Saint Antoine

Fête le 17 janvier


Son enfance

Saint Antoine naquit vers l’an 250, en Egypte, dans une famille riche des biens de ce monde, mais qui préférait le don de la foi à l’or et à l’argent. - Son père et sa mère ne consentirent à se décharger sur personne du soin d’élever leur fils et de former son caractère, mais lui donnèrent eux-mêmes une éducation forte et sévère sans lui permettre de fréquenter les écoles corrompues du paganisme : Antoine ne quittait pas la maison paternelle sinon pour aller à l’assemblée des fidèles, et pendant longtemps il ne connut que sa demeure et l’église.

Les parents de saint Antoine furent donc les artisans de sa sainteté, car ils le préparèrent dès ses premières années, aux luttes contre le démon en l’exerçant au sacrifice ; ils se plaisaient à lui apprendre à résister aux tentations de gourmandises qui assaillent dès l’enfance les fils d’Eve, et tout jeune encore, rapporte un auteur, il serait demeuré à jeun plutôt que de toucher aux mets de la table, où seulement de les demander ; il attendait qu’on les lui offrit.

A dix-huit ans, Antoine perdit ses parents et se trouva possesseur de deux fortunes : l’or et la bonne et forte éducation du chrétien. Nous allons voir comment il méprisa la première et comment il sut faire valoir la seconde, pour devenir un grand saint.

Il songea dès lors à se consacrer tout entier au service de Dieu. Préoccupé de cette pensée, il se rendait un jour, à l’église, et chemin faisant, méditait le passage où l’Evangéliste raconte la vocation des apôtres, et nous montre ces derniers, quittant et méprisant tout pour suivre Jésus-Christ. La manière de vivre des premiers chrétiens, leur renoncement à toute propriété, la communauté des biens établie entre eux, lui revenaient également à la mémoire. A peine Antoine est entré dans l’église, qu’il entend lire les paroles adressées par Notre-Seigneur au riche dans l’Evangile : « Si vous voulez être parfait, allez, vendez tout ce que vous possédez, donnez-en le prix aux pauvres, venez et suivez-moi, et vous aurez un trésor dans le ciel. » Le riche n’eut pas le courage d’accomplir ce sacrifice, et pénétré de tristesse, s’éloigna de Notre-Seigneur. Mais, Antoine s’appliqua le conseil du divin Maître comme s’il lui eût été adressé personnellement, et au sortir de l’église, il partagea une partie de ses terres entre ses voisins, vendit le reste et ses meubles, en distribua le produit aux pauvres, ne se réservant qu’une faible somme pour l’entretien de sa sœur et le sien. Mais là ne devait point s’arrêter la vertu de notre saint et Dieu l’appelait à une perfection plus haute.

Peu après, comme il écoutait la lecture de l’Evangile, cette autre parole vint frapper ses oreilles : « Ne vous mettez point en peine du lendemain. » Voyant qu’il n’avait pas accompli tous les conseils de Notre-Seigneur en réservant une faible part de ses richesses, il distribua aux pauvres ce reste de son ancienne fortune, confia sa sœur à une communauté de vierges et résolut de renoncer lui-même entièrement au monde.

