvres, porte la main à sa langue, et lui adressant la parole : « Dis-moi, créature du bon Dieu, comment te nommes-tu ? – Celui-ci de répondre aussitôt à haute voix : « Je me nomme Jean. »

Et l’enfant parla dans la suite sans éprouver aucune difficulté.

Le démon lui-même lui obéit

Non seulement Arnulphe avait puissance sur les maladies et commandait à la nature ; mais à sa voix encore, comme autrefois à celle du Christ, Satan frémissait de rage, et était contraint d’obéir.

Dieu avait permis au démon d’entrer dans le corps d’un jeune homme, en punition de vengeances cruelles qu’il méditait dans son cœur. Le malheureux, sous le coup de cette obsession, se tordait dans des convulsions horribles. Sa bouche écumait, et même on avait été contraint de l’enchaîner ; car, dans sa fureur, il se précipitait sur tous ceux qui se présentaient à lui, et les lacérait de ses dents.

A cette nouvelle, Arnulphe commande qu’on lui amène le jeune homme. D’aussi loin qu’il le voit venir, il fait le signe de la croix ; et lorsque les gens qui le conduisent sont proches, il leur ordonne de le délier. Immobilisés par la terreur, aucun ne pense à obéir.

Le saint renouvelle son ordre d’une voix plus forte ; et c’est en tremblant qu’ils ouvrent les anneaux qui retenaient les pieds et les mains du possédé.

Mais, à peine le jeune homme est-il libre, qu’il se jette aux pieds d’Arnulphe, lui confesse ses fautes, et retourne chez lui délivré du malin esprit, l’âme pure et réconciliée avec Dieu.

Satan furieux veut le faire mourir

Dieu à qui notre saint s’était donné tout entier sans réserve, se montrait plein de bonté envers son serviteur.

Son œil pénétrait parfois l’avenir, et les actions les plus cachées, les complots tramés dans l’ombre sans témoins, lui apparaissaient dans leur jour, avec toute leur réalité.

Satan avait juré la perte du puissant athlète du Christ ; Arnulphe était Christophore, et il devait déjouer, comme son maître au désert, les plans perfides du tentateur.

« O Satan, tu entreprends beaucoup contre les fidèles du Sauveur, tu rejettes ta bave hideuse sur la robe sans tache de son épouse ; mais tu comptes sans le Christ pour la réussite de tes desseins ! »

Satan avait donc, pour arriver à ses fins, acheté l’âme d’un malheureux, qui consentit à lui servir d’instrument, et à empoisonner le saint.

On sert à l’homme de Dieu un magnifique poisson, (car nous dit l’hagiographe, c’était alors jour de grand chômage).

Sa sœur, qui en ce moment, s’entretenait avec lui sur les besoins de son âme, voulut se retirer ; mais le bienheureux la retenant, lui dit : « Berthe, ma sœur, je ne mangerai point de ce poisson ; car, par la malice du diable, il a été empoisonné ; rendons ensemble grâce au Saint-Esprit qui nous a découvert l’artifice de l’ennemi, et a ainsi empêché qu’il ne se réjouit de notre mort. – Puis ouvrant la fenêtre, il fit signe à un corbeau, perché sur un arbre voisin, de s’approcher. L’oiseau obéit sur-le-champ. – Il lui ordonne de prendre le poisson dans son bec, et de l’emporter dans un lieu, où il ne pût être trouvé par personne. – Le corbeau hésite d’abord ; mais enfin, pressé par le saint, il obéit.

Il est sacré évêque

L’esprit de Dieu reposait visiblement sur Arnulphe, et l’éclat que jetait sa sainteté avait attiré sur lui tous les regards.

Aussi, le pieux évêque, Thesbalde, étant venu à mourir, le clergé et le peuple, d’un commun accord, élurent-ils Arnulphe ; celui qui au ciel avait été appelé « Christophore ».

Il fut en effet pour son peuple, ce que le Christ fut pour Israël. Il parcourait les cités, annonçait lui-même la parole de Dieu, et confirmait la doctrine par de nombreux miracles. Il était cet évêque que Saint-Paul nous décrit dans son épître à Tite, humble, doux, hospitalier ; mais surtout un grand dispensateur de Dieu, Dei dispendatorem.

Il multiplie les pains

A l’instar du divin maître, il ne voulait pas congédier les foules sans leur avoir auparavant donné, avec le pain de l’âme, le pain du corps : son amour lui faisait craindre qu’ils ne défaillissent en route.

Un jour qu’il s’était vu suivi d’une foule immense, avide de l’entendre, son cœur fut saisi d’une compassion soudaine, et les larmes coulèrent abondantes de ses yeux ; car, la plupart étaient venus de loin, et avaient gardé le jeûne fort avant dans la journée. – Sur son ordre donc tous s’assoient. Lui se ceint d’un linge blanc, et après une courte, mais fervente prière, il bénit les pains et en donne à chacun suivant son besoin. – Tous furent rassasiés, et beaucoup recueillirent, avec les restes, une réserve pour la route.