Il quitte le monde

Or à cette époque, c’est à dire vers l’an 270, l’Egypte ne possédait pas encore les nombreux monastères qui couvrirent son sol dans la suite, et la vie solitaire était presque inconnue. - Quelques années auparavant des monastères florissants dont l’origine remonte à l’apôtre saint Marc, s’étaient élevés dans cette contrée : Saint Julien avait fondé à Antinoüs un couvent et s’était trouvé à la tête de dix mille religieux. Mais bientôt un décret de persécution lancé par Dioclétien, qui voyait comme nos gouvernements actuels, un péril social dans le catholicisme et la vie religieuse, dispersait ou mettait à mort tous ces moines. Dans la Thébaïde seulement, nous disent les auteurs, on compta quarante-quatre mille martyrs. Ceux qui aspiraient à la pratique des conseils évangéliques ne pouvait donc trouver de retraite dans les monastères et ne pénétraient pas encore dans les déserts. Ils se contentaient de se retirer dans des ermitages assez rapprochés des villes ou des villages. Saint Antoine fit la rencontre de l’un d’entre eux, vieillard qui vivait là depuis son jeune âge, et se mit dès lors en devoir d’imiter son genre de vie. Il s’établit à une petite distance de sa demeure et commença l’apprentissage de sa vie solitaire dont il devait être un des plus illustres représentants. Il partageait son temps entre le travail des mains, l’oraison et l’étude de l’Ecriture sainte, développant ainsi son âme, son intelligence en même temps qu’il mortifiait son corps. Il visitait aussi les ermites des environs, afin de s’édifier de leurs bons exemples et s’attachait à reproduire en lui la vertu qui éclatait davantage dans chacun d’eux. En peu de temps, les progrès du nouveau solitaire furent si rapides qu’il devint le modèle de ceux qu’il était venu imiter et fut surnommé le Deicole, c’est-à-dire, l’adorateur de Dieu, à cause de son éminente piété.

Tentation du démon

Mais le démon n’avait pas vu d’un œil indifférent ce jeune homme quitter le monde et engager sa sœur dans la vie religieuse ; il prévoyait aussi qu’une foule d’âmes attirées par ces exemples quitteraient le monde pour se livrer à la pratique des conseils évangéliques. - Les saints, en effet, ont de tout temps exercé et exerceront toujours une attraction puissante et souvent irrésistible sur les âmes qui les entourent. Et si notre société avait au milieu d’elle quelques grands saints, nous ne la verrions pas languir dans les convulsions de l’agonie. - Saint Antoine, lui seul, devait peupler les déserts de la Palestine et de l’Arabie. Quoi donc d’étonnant si Satan s’acharne à le tenter et à le persécuter sous toutes les formes, pendant plus de quatre-vingts ans. Cette lutte démontre la vérité de cette maxime si consolante de la vie spirituelle : Que Dieu ne permet jamais que nous soyons tentés au-dessus de nos forces, ou en d’autres termes, qu’il nous accorde toujours le secours nécessaire pour résister à la tentation.

Le démon attaque tout d’abord saint Antoine, sous la forme des trois concupiscences ; c’est ainsi qu’autrefois il avait tenté Notre-Seigneur dans le désert. - Il commence par lui représenter d’un côté les richesses qu’il a abandonnées et le bien être qu’il aurait pu jouir dans le monde, et de l’autre les souffrances, la rigueur de la pauvreté auxquelles il s’était volontairement réduit, et la difficulté d’atteindre le but de la vie religieuse. Une prière ardente et pleine de foi chasse ces pensées de découragement et le désir des richesses que Satan cherchait à lui inspirer. L’ennemi des âmes attaque alors son adversaire, du côté de la chair, s’efforçant de faire pénétrer dans son esprit des imaginations honteuses, et offrant à ses regards des visions propres à le troubler ; le soldat de Jésus-Christ, sort victorieux du combat, en employant les armes recommandées par Notre-Seigneur, pour chasser cette sorte de démons ; la prière et le jeûne. Satan cherche enfin à réduire le serviteur de Dieu par l’orgueil : un jour, un petit nègre d’une laideur affreuse, vint tout en pleurs se jeter aux pieds du solitaire, en disant : « J’ai trompé et séduit bien des chrétiens, je me vois vaincu par toi comme je l’ai été par les autres saints. S. Antoine, peu rassuré sur la valeur de cette canonisation anticipée, demande au nain de décliner son nom, et apprenant que c’était l’esprit de fornication, il le fait disparaître subitement en prononçant un texte des Psaumes.

Ses mortifications, combats que lui livre Satan

Loin de se reposer ou de se relâcher dans la ferveur, après cette première victoire notre saint ne songea qu’à se préparer à de nouveaux combats et s’adonner à la mortification avec une ardeur plus grande. Une natte et un cilice, quelquefois la terre nue lui servait de couche, souvent il passait toute la nuit en prière ; il ne mangeait qu’une fois par jour, après le coucher du soleil ; du pain, du sel et un peu d’eau composaient son repas. Il passait fréquemment deux ou trois jours consécutifs sans prendre aucune nourriture et ne rompait le jeûne que le quatrième jour.

Jugeant que sa solitude n’était pas assez profonde, il résolut de se cacher dans un tombeau n’indiqua sa nouvelle retraite qu’à un frère, chargé de lui apporter un peu de nourriture à des jours déterminés. Lorsque Antoine fut descendu dans ce sépulcre, le frère en ferma l’entrée ; mais bientôt Satan accabla le solitaire de tant de coups, que celui-ci ne put de quelque temps faire un geste ni articuler une parole.

Un autre jour, l’ami du saint, venant le visiter, trouve la porte du tombeau brisée, et, dans l’intérieur, Antoine étendu sans mouvement sur le sol ; il le charge sur ses épaules et le transporte au village. Les habitants s’assemblent pour rendre les devoirs funèbres à leur compatriote et passent la nuit auprès du corps, selon la coutume des premiers siècles. Mais lorsque une partie de la nuit s’est écoulée, tous se laissent gagner par le sommeil. Antoine à ce moment revient doucement à lui, s’aperçoit que les assistants sont endormis, à l’exception du frère qui l’avait apporté ; il fait signe à ce dernier de s’approcher et le prie de le reporter sans bruit et sans éveiller personne dans son tombeau. Là, prosterné à terre, car il ne pouvait se tenir debout, le serviteur de Dieu priait et se raillait des efforts du démon. Celui-ci, irrité de la constance d’Antoine, l’attaque avec une violence nouvelle ; en un instant le tombeau est rempli d’une multitude d’animaux féroces, ours, lions, loups, panthères, serpents, scorpions, taureaux, qui tous font un bruit épouvantable. Le corps d’Antoine est couvert de blessures et gémit sous les morsures de ces animaux, mais son âme reste dans le calme et la paix ; il dédaigne ses ennemis et leur dit : « votre nombre, vos efforts et votre bruit montrent votre faiblesse ; impuissants à me vaincre, vous voulez m’effrayer ; » puis il fait le signe de la croix, et aussitôt toute cette bande infernale s’évanouit. Levant alors ses regards vers le ciel il voit une grande clarté ; le tombeau, démoli pendant cette lutte terrible, est en même temps relevé et les douleurs de son corps disparaissent subitement. « Où étiez-vous, bon Jésus, s’écrie amoureusement Antoine, pourquoi ne m’avez-vous point secouru dès le commencement. » « J’étais ici, répond une voix, mais j’ai attendu, afin d’être témoin de ta lutte, et maintenant parce que tu as vaillamment combattu, je t’aiderai toujours et ferai connaître ton nom à la terre entière. »

Il se retire dans le désert

S. Antoine en effet se retire peu après dans le désert, où sa réputation devait attirer des multitudes de peuples. Sur son chemin, il trouve un plat d’argent ; ne s’expliquant pas la rencontre d’un pareil objet dans le désert, il comprend que s’est encore un piège de Satan, et lui dit : « Que ton argent périsse avec toi », aussitôt le plat d’argent disparaît ; à quelques pas de là, il se voit en présence d’un monceau d’or, et sans examiner d’où le précieux métal pouvait provenir, il s’en éloigne rapidement, comme d’une flamme dévorante, traverse le Nil, gravit une montagne au sommet de laquelle est un château en ruine. Il pénètre à l’intérieur et le trouve habité par une foule d’animaux sauvages ; ceux-ci s’enfuient à son arrivée. Le solitaire prend avec lui de l’eau et du pain pour six mois et ferme l’entrée de cette masure. Retranché comme dans une forteresse, il repoussa pendant vingt ans, les assauts du démon, ne sortant jamais et ne voyant aucun être humain, si ce n’est les personnes qui venaient deux fois chaque année renouveler la provision de pain et d’eau et encore ne leur adressait-il aucune parole, lorsqu’elles faisaient descendre sa nourriture par une ouverture pratiquée dans le toit.