Il y avait là plus de sept cents hommes, et cinq petits pains avaient suffi pour les nourrir.

La foule glorifiait Dieu en son saint, et chacun en se retirant aimait à répéter ses paroles ; car c’étaient les paroles de paix qu’apportèrent les anges, lorsque le roi du ciel descendit sur la terre : « Paix aux hommes de bonne volonté. »

Châtiment

Le peuple l’aimait donc, parce que Jésus qu’il portait en lui, le rendait aimable. Et comme Saint-Jean, l’apôtre bien-aimé, sur la fin de ses jours, il ne prêchait que la charité, fondement de la cité céleste :  « Mes fils, aimez-vous les uns les autres ! » Il arrivait malheur à ceux qui ne voulaient pas se rendre à sa parole.

Une veuve noble et riche, du nom d’Euregarde, osa mépriser les conseils de l’homme de Dieu.

Elle avait déclaré la guerre à son mari, nous dit la sœur même d’Arnulphe.

C’est en vain que le saint, agenouillé au seuil de sa porte, la supplie au nom du Christ. Ses prières sont vaines.

Mais son châtiment ne se fit point attendre. La maison fut soudainement ébranlée sur ses bases, et s’affaissa sur la malheureuse qui périt d’une manière horrible.

Les serviteurs et les nombreux animaux qu’abritait la maison, n’éprouvèrent aucun dommage.

Ainsi la charité avait pris de profondes racines dans le cœur des Soissonnais, et l’on pouvait dire d’eux ce que l’on disait des premiers fidèles : « Voyez comme ils s’aiment ! »

Sa mort lui est révélée

Mais notre saint était plein de jours, et chargé de bonnes œuvres. Il avait couru dans la carrière, et gagné les lauriers dus aux vainqueurs : le Christ devait bientôt lui remettre sa récompense.

Arnulphe retournait en son cher pays de Flandre, désireux de le revoir une dernière fois avant de mourir. Arrivé au pays des Atrébates, Notre Seigneur lui apparut en songe, et lui révéla le jour et l’heure de sa mort : « Continuez votre voyage, Arnulphe, lui dit-il, je vous attends à Aldenburge où je vous prendrai avec moi ; votre corps y attendra la résurrection dans l’église de Saint-Pierre. »

Arnulphe continua donc sa route. Son visage était souriant, et de temps en temps sortaient de sa bouche ces paroles pleines d’amour, qui vont jusqu’au cœur de Dieu. Il se réjouissait de pouvoir bientôt suivre l’agneau.

Arrivé au lieu marqué par la Providence, l’homme de Dieu commanda à ses frères de préparer ses funérailles ; car, leur dit-il, il devait bientôt les quitter pour se rendre à l’invitation du divin époux, et prendre part au banquet éternel.

La douleur fut grande ; néanmoins il fallait obéir : le moment fixé par Notre-Seigneur était proche.

Dieu voulut de nouveau avertir son serviteur, et la terre trembla par trois fois, et avec tant de violence, que ses amis, craignant que la maison ne s’affaissât, accoururent effrayés pour lui porter secours.

« Ne craignez rien, leur dit-il ; mais réjouissez-vous, car voici l’heure de ma délivrance. Vous avez senti sous vous la terre trembler trois fois. Au premier ébranlement, le bienheureux apôtre Pierre m’est apparu. Il tenait à la main les clefs, et me dit en souriant : « Dieu vous remet vos péchés, mon frère, et les portes de la vie vous sont ouvertes. » La foule des saints l’accompagnait, et chantait des hymnes à l’Eternel. La seconde fois, l’archange Michel s’est avancé vers moi. Il tenait une épée flamboyante, et s’offrait pour me conduire au céleste séjour. Enfin est apparue notre reine, la mère de miséricorde, Marie. Les chœurs des anges l’entouraient, et les vierges chantaient ses louanges : « Réjouissez-vous, mon fils, me dit-elle, demain vous participerez à ma glorieuse Assomption, et vous jouirez de joie sans fin dans la contemplation même de Dieu. »

« Je vous en prie, mes frères, ajoutait le bienheureux, par la miséricorde de Dieu, tant que je suis encore vivant, ne rapportez à personne ce que vous avez entendu. »

Dès lors Arnulphe n’eut plus de conversation qu’avec Dieu ; il demeurait tout absorbé en lui, attendant avec une sorte d’impatience le moment heureux qui l’unirait à son bien-aimé.

Au coup des premières vêpres de l’Assomption, Marie vint chercher son serviteur, et l’introduisit dans les tabernacles éternels.

C’est la récompense réservée à tous les christophores, à tous ceux qui savent porter noblement, c’est-à-dire, confesser le Christ, le défendre et le venger. Qu’ils soient nombreux !