Il quitte sa solitude et fonde des monastères

De nombreux visiteurs venaient pour s’entretenir de leur âme avec Antoine, mais celui-ci refusait de communiquer avec eux. Une fois, cependant, il rompit le silence pour rassurer plusieurs personnes que le spectacle de ses luttes avec le démon avait effrayées. La charité, en effet, est le plus grand et le premier de tous les commandements. Le serviteur de Dieu fut enfin obligé de quitter sa solitude. Un grand nombre de personnes gravirent un jour la montagne, pensant trouver Antoine mort, mais en s’approchant, elles l’entendirent chanter les louanges de Dieu. Dans l’ardeur qu’elles avaient de le voir, et sans tenir compte des protestations d’Antoine, elles se mirent à démolir le mur. Le solitaire, voyant que toute résistance était inutile, sortit avec un visage radieux et plein de fraîcheur, malgré son âge, ses mortifications extraordinaires, et ses luttes avec le démon.

A partir de ce moment, saint Antoine dut renoncer à vivre dans la solitude. Des foules énormes accoururent désormais vers lui, et beaucoup demandèrent de l’avoir pour maître dans la vie religieuse et cénobitique. Le saint reconnut la volonté de Dieu, quitta son ermitage, pour aller fonder des monastères, qu’il visitait souvent, fortifiant les âmes par ses exhortations, et leur dévoilant les artifices de Satan, qu’il connaissait si bien. Les armes pour le chasser, disait-il, sont surtout l’oraison, le jeûne, le signe de la croix et le mépris.

On vient de toute part pour le visiter

A plusieurs reprises, saint Antoine tenta de se cacher dans le désert, mais toujours il fut découvert et contraint de renoncer à ses projets. Ce n’étaient pas seulement les chrétiens qui venaient le voir, mais les païens eux-mêmes. Ainsi, deux philosophes, comptant se jouer de sa simplicité, vinrent le trouver, engagèrent une discussion avec lui, et furent tout honteux de se voir confondus par celui qu’ils avaient estimé un ignorant. L’empereur Constantin lui envoya des messagers avec une lettre pour se recommander ainsi que ses enfants à ses prières. Saint Antoine ne s’enorgueillit pas de recevoir une pareil ambassade, et écrivit à l’empereur une lettre pleine de sages conseils pour le gouvernement de l’empire. L’autorité de ce patriarche de la solitude était si grande que saint Athanase le manda à Alexandrie pour combattre les hérétiques, en particulier les Ariens, et confirmer les catholiques dans la foi.

Ses miracles

Dieu d’ailleurs, avait depuis longtemps récompensé sa sainteté, en lui accordant des faveurs merveilleuses et le don des miracles. A partir du moment où le saint quitta sa solitude, sa vie fut une suite de prodiges : il délivra une quantité de démoniaques guérit un nombre incalculable de malades, dont quelques-uns étaient éloignés de lui, fit jaillir des sources miraculeuses, dompta des animaux féroces. Il avait aussi le don de discerner l’état des consciences, et connaissait l’état des âmes dans l’autre vie.

Sa mort

Arrivé à l’âge de 105 ans, il sentit sa fin approcher, rassembla ses religieux, leur donna ses dernières instructions, leur défendant de rendre de grands honneurs à son corps, et de l’ensevelir à la manière des Egyptiens, (ceux-ci gardaient dans leur maison, le visage découvert, le cadavre de leurs défunts). Il légua, par testament, une partie de ses vêtements à saint Athanase, une autre à l’évêque Sérapion, et la troisième aux moines qui l’entouraient, et s’endormit du sommeil des justes, au milieu du concert des anges.

Une partie de ses reliques repose à Saint-Antoine, près de Vienne en France, où sous les Bourguignons, elles ont guéri un grand nombre de personnes attaquées du feu sacré. On l’invoque pour les animaux domestiques, sans doute en considération du pouvoir qu’il exerça sur eux durant sa vie. Dans certains pays le jour de sa fête, on bénit les chevaux et les bêtes de somme, de même que dans d’autres contrées on bénit les chiens, le jour de Saint-Hubert.